BGE 131 IV 191 |
27. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale dans la cause X. contre B., D. et Procureur général du canton du Valais (pourvoi en nullité) |
6S.145/2005 du 17 juillet 2005 |
Regeste |
Art. 270 lit. a BStP, Art. 10c OHG; eidgenössische Nichtigkeitsbeschwerde, rechtliches Interesse an der Anfechtung eines Entscheids. |
Sachverhalt |
A., née le 22 septembre 1964, et X., né le 28 novembre 1972, de nationalité camerounaise, se sont mariés le 16 février 1999. Ils ont eu le 4 mai 1998 une enfant, dénommée B. A. avait déjà d'un précédent mariage trois enfants, C., né le 30 août 1986, D., née le 14 août 1988, et E., née le 22 mars 1991. A la suite de son divorce, elle avait eu la garde sur ses trois enfants, si bien que ceux-ci ont toujours vécu avec leur beau-père. |
A la suite d'une dénonciation de A., le juge d'instruction valaisan a ouvert, le 27 août 2002, une instruction d'office contre X. pour actes d'ordre sexuel sur D. et sur B. Le 16 décembre 2002, il a chargé le Dr M., pédopsychiatre, de se prononcer sur la crédibilité à attribuer aux déclarations des fillettes. Il ressort de l'expertise déposée le 21 janvier 2003 que les déclarations des deux enfants faites à la police sont crédibles, le spécialiste précisant que les fillettes ne présentaient ni l'une ni l'autre des facteurs prédictifs négatifs ou psychopathologiques qui seraient de nature à faire douter de la réalité de leurs dires. |
Le 7 février 2003, X. a requis une contre-expertise. Par décision du 19 février 2003, le juge d'instruction a rejeté cette requête, décision confirmée le 6 août 2003 par la Chambre pénale du Tribunal cantonal valaisan.
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Après le renvoi de la cause devant l'autorité de jugement, X. a déposé, le 8 février 2005, après l'expiration du délai imparti pour requérir l'administration de preuves aux débats, un courrier de G., psychologue et professeur à l'université de Montréal, qui relevait un certain nombre de faiblesses dans le rapport d'expertise du Dr M. Celui-ci aurait notamment omis de considérer toute autre hypothèse que l'abus sexuel perpétré par X. pour expliquer les verbalisations et les comportements des fillettes et aurait ignoré une très abondante littérature scientifique sur la suggestibilité de tout enfant.
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Par décision du 14 mars 2005, le Juge de district de Monthey a décidé de joindre au dossier le courrier de G., bien qu'il ait été déposé tardivement, et a ordonné une nouvelle expertise de crédibilité, au motif que le Dr M. n'expliquait pas dans son rapport la méthodologie utilisée pour l'évaluation de la crédibilité des témoignages des fillettes et qu'il ne semblait pas avoir utilisé les critères scientifiques mentionnés à l' ATF 128 I 81.
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X. se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral contre cette dernière décision. Après avoir requis une contre-expertise, il s'oppose à celle-ci une fois qu'il l'a obtenue, en faisant valoir l'intérêt de l'enfant (art. 10c al. 1 de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l'aide aux victimes d'infractions [LAVI; RS 312.5]). Il conclut à l'annulation de la décision attaquée et sollicite, en outre, l'assistance judiciaire et l'effet suspensif, qui lui a été accordé à titre superprovisionnel le 15 avril 2005.
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Extrait des considérants: |
1.1 Dans l' ATF 129 IV 179, le Tribunal fédéral a déclaré recevable un pourvoi en nullité déposé par l'enfant victime contre une décision qui ordonnait, en cours d'instruction, une expertise de crédibilité en dérogation de l'art. 10c al. 1 LAVI, considérant que cette décision était irrémédiable et que les éventuels effets néfastes sur l'enfant ne pouvaient pas être annulés plus tard rétroactivement. Au demeurant, il était conforme à l'esprit de la loi de garantir les intérêts de l'enfant victime au plan fédéral en ouvrant le pourvoi en nullité, puisque la loi prévoit que l'autorité pénale peut classer une procédure pénale si l'intérêt de l'enfant l'exige impérativement (art. 10d al. 1 LAVI) et que la décision de cette autorité de ne pas classer la procédure peut faire l'objet d'un pourvoi (art. 10d al. 3 LAVI). |
Au vu de cette jurisprudence, la décision attaquée, qui ordonne une expertise de crédibilité, peut donc faire l'objet d'un pourvoi en nullité. Toutefois, en l'occurrence, le pourvoi n'est pas déposé par la victime, mais par l'accusé. Se pose dès lors la question de l'intérêt du recourant à se plaindre de la violation de l'art. 10c LAVI.
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Erwägung 1.2 |
L'intérêt au pourvoi doit être personnel. La violation d'un intérêt relevant d'un autre sujet de droit est insuffisante pour créer la qualité pour agir. Ainsi, l'accusé ne pourra se plaindre par la voie du pourvoi de la manière dont un coaccusé a été traité (ATF 120 IV 17 consid. 2d p. 24; CORBOZ, Le pourvoi en nullité, in Les recours au Tribunal fédéral, Publications FSA, vol. 15, p. 67; SCHWERI, Eidgenössische Nichtigkeitsbeschwerde in Strafsachen, Berne 1993, n. 226 p. 80; STRÄULI, Pourvoi en nullité et recours de droit public au Tribunal fédéral, thèse Genève 1995, p. 101 s. n. 248 s.). De même, un condamné ne pourra requérir un second procès au motif que le juge aurait violé l'art. 10 LAVI en rejetant la requête de la victime tendant à ce que le tribunal comprenne au moins une personne du même sexe qu'elle (STRÄULI, op. cit., p. 102 n. 249).
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1.2.2 Le 23 mars 2001, les Chambres fédérales ont introduit dans la LAVI des dispositions particulières pour protéger la personnalité des enfants victimes dans la procédure pénale (section 3a; art. 10a-10d LAVI). Parmi ces dispositions figure l'art. 10c LAVI, selon lequel l'enfant ne doit en principe pas être soumis à plus de deux auditions sur l'ensemble de la procédure (al. 1). L'alinéa 3 précise qu'une seconde audition est organisée si, lors de la première, les parties n'ont pas pu exercer leurs droits, ou si cela est indispensable au bon déroulement de l'enquête ou à la sauvegarde de l'intérêt de l'enfant. Dans son rapport, la Commission des affaires juridiques du Conseil national explique que cette disposition se justifie, car un interrogatoire sur les circonstances de l'acte peut entraîner chez l'enfant victime un effet traumatisant et que cette seconde atteinte psychique, appelée "victimisation secondaire", est à peine moindre que celle qui est subie du fait de l'infraction (FF 2000 p. 3510 ss, spéc. p. 3525; ATF 129 IV 179 consid. 2.3 p. 183). |
Il résulte tant de la systématique de la loi que des travaux préparatoires que ce nouvel art. 10c al. 1 LAVI a été introduit dans l'intérêt de l'enfant victime et non de l'accusé. En ordonnant une expertise de crédibilité, alors que les fillettes ont déjà été entendues à deux reprises dans la procédure pénale, la décision attaquée déroge au principe des deux auditions posé à l'art. 10c al. 1 LAVI, ce qui pourrait avoir un effet traumatisant pour les jeunes victimes. Elles seules auraient donc pu recourir contre cette décision pour sauvegarder leurs intérêts. En revanche, le recourant, qui n'est pas touché directement par cette décision, ne saurait se prévaloir que le tribunal a violé l'art. 10c al. 1 LAVI pour obtenir une amélioration de sa propre situation. Le recourant n'a donc pas d'intérêt juridique pour contester l'application de l'art. 10c al. 1 LAVI, de sorte que son grief est irrecevable.
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