134 IV 237
Urteilskopf
134 IV 237
24. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause A. contre Ministère public de la Confédération (recours en matière pénale)
1B_95/2008 du 14 mai 2008
Regeste
Zwischenentscheide, mit denen Zwangsmassnahmen durch den Präsidenten der Strafkammer des Bundesstrafgerichtes verfügt werden, können unter den Voraussetzungen von Art. 92 ff. BGG grundsätzlich mit Beschwerde in Strafsachen angefochten werden (E. 1.3).
A. a été arrêté en Macédoine le 2 août 2003 dans le cadre d'une enquête de police judiciaire ouverte le 28 octobre 2002 par le Ministère public de la Confédération pour infractions graves à la loi sur les stupéfiants, participation à une organisation criminelle et blanchiment d'argent. Il a été extradé à la Suisse le 29 octobre 2003 et se trouve depuis lors en détention préventive.
BGE 134 IV 237 S. 238
Le Juge d'instruction fédéral a clos l'instruction préparatoire le 15 août 2007. Le Ministère public de la Confédération a dressé l'acte d'accusation le 6 décembre 2007. Le Président de la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral a informé les parties en date du 5 mars 2008 que les débats auraient lieu entre le 18 et le 28 août 2008.
Le 6 mars 2008, A. a requis sa mise en liberté immédiate en invoquant une violation du principe de célérité. Le Président de la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral a rejeté la requête par décision du 27 mars 2008.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en matière pénale formé par A. contre cette décision.
Extrait des considérants:
1. L'objet du recours porte sur une décision du Président de la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral qui rejette une demande de mise en liberté provisoire formée par un inculpé détenu à titre préventif dans le cadre d'une cause pénale qui relève de la juridiction fédérale. La première question à résoudre est celle de savoir si cette décision peut faire l'objet d'un recours en matière pénale au sens des art. 78 et ss de la loi sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110).
1.1 Dans un arrêt du 31 janvier 2008 rendu en la cause 1B_23/2008, le Tribunal fédéral a jugé que le recours en matière pénale n'était pas ouvert contre une décision incidente du Président de la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral. L'art. 80 al. 1 LTF, à teneur duquel le recours est recevable contre les décisions prises par le Tribunal pénal fédéral, vise essentiellement les jugements rendus par la Cour des affaires pénales de ce tribunal, qui mettent fin à l'action pénale. Les décisions incidentes relèvent en règle générale de la compétence de la Cour des plaintes (art. 28 ss de la loi fédérale du 4 octobre 2002 sur le Tribunal pénal fédéral [LTPF; RS 173.71]). Elles ne peuvent faire l'objet d'un recours en matière pénale en vertu de l'art. 79 LTF, sauf si elles portent sur des mesures de contrainte prises par la cour elle-même. Les décisions préjudicielles ou incidentes rendues par le Président de la Cour des affaires pénales ne sont en revanche pas attaquables, quand bien même elles auraient pour objet une mesure de contrainte, dans la mesure où elles n'émanent pas de la Cour des plaintes en tant que telle (cf. ATF 133 IV 182 consid. 4.4 p. 186 et les références à la pratique antérieure fondée sur l'art. 33 al. 3 LTPF).
BGE 134 IV 237 S. 239
1.2 L'interprétation ainsi faite de la loi sur le Tribunal fédéral aboutit au résultat que les décisions du Président de la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral ne peuvent faire l'objet d'aucun contrôle par une instance judiciaire de recours alors même qu'elles portent, à l'instar de celles qui refusent comme en l'espèce une demande de mise en liberté provisoire, une atteinte grave à la liberté personnelle de la personne qui en est l'objet (ATF 133 I 234 consid. 3 p. 248, ATF 133 I 270 consid. 3.5.1 p. 283). Un tel résultat n'est en soi pas satisfaisant.
Les décisions de dernière instance cantonale en matière de détention préventive peuvent en effet être déférées au Tribunal fédéral par la voie du recours en matière pénale, sans égard au stade de la procédure auquel elles ont été prises (cf. ATF 133 I 270 consid. 1.1 p. 272). Le besoin de protection judiciaire n'est pas différent s'agissant des décisions prises en matière de détention préventive dans la procédure pénale fédérale. Cette protection est garantie aussi longtemps que la procédure se trouve au stade de l'enquête de police judiciaire ou de l'instruction préparatoire. Les décisions du Juge d'instruction fédéral et du Ministère public de la Confédération écartant les demandes de mise en liberté provisoire peuvent alors faire l'objet d'une plainte auprès de la Ire Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral en vertu de l'art. 52 al. 2 PPF. L'arrêt rendu par cette juridiction est quant à lui susceptible d'être déféré auprès du Tribunal fédéral par un recours en matière pénale conformément à l'art. 79 LTF (cf. ATF 131 I 52 consid. 1.2.2 p. 54; arrêt 1B_182/2007 du 20 septembre 2007, consid. 1.2).
Tel n'est pas le cas en revanche une fois la cause renvoyée en jugement. Après la mise en accusation, la compétence pour statuer sur les demandes de mise en liberté incombe à la Cour des affaires pénales, respectivement à son Président selon l'art. 45 ch. 3 PPF applicable par renvoi de l'art. 30 LTPF. La voie de la plainte auprès de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral n'est pas ouverte en application de l'art. 28 al. 1 let. b LTPF contre les décisions prises par ces autorités dans la mesure où l'art. 52 al. 2 PPF ne la prévoit pas, sans que l'on puisse voir dans cette omission une quelconque lacune. Si le recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral était aussi exclu, aucun contrôle par une instance judiciaire de recours ne serait garanti.
Un tel résultat n'est pas compatible avec le standard de protection juridique que l'on est en droit d'attendre de la part d'un Etat de droit. Il
BGE 134 IV 237 S. 240
contrevient d'ailleurs à la volonté clairement exprimée du législateur d'ouvrir la voie du recours en matière pénale à l'encontre des mesures de contrainte (cf. art. 79 LTF; Message du Conseil fédéral du 28 février 2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 p. 4114; ATF 133 IV 278 consid. 1.2.2 p. 281). Cela étant, la solution retenue dans l'arrêt 1B_23/2008 précité doit être soumise à un nouvel examen.
1.3 La décision relative à une demande de mise en liberté provisoire est prise dans le cadre d'une procédure pénale et concerne une cause pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF. Il s'agit d'une décision incidente portant sur une mesure de contrainte qui expose l'inculpé maintenu en détention à un préjudice irréparable selon l'art. 93 al. 1 let. a LTF.
Selon l'art. 78 LTF, toutes les décisions rendues en matière pénale peuvent en principe faire l'objet du recours unifié en matière pénale. Seules font exception en vertu de l'art. 79 LTF les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral pour autant qu'elles ne portent pas sur des mesures de contrainte. La décision attaquée émane du Président de la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral. Il ne s'agit pas d'une décision de la Cour des plaintes et elle ne tombe dès lors pas sous le régime d'exception de l'art. 79 LTF. Ainsi la règle de principe de l'art. 78 LTF trouve à s'appliquer et le recours en matière pénale est en principe recevable. Le Président de la Cour des affaires pénales, lorsqu'il statue sur une demande de mise en liberté provisoire en application de l'art. 45 ch. 3 PPF, agit en tant qu'organe du Tribunal pénal fédéral et compte parmi les autorités précédentes en matière pénale mentionnées à l'art. 80 al. 1 LTF.
Cela étant, les décisions préjudicielles ou incidentes prises par le Président de la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral doivent pouvoir faire l'objet d'un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral aux conditions générales fixées aux art. 92 ss LTF. Ce résultat est conforme aussi bien au texte légal qu'à la volonté du législateur. Il y a ainsi lieu de s'écarter de la pratique introduite dans l'arrêt 1B_23/2008 du 31 janvier 2008.