139 IV 1
Urteilskopf
139 IV 1
1. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause X. contre Ministère public de la République et canton du Jura, Société d'Edition de Canal Plus, Canal+ Distribution SAS et Nagravision SA (recours en matière pénale)
6B_584/2011 du 11 octobre 2012
Regeste a
Art. 150bis StGB; Herstellen und Inverkehrbringen von Materialien zur unbefugten Entschlüsselung codierter Angebote.
Der Betrieb eines Kartenfreigabesystems (cardsharing), das seinen Benutzern ermöglicht, Fernsehprogramme zu entschlüsseln, ohne mit dem Sendeunternehmen ein Abonnement abgeschlossen zu haben, fällt für sich gesehen nicht unter den Tatbestand von Art. 150bis StGB (E. 2).
Regeste b
Art. 67 Abs. 1 lit. h und Art. 69 Abs. 1 lit. g URG ; Recht, ein Werk oder eine Sendung weiterzusenden.
Wer ein Kartenfreigabesystem betreibt, sendet die ausgestrahlten Sendungen nicht weiter im Sinne von Art. 67 Abs. 1 lit. h und Art. 69 Abs. 1 lit. g URG (E. 4).
A. Statuant sur les appels déposés contre un jugement rendu le 10 décembre 2010 par le juge pénal du Tribunal de première instance de Porrentruy par X., d'une part, et par Société d'Edition de Canal Plus, Canal+ Distribution SAS et Nagravision SA, d'autre part, la Cour pénale du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura a réformé la décision attaquée par jugement du 14 juin 2011 en libérant X. de l'infraction d'obtention frauduleuse d'une prestation (art. 150 CP) et d'infraction à la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD; RS 241) et en le déclarant coupable de fabrication et mise sur le marché d'équipements servant à décoder frauduleusement des services cryptés (art. 150bis CP). Elle l'a en outre reconnu coupable d'infraction par métier aux art. 67 al. 1 let. h et 69 al. 1 let. g de la loi fédérale du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur et les droits voisins (loi sur le droit d'auteur, LDA; RS 231.1) en considérant qu'il avait retransmis les programmes de Canal+ et de Canal Satellite (Canal Sat). La Cour pénale a condamné X. à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à 70 francs, avec sursis pendant trois ans, ainsi qu'à une amende de 3'000 francs et au paiement aux parties plaignantes et civiles d'une indemnité à titre de remise de gain de 98'435 francs 80 avec intérêts à 5 % dès le 10 décembre 2010.
B.a Société d'Edition de Canal Plus (anciennement Canal+ SA) et Canal+ Distribtion SAS proposent des abonnements à Canal+ en Suisse depuis 1996 et à Canal Sat depuis le 1er octobre 2008. Les chaînes concernées sont cryptées et payantes. Pour les réceptionner, l'abonné doit disposer d'un décodeur. Lorsque celui-ci reçoit les données, il envoie un signal à la carte numérique fournie au client, qui l'identifie techniquement et qui, si elle contient les droits, va donner accès
BGE 139 IV 1 S. 3
aux chaînes qui pourront être visionnées sur le téléviseur. Les données envoyées par satellite au décodeur sont cryptées par un système développé et commercialisé par Nagravision SA.
B.b Depuis le mois de février 2005, X. a exploité sous la raison individuelle A. un commerce dont le but était la vente de matériel satellite. D'abord installé à son domicile, il a ouvert un magasin le 4 août 2007. Il a mis en place un système de partage de carte ("card sharing") qui permettait à ses clients de visionner les chaînes de Canal+ et Canal Sat contre une rémunération dont le coût était inférieur à celui d'un abonnement obtenu directement auprès de Société d'Edition de Canal Plus ou de Canal+ Distribution SAS. Pour ce faire, il vendait à ses clients un appareil de type Dreambox 500 S qui faisait office de récepteur. Il programmait celui-ci en ajoutant dans le système un logiciel téléchargé sur internet. Cette modification permettait à l'appareil de se connecter automatiquement à un serveur installé chez lui, qui décryptait les données grâce à la dizaine d'abonnements qu'il avait contractés auprès d'un distributeur français. Les chaînes de Canal+ et de Canal Sat pouvaient alors être regardées par ses clients bien qu'ils ne disposassent pas d'un abonnement officiel.
B.c La vente des appareils Dreambox représentait 70 % du chiffre d'affaires de X. Selon lui, seuls 70 à 80 % d'entre eux étaient modifiés. Il facturait un appareil 580 francs ou 380 francs selon qu'il était équipé ou pas du système de partage de carte. L'abonnement lui-même était à 200 francs la première année, puis 160 francs les années suivantes. Certains clients ont acheté à X. des accès à son serveur uniquement, qu'ils ont ensuite revendus à plusieurs personnes qui modifiaient elles-mêmes leur appareil afin de se connecter au serveur du précité. X. a vendu des appareils et des abonnements jusqu'en octobre 2007. Il a encore perçu par la suite plusieurs montants de 160 francs, correspondant au prix de la prolongation d'abonnement, voire de 180 francs à titre de "service Dreambox". Il a coupé le serveur auquel ses clients se connectaient à la fin du mois de janvier 2008. Environ 450 clients ont bénéficié de son système.
C. X. interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 14 juin 2011. Il conclut à son acquittement des chefs d'accusation de violation des art. 150bis CP ainsi que des dispositions pénales de la loi sur le droit d'auteur.
Invitées à se déterminer sur le recours, Société d'Edition de Canal Plus, Canal+ Distribution SAS et Nagravision SA ont conclu au
BGE 139 IV 1 S. 4
rejet de celui-ci dans la mesure de sa recevabilité, sous suite de frais et dépens. La Cour pénale du Tribunal cantonal a conclu au rejet du recours et à la confirmation de son arrêt. Le Ministère public n'a pas déposé d'observations dans le délai imparti.Après communication de ces réponses à X., celui-ci a persisté dans ses conclusions aux termes de ses déterminations du 1er mars 2012. Au vu de ces dernières, Société d'Edition de Canal Plus, Canal+ Distribution SAS et Nagravision SA ont également persisté aux termes de leur "duplique" du 20 mars 2012.
Extrait des considérants:
2. Le recourant invoque une violation des art. 98, 109 et 150bis CP . Il soutient que la cour cantonale a enfreint le droit fédéral en retenant que l'infraction de fabrication et mise sur le marché d'équipements servant à décoder frauduleusement des services cryptés n'était pas prescrite.
2.1 L'art. 150bis CP réprime, sur plainte, le comportement de celui qui aura fabriqué, importé, exporté, transporté, mis sur le marché ou installé des appareils dont les composants ou les programmes de traitement des données servent à décoder frauduleusement des programmes de télévision ou des services de télécommunication cryptés ou sont utilisés à cet effet.
2.1.1 Cette disposition vise des actes préparatoires érigés en infraction distincte, alors que le comportement de celui qui utilise le dispositif pour obtenir le service crypté sans payer la somme due tombe sous le coup de l'art. 150 CP (BERNARD CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3e éd. 2010, n° 3 ad art. 150bis CP; JÖRG REHBERG, Änderungen im Strafgesetzbuch durch das Fernmeldegesetz, PJA 1998 p. 562). L'infraction a pour objet un dispositif, soit un appareil, quel qu'il soit, qui permet le décryptage de programmes de télévision sans payer la somme due (CORBOZ, op. cit., n° 2 ad art. 150bis CP).
2.1.2 Le recourant a commis les actes qui lui sont reprochés entre les mois de septembre 2005 et janvier 2008 selon la cour cantonale, soit avant et après l'entrée en vigueur de la nouvelle partie générale du code pénal le 1er janvier 2007. Les règles en matière de prescription n'ont cependant pas été modifiées de sorte qu'il n'est pas nécessaire d'examiner quelle est la loi la plus favorable au recourant (lex
BGE 139 IV 1 S. 5
mitior, art. 2 al. 2 CP). Selon l'art. 98 CP (ancien art. 71 CP, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2006), la prescription court dès le jour où l'auteur a exercé son activité coupable (let. a), dès le jour du dernier acte si cette activité s'est exercée à plusieurs reprises (let. b) ou dès le jour où les agissements coupables ont cessé s'ils ont eu une certaine durée (let. c). La prescription ne court plus si, avant son échéance, un jugement de première instance a été rendu (art. 97 al. 3 CP; ancien art. 70 al. 3 CP).L'infraction à l'art. 150bis CP est punie d'une amende. Il s'agit donc d'une contravention (art. 103 CP; ancien art. 101 CP) pour laquelle l'action pénale se prescrit par trois ans (art. 109 CP; ancien art. 109 CP).
2.2 La cour cantonale a considéré que l'infraction à l'art. 150bis CP, à l'instar d'une atteinte à l'honneur sur internet, était un délit continu et que l'art. 98 let. c CP était applicable à la question de la prescription. Le recourant avait cessé de vendre des abonnements en octobre 2007, mais il avait encore reçu par la suite plusieurs paiements à titre de renouvellement d'abonnements et il n'avait coupé son serveur qu'en janvier 2008. Pour fonctionner, le dispositif mis en place par le recourant nécessitait un décodeur, un abonnement ainsi qu'un accès au serveur. Il fallait considérer que le procédé formait un tout. La prescription n'avait donc commencé à courir qu'en janvier 2008 et l'infraction à l'art. 150bis CP n'était pas prescrite au moment où le jugement de première instance avait été rendu, soit le 10 décembre 2010.
2.3 Les appareils Dreambox vendus par le recourant permettaient à ses clients, compte tenu des modifications apportées, de décoder sans droit des programmes cryptés. Un tel équipement tombe ainsi sous le coup de l'art. 150bis CP. Cette disposition vise six comportements punissables déterminés (fabrication, importation, exportation, transport, mise sur le marché et installation). L'art. 150bis CP ne sanctionne en revanche pas la fourniture d'un service permettant la réception des programmes décodés au moyen de l'appareil visé par cette disposition. La mise à disposition d'un serveur internet auquel les appareils Dreambox pouvaient se connecter pour décrypter des programmes constitue un acte distinct et indépendant, qui n'est visé par aucune des hypothèses prévues par l'art. 150bis CP. Certains clients n'ont d'ailleurs acheté que l'accès audit serveur, mais pas l'appareil lui-même pour profiter du système de partage de carte du recourant.
BGE 139 IV 1 S. 6
Ainsi, contrairement à ce que la cour cantonale a retenu et à ce que les intimées soutiennent, la mise à disposition des clients d'un serveur internet, respectivement sa mise hors service en janvier 2008, ou le paiement des renouvellements des abonnements pour pouvoir continuer à s'y connecter ne sont pas des éléments pertinents pour déterminer quand le délai de prescription de l'action pénale a débuté à courir en relation avec l'infraction à l'art. 150bis CP.Le recourant a mis sur le marché, soit vendu, des appareils jusqu'en octobre 2007. Les sommes encaissées après cette date étaient d'un montant de 160 francs, correspondant au prix d'une prolongation d'abonnement, sous réserve de quelques versements de 180 francs à titre de "service Dreambox". Ces sommes ne correspondent pas au prix de vente d'un appareil modifié, destiné à décoder frauduleusement les programmes diffusés par les intimées, qui s'élevait à lui seul à 380 francs. Il n'est par ailleurs pas constaté par l'autorité cantonale que le recourant aurait fabriqué, importé, exporté, transporté ou installé chez ses clients des appareils Dreambox après le mois d'octobre 2007.
Le délai de prescription de l'action pénale a donc commencé à courir au plus tard en novembre 2007. D'une durée de trois ans, il est venu à échéance en novembre 2010, soit avant que le jugement de première instance soit rendu le 10 décembre 2010. L'infraction à l'art. 150bis CP était donc prescrite à cette date, indépendamment de la question de savoir s'il y a unité juridique ou naturelle entre les différentes ventes auxquelles le recourant a procédé, question qu'il n'y a dès lors pas besoin d'examiner ici. La cour cantonale a violé le droit fédéral en retenant le contraire. Le recours doit être admis à cet égard.
(...)
4. Le recourant invoque une violation des art. 10 al. 2 let. e, 67 al. 1 let. h et 69 al. 1 LDA ainsi que 69a LDA.
4.1.1 L'art. 67 al. 1 let. h LDA réprime, à titre de violation du droit d'auteur, le comportement de celui qui, intentionnellement et sans droit, diffuse une oeuvre par la radio, la télévision ou des moyens analogues, soit par voie hertzienne, soit par câble ou autres conducteurs ou la retransmet par des moyens techniques dont l'exploitation ne relève pas de l'organisme diffuseur d'origine.
BGE 139 IV 1 S. 7
L'art. 67 al. 1 let. h LDA réprime pénalement la violation du droit accordé à l'auteur par les art. 10 al. 2 let. d et let. e LDA (cf. BARRELET/EGLOFF, Le nouveau droit d'auteur, 3e éd. 2008, n° 4 ad art. 67 LDA; REHBINDER/VIGANÒ, Urheberrechtsgesetz, Kommentar, 3e éd. 2008, n° 15 ad art. 67 LDA). Selon ces dispositions, parmi les différents droits exclusifs d'utilisation d'une oeuvre, figurent ceux, pour l'auteur, de diffuser celle-ci (let. d) ou de la retransmettre par des moyens techniques dont l'exploitation ne relève pas de l'organisme diffuseur d'origine (let. e).
La diffusion est une première transmission, soit une transmission primaire, par rapport à la retransmission (REHBINDER/VIGANÒ, op. cit., n° 20 ad art. 10 LDA; FRANÇOIS DESSEMONTET, Le droit d'auteur, 1999, n. 235 p. 184). Ce droit vise la transmission simultanée de l'oeuvre par des moyens techniques de télécommunication à un nombre indéterminé de personnes. Les signaux émis par le satellite constituent une diffusion lorsque les émissions ont été conçues pour le public, qu'elles lui sont destinées et qu'elles sont accessibles au public au moyen d'une installation pouvant être acquise sur le marché sans frais excessifs (ATF 119 II 51 consid. 2c. p. 60; BARRELET/EGLOFF, op. cit., n° 29 ad art. 10 LDA). La diffusion d'émissions codées, dans le cadre de la télévision par abonnement ("pay per channel") ou de la télévision sur demande ("pay per view"), tombe sous le coup de l'art. 10 let. d LDA lorsqu'un nombre important de personnes disposent d'un décodeur leur permettant d'assister simultanément aux émissions (BARRELET/EGLOFF, op. cit., n° 26 ad art. 10 LDA; REHBINDER/VIGANÒ, op. cit., n° 21 ad art. 10 LDA).
Il y a retransmission lorsqu'un programme diffusé est répercuté simultanément par un tiers autre que l'organisme responsable de la diffusion originale (BARRELET/EGLOFF, op. cit., n° 33 ad art. 10 LDA). Il n'est pas nécessaire que cette personne soit un radiodiffuseur ou une entreprise de télécommunication. Il peut s'agir d'une personne physique. La retransmission peut notamment intervenir au moyen d'internet (BARRELET/EGLOFF, op. cit., n° 33 ad art. 10 LDA; REHBINDER/VIGANÒ, op. cit., n° 21 ad art. 10 LDA). L'hôtelier qui capte des programmes et les diffuse dans les chambres de ses clients procède à une retransmission (ATF 119 II 62 consid. 2c; FRANÇOIS DESSEMONTET, Inhalt des Urheberrechts, in Urheberrecht und verwandte Schutzrechte, SIWR vol. II/1, 2e éd. 2006, p. 207).
4.1.2 A la différence de l'art. 67 LDA, l'art. 69 LDA n'assure pas la protection du droit d'auteur, mais des droits voisins, soit ceux des
BGE 139 IV 1 S. 8
artistes interprètes, des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes ainsi que des organismes de diffusion (cf. art. 1 al. 1 let. b LDA; art. 33 ss LDA). L'art. 37 LDA, qui définit les droits des organismes de diffusion, protège le travail de production de la création d'un signal de diffusion d'une émission destinée à être reçue par le public, ce qui inclut la télévision par abonnement (BARRELET/EGLOFF, op. cit., n° 4 ad art. 37 LDA; REHBINDER/VIGANÒ, op. cit., n° 3 ad art. 37 LDA). La nature de ce qui est diffusé importe peu. Il n'est notamment pas nécessaire que le contenu soit protégeable par le droit d'auteur (ROLF AUF DER MAUER, in Urheberrechtsgesetz [URG], Müller/Oertli [éd.], 2006,n° 5 ad art. 37 LDA) .
L'art. 69 al. 1 let. g LDA réprime le comportement de celui qui, intentionnellement et sans droit, retransmet une émission.
Cette disposition sanctionne une infraction au droit exclusif de l'organisme de diffusion de retransmettre son émission, consacré par l'art. 37 let. a LDA (BARRELET/EGLOFF, op. cit., n° 3 ad art. 69 LDA). La notion de retransmission ne diffère pas de celle de l'art. 10 al. 2 let. e LDA (cf. BARRELET/EGLOFF, op. cit., n° 5 ad art. 37 LDA; supra consid. 4.1.1). La retransmission au sens de cette disposition consiste ainsi en la transmission d'une émission au moyen d'installations techniques par un autre que l'organisme de diffusion d'origine (AUF DER MAUER, op. cit., n° 10 ad art. 37 LDA). La retransmission est "technologiquement neutre" en ce sens qu'elle comprend toutes les techniques et méthodes de retransmission (REHBINDER/VIGANÒ, op. cit., n° 7 ad art. 37 LDA).
4.1.3 Amené à se prononcer sur le cas d'un prévenu qui avait vendu des appareils permettant de décoder des programmes de télévision par abonnement, le Tribunal fédéral a retenu que le vendeur qui connaissait l'usage auquel était destiné l'appareil qu'il vendait se rendait coupable de complicité de tentative d'infraction à l'art. 151 CP (ATF 114 IV 112, lequel est antérieur à l'adoption de l'art. 150bis CP). Une éventuelle infraction à la loi sur le droit d'auteur n'a en revanche été ni envisagée ni retenue.
4.2 La cour cantonale a considéré que l'intéressé agissait comme un retransmetteur au sens de l'art. 10 al. 2 let. e LDA puisque la réception des programmes cryptés par les clients du recourant nécessitait une installation particulière mise en oeuvre par ce dernier, à savoir un serveur internet.
BGE 139 IV 1 S. 9
4.3 Le recourant ne conteste pas que Société d'Edition de Canal Plus et Canal+ Distribution SAS doivent être qualifiées d'organismes de diffusion au sens de l'art. 37 LDA et que leur travail bénéficie de la protection des droits voisins. Il ne conteste pas davantage que les programmes diffusés par les précitées, à tout le moins certains d'entre eux, constituent des oeuvres au sens de l'art. 2 LDA et que Société d'Edition de Canal Plus et Canal+ Distribution SAS sont titulaires des droits qui y sont attachés. La cour cantonale l'a implicitement retenu en considérant que leurs droits exclusifs protégés par les art. 10 et 67 LDA avaient été violés, alors même qu'en principe seule la personne physique qui a créé l'oeuvre peut être auteur (cf. art. 6 LDA), sous réserve d'un transfert ultérieur des droits (cf. art. 16 LDA; FRANÇOIS DESSEMONTET, Le droit d'auteur, n. 308 p. 233). Le recourant invoque en revanche que le procédé de partage de carte ne génère pas une diffusion d'image ou de donnée. La cour cantonale n'a pas retenu qu'il procédait à un acte de diffusion, mais de retransmission. Or, il s'agit de deux notions distinctes (cf supra consid. 4.1.1). Il convient ainsi d'examiner si le recourant a retransmis des oeuvres protégées à ses clients en violation des droits des intimées.
Les images étaient réceptionnées directement par les clients du recourant, grâce à l'appareil de type Dreambox installé chez eux, ainsi que cela ressort de l'avis de droit produit par les intimées elles-mêmes. Cet appareil communiquait ensuite avec le serveur internet mis en place par le recourant pour décrypter les données. Le recourant ne transmettait pas à ses clients, par câble, par internet ou par d'autres conducteurs, le signal diffusé par les intimées qu'il aurait préalablement capté. Le recourant n'a ainsi pas répercuté les émissions diffusées par les intimées auprès de tiers. Le procédé utilisé permettait uniquement un partage de code. Il consistait à déchiffrer les mots de contrôle au moyen de l'abonnement régulièrement acquis par le recourant, mais pas à réceptionner le signal satellite diffusé par les intimées, à le décoder puis à l'envoyer chez ses clients. Le système du recourant permettait de contourner des mesures techniques destinées à limiter l'accès aux programmes des intimées à leurs seuls abonnés, mais pas à communiquer à ses clients les images diffusées par les intimées. Le recourant n'a ainsi pas procédé à une retransmission des émissions produites ou diffusées par les intimées au sens des art. 67 al. 1 let. h et 69 al. 1 let. g LDA, contrairement à ce que la cour cantonale a retenu. Les intimées ne soutiennent d'ailleurs pas aux termes de leur réponse au recours que les films ou émissions qui
BGE 139 IV 1 S. 10
étaient diffusés étaient retransmis par le recourant, mais uniquement des messages de contrôle des droits (Entitlement Control Message, ECM) contenus dans le flux diffusé. Elles définissent ceux-ci comme des paquets de données cryptés diffusés sur le support de transmission, contenant les mots de contrôle. L'état de fait cantonal, qui lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), ne contient toutefois aucune constatation relative à de tels messages de contrôle et les intimées ne sont pas recevables à alléguer des faits nouveaux qui ne résultent pas de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). Au surplus, il a été reproché au recourant, à titre de violation de la loi sur le droit d'auteur, d'avoir retransmis les émissions diffusées par les intimées et la cour cantonale a examiné cette seule question. L'argumentation des intimées selon laquelle le recourant aurait violé la loi précitée en retransmettant des ECM outrepasse l'objet du litige tel qu'il est circonscrit par la décision attaquée. Elle est donc irrecevable, faute d'épuisement des voies de droit cantonales (cf. art. 80 al. 1 LTF; voir également ATF 135 I 91 consid. 2.1 p. 93).
4.4 Les intimées font par ailleurs valoir que le recourant a fait voir ou entendre au sens de l'art. 10 al. 2 let. f LDA les films ou émissions diffusés. Une violation du droit accordé à l'auteur par cette disposition est sanctionnée pénalement par l'art. 67 al. 1 let. i LDA (cf. BARRELET/EGLOFF, op. cit., n° 4 ad art. 67 LDA). En considérant que le recourant avait retransmis sans droit les programmes diffusés par les intimées, la cour cantonale s'est fondée sur l'art. 67 al. 1 let. h et 69 al. 1 let. g LDA pour le condamner. Les intimées soutiennent ainsi qu'une infraction supplémentaire doit être retenue à la charge du recourant. Elles ne réclament donc pas uniquement un rejet du recours par une substitution des motifs, à laquelle le Tribunal fédéral pourrait procéder (cf. ATF 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254; ATF 130 III 136 consid. 1.4 in fine p. 140, ATF 130 III 297 consid. 3.1 p. 298 s.). Dans la mesure où les intimées n'ont pris aucune conclusion tendant à la condamnation du recourant pour infraction à l'art. 67 al. 1 let. i LDA - elles ne pouvaient d'ailleurs pas demander, après l'échéance du délai de recours, que la décision soit modifiée à leur avantage (cf. CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2009, n° 33 ad art. 102 LTF) - et où le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF), leur argumentation est irrecevable.
4.5 Le recourant indique que la cour cantonale aurait violé l'art. 69a LDA. Cette disposition réprime pénalement le comportement de celui qui propose au public un dispositif qui est principalement conçu,
BGE 139 IV 1 S. 11
fabriqué, adapté ou réalisé dans le but de permettre ou de faciliter le contournement de mesures techniques efficaces (art. 69a al. 1 let. b ch. 3 LDA). Selon l'art. 39a al. 2 LDA, le cryptage constitue, notamment, une telle mesure, ce qui comprend le codage permettant le contrôle d'accès en matière de télévision par abonnement (cf. DOMINIK P. RUBLI, Das Verbot der Umgehung technischer Massnahmen zum Schutz digitaler Datenangebote, 2009, n. 16 p. 12). Le recourant n'a toutefois pas été reconnu coupable d'une infraction à cette disposition, entrée en vigueur le 1er juillet 2008 (RO 2008 2497, 2502), soit après les faits qui lui sont reprochés. Le grief est sans objet.Il peut néanmoins être relevé que l'adoption de dispositions spécifiques dans la loi sur le droit d'auteur n'aurait pas été nécessaire si le comportement visant à contourner une mesure de cryptage mise en place par celui qui diffuse des émissions de télévision par abonnement était déjà réprimé, ce qui tend à confirmer qu'avant l'entrée en vigueur des art. 39a et 69a LDA , un tel comportement ne constituait pas une violation des dispositions de la loi sur le droit d'auteur.