105 V 205
Urteilskopf
105 V 205
46. Extrait de l'arrêt du 10 septembre 1979 dans la cause Schaller contre Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents et Tribunal des assurances du canton de Berne
Regeste
Bestimmung des Invaliditätsgrades eines Teilinvaliden, der einen versicherten Unfall erleidet.
Résumé des faits:
Lors de l'accident du 8 février 1975, qui engageait la responsabilité de la Caisse nationale, Willy Schaller, rentier de l'assurance-invalidité, travaillait à la demi-journée depuis plus d'un an. Il a repris son activité à la demi-journée à 50% le 3 novembre 1975 et à 100% le 19 décembre 1975, mais avec un rendement diminué par les séquelles qu'il présentait. Il a été congédié par son employeur pour le 31 juillet 1976 et n'a pas retrouvé de travail depuis lors.
Par décision du 28 décembre 1976, la Caisse nationale a alloué à Willy Schaller une rente d'invalidité dès le 19 décembre 1975, sur la base des éléments de calcul suivants: taux d'invalidité de 20%; gain annuel de 14'518 fr. (réalisé du 8 février 1974 au 7 février 1975 dans l'entreprise assujettie qui utilisait ses services lors de la survenance de l'accident) pris en compte à 70%.
L'assuré, qui avait recouru en concluant à l'octroi d'une rente arrêtée à partir d'un taux d'invalidité plus élevé que celui retenu par la Caisse nationale et avait été débouté par le Tribunal des assurances du canton de Berne, interjette recours de droit administratif, en concluant à l'allocation d'une rente d'un montant supérieur. A l'appui, il fait valoir que le taux d'invalidité déterminant pour le calcul de la rente doit correspondre à la proportion dans laquelle l'accident assuré réduit la capacité de gain résiduelle dont l'utilisation, dans l'année ayant précédé l'événement dommageable, a permis d'arrêter le gain annuel à prendre en considération.
Extrait des considérants:
1. L'un des éléments de calcul de toute rente servie par la Caisse nationale est le gain annuel déterminant. Le recourant ne s'en prend à juste titre pas au revenu que l'assurance a retenu en l'espèce, à savoir celui qu'il a effectivement réalisé dans l'entreprise assujettie durant l'année précédant l'accident (art. 78 al. 1 LAMA). C'est à bon droit qu'il n'a pas été fait application en l'occurrence de l'art. 79 al. 1 LAMA, s'agissant
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d'une réduction de salaire imputable non à une maladie temporaire mais à une invalidité (voir ATF 101 V 152).
2. Aux termes de l'art. 91 LAMA, les prestations en argent de la Caisse nationale subissent une réduction proportionnelle si la maladie, l'invalidité ou la mort ne sont qu'en partie l'effet d'un accident assuré.
L'application de cette disposition présuppose que l'accident assuré et des facteurs étrangers ont causé ensemble le dommage, soit la maladie, l'invalidité ou la mort. Il n'y a pas lieu de procéder selon l'art. 91 LAMA, en revanche, lorsque l'accident, d'une part, et les autres facteurs, d'autre part, sont à l'origine de dommages différents, sans influence entre eux. Il en va ainsi lorsque accident et facteurs étrangers concernent des parties du corps différentes (par exemple dans le cas de fracture accidentelle de la jambe et de maladie des yeux). Au contraire, l'art. 91 LAMA est applicable lorsque l'accident porte atteinte à une partie du corps déjà touchée par la maladie (par exemple une colonne vertébrale déjà lésée).
S'il n'y a pas lieu de recourir à la règle de l'art. 91 LAMA, il faut isoler et évaluer les conséquences de l'accident assuré, puis indemniser l'assuré en ignorant les facteurs étrangers. Là où l'art. 91 LAMA est applicable, par contre, il faut évaluer le dommage global, et procéder à la réduction prévue par la loi, dans la mesure où ledit dommage est imputable aux facteurs non assurés. La distinction est surtout importante en tant qu'elle permet d'éviter de faire supporter à la Caisse nationale le traitement d'affections préexistantes, sur lesquelles l'accident assuré n'a exercé aucune espèce d'influence (voir, sur ce point, MAURER, Recht und Praxis der Schweizerischen obligatorischen Unfallversicherung, 2e édition, p. 302, ch. 6 et la jurisprudence citée).
D'autre part, ainsi que le Tribunal fédéral des assurances l'a déclaré à maintes reprises, le concept d'invalidité est identique en matière d'assurance-accidents, d'assurance militaire et d'assurance-invalidité (cf. par exemple ATF 98 V 166, ATFA 1967, p. 22). Dans ces trois domaines, il faut en principe calculer le taux d'invalidité en comparant ce que l'assuré pourrait gagner, s'il ne souffrait pas de l'infirmité qu'il présente, avec ce qu'il est encore capable de retirer de l'exercice de sa capacité résiduelle de travail. Le taux d'invalidité étant une notion juridique fondée sur des éléments d'ordre essentiellement
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économique, il ne se confond donc pas forcément avec le taux de l'incapacité fonctionnelle, tel que le détermine le médecin; ce sont les conséquences économiques de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer.
3. En l'espèce, l'atteinte invalidante principale résultant à l'évidence de deux accidents, dont l'un seulement était assuré, il eût fallu évaluer l'invalidité globalement et procéder à une réduction suivant l'art. 91 LAMA. Or, au vu du dossier, la Cour de céans admet une invalidité globale de 70%, une réduction de 5/7 s'imposant dans la mesure où cette atteinte à la capacité de gain est due à des facteurs non assurés. C'est dire que la Caisse nationale répond d'une atteinte à la capacité de gain qu'il faut fixer à 20% (70%-50%), évaluation qui correspond du reste à celle de la caisse intimée et des premiers juges. On notera en passant que l'assurance ne couvre pas les suites éventuelles de la récession (voir par exemple l'arrêt - non publié sur ce point - Berger du 9 août 1978), donc pas le fait que le recourant n'ait pu mettre en valeur, sur le marché du travail, sa capacité résiduelle pour des raisons tenant à la conjoncture.
Toutefois, avant d'être victime de l'accident invalidant assuré par la Caisse nationale, Willy Schaller présentait déjà, dans son métier, une incapacité de gain non couverte par l'assurance-accidents, de 50% depuis plus d'une année; le gain annuel déterminant pour le calcul de la rente a été influencé par cette circonstance. Vu la jurisprudence - rappelée plus haut - relative à l'art. 79 al. 1 LAMA, il serait inéquitable de considérer que le taux d'invalidité dont répond la Caisse nationale est de 20% seulement en l'espèce. Car, comparée à une capacité de gain de 50% avant l'accident, la capacité résiduelle de 30% après l'événement couvert par la Caisse précité laisse apparaître en réalité une invalidité de deux cinquièmes, soit de 40%, imputable à ce seul événement. Ce mode de calcul, envisagé du reste dans l'arrêt Berger déjà cité, permet seul de garantir une application correcte de la loi: l'assurance-accidents obligatoire est destinée à indemniser l'ayant-droit de la diminution de sa capacité de gain. Lorsque celle-ci est déjà réduite par une atteinte n'engageant pas la responsabilité de la Caisse nationale au moment où survient un accident assuré, le préjudice supplémentaire porté à la capacité de gain doit être compensé à proportion de la capacité de gain résiduelle avant ledit événement,
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du moins lorsque le gain déterminant a été arrêté sur la base du revenu tiré de l'utilisation de cette capacité résiduelle. Il n'est pas nécessaire d'examiner dans le présent arrêt quelle solution devrait être retenue lorsque, par exemple, le handicap antérieur a réduit le gain pendant moins d'une année avant la survenance de l'accident assuré, ou encore lorsqu'il a provoqué un changement de métier avant cette survenance.