BGE 105 V 218
 
49. Arrêt du 24 octobre 1979 dans la cause Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents contre R. et R. contre Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents et Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg
 
Regeste
Art. 45 IVG und 39bis IVV.
Bemerkung de lege ferenda.
 
Sachverhalt


BGE 105 V 218 (218):

A.- Ernest R., né en 1918, marié et père de famille, a été victime d'un accident le 17 juin 1975. La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents lui a alloué une rente à partir du 11 avril 1976, par décision du 26 juillet 1976 arrêtant à 594 fr. par mois le montant de cette prestation, calculée sur la base notamment d'un taux d'invalidité de 33,3%.
Le prénommé a aussi été mis au bénéfice de prestations de l'assurance-invalidité, à savoir d'une demi-rente assortie de rentes complémentaires pour l'épouse et l'enfant en formation professionnelle, par 858 fr. au total, dès le 1er juin 1976. Cette demi-rente a été remplacée par une rente entière pour couple assortie d'une rente complémentaire pour enfant, dès le 1er septembre 1976, d'un montant de 2100 fr. (2205 fr. à partir du 1er janvier 1977). L'épouse de l'assuré était en effet devenue elle-même invalide et avait perdu un revenu mensuel de quelque 1370 fr.; elle avait demandé que la demi-rente pour couple, par 788 fr., lui fût versée directement depuis le 1er avril 1977.
Par décision du 3 janvier 1977, la Caisse nationale, partant d'une part de la constatation que l'assuré aurait gagné 2695 fr.


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par mois s'il n'avait pas été victime d'un accident et d'autre part d'un revenu résiduel de 1340 fr., a arrêté à 97 fr. par mois du 1er juin au 31 août 1976 et à 1339 fr. par mois dès le 1er septembre 1976 la surindemnisation qui résulterait du versement intégral de la rente de 594 fr. Rappelant que l'intéressé avait touché à tort, de ce fait, 3261 fr. du 1er juin 1976 au 31 janvier 1977, elle a renoncé à exiger le remboursement de cette somme mais a réservé une compensation ultérieure de ce montant avec d'éventuelles nouvelles prestations de rente.
Par décision du 17 janvier 1977, la Caisse nationale a constaté que la surindemnisation serait de 1345 fr., dès le 1er janvier 1977, compte tenu de l'augmentation de la rente de l'assurance-invalidité correspondant aux seules cotisations de l'assuré et d'un gain résiduel possible de 1300 fr. par mois.
Ernest R. a été mis à la retraite le 1er février 1977.
Par décision du 1er août 1977, la Caisse nationale a procédé à un nouveau calcul de la surassurance au 1er septembre 1977. Partant d'un gain de non-invalide de 2617 fr. par mois, d'un gain réalisable de 1300 fr. et d'une quote-part de rente mensuelle de l'assurance-invalidité de 1512 fr. (le fils ayant terminé son apprentissage), elle a constaté que le versement de la rente de 594 fr. entraînerait toujours surindemnisation (par 789 fr.).
L'épouse de l'assuré est décédée le 29 décembre 1977.
Par décision du 31 mars 1978, la Caisse nationale a alors constaté que, dès le 1er janvier 1978, la rente de l'assurance-invalidité à prendre en compte ne s'élevait plus qu'à 525 fr., et qu'il n'y avait par conséquent plus surindemnisation, depuis ce moment. Elle a compensé en conséquence les arrérages échus de la rente dus dès cette date avec le montant touché en trop précédemment, conformément à sa décision du 3 janvier 1977, et déclaré vouloir retenir 185 fr. par mois sur ses prochains versements, jusqu'à extinction de la dette en restitution (s'élevant encore à 1479 fr.).
B.- Représenté par Me A., Ernest R. a recouru contre les décisions des 3 janvier, 17 janvier et 1er août 1977 ainsi que contre celle du 31 mars 1978. Il concluait à leur annulation et au versement des prestations de la Caisse nationale dans la mesure où, ajoutées à celles de l'assurance-invalidité et au gain résiduel, elles n'entraînaient pas de surindemnisation, ce qu'il y avait lieu d'examiner, selon lui, en ne portant en compte que la part de la rente qui lui avait été allouée par l'assurance-invalidité

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en raison de sa propre invalidité (858 fr. par mois). Il soutenait que, si l'on voulait faire entrer dans le calcul la part d'une rente pour couple accordée à cause de l'invalidité de l'épouse et destinée à compenser la perte de gain encourue par cette dernière, il faudrait alors ajouter au revenu de non-invalide du mari celui dont sa femme se trouve elle-même privée pour des raisons de santé. Ernest R. admettait toutefois devoir restituer 790 fr. à titre de prestations touchées indûment dès le 1er juin 1976.
Par jugement du 19 septembre 1978, le Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, qui avait joint les diverses causes, a partiellement admis les recours, dans ce sens qu'il a arrêté à 3241 fr. seulement le montant des prestations touchées sans droit du 1er juin 1976 au 31 janvier 1977 et fixé à 1125 fr. le montant que la Caisse nationale était en droit de compenser le 31 mars 1978... Les premiers juges ont retenu en bref qu'il y avait lieu de porter en compte, pour calculer s'il y avait surindemnisation, la demi-rente pour couple accordée à l'assuré ainsi que la rente complémentaire pour l'enfant.
C.- La Caisse nationale interjette recours de droit administratif, en concluant au rétablissement de ses décisions. A l'appui, elle invoque le texte clair de l'art. 33 LAI ainsi que les dispositions de l'art. 39 RAI.
Représenté par Me A., Ernest R. défère lui aussi le jugement cantonal au Tribunal fédéral des assurances, en concluant à ce qu'il soit constaté qu'il n'a touché indûment qu'une somme de 790 fr. dès le 1er septembre 1976. A l'appui, il reprend ses arguments de première instance.
La Caisse nationale conclut au rejet du recours d'Ernest R. qui en fait de même, s'agissant de celui de la Caisse nationale.
 
Considérant en droit:
Usant de la faculté que lui confère l'art. 45 al. 3 LAI, le Conseil fédéral a édicté des prescriptions complémentaires au

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sujet des réductions ordonnées à l'al. premier précité. Il l'a fait à l'art. 39bis RAI, dont l'al. 4 s'exprime ainsi:
"Lorsque la rente d'invalidité simple de l'assuré est remplacée par une
rente d'invalidité pour couple, on ne tiendra compte que du montant
correspondant à la rente d'invalidité pour couple, y compris les rentes
pour enfants éventuelles, qui auraient été calculées sur la base des seules
cotisations de l'assuré."
En vertu de l'art. 33 al. 1 et 2 LAI, ont droit:
a) à une rente entière d'invalidité pour couple, les hommes invalides dans une proportion inférieure ou supérieure aux deux tiers, lorsque l'épouse a 62 ans révolus (60 ans jusqu'au 31 décembre 1978, 61 ans en 1979: disp. trans. 9e rév. AVS let. c) ou est elle-même invalide à raison des deux tiers au moins (de la moitié au moins, si le mari est invalide dans une proportion d'au moins deux tiers);
b) à une demi-rente d'invalidité pour couple, les hommes invalides dans une proportion inférieure aux deux tiers, dont l'épouse ne remplit pas les conditions mentionnées ci-dessus mais est invalide à raison de la moitié ou plus et de moins de deux tiers.
L'épouse a le droit de demander pour elle la moitié de la rente d'invalidité pour couple (art. 33 al. 3 LAI). Si elle le fait, la rente entière n'en demeure pas moins décisive pour le calcul de la surassurance du mari (ATF 100 V 83).
La détermination des rentes entrant en compte dans le calcul de la surassurance peut être revue lors de tout nouveau calcul de cette dernière (ATF 103 V 90 consid. 3a p. 95).
La Caisse nationale entend s'en tenir strictement à la méthode prescrite par l'art. 39bis al. 4 RAI. Par conséquent, elle retient la rente de couple qu'aurait reçue Ernest R. si cette rente avait été calculée sur la base des seules cotisations payées par lui. Le revenu déterminant du couple était de 41'500 fr. Celui du mari, de 34'800 fr. Il en résulte, suivant la Caisse nationale, une surassurance de:
- période du 1.6. au 31.08.1976 Fr. 97.-- par mois
- période du 1.9. au 31.12.1976 Fr. 1297.-- par mois
- période du 1.1. au 31.08.1977 Fr. 1345.-- par mois
- période du 1.9. au 31.12.1977 Fr. 789.-- par mois

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d'où après compensation avec des arrérages échus, une dette de l'assuré de 1479 fr., valeur au 31 mars 1978.
La solution adoptée par la juridiction cantonale, de ne compter dans le calcul de la surassurance du mari que la moitié de la rente de couple, doit être écartée d'emblée. En effet, elle est l'aboutissement d'un raisonnement dont le point de départ semble être l'art. 33 al. 3 LAI. Or, le Tribunal fédéral des assurances a jugé que l'introduction de cette disposition légale n'avait pas changé le caractère de la rente de couple, qui est une prestation accordée au mari et qui par conséquent entre entière, sous réserve de la dernière proposition de l'art. 39bis al. 4 RAI, dans le calcul de la surassurance de ce conjoint (ATF 100 V 83, déjà cité).
La méthode proposée par Ernest R. mérite un plus ample examen. Il est exact que, si l'épouse de ce dernier était devenue invalide au sens de l'assurance-invalidité avant que son mari le fût mais alors qu'il aurait déjà reçu une rente de la Caisse nationale, elle aurait obtenu à titre personnel une rente simple, calculée sur la base du revenu de son activité lucrative et de ses années de cotisations, qui n'aurait pas été prise en compte dans le cadre de l'art. 45 al. 1 LAI (art. 39bis al. 3 let. b RAI; cf. ATF 101 V 157). Cette hypothèse ne s'est toutefois pas réalisée en l'occurrence.
Dans le cas particulier, c'est la règle de l'art. 39bis al. 4 RAI qu'il faut appliquer. Cette disposition a pour effet qu'un droit ayant pris naissance à raison d'une circonstance intéressant la femme influe sur le compte de surassurance du mari. Elle établit à l'évidence une certaine inégalité entre le rentier qui bénéficie du gain de son conjoint et celui dont l'épouse doit cesser de travailler pour des raisons de santé. Mais ce sont là des conséquences logiques de l'institution même de la rente de couple conçue comme une prestation due au mari - et jamais à la femme - dans l'intérêt du ménage. En matière de surindemnisation, il ne sera du reste probablement guère critiquable, dans nombre de cas (soit lorsqu'il n'y a pas abandon d'une activité lucrative par l'épouse atteignant l'âge de la retraite ou que l'incapacité de l'épouse d'accomplir ses tâches habituelles n'entraîne pas de frais notables), de porter en compte la rente pour couple désormais allouée à un assuré dont le conjoint atteint l'âge de l'AVS ou dont l'invalidité résulte de l'impossibilité d'accomplir les travaux usuels. La justesse de la solution est

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en revanche moins évidente lorsque, comme en l'espèce, l'invalidité de la femme entraîne une incapacité de gain. A cet égard, l'assuré estime que le corollaire indiqué de la mise en compte de la rente de couple serait d'ajouter à la perte de gain du mari celle de l'épouse invalide, ce que ni la loi ni le règlement ne font. Il perd toutefois de vue que l'art. 39bis al. 4 RAI répond partiellement à cette objection en ordonnant de prendre en considération non pas la rente de couple effective mais celle qui résulterait des seules cotisations du mari. En édictant cette disposition, le Conseil fédéral n'a pas dépassé les limites de la délégation du pouvoir législatif que lui confère l'art. 45 al. 3 LAI. Certes, dans son message du 27 février 1967 concernant la délégation précitée, il a parlé de ne remédier qu'à "quelques imprécisions" des règles de déduction, "notamment quant à la date de la réduction en cas d'augmentation des rentes, et lorsqu'il s'agit de tenir compte du revenu éventuel provenant d'une activité en nature" (FF 1967 I 715). Mais si des imprécisions plus graves que les exemples cités ci-dessus se sont révélées, le Conseil fédéral n'a pas excédé ses pouvoirs en réglant ces questions aussi. D'ailleurs, la disposition critiquée a remplacé dès 1974 une disposition semblable en vigueur dès 1968. Par la suite, l'art. 45 LAI a été remanié en 1977 sans que l'art. 39bis al. 4 RAI ait été attaqué lors des travaux législatifs.
Le recours de la Caisse nationale est ainsi fondé, alors que celui de l'assuré ne l'est pas. Il n'en reste pas moins, cependant, que les arguments d'Ernest R. ne sont pas complètement dépourvus d'intérêt, en droit désirable à tout le moins. Car, outre les inégalités inhérentes au système mentionnées plus haut, il est certain que la situation financière de la famille du prénommé s'est notablement détériorée dès la survenance de l'invalidité de l'épouse, incapable d'apporter désormais au ménage la contribution de son propre salaire, alors que la rente de couple allouée au mari était presque entièrement prise en considération pour le calcul de la surassurance. Par ailleurs, dans le cas de l'épouse mise au bénéfice d'une rente de la Caisse nationale dont le mari se verrait allouer, de son côté, une rente pour couple de l'assurance-invalidité, cette prestation - due au mari et à lui seul - ne saurait entrer en ligne de compte pour vérifier si l'assurée de la Caisse nationale est surindemnisée; ou alors tout au plus dans la mesure où les cotisations de la femme auront conduit à augmenter le montant de cette prestation (par

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analogie avec la solution consacrée par l'art. 39bis al. 4 RAI): c'est là une conséquence logique elle aussi du système choisi par le Conseil fédéral. Il est dès lors permis de se demander avec l'assuré s'il ne serait pas préférable, pour décider s'il y a surindemnisation d'un couple, de comparer la situation économique globale de ce dernier avant et après l'octroi des rentes dont le versement pourrait conduire à un enrichissement prohibé.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
Le recours d'Ernest R. est rejeté. Le recours de la Caisse nationale est admis. Le jugement du 19 septembre 1978 du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg est annulé. Les décisions administratives des 3 janvier 1977, 17 janvier 1977, 1er août 1977 et 31 mars 1978 sont rétablies, dans le sens du considérant 3.