105 V 234
Urteilskopf
105 V 234
51. Arrêt du 24 juillet 1979 dans la cause Office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail contre Corbery et Commission cantonale de recours en matière d'assurance-chômage, Genève
Regeste
Von der Pflicht des Arbeitgebers, den Lohn zu entrichten, und vom Anspruch auf Arbeitslosenentschädigung.
A.- Pierre Corbery, né en 1946, travaillait depuis le 5 janvier 1971 comme technicien-dessinateur au service de l'entreprise X.
En date du 17 mars 1978, l'employeur a communiqué à son collaborateur que la récession l'obligeait à réduire l'horaire de travail de moitié dès le 28 mars 1978 (jours chômés: jeudi, vendredi et lundi matin), mesure que le Secrétariat patronal de la métallurgie du bâtiment a autorisée pour la période du 28 mars au 28 avril 1978. Puis, par lettre du 30 mars 1978, invoquant une évolution défavorable et la nécessité d'adapter sa structure technique aux commandes, l'entreprise a résilié le contrat de travail du prénommé pour le 31 mai 1978, alors qu'elle avait indiqué à l'assurance qu'elle estimait à deux mois la durée prévisible du chômage partiel. Pierre Corbery a protesté, mais en vain, contre cette mesure, le 10 avril 1978.
Ce dernier lui ayant présenté le 28 mars 1978 une demande d'indemnité pour le chômage partiel subi à partir du même
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jour, la Caisse cantonale genevoise d'assurance contre le chômage a pris le 6 avril 1978 une décision niant le droit à l'indemnité. Elle a considéré que l'employeur avait introduit la réduction d'horaire en même temps qu'il signifiait son congé à l'assuré et que, de ce fait, il devait lui payer le salaire complet tout au long de la période de dédit.
B.- Pierre Corbery a recouru le 17 avril 1978 contre cette décision auprès des Services de chômage. Il a joint à son mémoire photocopies notamment de la lettre par laquelle il s'opposait à la réduction de l'horaire de travail simultanément avec le licenciement, de la réponse de l'employeur du 12 avril 1978, qui niait pareille simultanéité, et d'une demande du 17 avril 1978 requérant l'assignation de l'entreprise devant le tribunal des prud'hommes.
Les Services de chômage l'ayant débouté par prononcé du 28 avril 1978, l'assuré s'est adressé à la Commission cantonale genevoise de recours en matière d'assurance-chômage. Celle-ci a considéré que, vu les circonstances, le recourant devait être mis au bénéfice de l'art. 28 al. 2 LAC. Par jugement du 14 juillet 1978, elle a ainsi annulé le prononcé entrepris et dit que Pierre Corbery devait être indemnisé pour le chômage partiel subi en avril et mai 1978 dans la mesure où il remplissait toutes les conditions d'octroi de l'indemnité, que la caisse était subrogée dans les droits éventuels de l'assuré envers l'employeur à concurrence des prestations versées et que les Services de chômage devaient inviter la caisse à procéder à toutes démarches utiles en vue de recouvrer auprès de l'employeur la contre-valeur des indemnités payées à l'assuré.
C.- L'Office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail interjette recours de droit administratif. Invoquant l'art. 28 al. 1 LAC et les directives émises par lui le 24 juillet 1975, il allègue en bref que, si l'employeur a licencié des collaborateurs en même temps qu'une réduction d'horaire était introduite, les travailleurs congédiés ont droit au salaire complet durant le délai de congé, même s'ils ont un horaire réduit durant cette période; que tel est le cas en l'espèce, où le chômage s'est étendu, à l'exception de deux jours, uniquement sur le délai de résiliation, soit les mois d'avril et mai 1978; que le droit de l'intéressé au plein salaire étant incontestable, on ne se trouve pas dans la situation visée par l'art. 28 al. 2 LAC, qui autorise la caisse - sans l'y obliger - à servir les indemnités de
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chômage lorsqu'il y a doute sur les droits que l'assuré peut faire valoir à l'égard de son employeur. Il conclut à l'annulation du jugement cantonal et au rétablissement de la décision des Services de chômage.Dans sa réponse, l'intimé demande au Tribunal fédéral des assurances de prendre position sur la lettre du 17 mars 1978, derrière laquelle l'employeur se retranche. Il demande par ailleurs pourquoi l'entreprise, si elle était de bonne foi, ne l'a pas réembauché à plein temps dès la lettre de licenciement du 30 mars 1978 pour la durée légale du délai de congé.
Considérant en droit:
1. Le droit à l'indemnité de chômage n'est donné que si l'assuré, du fait de son chômage, subit une perte de gain (art. 24 al. 2 let. c LAC; cf. art. 8 AAC). La perte de gain subie n'ouvre cependant pas droit à l'indemnité notamment lorsque l'assuré doit être indemnisé pour le chômage dont elle découle par l'employeur en vertu du contrat de travail (art. 28 al. 1 LAC; cf. art. 8 AAC).
a) L'art. 28 al. 1 LAC vise à empêcher que l'employeur ne fasse supporter à l'assurance-chômage, en tout ou en partie, le salaire qu'il est tenu de payer en vertu de ses obligations contractuelles (DTA 1978 No 29, p. 114; 1977 No 17, p. 84; ATFA 1962, p. 83; 1953, p. 173; arrêt non publié Kuhn du 19 octobre 1977). Et si le salarié renonce, expressément ou par acte concluant, à faire valoir ses droits découlant du contrat de travail et en particulier de l'art. 324 CO, il devra en supporter les conséquences en matière d'assurance-chômage, c'est-à-dire qu'il perdra de ce fait son droit aux indemnités de chômage (cf. ATF 104 V 207, où le Tribunal fédéral des assurances a jugé que le salarié qui renonce à l'indemnisation d'heures de travail effectuées ne peut prétendre d'indemnités pour le manque à gagner encouru de ce fait).
Or l'art. 324 al. 1 CO, qui reprend en substance l'ancien art. 332 en vigueur jusqu'au 31 décembre 1971, dispose que, s'il empêche par sa faute l'exécution du travail ou se trouve en demeure de l'accepter pour d'autres motifs, l'employeur reste tenu de payer le salaire sans que le travailleur doive encore fournir son travail. L'employeur supporte donc les aléas économiques, tels qu'une absence de commandes: même si un
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manque de travail ne lui est pas imputable à faute, il doit en principe verser le salaire tant que durent les rapports de service et jusqu'à l'échéance du délai de résiliation (voir p. ex. DTA 1978 No 29, p. 114; 1977 No 17, p. 84; arrêt Kuhn précité, voir aussi SCHWEINGRUBER, Kommentar zum Arbeitsvertrag, 2e éd., pp. 101 ss; HOLZER, Kommentar zum AlVG, p. 135). Cette règle, auparavant de droit dispositif, est devenue dès 1972 de droit impératif en ce sens qu'il ne peut y être dérogé au détriment du travailleur par voie d'accord, contrat type de travail ou convention collective (art. 362 al. 1 CO; DTA 1978 No 29, p. 114).b) La jurisprudence a cependant très tôt apporté certains tempéraments à la règle de l'art. 28 al. 1 LAC. Elle a ainsi prononcé que la renonciation du salarié à son salaire n'entraînait pas pour lui perte du droit aux indemnités de chômage, si cette renonciation tendait à éviter la résiliation du contrat de travail en cas d'interruptions - ou de réductions horaires - passagères et objectivement inévitables de travail dues à des fluctuations économiques, et si pareil comportement répondait aux conditions existantes dans la branche professionnelle en cause (voir p. ex. DTA 1977 No 17, p. 84; ATFA 1964, p. 53; 1962, p. 83, 1960, p. 326, 1959, p. 206, 1953, p. 176 consid. 2; arrêt Kuhn précité; cf. DTA 1978 No 29, p. 114). Instaurée sous l'empire de l'ancien art. 332 CO, cette jurisprudence garde sa raison d'être et sa valeur sous celui de l'actuel art. 324 CO (arrêt Kuhn susmentionné et aussi p. ex. SCHWEINGRUBER, op. cit., p. 103 ch. 6).
Il faut cependant relever que l'assuré ne peut disposer selon son bon vouloir de ses droits envers l'employeur et prétendre ensuite des prestations de l'assurance-chômage pour des jours pour lesquels il a renoncé à une indemnisation conformément au contrat de travail. S'il ne s'agit pas d'éviter une rupture totale et prochaine des rapports de travail et un chômage imminent qui s'ensuivrait, on doit exiger de l'assuré qu'il fasse valoir son droit au salaire envers l'employeur. C'est ainsi notamment que le salarié dont l'engagement a été résilié n'a d'une façon générale aucun motif valable d'accepter encore une réduction de travail assortie d'une perte de gain (voir p. ex. DTA 1977 No 17, p. 84; HOLZER, op. cit., p. 136). Et c'est à raison que les directives administratives notent en particulier que, si l'employeur a licencié des collaborateurs en même temps
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qu'une réduction d'horaire était introduite, les travailleurs congédiés ont droit au salaire complet durant le délai de congé, même s'ils travaillent à horaire réduit durant cette période, et qu'il n'existe dans ce cas aucune prétention aux indemnités de chômage durant le délai de congé (Circulaire de l'Office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail du 24 juillet 1975, ch. 3; cf. ATF 104 V 207 déjà cité ci-dessus).
2. En l'espèce, l'employeur a informé l'assuré par lettre du 17 mars 1978 que la récession l'obligeait à réduire l'horaire de travail de moitié dès le mardi 28 mars 1978. Cette réduction d'horaire a été autorisée le 31 mars 1978 par le Secrétariat patronal de la métallurgie du bâtiment, Service paritaire de l'emploi, pour une durée allant du 28 mars au 28 avril 1978; l'employeur indiquait pour sa part, dans la déclaration établie le 29 mars 1978 à l'intention de l'assurance-chômage, une durée prévisible de deux mois. Mais le jeudi 30 mars 1978, invoquant une évolution défavorable et la nécessité d'adapter sa structure technique aux commandes, l'entreprise résiliait le contrat de travail de l'intéressé pour le 31 mai 1978. Ce congé a ainsi été signifié deux jours après l'introduction formelle de l'horaire réduit et le jour même où le chômage partiel en découlant devenait effectif, la réduction d'horaire ayant lieu sous forme de suspension du travail les jeudi, vendredi et lundi matin.
On ne saurait contester que les circonstances économiques rendaient une réduction d'horaire objectivement inévitable. Aussi Pierre Corbery se devait-il d'accepter la réduction proposée par lettre du 17 mars 1978 et la perte de gain découlant de ce chômage partiel, pour autant que la renonciation au plein salaire tendait à surmonter des difficultés passagères et à éviter la résiliation du contrat de travail. Au vu des déclarations de l'employeur, le prénommé pouvait alors croire de bonne foi que ces conditions étaient données, et son comportement répondait par ailleurs aux conditions existantes dans la branche professionnelle en cause.
Le jour même où la réduction de l'horaire de travail était introduite en fait, l'employeur signifiait cependant son congé à l'assuré. Aussi celui-ci n'avait-il dès cet instant plus aucun motif valable d'accepter la réduction introduite et la perte de gain en découlant; il s'est opposé à juste titre le 10 avril 1978 à pareille réduction simultanément avec le licenciement. Sans vouloir soupçonner l'entreprise d'avoir sciemment trompé la
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confiance de l'assuré et d'avoir réduit l'horaire de travail en vue de faire supporter à l'assurance-chômage une part du salaire durant le délai de congé, force est de constater qu'elle a pêché à tout le moins par un optimisme inexcusable; elle devait raisonnablement savoir dès le 17 mars 1978 - et à plus forte raison lorsqu'elle a établi la déclaration du 29 mars 1978 - que le maintien de l'emploi grâce à une simple réduction du temps de travail était un leurre, puisqu'elle était amenée le 30 mars 1978 à licencier l'intéressé et, qui plus est, à demander et obtenir du juge le 26 avril 1978 déjà un sursis concordataire.On est loin de ces cas où l'employeur, après s'être efforcé par une réduction momentanée du temps de travail de conserver son personnel dans l'espoir que les difficultés seront passagères et que l'emploi pourra être maintenu, sans que reproche puisse lui être adressé de l'avoir fait à la légère, se voit finalement contraint au licenciement. S'il peut dans de tels cas se présenter des situations où il serait contraire à la bonne foi, de la part d'un assuré, de rétracter le consentement antérieurement donné à une réduction d'horaire, de mettre l'employeur en demeure au moment précis où il se voit forcé de procéder à des licenciements et d'exiger le paiement du plein salaire durant le délai de congé (voir p. ex. ATFA 1959, p. 206), la situation n'est en rien comparable en l'espèce.
3. Le droit de l'assuré au salaire est ici incontestable. Contrairement à l'avis du juge cantonal, on ne se trouve pas dans la situation réglée par l'art. 28 al. 2 LAC (cf. art. 8 AAC), qui autorise la caisse - sans l'y obliger (HOLZER, op. cit., pp. 138-139; DTA 1978 No 29, p. 114) - à servir les indemnités de chômage lorsqu'il y a doute sur les droits que l'assuré peut faire valoir à l'égard de l'employeur, mais dans celle visée par l'art. 28 al. 1 LAC. L'art. 47 OAC, qui concerne les fonctionnaires (arrêt non publié Rhyn du 5 juin 1979), n'est par ailleurs pas applicable. L'assuré devant être indemnisé par l'employeur en vertu du contrat de travail, la perte de gain découlant de la réduction de l'horaire de travail durant le délai de congé ne lui ouvre pas droit à l'indemnité de chômage.
Dans ces conditions, il y a lieu d'admettre le recours de l'Office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail et d'annuler le jugement déféré à la Cour de céans, aux fins de rétablir la décision de refus confirmée par les Services de chômage.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
Le recours est admis, le jugement du 14 juillet 1978 de la Commission cantonale genevoise de recours en matière d'assurance-chômage étant annulé.
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