107 V 234
Urteilskopf
107 V 234
54. Extrait de l'arrêt du 24 novembre 1981 dans la cause Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents contre Neuenschwander et Tribunal cantonal jurassien
Regeste
Art. 67 Abs. 3 KUVG.
Aussergewöhnliche Gefahren: Beteiligung an Raufereien und Schlägereien; Teilnahme und absichtliche Anwesenheit bei Unruhen (Begriff; Bestätigung der Rechtsprechung).
Extrait des considérants:
1. Aux termes de l'art. 67 al. 3 LAMA, la Caisse nationale peut exclure de l'assurance des accidents non professionnels les dangers extraordinaires et les entreprises téméraires. Par décision du 31 octobre 1967 en vigueur dès le 1er janvier 1968, qui remplace des décisions antérieures libellées de manière analogue en ce qui concerne le risque examiné dans le cadre de la présente affaire, le conseil d'administration a décidé que les dangers extraordinaires suivants étaient notamment exclus de l'assurance des accidents non professionnels:
"1. La participation à des rixes et bagarres entre deux ou un plus grand nombre de personnes, à moins qu'il ne soit établi que l'assuré, sans avoir au préalable joué un rôle dans le différend, a été lui-même attaqué par les participants ou blessé en portant secours à autrui;
2. (...)
3. La résistance aux organes chargés de faire respecter l'ordre public; la participation et la présence volontaire à des troubles ou à des assemblées interdites par les autorités compétentes."
BGE 107 V 234 S. 235
2. Les deux catégories de "dangers extraordinaires" mentionnées au considérant précédent visent des états de fait distincts:
a) Par rixes et bagarres, il faut entendre une querelle violente accompagnée de coups ou une mêlée de gens qui se battent. Il s'agit donc d'une notion plus large que celle qui figure à l'art. 133 CPS, telle que l'a définie la jurisprudence (ATF 106 IV 250 consid. 3, ATF 104 IV 57 consid. 2b). Comme le tribunal de céans l'a jugé à plusieurs reprises, il y a participation à une rixe ou à une bagarre au sens de la décision précitée du conseil d'administration de la Caisse nationale, non seulement quand l'intéressé prend part à de véritables actes de violence, mais déjà s'il s'est engagé dans l'altercation qui les a éventuellement précédés et qui, considérée dans son ensemble, recèle le risque qu'on pourrait en venir à des actes de violence. Celui qui participe à la dispute, avant que ne commencent les actes de violence proprement dits, se met automatiquement dans la zone de danger exclue de l'assurance (ATF 99 V 9; RJAM 1976, No 267 p. 206).
b) Constituent en revanche des troubles, au sens du chiffre 3 de la décision précitée, des affrontements collectifs, accompagnés ou non d'actes de violence, qui mettent sérieusement en danger l'ordre public. Selon la jurisprudence, il n'est nullement indispensable qu'il s'agisse de désordres déclarés, d'une émeute, d'une manifestation interdite ou armée (ATFA 1935 p. 39 consid. 3). Dans cette acception, sont des "troubles" un ensemble d'événements caractérisés par le désordre et l'agitation. Là encore, la notion est plus large que celle d'émeute au sens de l'art. 260 CPS, laquelle implique que des violences soient commises par la foule et non seulement par quelques individus (ATF 103 IV 245 consid. 2). Au contraire, du point de vue de l'assurance sociale, il suffit que l'ordre public soit durablement et sérieusement troublé lors d'une manifestation quelconque (cf. sur l'ensemble du problème: ABRAVANEL: "La protection de l'ordre public dans l'Etat régi par le droit", rapport à la Société suisse des juristes, RDS 99/1980 p. 1 s., avec de nombreuses références à la jurisprudence et à la doctrine).
Dans le cas d'espèce, ... il s'est agi de véritables troubles au sens défini ci-dessus...
3. La recourante n'allègue pas que l'intimé ait participé aux troubles en question. Elle soutient, en revanche, qu'il y fut volontairement présent, ce qui, selon la jurisprudence, suffit à
BGE 107 V 234 S. 236
exclure le risque de la couverture d'assurance, car cette exclusion n'est pas nécessairement subordonnée à une attitude téméraire ou répréhensible de l'assuré (spécialement visée d'autre part), ni à la condition qu'il se soit délibérément exposé à un danger, ou qu'il ait eu la prévision, ou même la conscience d'un danger déterminé soit du "danger extraordinaire couru" (fusillade, p.ex.). La preuve de cet élément subjectif (conscience d'un danger déterminé) serait au surplus, presque toujours, extrêmement difficile à fournir et impossible à contrôler. Le danger résulte objectivement et automatiquement de la seule présence. Celle-ci doit simplement être volontaire, c'est-à-dire émaner d'une volonté consciente et libre, s'exerçant sans contrainte morale (menace) ou physique (encerclement dans la foule). Encore faut-il que cette présence soit volontaire par rapport aux troubles eux-mêmes et non seulement par rapport à l'endroit où, à l'insu peut-être de la victime, ils se déroulent. Il est donc nécessaire que celle-ci ait conscience de l'existence de troubles à tel moment et dans tel lieu donné. Il peut, à la vérité, arriver à quelqu'un d'être présent à des troubles, mais de ne prendre conscience de l'existence de ceux-ci qu'au bout d'un certain temps. A partir de ce moment, toutefois, il a le devoir de s'éloigner aussitôt, sous peine d'encourir l'exclusion légale (ATFA 1935 p. 39 consid. 3 et p. 47 consid. 1). Comme l'a encore précisé la jurisprudence, il n'est pas possible de décider d'une manière générale à quelle distance du centre des troubles doit se trouver l'intéressé pour qu'on puisse parler d'une présence à ces derniers. Cela doit être jugé de cas en cas, notamment en fonction de la grandeur du périmètre où se déroule l'action et de l'usage qui est fait des moyens de combat (ATFA 1935 p. 47 consid. 1).