32. Arrêt du 19 juin 1991 dans la cause Office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail contre Département neuchâtelois de l'Economie publique et Tribunal administratif du canton de Neuchâtel dans la cause F.
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Regeste
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Art. 335b Abs. 1 und 2 OR: Probezeit. Im Rahmen eines unbefristeten Temporärarbeitsverhältnisses beginnt die Probezeit bei jedem Einsatz neu zu laufen. Vereinbarkeit dieses Grundsatzes mit dem OR (Erw. 3).
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Sachverhalt
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BGE 117 V 248 (248):
A.- Jeanine F., née le 10 mars 1950, employée de bureau, a conclu le 1er septembre 1989 un contrat de mission temporaire de durée indéterminée avec l'agence de travail intérimaire B. SA. Sur cette base, elle a été placée pour une durée indéterminée auprès de la maison J. dès le 4 septembre 1989. Cette mission, consistant dans l'exécution de travaux de manutention divers, a pris fin le 24 novembre 1989.
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Sans emploi, l'assurée a sollicité et obtenu des indemnités de l'assurance-chômage, qui lui ont été versées par la Caisse cantonale neuchâteloise d'assurance contre le chômage (ci-après: la caisse de chômage).
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Dès le 22 janvier 1990, elle a été à nouveau placée pour une durée indéterminée par B. SA, cette fois auprès de l'entreprise C., afin d'effectuer des travaux de triage. Cette seconde mission a pris fin le 16 mars 1990, de sorte que l'assurée a derechef sollicité le BGE 117 V 248 (249):
versement d'indemnités de chômage à partir du 19 mars jusqu'au 4 avril 1990.
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Constatant que le temps d'essai de trois mois était arrivé à son terme, la caisse de chômage, par décision du 19 avril 1990, a refusé d'indemniser Jeanine F. au motif que celle-ci pouvait faire valoir un droit au salaire à l'encontre de son employeur, ou lui réclamer une indemnité en raison d'une résiliation anticipée de son contrat de travail.
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B.- En temps utile, l'assurée a recouru contre cette décision en alléguant qu'un nouveau temps d'essai de trois mois était applicable à la seconde mission. Partant, elle estimait que le délai de congé conventionnel avait été respecté par son employeur, contre lequel elle ne pouvait dès lors plus faire valoir de prétentions.
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Par décision du 9 août 1990, le Département neuchâtelois de l'Economie publique, en sa qualité d'autorité inférieure de recours en matière d'assurance-chômage (ci-après: l'autorité inférieure de recours), a annulé la décision litigieuse. Dans le cas d'espèce, il a considéré que la nouvelle mission était, comme la première, soumise à la règle légale du temps d'essai et que, par ailleurs, la caisse eût dû verser les prestations d'assurance et se subroger au droit de l'assurée conformément à l'art. 29 LACI.
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Le recours interjeté contre cette décision par l'Office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail (ci-après: l'OFIAMT) a été rejeté le 29 octobre 1990 par le Tribunal administratif neuchâtelois. Sans trancher la question relative au délai de congé applicable, les premiers juges ont considéré que la créance en salaire de l'assurée était douteuse et appliqué l'art. 29 LACI.
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C.- L'OFIAMT interjette un recours de droit administratif contre ce jugement, concluant à son annulation, et demande au Tribunal fédéral des assurances de déclarer qu'aucune indemnité de chômage ne doit être versée à l'assurée pour la période s'étendant du 19 mars au 4 avril 1990.
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L'autorité inférieure de recours renonce à formuler des observations et renvoie tant à sa propre décision du 9 août 1990 qu'au jugement entrepris.
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Jeanine F. conclut à la confirmation du jugement cantonal.
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BGE 117 V 248 (250): Considérant en droit:
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b) Les nouvelles dispositions légales régissant la résiliation du contrat de travail, en vigueur dès le 1er janvier 1989, prévoient que pendant le temps d'essai, dont la durée maximale ne peut dépasser trois mois et qui couvre ordinairement le premier mois de service, le délai de résiliation est en principe de sept jours, mais peut être modifié par un accord écrit (art. 335b al. 1 et 2 CO).
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Après le temps d'essai, et durant la première année de service, le contrat ne peut être résilié que pour la fin d'un mois moyennant un délai de congé d'un mois au moins (art. 335c al. 1 CO).
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En opérant le versement, la caisse se subroge au chômeur dans tous ses droits, y compris le privilège légal, jusqu'à concurrence de l'indemnité de chômage versée par la caisse (art. 29 al. 2 LACI, première phrase).
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3. Le point de savoir si l'assurée a droit aux indemnités de chômage litigieuses dépend d'abord de la réponse à une question relevant du droit du travail et qui est de savoir si, dans le cadre d'un rapport de travail intérimaire de durée indéterminée, le temps d'essai reprend ou non à chaque nouvelle mission. Contrairement à l'opinion des premiers juges, cette question doit être tranchée à titre préjudiciel, attendu qu'aucune disposition légale - en particulier l'art. 29 LACI - ne dispose le contraire et que le litige qui s'y rapporte n'est pas pendant devant l'autorité compétente pour en connaître à titre principal (KNAPP, Précis de droit administratif, 3e éd., 1988, n. 40, p. 10; GRISEL, Traité de droit administratif, 1984, p. 188 et la jurisprudence citée par ces auteurs).
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a) A l'appui de son recours, l'office recourant invoque que les temps d'essai successifs résultant des diverses missions temporaires BGE 117 V 248 (251):
doivent être additionnés, car une reconduction du temps d'essai pour une période totale de plus de trois mois irait à l'encontre des dispositions claires du CO. Partant, il estime que le délai de congé prévu par l'art. 335c CO est applicable au cas présent, de sorte que l'assurée intimée peut faire valoir des prétentions salariales résultant de ses rapports de travail avec B. SA et que son droit à l'indemnité de chômage doit être nié. Il relève toutefois que, selon sa pratique, une solution différente pourrait aussi être applicable lorsque le travailleur intérimaire change d'entreprise utilisatrice et de fonction, conditions cumulatives qui ne sont pas remplies en l'espèce puisque les tâches confiées à l'assurée intimée lors de ses deux missions ne nécessitaient pas des qualifications différentes.
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Ce point de vue est contesté par l'assurée intimée, qui allègue que des temps d'essai successifs ne contredisent pas les principes du CO et se justifient en raison de la nature des rapports de travail intérimaire et par l'intérêt même des parties, qui doivent pouvoir apprécier réciproquement leurs prestations et conserver une liberté suffisante.
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b) Au cas présent, on constate que le premier contrat de mission conclu entre l'assurée et B. SA comprenait une clause spéciale précisant expressément que "les trois premiers mois de la mission sont considérés comme une période d'essai ...".
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Une telle disposition n'est en revanche plus prévue par le second contrat. Cette différence n'est toutefois pas déterminante, puisqu'aux termes de l'art. 2 du Règlement du personnel temporaire établi par B. SA - prescription qui constitue un contrat-cadre et fait partie intégrante de tout contrat de mission particulier conclu postérieurement - il est disposé notamment ce qui suit:
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"Lors d'une mission de durée indéterminée, le temps d'essai est de trois mois, durant lesquels le délai de congé est de 2 jours ouvrables. Le temps d'essai recommence à courir chaque fois que le travailleur temporaire accepte une nouvelle mission temporaire dans une autre entreprise ou s'il exerce une autre fonction ou s'il exécute un travail différent au sein de la même entreprise."
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aa) La doctrine ne fournit aucune réponse claire à la question préjudicielle litigieuse; pour sa part, le Tribunal de Prud'hommes du district de La Chaux-de-Fonds, dans un arrêt du 29 juin 1989 (RJN 1989 p. 71 ss), confirmé par la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal neuchâtelois (arrêt non publié du 30 novembre 1989), a statué "qu'en principe, chaque mission, qui représente chaque fois un nouveau contrat de travail, fait partir un nouveau BGE 117 V 248 (252):
temps d'essai, légal ou conventionnel". En substance, les juges neuchâtelois ont considéré que c'est entre le travailleur intérimaire et l'entreprise utilisatrice que s'établissent, le cas échéant, un rapport de confiance et le désir de continuer la collaboration, de sorte que le temps d'essai ne peut s'apprécier qu'à leur égard.
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On peut toutefois se demander si le rapport de confiance ne devrait pas plutôt s'apprécier en fonction de la seule relation contractuelle qui s'instaure entre l'agence de travail intérimaire et le travailleur, à l'exclusion de l'entreprise utilisatrice.
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L'admettre découle d'une part du fait que c'est l'agence de travail intérimaire qui est l'employeur au sens du CO (THÉVENOZ, Le travail temporaire, thèse Genève 1987, n. 197, p. 84 et les références citées), à qui il incombe de sélectionner du personnel intérimaire compétent, apte à entretenir l'"image de marque" du service qu'elle commercialise (THÉVENOZ, op.cit., n. 172, p. 76; VON BÜREN, Teilzeitarbeit und temporäre Arbeit als neue Formen von Dienstleistungen im schweizerischen Recht, thèse Berne 1971, p. 55 s.) et qui pourra seule résilier les rapports contractuels de travail (NEF, Temporäre Arbeit, thèse Zurich 1971, p. 82 ss; THÉVENOZ, op.cit., n. 241, p. 100; n. 715, p. 242). D'autre part, il est ainsi tenu compte de la situation particulière de l'entreprise utilisatrice, laquelle n'exerce des droits envers le travailleur intérimaire qu'en raison du mandat la liant à l'agence de travail temporaire (THÉVENOZ, op.cit., p. 121 ss; n. 357, p. 139), de sorte que la personne même du travailleur n'est pas un élément déterminant pour elle (THÉVENOZ, op.cit., n. 239, p. 99).
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Quoi qu'il en soit, et sous réserve des motifs invoqués, on ne peut que se rallier à cette jurisprudence cantonale.
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En effet, le renouvellement du temps d'essai à l'occasion des différentes missions exécutées dans le cadre d'un rapport de travail intérimaire est conforme à la conception du législateur (cf.: travaux parlementaires relatifs à l'élaboration des nouvelles règles en matière de résiliation du contrat de travail, BO 1987 CdE 341) et résulte aussi des relations triangulaires particulières, propres au rapport de travail intérimaire (JAR 1989 p. 258 consid. 3, non publié aux ATF 114 V 336). Les effets du contrat-cadre passé entre une agence de travail intérimaire et un travailleur sont soumis à la condition suspensive qu'un contrat de mission soit conclu (THÉVENOZ, op.cit., n. 643, p. 221), c'est-à-dire qu'une mission particulière soit proposée, et acceptée par le travailleur intérimaire. Il en découle par conséquent qu'aux contrats de mission successifs correspond bien une suite de BGE 117 V 248 (253):
contrats indépendants (dans ce sens également: JAR 1984 p. 113), à l'occasion desquels le temps d'essai se renouvellera chaque fois.
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bb) Bien qu'il résulte clairement de l'art. 2 du Règlement de B. SA que le temps d'essai reprend à chaque nouvelle mission acceptée par le travailleur intérimaire, on n'en doit pas moins s'interroger plus spécialement sur la validité de cette disposition et sur sa conformité au CO. La volonté du législateur est certes de protéger chacune des parties au contrat de travail, et plus particulièrement le travailleur, qui ne doit pas, par une prolongation excessive du temps d'essai, voir éludée à son détriment la protection contre le licenciement (Message du Conseil fédéral du 9 mai 1984 concernant l'initiative populaire "pour la protection des travailleurs contre les licenciements dans le droit du contrat de travail" et la révision des dispositions sur la résiliation du contrat de travail dans le code des obligations: FF 1984 II 617 et 620).
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De la stricte limitation du temps d'essai découle par conséquent l'interdiction des "contrats en chaîne" conclus dans un but frauduleux ou abusif, et qui rendraient illusoire cette protection (v. p.ex.: AUBERT, Le travail à temps partiel irrégulier in: Mélanges Alexandre Berenstein, 1989, p. 223 s. et les références citées; idem, Quatre cents arrêts sur le contrat de travail, 1984, n. 160-162; REHBINDER, Schweizerisches Arbeitsrecht, 10e éd., 1991, p. 106; IDEM, Commentaire bernois, VI/2, Der Arbeitsvertrag, n. 36 ad art. 319 CO; ATF 109 II 449).
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Il faut toutefois se demander si le besoin d'une telle protection existe aussi en matière de travail intérimaire.
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En effet, le travail intérimaire est une forme précaire d'emploi (NEF, op.cit., p. 8 ss; THÉVENOZ, op.cit., n. 625, p. 216). D'autre part, le travailleur intérimaire met sa capacité de travail à la disposition de l'employeur pour un temps généralement limité et accepte d'être placé auprès d'entreprises qui, chaque fois, peuvent différer, pour y exécuter des travaux qui ne seront pas obligatoirement toujours les mêmes. Ainsi, si le travailleur devait s'engager successivement auprès de ces diverses entreprises sans passer par l'intermédiaire d'une agence de travail intérimaire, un nouveau temps d'essai recommencerait à s'écouler lors de chaque prise d'emploi, en tout cas lorsqu'il ne s'agit pas du même employeur; et dans l'hypothèse où il s'agirait de la même entreprise, encore conviendrait-il d'examiner la durée des interruptions entre deux engagements successifs.
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BGE 117 V 248 (254):
Quelques auteurs apportent une réponse nuancée à cette question, en proposant que, en certaines circonstances, une requalification des contrats soit effectuée par le juge, "qui devra cumuler la durée (déterminée ou indéterminée) des missions successives, lorsqu'elles se sont succédé sans aucun délai, avec une interruption résultant de l'exercice d'un droit (vacances, maladie ou accident) ou de l'accomplissement d'une obligation légale (service militaire) ou encore avec les quelques jours, voire quelques semaines d'inoccupation qui résultent de la nature même de l'emploi temporaire" (THÉVENOZ, op.cit., n. 714, p. 241; dans ce sens également: BRENDER, Rechtsprobleme des befristeten Arbeitsvertrages, thèse Zurich 1976, p. 39, 110 ss; contra: HUG, Rechtliche Probleme der Teilzeitarbeit: Ferienregelung und Lohnzahlung bei Krankheit, SJZ 70 [1974] 188).
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Cependant, des débats parlementaires relatifs tant à l'adoption des nouvelles dispositions régissant la résiliation du contrat de travail dans le CO (BO 1985 CN 1120-1122; BO 1987 CdE 341) qu'à celle de la nouvelle loi fédérale sur le service de l'emploi et la location de services du 6 octobre 1989 (BO 1989 CN 251-254), il résulte clairement que la volonté du législateur est de tenir compte des impératifs du travail intérimaire, en lui réservant un traitement juridique particulier qui tient compte de sa spécificité et du besoin particulier de souplesse dans l'intérêt même des travailleurs (cf. aussi: art. 19 de la loi fédérale précitée, dont l'entrée en vigueur a été fixée au 1er juillet 1991: RO 1991 I 392 ss, spéc. 407).
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Les dispositions des conventions qui prévoient des temps d'essai successifs en cas de travail intérimaire ne signifient donc pas nécessairement que les parties à de tels contrats ont l'intention d'éluder la loi. Aussi, la conformité au CO de l'art. 2 du Règlement du personnel temporaire de B. SA doit-elle être admise, de sorte que le principal argument avancé par l'office recourant tombe à faux.
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C'est dès lors à bon droit, quoique pour des motifs erronés, que le recours cantonal a été rejeté.
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BGE 117 V 248 (255):
La perte de travail subie par l'assurée intimée pour la période s'étendant du 19 mars au 4 avril 1990 doit être prise en considération; il s'impose donc de rejeter le recours de l'OFIAMT, de confirmer - par substitution de motifs - le jugement déféré à la Cour de céans, et de renvoyer le dossier de la cause à l'administration afin qu'elle procède conformément aux présents considérants.
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