BGE 131 V 338 |
46. Arrêt dans la cause C. contre CONCORDIA Assurance suisse de maladie et accidents et Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève |
K 144/04 du 21 septembre 2005 |
Regeste |
Art. 25, Art. 32 Abs. 1, Art. 33 und Art. 34 Abs. 1 KVG; Art. 33 und Art. 37a KVV; Ziff. 1.2 Anhang 1 KLV (in der bis 30. Juni 2005 gültig gewesenen Fassung): Leistungen der obligatorischen Krankenpflegeversicherung. |
Sachverhalt |
A. Le 4 décembre 2001, C., née en 1957, a subi une greffe du foie d'un donneur vivant, en l'occurrence sa soeur, J., née en 1959. L'intervention a été pratiquée aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG). Le séjour à l'hôpital a pris fin le 25 décembre 2001. Il a été suivi de traitements ambulatoires (soins infirmiers, examens de laboratoires et radiologiques, contrôles) et médicamenteux. |
C. est affiliée à la Concordia Assurance suisse de maladie et accidents pour l'assurance obligatoire des soins. Par décision du 8 juillet 2003, confirmée par une décision sur opposition du 14 octobre 2003, l'assureur a refusé de prendre en charge les frais liés à la transplantation subie par l'assurée, notamment les traitements post-opératoires. |
B. Par jugement du 8 septembre 2004, le Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève a rejeté le recours formé par C. contre la décision sur opposition.
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C. C. interjette un recours de droit administratif en concluant à l'annulation de ce jugement et de la décision du 14 octobre 2003. Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. Elle demande, par ailleurs, à être mise au bénéfice de l'assistance judiciaire.
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La Concordia conclut au rejet du recours.
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A l'invitation du juge délégué, l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) s'est prononcé sur le recours. Les parties se sont ensuite exprimées sur les déterminations de l'office.
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D. Le 21 septembre 2005, la Ire Chambre du Tribunal fédéral des assurances a tenu audience.
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Considérant en droit: |
Erwägung 1 |
1.3 Selon l'art. 33 al. 1 LAMal, le Conseil fédéral peut désigner les prestations fournies par un médecin ou un chiropraticien, dont les coûts ne sont pas pris en charge par l'assurance obligatoire des soins ou le sont à certaines conditions. Cette disposition se fonde sur la présomption que médecins et chiropraticiens appliquent des traitements et mesures qui répondent aux conditions posées par l'art. 32 al. 1 LAMal. Il incombe ainsi au Conseil fédéral de dresser une liste "négative" des prestations qui ne répondraient pas à ces critères ou qui n'y répondraient que partiellement ou sous condition. |
D'après l'art. 33 al. 3 LAMal, le Conseil fédéral détermine également dans quelle mesure l'assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts d'une prestation nouvelle ou controversée, dont l'efficacité, l'adéquation ou le caractère économique sont en cours d'évaluation.
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A l'art. 33 OAMal et comme l'y autorise l'art. 33 al. 5 LAMal, le Conseil fédéral a délégué les compétences susmentionnées au Département fédéral de l'intérieur (DFI). Celui-ci en a fait usage en promulguant l'Ordonnance sur les prestations dans l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie (OPAS; RS 832.112.31). Cette ordonnance détermine notamment les prestations visées par l'art. 33 let. a et c OAMal - dispositions qui reprennent textuellement les règles exposées aux al. 1 et 3 de l'art. 33 LAMal - dont l'assurance-maladie obligatoire des soins prend en charge les coûts, avec ou sans conditions, ou ne les prend pas en charge (art. 1er OPAS). Les prestations figurent à l'annexe 1 de l'OPAS. Cette annexe ne contient pas une énumération exhaustive des prestations fournies par les médecins à la charge ou non de l'assurance-maladie. Elle indique:
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- les prestations dont l'efficacité, l'adéquation ou le caractère économique ont été examinés par la Commission des prestations et dont les coûts sont pris en charge, le cas échéant à certaines conditions, soit ne sont pas pris en charge;
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- les prestations dont l'efficacité, l'adéquation ou le caractère économique sont encore en cours d'évaluation mais dont les coûts sont pris en charge dans une certaine mesure et à certaines conditions;
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L'établissement de ce catalogue requiert le concours de commissions consultatives de spécialistes (Commission fédérale des principes de l'assurance-maladie et Commission fédérale des prestations générales; art. 37a OAMal en corrélation avec l'art. 33 al. 4 LAMal).
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Selon le chiffre 1.2 (dans sa version valable jusqu'au 30 juin 2005 [cf. consid. 3.1]) de l'annexe 1 à l'OPAS ( chirurgie de transplantation ), la transplantation isolée du foie est une prestation obligatoirement à la charge de l'assurance si elle est exécutée dans un centre qui dispose de l'infrastructure nécessaire et de l'expérience adéquate ("fréquence minimale": en moyenne dix transplantations de foie par année). En revanche, la transplantation du foie d'un donneur vivant n'est pas prise en charge. Il s'agit d'une prestation en regard de laquelle figure la mention "en cours d'évaluation".
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Erwägung 2 |
2.2 Pour la recourante, l'opération en cause remplissait toutes les exigences fixées à l'art. 32 al. 1 LAMal. Comme en première instance, elle invoque le droit constitutionnel à la vie en insistant sur le fait que l'opération était pour elle vitale. Elle fait par ailleurs valoir qu'en refusant la prise en charge de l'opération du 4 décembre 2001, l'assureur a également refusé de rembourser tous les frais médicaux post-opératoires que cette assurance aurait dû, en toute hypothèse, assumer si l'opération avait pu être réalisée avec un greffon en provenance d'une personne décédée. |
Erwägung 3 |
Quoi qu'il en soit, le présent litige doit toutefois être tranché à la lumière de la réglementation en vigueur au moment de la survenance des faits juridiquement déterminants (ATF 127 V 467 consid. 1). Aussi, la modification apportée au chiffre 1.2 de l'annexe 1 à l'OPAS, entrée en vigueur le 1er juillet 2005, n'est-elle pas applicable en l'espèce. |
La greffe d'un lobe du foie d'un donneur vivant sur son fils a été pratiquée avec succès pour la première fois en 1989. L'intervention appartient aux opérations de routine en Asie depuis les années 1990 et elle est plus fréquente aux Etats-Unis depuis 1998. Elle a été réalisée en Suisse une vingtaine de fois depuis 1999 (données au 22 octobre 2003) dans les centres de transplantation de Genève et de Zurich (voir Transplantation de lobe du foie provenant de donneurs vivants: la question du financement, prise de position n° 5/03 de la Commission nationale d'éthique pour la médecine humaine, in: Bulletin des médecins suisses 2004 p. 334). La transplantation du foie constitue aujourd'hui une opération courante, largement reconnue et approuvée par la communauté scientifique. Afin de faire bénéficier davantage de patients d'une greffe hépatique, on pratique de plus en plus la division des foies à transplanter (technique dite du "split liver"), de même que le prélèvement de parties du foie sur des donneurs vivants. Une autre technique - mais qui en est encore au stade expérimental - consiste à infuser des cellules isolées à partir du foie de donneurs. Cette technique devrait permettre notamment de satisfaire avec un seul foie les besoins de plusieurs patients (sur ces divers points: Message concernant la loi fédérale sur la transplantation d'organes, de tissus et de cellules [Loi sur la transplantation] du 12 septembre 2001, FF 2002 28 ch. 1.1.1.2.3). |
Erwägung 5 |
5.3 Les considérations éthiques ne sont pas absentes du raisonnement du juge lorsqu'il doit se prononcer sur la prise en charge de certains traitements qui touchent parfois aux sentiments les plus intimes des êtres humains. Le juge appelé à se prononcer en ce domaine sera donc naturellement porté à demander l'aide des spécialistes, le plus souvent les médecins (voir SPIRA, Le juge et l'éthique, in: L'éthique et le droit dans le domaine des assurances sociales, Colloque de Lausanne 1996, publication de l'IRAL, Lausanne 1996, p. 42 s.; voir par exemple ATF 121 V 289 et 302 [à propos de l'insémination artificielle homologue]). |
5.6 Enfin, la Commission nationale d'éthique pour la médecine humaine a répondu à la demande de l'OFAS par une prise de position du 22 octobre 2003, déjà mentionnée (supra consid. 4), approuvée à l'unanimité de ses membres. Il ressort de sa prise de position qu'aucune raison morale ne s'oppose à ce que la transplantation de lobes du foie provenant de donneurs vivants figure dans le catalogue des prestations. La prise de position de la commission nationale est ainsi résumée (voir Bulletin des médecins suisses 2004, p. 334): |
1. Des arguments éthiques substantiels plaident en faveur de l'admission des dons de foie de donneurs vivants dans le catalogue des prestations de l'assurance-maladie sociale.
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2. La réalisation responsable d'une transplantation hépatique à partir d'un donneur vivant présuppose l'offre de mesures d'accompagnement, permettant aux personnes concernées - en premier lieu le donneur et le receveur - de prendre une décision fiable, sincère et réfléchie.
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3. Le coût de la préparation, du traitement et du suivi adéquat du donneur - y compris le traitement de conséquences tardives liées au don - devrait être pris en charge par l'assurance-maladie du receveur.
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Erwägung 6 |
6.2 Actuellement, il n'existe pas de critères légaux d'accréditation pour les centres hospitaliers qui pratiquent des transplantations d'organes (cf. DUMOULIN/GUILLOD, L'organisation administrative des transplantations d'organes en Suisse, rapport de l'Institut du droit de la santé n° 5, Genève 2003, p. 24). La planification hospitalière est une tâche qui relève des cantons (voir GABRIELLE STEFFEN, Droit aux soins et rationnement, Approche d'une définition des soins nécessaires, thèse Neuchâtel 2002, p. 158; SPIRA, Les compétences des cantons en matière d'assurance obligatoire des soins, in: LAMal-KVG: Recueil de travaux en l'honneur de la Société suisse de droit des assurances, Lausanne 1997, p. 72 ss). La planification intercantonale est certes de nature à influer sur le coût et la qualité des transplantations. Cette planification - comme le souligne l'OFSP - ne peut actuellement reposer que sur des conventions entre les fournisseurs de prestations. La nécessité d'un accord entre les parties intéressées sera du reste, dans une large mesure, maintenue avec l'entrée en vigueur de la loi sur la transplantation. L'art. 27 de cette loi prévoit que le Conseil fédéral peut limiter le nombre des centres de transplantation après avoir consulté les cantons et en tenant compte des développements dans le domaine de la médecine de la transplantation. Dans son message, le Conseil fédéral relève toutefois que cette mesure extrême ne sera prise que si les efforts de coordination de la médecine de pointe ne permettent pas d'obtenir les résultats espérés (FF 2002 154). C'est dire que même sous le régime futur de la loi sur la transplantation, la planification intercantonale passera en priorité par des accords entre les cantons ou les établissements hospitaliers intéressés. |
6.3 Indépendamment de ces considérations générales, certaines dispositions du droit de l'assurance-maladie permettent cependant d'exclure le remboursement par l'assurance de certaines prestations fournies par un établissement qui n'entrerait pas dans une planification hospitalière; en cela elle correspondent à des normes de planification (DUMOULIN/GUILLOD, loc. cit., p. 24). C'est ainsi que selon l'art. 58 al. 3 let. b LAMal, le Conseil fédéral peut prévoir que des mesures diagnostiques ou thérapeutiques particulièrement coûteuses ou difficiles ne seront prises en charge par l'assurance obligatoire des soins que lorsqu'elles sont pratiquées par des fournisseurs de prestations qualifiés en la matière; il peut désigner ces fournisseurs de prestations. Le Conseil fédéral a délégué cette compétence au DFI (art. 77 al. 4 OAMal). Aussi bien l'annexe 1 à l'OPAS contient-elle, sous ch. 1.2, des indications relatives à la prise en charge de certains actes chirurgicaux de transplantation qui mettent en oeuvre l'art. 58 al. 3 let. b LAMal. Par exemple, la transplantation isolée du foie ne peut être exécutée que dans un centre qui dispose de l'infrastructure nécessaire et de l'expérience adéquate (supra consid. 1.3 in fine). La transplantation isolée du poumon d'un donneur non vivant ne peut être prise en charge que si elle est pratiquée à l'Hôpital universitaire de Zurich, à l'Hôpital cantonal universitaire de Genève en collaboration avec le Centre hospitalier universitaire vaudois, si le centre participe au registre de SwissTransplant. |
Le recours de droit administratif se révèle ainsi bien fondé. Il appartiendra à la caisse de fixer le montant des prestations auxquelles a droit la recourante.
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