BGE 132 V 53 |
8. Arrêt dans la cause G. contre Office AI pour les assurés résidant à l'étranger et Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les personnes résidant à l'étranger |
I 383/05 du 9 janvier 2006 |
Regeste |
Art. 8 und 17 IVG; Art. 13 Abs. 2 Bst. a und f der Verordnung Nr. 1408/71; Nummer 9 von Bst. o in Nr. 1 des Abschnitts A im Anhang II zum FZA: Umschulungsanspruch gegenüber der schweizerischen Invalidenversicherung. |
Diesbezügliche Anwendbarkeit und Tragweite des Abkommens vom 3. Juli 1975 zwischen der Schweizerischen Eidgenossenschaft und der Französischen Republik über Soziale Sicherheit. (Erw. 7) |
Sachverhalt |
A. G., né en 1959, de nationalité française, domicilié en France, travaillait comme frontalier en qualité de chef de pâtisserie au service de X. SA. A partir du mois de juin 2001, il a souffert d'un eczéma sur le dos des mains et des avant-bras, épargnant les doigts et les paumes. Il a été mis en arrêt de travail dès le 27 décembre 2002. Des tests épicutanés ont révélé une allergie aux composés de chrome en relation avec l'activité professionnelle. |
Le 11 juillet 2003, la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) l'a déclaré inapte à la profession de pâtissier-confiseur et à tous travaux en contact avec des composés du chrome, avec effet au 17 juin 2003. Elle lui a tout d'abord accordé des indemnités journalières pour incapacité de travail, puis dès le 1er octobre 2003, des indemnités pour changement d'occupation en raison d'une maladie professionnelle. A partir du 15 septembre 2003, il a été admis par Y. (institution de l'assurance-chômage française), à Z., au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi. L'indemnisation a pris effet à ce titre à compter du 15 septembre 2003. Ces allocations, d'un montant journalier net de 67 euros 27, ont été calculées sur la base d'un salaire journalier de 132 euros 06.
|
Auparavant, le 24 avril 2003, l'assuré avait présenté une demande de prestations de l'assurance-invalidité suisse sous la forme d'un reclassement. Après avoir dans un premier temps envisagé une mesure de réorientation professionnelle, l'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger (ci-après: l'OAI) a rendu une décision, le 16 décembre 2003, par laquelle il a refusé d'accorder à l'assuré une mesure d'ordre professionnel. L'OAI relevait que l'intéressé était au bénéfice d'un Certificat d'aptitude professionnelle (CAP) d'employé de commerce et que, moyennant une remise à niveau, il était tout à fait apte à reprendre une activité mieux adaptée à son état de santé. D'autre part, dans la mesure où il bénéficiait de prestations d'assurance-chômage dans son pays de résidence, il ne pouvait pas bénéficier de mesures de réadaptation en Suisse.
|
L'assuré a formé une opposition que l'OAI a rejetée par une nouvelle décision du 17 février 2004.
|
B. G. a recouru devant la Commission fédérale de recours en matière d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité pour les personnes à l'étranger.
|
Statuant le 18 avril 2005, la commission a rejeté le recours. Elle a considéré, en bref, que l'intéressé subissait une perte de gain de 24 %, propre, en principe, à ouvrir droit aux mesures de reclassement. Elle a cependant considéré que ce droit ne pouvait pas être reconnu au regard des dispositions de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (Accord sur la libre circulation des personnes; ALCP; RS 0.142.112.681). En effet, sous le régime de cet accord et des modifications apportées à son Annexe II par le Comité mixte UE-Suisse, le droit à des mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité suisse s'éteignait à partir du moment où l'intéressé touchait des prestations de l'assurance-chômage de son Etat de résidence, en l'occurrence la France. |
C. G. interjette un recours de droit administratif contre ce jugement en concluant à sa réforme dans le sens de l'ouverture d'un droit à des mesures de reclassement de l'assurance-invalidité suisse. Il conclut en outre au renvoi de la cause à l'OAI pour la mise en oeuvre de mesures de reclassement adéquates.
|
L'OAI et l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS), Secteur conventions internationales, concluent tous deux au rejet du recours. La CNA, en tant que partie intéressée, s'en remet à justice.
|
Considérant en droit: |
Il est constant, d'autre part, que le recourant ne peut prétendre un reclassement en regard de la seule législation nationale suisse, attendu qu'il n'est plus assuré à l'AVS/AI suisse (voir les art. 1b LAI en corrélation avec les art. 1a et 2 LAVS). La question est bien plutôt de savoir si la Suisse doit être reconnue comme Etat compétent au sens de l'ALCP pour servir des prestations à ce titre.
|
2. Selon l'art. 1 par. 1 de l'Annexe II de l'ALCP - intitulée "Coordination des systèmes de sécurité sociale", fondée sur l'art. 8 de l'accord et faisant partie intégrante de celui-ci (art. 15 ALCP) - en relation avec la Section A de cette annexe, les Parties contractantes appliquent entre elles en particulier le Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (ci-après: règlement n° 1408/71), ainsi que le Règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n° 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté ou des règles équivalentes. L'art. 80a LAI, entré en vigueur le 1er juin 2002 (RO 2002 688 et 700), en même temps que l'ALCP, renvoie à cet accord et auxdits deux règlements de coordination. Le terme "Etat(s) membre(s)" figurant dans ces actes est considéré renvoyer, en plus des Etats membres de l'Union européenne parties à l'ALCP, à la Suisse (cf. art. 1 par. 2 de l'Annexe II de l'ALCP). |
Aux termes de l'art. 16 al. 2 ALCP, dans la mesure où l'application de l'Accord implique des notions de droit communautaire, il sera tenu compte de la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) antérieure à la date de sa signature (le 21 juin 1999). Les arrêts rendus postérieurement à cette date peuvent, le cas échéant, être utilisés en vue d'interpréter l'ALCP, surtout s'ils ne font que préciser une jurisprudence antérieure (ATF 130 II 119 consid. 5.2).
|
Erwägung 4 |
5. Pour décider si le recourant a ou non droit à des mesures de reclassement de l'assurance-invalidité suisse en vertu du règlement n° 1408/71, il convient préalablement de déterminer la législation applicable selon les règles de rattachement du Titre II du règlement et ensuite de déterminer si les règles particulières de rattachement de ce règlement prévoient ou non l'application d'une autre législation pour le cas d'espèce (cf. HEINZ-DIETRICH STEINMEYER, in: MAXIMILIAN FUCHS [éd.], Europäisches Sozialrecht, 4e édition, Baden-Baden 2005, n. 35 ad art. 13 du règlement n° 1408/71). |
L'art. 13 par. 2 let. f du règlement n° 1408/71, introduit dans le règlement à la suite de l'arrêt Ten Holder, implique désormais qu'une cessation de toute activité professionnelle, qu'elle soit temporaire ou définitive, met la personne concernée en dehors du champ d'application de l'art. 13 par. 2 let. a du règlement n° 1408/71. L'art. 13 par. 2 let. f du règlement n° 1408/71 s'applique donc notamment à une personne qui a cessé ses activités professionnelles sur le territoire d'un Etat membre et a transféré sa résidence sur le territoire d'un autre Etat membre (arrêt de la CJCE du 11 juin 1998, Kuusijärvi, C-275/96, Rec. p. I-3419 points 39 et 40). Aussi bien la législation applicable, en vertu des règles générales de compétence du Titre II du règlement n° 1408/71, à des personnes au chômage est-elle en principe celle de l'Etat membre de résidence (arrêt de la CJCE du 11 novembre 2004, Adanez-Vega, C-372/02 Rec. p. I-10761, point 25; voir également, pour les travailleurs frontaliers, PRODROMOS MAVRIDIS, op. cit., p. 493 ss, n° 482 ss).
|
5.2 Il s'ensuit qu'une personne qui, à l'instar du recourant, a cessé son activité professionelle en Suisse et réside dans un Etat membre de l'UE est soumise, en vertu de l'art. 13 par. 2 let. f du règlement n° 1408/71 à la législation de l'Etat membre de résidence. L'applicabilité de l'art. 71 du règlement n° 1408/71 (règle spéciale de rattachement) conduit également, on l'a vu, à la désignation de l'Etat de résidence pour les prestations de chômage. D'autre part, le Titre III du règlement n° 1408/71 ne contient pas de règle particulière pour ce qui est de la compétence en matière de prestations d'invalidité visant à maintenir ou améliorer la capacité de gain. Le recourant ne peut ainsi déduire aucun droit à des mesures de réadaptation de l'assurance suisse en vertu des Titres II et III du règlement n° 1408/71. |
Erwägung 6 |
"Lorsqu'une personne qui exerçait en Suisse une activité lucrative salariée ou non salariée couvrant ses besoins vitaux a dû cesser son activité à la suite d'un accident ou d'une maladie et qu'elle n'est plus soumise à la législation suisse sur l'assurance-invalidité, elle doit être considérée comme couverte par cette assurance pour l'octroi de mesures de réadaptation et durant toute la période pendant laquelle elle bénéficie de ces mesures, à condition qu'elle n'ait pas repris une nouvelle activité hors de Suisse".
|
La décision du Comité mixte est entrée en vigueur le jour de son adoption. Elle s'applique (sauf pour des éventualités qui n'entrent pas en considération ici) à compter du 1er juin 2002.
|
Aussi bien le recourant fait-il valoir qu'il n'a pas repris d'activité hors de Suisse, de sorte qu'il a droit à des mesures de reclassement de l'assurance-invalidité suisse.
|
6.2 La décision en cause du Comité mixte s'explique par le fait que le droit suisse exige, pour l'ouverture du droit à des mesures de réadaptation, que la personne soit assurée à l'AVS/AI (art. 1b LAI). Elle repose sur la fiction que la personne intéressée reste soumise à l'assurance-invalidité suisse pour l'octroi de mesures de réadaptation. Selon l'interprétation qui est donnée par l'OFAS à cette décision, les mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité suisse viennent à s'éteindre non seulement si la personne reprend une activité lucrative hors de Suisse, mais également si elle touche des prestations de l'assurance-chômage de son Etat de résidence à l'étranger. Cette interprétation ressort d'une circulaire AI n° 182 du 18 juillet 2003, publiée dans pratique VSI 2003 p. 230 ss, plus particulièrement p. 233. L'OFAS expose, à titre d'exemple, qu'un travailleur frontalier pourra prétendre des mesures de réadaptation s'il a dû cesser son activité lucrative pour cause de maladie ou d'accident, même s'il n'a plus payé de cotisations en Suisse jusqu'à l'ouverture du droit aux prestations. Toutefois, s'il a cessé de son plein gré d'exercer une activité lucrative en Suisse sans reprendre une activité immédiatement après à l'étranger, il ne saurait prétendre une mesure de réadaptation de l'assurance suisse: cette mesure doit être fournie par l'Etat de domicile. Il en va de même, toujours selon l'OFAS, en cas de cessation d'activité lucrative due au chômage. |
6.4 Le travailleur salarié autre qu'un travailleur frontalier, qui est au chômage complet, dispose, en vertu de l'art. 71 par. 1 let. b point ii du règlement n° 1408/71 d'un droit d'option entre les prestations de l'Etat d'emploi et celles de l'Etat de résidence. Il exerce cette faculté en se mettant à la disposition soit des services de l'emploi de l'Etat du dernier emploi, soit des services de l'emploi du lieu de résidence. A cet effet, le travailleur peut se placer sous le régime des prestations de chômage de l'Etat de son dernier emploi ou réclamer les prestations de l'Etat de sa résidence. Il s'agit de faire bénéficier le travailleur des meilleures chances de réinsertion professionnelle (cf. ATF 131 V 228 consid. 6.2). En ce qui concerne les prestations de chômage, qui englobent non seulement des allocations en espèces, mais également l'aide au reclassement professionnel qu'apportent les services de l'emploi aux travailleurs qui se sont mis à leur disposition, le règlement n° 1408/71 repose donc sur l'idée que le travailleur migrant doit bénéficier des prestations de chômage dans les conditions les plus favorables à la recherche d'un nouvel emploi; est donc déterminant le point de savoir dans quel Etat la personne dispose des meilleures chances de réinsertion professionnelle (arrêts de la CJCE du 12 juin 1986, Miethe, 1/85, Rec. p. 1837, point 16, et du 15 mars 2001, de Laat, C-444/98, Rec. p. I-2229, point 32). Pour les travailleurs frontaliers au chômage complet, le législateur communautaire est parti de la présomption que les meilleures chances de réinsertion se trouvaient au lieu de résidence (arrêts cités Miethe, point 17, et de Laat, point 35). Or, il existe indéniablement une similitude de but entre les mesures de réinsertion de l'assurance-chômage et les mesures d'ordre professionnel de l'assurance-invalidité. Cette similitude justifie, dans le cas d'un travailleur frontalier, que les mesures professionnelles de l'assurance-invalidité suivent, en ce qui concerne la législation selon laquelle elles sont accordées, le sort de celles de l'assurance-chômage. |
6.5 Sous l'angle du droit communautaire, l'octroi simultané de mesures de réadaptation professionnelle de l'assurance-invalidité suisse et de l'indemnité de chômage selon la législation de l'Etat de résidence serait incompatible avec les obligations du chômeur de se mettre à disposition de l'office compétent de son lieu de résidence. Un reclassement professionnel selon l'art. 17 LAI pourrait contrecarrer le succès des mesures de réinsertion de l'assurance-chômage (ou vice versa). Or, le principe de l'unicité de la législation applicable tend à éviter un cumul ou un enchevêtrement des charges et des responsabilités qui résulterait d'une application simultanée ou alternative de plusieurs législations. Ce principe, déjà appliqué par la CJCE sous l'empire du règlement n° 3/58 est exprimé par l'art. 13 par. 1 du règlement n° 1408/71 (arrêts de la CJCE du 23 septembre 1982, Sociale Verzekeringsbank/Kuijpers, 276/81, Rec. 3027, point 10 sv. et du 25 novembre 1975, Caisse de pension des E. P./Massonet, 50-75, Rec. p. 1473, point 15). |
Erwägung 7 |
7.2 Selon l'art. 20 ALCP, sauf disposition contraire découlant de l'Annexe II, les accords de sécurité sociale bilatéraux entre la Suisse et les Etats membres de la Communauté européenne sont suspendus dès l'entrée en vigueur de l'Accord, dans la mesure où la même matière est réglée par l'Accord. Selon la jurisprudence de la CJCE, indépendamment des dispositions maintenues expressément par les règles de coordination du droit communautaire, les articles 39 et 42 du traité CE s'opposent à la perte d'avantages de sécurité sociale qui découlerait, pour les travailleurs, de l'inapplicabilité, par suite de l'entrée en vigueur du règlement n° 1408/71, d'une convention bilatérale de sécurité sociale (voir à ce propos ATF 130 V 154 consid. 7.2). A ce jour, le Tribunal fédéral des assurances a laissé indécis le point de savoir si cette jurisprudence développée en application du traité était transposable à l'ALCP (ATF 130 V 155 consid. 7.3 et 7.4, ATF 131 V 371, consid. 2.6 et 10.1). |
Elle peut également rester ouverte en l'espèce.
|
En l'espèce toutefois, le droit à des mesures de réadaptation n'avait pas pris naissance au moment de l'entrée en vigueur de l'ALCP. Le fondement du droit n'est pas lié à une certaine période - même brève - d'assurance ou d'emploi. On ne peut donc pas dire que le recourant avait un droit acquis à ce moment-là. Au demeurant, le recourant, qui, à teneur du Titre II du règlement n° 1408/71, est soumis en principe à la législation française - également pour d'éventuelles prestations qui visent la réadaptation de l'assuré invalide - ne démontre pas en quoi la convention bilatérale serait plus favorable dans son cas.
|