BGer U 244/1999
 
BGer U 244/1999 vom 11.02.2000
«AZA»
U 244/99 Mh
Ière Chambre
composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön, Spira, Widmer et Ferrari; Addy, Greffier
Arrêt du 11 février 2000
dans la cause
Société d'assurance dommages FRV, recourante,
contre
E.________, intimé, représenté par le Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs, rue des Chaudronniers 16, Genève,
et
Tribunal administratif du canton de Genève, Genève
A.- E.________ travaillait comme ouvrier agricole au service de G.________. A ce titre, il était assuré contre les accidents professionnels et non professionnels auprès de la Société d'assurance dommages FRV (ci-après : la FRV).
Le 27 juin 1996, l'assuré a été victime d'un accident sur son lieu de travail : une machine qu'il nettoyait s'est brusquement renversée sur son dos. La FRV, qui a pris en charge le cas, lui a versé dès le 30 juin 1996 une indemnité journalière d'un montant de 76 francs, calculée sur la base d'un gain assuré correspondant à son salaire d'ouvrier agricole (2600 francs par mois).
Le 13 mars 1998, l'assuré a informé la FRV qu'avant la survenance de son accident, il travaillait également depuis le 24 avril 1996 à titre accessoire (à raison de 10 heures par semaine) pour le compte de l'entreprise de nettoyage X________. En conséquence, il demandait à la FRV de recalculer le montant de l'indemnité journalière, en incluant le revenu tiré de son activité accessoire dans le gain assuré. La FRV a refusé de donner suite à cette demande, au motif que E.________ n'était plus, au moment déterminant, assuré contre le risque d'accident dans le cadre de son activité accessoire, l'employeur X________ ayant déclaré qu'il «avait arrêté sans (l')en aviser son activité en date du 6 juin 1996» (lettre du 31 mars 1998 à la FRV). L'assuré a contesté ce point de vue, en faisant valoir qu'il n'avait pas mis fin à son activité accessoire le 6 juin 1996, mais l'avait seulement interrompue quelques jours, le temps que son employeur lui aménageât un nouvel horaire de travail mieux adapté à sa situation. Par lettre du 4 mai 1998, X________ a précisé ce qui suit à l'adresse de la FRV :
«(...) nous vous informons que si (l'assuré) n'avait pas repris son activité, c'est qu'il attendait de notre part une mutation avec un horaire plus tardif que nous n'avons pu lui trouver».
Par décision du 10 septembre 1998, la FRV a refusé de prendre en compte le revenu accessoire dans le calcul du gain assuré. Saisie d'une opposition, elle l'a rejetée par décision du 23 novembre 1998.
B.- L'assuré a recouru contre cette dernière décision.
Par jugement du 15 juin 1999, le Tribunal administratif de la République et canton de Genève a admis le recours, annulé la décision sur opposition de la FRV et renvoyé la cause à celle-ci pour qu'elle rende une nouvelle décision qui prenne en considération le revenu accessoire dans le calcul du gain assuré. En outre, il a alloué au recourant des dépens et mis les frais de la cause à la charge de la FRV, au motif que celle-ci avait agi avec «une grande légèreté».
C.- La FRV interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont elle requiert l'annulation.
E.________ conclut implicitement au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit :
1.- Le litige porte sur le montant du gain assuré pris en considération dans le calcul de l'indemnité journalière versée par la recourante à l'intimé depuis le 30 juin 1996, à la suite de l'accident professionnel qui s'est produit le 27 juin 1996.
2.- L'assuré totalement ou partiellement incapable de travailler à la suite d'un accident a droit à une indemnité journalière (art. 16 al. 1 LAA). Les indemnités journalières et les rentes sont calculées d'après le gain assuré (art. 15 al. 1 LAA). Est réputé gain assuré pour le calcul des indemnités journalières le dernier salaire que l'assuré a reçu avant l'accident (art. 15 al. 2 LAA).
Sous la note marginale «salaire déterminant pour l'indemnité journalière dans des cas spéciaux», l'art. 23 al. 5 OLAA dispose que, si l'assuré était au service de plus d'un employeur avant l'accident, il y a lieu de se fonder sur le total des salaires.
3.- a) Se fondant sur l'art. 3 al. 2 LAA, qui prévoit que l'assurance cesse de produire ses effets à l'expiration du trentième jour qui suit celui où a pris fin le droit au demi-salaire au moins, les premiers juges ont considéré que l'intimé était encore, le jour de l'accident (27 juin 1996), assuré contre le risque d'accident dans le cadre de l'activité qu'il exerçait à titre accessoire chez X________, bien qu'il n'eût plus travaillé dans cette entreprise depuis le 6 juin 1996. Ils en ont déduit que le revenu qu'il tirait de cette activité accessoire devait être compris dans le gain assuré.
On ne saurait suivre cette opinion pour deux raisons.
b) En premier lieu, il est douteux que l'intimé fût encore au service de X________ avant son accident, comme l'exige l'art. 23 al. 5 OLAA. En effet, il a renoncé à son emploi le 6 juin 1996 sans en avertir l'employeur, selon les déclarations de ce dernier. Certes, celui-ci a précisé par la suite que c'est en raison du fait qu'un horaire de travail adapté à sa situation n'avait pu être aménagé que le travailleur «n'(avait) pas repris son activité». Toutefois, quelles qu'en soient les raisons, le comportement du travailleur qui quitte abruptement son travail sans informer l'employeur de ses intentions s'apparente généralement à un abandon d'emploi au sens de l'art. 337d CO, en particulier si la durée de l'absence injustifiée est d'une certaine importance (ATF 121 V 281 sv. consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral non publié du 24 août 1999 dans la cause C. et P., consid. 2).
En l'occurrence, il n'est pas nécessaire de décider si
le comportement de l'intimé, qui conteste avoir mis fin à son activité - en soutenant qu'il l'avait seulement interrompue, le temps que l'employeur lui aménageât un nouvel horaire de travail - constitue un abandon d'emploi. Car le recours doit, de toute façon, être admis pour une autre raison.
c) Comme le soutient à bon droit la recourante, la prolongation de la couverture d'assurance prévue à l'art. 3 al. 2 LAA ne vaut pas pour les travailleurs qui, à l'image de l'intimé, sont occupés à temps partiel moins de douze heures par semaine chez un même employeur, selon la réglementation en vigueur jusqu'au 31 décembre 1999, applicable en l'espèce (depuis le 1er janvier 2000 ce minimum a été abaissé à huit heures par semaine [RO 1999 2879]), car ceux-ci ne sont pas assurés contre les accidents non professionnels (art. 8 al. 2 LAA et art. 13 al. 1 OLAA a contrario), si bien qu'ils ne sont plus couverts lorsque leur assurance contre le risque d'accident professionnel prend fin, ce qui coïncide avec le moment où, conformément à l'art. 13 al. 2 OLAA, ils ont regagné leur domicile après le travail (ATF 97 V 205; Guignard, Le début et la fin de l'assurance-accidents, thèse, Lausanne 1998, p. 227 sv.; Ghélew/Ramelet/Ritter, Commentaire de la loi sur l'assurance-accidents, p. 31; voir aussi Maurer, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, Berne 1985, p. 142).
L'intimé n'était dès lors pas assuré, dans le cadre de
son activité au service de X________, contre le risque qui s'est réalisé chez son employeur principal G.________. Or, en cas de pluralité d'employeurs, seuls les salaires que l'assuré perçoit précisément en sa qualité d'assuré doivent être pris en considération en vertu de l'art. 23 al. 5 OLAA (Maurer, op. cit. p. 328 note 811). Autrement dit, ce ne sont que les salaires sur lesquels des primes destinées à financer le risque réalisé ont été prélevées qui font partie du salaire déterminant pour l'indemnité journalière. A défaut, le principe de la mutualité, qui gouverne les dispositions légales relatives à la fixation des primes en matière d'assurance-accidents (ATF 112 V 318 consid. 3; voir aussi art. 61 al. 2 LAA), s'en trouverait heurté.
d) Il suit de ce qui précède que le recours est bien fondé.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances
p r o n o n c e :
I. Le recours est admis et le jugement du 15 juin 1999 du
Tribunal administratif de la République et canton de
Genève est annulé.
II. Il n'est pas perçu de frais de justice.
III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif de la République et canton de
Genève et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 11 février 2000
Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ière Chambre :
Le Greffier :