BGer 2C.1/1998 |
BGer 2C.1/1998 vom 21.02.2000 |
2C.1/1998
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[AZA 0]
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IIe COUR DE DROIT PUBLIC
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21 février 2000
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Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger, président,
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Hungerbühler, R. Müller, Yersin et Zappelli, juge suppléant. Greffière: Mme Rochat.
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Statuant sur l'action en responsabilité
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intentée par
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C.H.________ et sa fille M.H.________,
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tous deux représentés par Me Jean-Pierre Garbade, avocat à Genève,
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dans la cause qui oppose les parties demanderesses à l'Etat de Genève, représenté par Me Michel Bergmann, avocat à Genève,
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(action en responsabilité pour acte illicite de l'Etat)
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Vu les pièces du dossier d'où ressortent
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les faits suivants:
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A.- V.________, ressortissante française, née le 26 février 1967, a mis au monde l'enfant M.________, née à Ambilly (Haute Savoie) le 16 mai 1994. Le 14 février 1995, à Genève, elle a épousé le père de l'enfant, C.H.________, né le 19 septembre 1948.
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Dans le cadre d'une enquête pénale pour infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants (Lstup; RS 812. 121), V.H.________ a été appréhendée le 22 février 1995 et conduite le lendemain à la prison de Champ-Dollon. Le 24 février 1995, elle a été inculpée d'infraction à l'art. 19 ch. 1 et ch. 2 lettre a Lstup pour avoir participé, de concert avec C.H.________, à un trafic de cocaïne.
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L'enfant M.________, alors âgée de 9 mois, qui se trouvait avec sa mère au moment de son interpellation par la police, a été conduite au foyer "Piccolo", lequel accueille des enfants dans des situations d'urgence. Elle y resta jusqu'au 24 février 1995, jour où X.________, frère de V.H.________, est venu la chercher.
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Le 1er mars 1995, le juge d'instruction a sollicité de la Chambre d'accusation la prolongation de la détention de V.H.________. Il a motivé sa requête par le fait que l'enquête dirigée contre l'inculpée n'était pas terminée et que les conditions de la délivrance du mandat d'arrêt existaient toujours. Il a invoqué le besoin de déterminer le rôle joué par l'inculpée dans le trafic de stupéfiants, ainsi que les risques de collusion, de fuite et de réitération. Par arrêt du 3 mars 1995, la Chambre d'accusation, faisant siens les motifs invoqués par le juge d'instruction, a autorisé la prolongation de la détention jusqu'au 17 mars 1995.
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V.H.________ est décédée des suites d'une intoxication à l'héroïne dans la nuit du 4 au 5 mars 1995.
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Le lendemain, le Procureur général du canton de Genève a ouvert une information pénale du chef des art. 115, 117 et 128 CP aux fins de découvrir les causes du décès de V.H.________. Cette procédure a cependant été classée par décision du 12 avril 1996. Le Procureur général a notamment retenu que V.H.________ était décédée d'une intoxication massive à l'héroïne, sans qu'il ait été possible de déterminer par quelles sources ce stupéfiant lui était parvenu. Aucune faute ne pouvait être reprochée à la direction ou au personnel de la prison, car ceux-ci n'étaient pas en mesure d'éviter que des stupéfiants pénètrent dans l'établissement, par petites quantités. Cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours.
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B.- La procédure pénale ouverte contre C.H.________ et un coïnculpé a été close le 4 novembre 1996.
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Le 25 novembre 1997, C.H.________ a été condamné à une peine de 30 mois de réclusion, sous déduction de 8 mois et 3 jours de détention préventive, pour infraction à l'art. 19 ch. 1 et 2 Lstup, avec la circonstance aggravante de la quantité, et coupable d'infractions aux art. 24 et 307 CP avec la circonstance atténuante de la tentative.
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Le 21 septembre 1998, la Chambre pénale de la Cour de justice du canton de Genève a partiellement admis le recours de C.H.________. Elle l'a libéré d'une partie des infractions à la Lstup qui lui étaient reprochées et l'a condamné à la peine de 28 mois de réclusion, sous déduction de la détention préventive subie.
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Le pourvoi en nullité déposé par C.H.________ a été rejeté par la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral, dans la mesure où il était recevable, par arrêt du 16 décembre 1998.
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C.- Les 4 mars 1996 et 17 mars 1997, C.H.________ et sa fille M.________ ont déposé des réquisitions de poursuite contre l'Etat de Genève pour un montant de 150'000 fr. à raison de l'arrestation et du décès de V.H.________. Ces poursuites ont été frappées d'opposition.
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Par acte du 13 janvier 1998, C.H.________ et
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M.H.________ ont ouvert une action en responsabilité contre l'Etat de Genève et demandent principalement au Tribunal fédéral de:
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"1. Dire et constater que la remise de V.H.________ à disposition du Juge d'instruction sous mandat d'amener le 23 février 1995, son arrestation le lendemain et la prolongation de sa détention par la Chambre d'accusation le 3 mars 1995 consacraient une violation du droit de M.H.________ au respect de sa vie familiale au sens de l'art. 8 ch. 1 CEDH.
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2. Condamner la République et canton de Genève à payer 146'533. 30 fr. à M. C.H.________, en sa qualité de représentant légal de M.H.________.
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3. Condamner la République et canton de Genève à payer 500'000 fr. à M. C.H.________ pour le dommage subi par lui-même (...)".
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La requête d'assistance judiciaire présentée par les demandeurs a été admise par décision du Tribunal fédéral du 22 avril 1998, Me Jean-Pierre Garbade étant désigné comme avocat d'office (art. 152 al. 2 OJ).
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Au terme de sa réponse, l'Etat de Genève a conclu au rejet de la demande en soulevant la prescription de l'action et en contestant l'illicéité des actes reprochés aux agents de l'Etat quant au fond.
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A l'issue de la réplique et de la duplique, une audience d'instruction préliminaire s'est tenue le 29 octobre 1998, au cours de laquelle la tentative de conciliation n'a pas abouti. La séance a ensuite été consacrée à la préparation de l'administration des moyens de preuve requis par les parties.
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Le Juge délégué a procédé à l'audition des vingt-deux témoins des parties lors des audiences des 21 et 27 janvier 1999, ainsi que du 15 avril 1999. Le témoin S.________ a été entendue plus tard à Genève, par commission rogatoire du 11 juin 1999.
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Par ordonnance du 28 janvier 1999, le Juge délégué a admis la requête d'expertise présentée par les demandeurs au sujet de l'analyse des cheveux prélevés sur le corps de V.H.________ après son décès. L'expert désigné, le docteur K.________, toxicologue, maître de conférences de médecine légale à l'Université Louis Pasteur de Strasbourg, a déposé un premier rapport le 23 mars 1999, complété à la suite de questions complémentaires des demandeurs et du Juge délégué les 17 mai et 3 août 1999.
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La procédure préparatoire a été clôturée par ordonnance du Juge délégué du 1er octobre 1999, après rejet de la requête de contre-expertise des demandeurs.
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Les parties ont renoncé aux plaidoiries et ont produit un mémoire écrit.
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Au terme de leur mémoire, les demandeurs ont réduit leurs conclusions à 80'242 fr.40 en faveur de M.H.________ et à 315'000 fr. en faveur de C.H.________. De son côté, l'Etat de Genève a maintenu ses conclusions.
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Considérant en d r o i t:
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1.- Le Tribunal fédéral connaît en instance unique des contestations de droit civil entre un canton d'une part et un particulier d'autre part, lorsque l'une des parties le requiert en temps utile et que la valeur litigieuse est d'au moins 8'000 fr. (art. 42 al. 1 OJ). La recevabilité de l'action est examinée d'office (art. 3 al. 1 PCF).
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a) Sont des contestations de droit civil au sens de l'art. 42 al. 1 OJ en relation avec l'art. 110 al. 1 ch. 4 aCst. , non seulement celles qui sont soumises au droit privé stricto sensu, mais également d'autres prétentions patrimoniales contre l'Etat, lorsque sa responsabilité légale, contractuelle ou quasi contractuelle est engagée en vertu du droit public.
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Fondée sur le droit public, soit sur la loi genevoise sur la responsabilité de l'Etat et des communes du 24 février 1989 (ci-après: LREC), la présente action remplit les conditions de l'art. 42 al. 1 OJ pour être recevable comme contestation de droit civil.
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b) A teneur des art. 1er et 2 LREC, l'Etat de Genève et les communes du canton sont tenus de réparer le dommage résultant pour des tiers d'actes illicites commis soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence dans l'exercice de leurs fonctions par les magistrats qui les représentent, ou par leurs fonctionnaires et agents dans l'accomplissement de leur travail, les lésés n'ayant aucune action directe envers les magistrats ni contre les fonctionnaires ou agents. Selon l'art. 6 LREC, les dispositions précédentes de la LREC sont soumises aux règles générales du code civil appliqué à titre de droit cantonal supplétif. Aux termes de l'art. 7 LREC, le tribunal de première instance du canton de
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Genève est compétent pour statuer sur les demandes fondées sur cette loi (al. 1), la loi de procédure civile cantonale étant applicable (al. 2). Cette voie cantonale s'efface en l'espèce devant l'action directe au sens de l'art. 42 al. 1
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OJ.
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2.- Les prétentions des demandeurs reposent sur deux fondements. Ce sont, d'une part, le tort moral causé à
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M.H.________ par l'arrestation prétendument illicite de sa mère, d'autre part, le tort moral et la perte de soutien causés aux deux demandeurs par le décès de V.H.________.
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a) A l'égard de toutes ces prétentions, le défendeur soulève l'exception de la prescription. Il relève que les demandeurs ont eu connaissance du dommage et de son auteur le 22 février 1995 en ce qui concerne la prétendue illicéité de la détention de V.H.________, et le 18 mai 1995, au moment où Me Garbade a pu consulter le dossier constitué à la suite du décès de V.H.________, en ce qui concerne le tort moral et la perte de soutien engendrés par ce décès. Or, si la première réquisition de poursuite a interrompu le délai de prescription, la seconde n'a été formée qu'au moment où la créance était déjà prescrite.
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En ce qui concerne le dommage causé par l'incarcération, les demandeurs prétendent qu'ils n'en ont eu connaissance qu'après la clôture de l'enquête ouverte contre C.H.________ pour trafic de stupéfiants, soit le 4 novembre 1996, car c'est seulement à ce moment-là que V.H.________ a été mise hors de cause de manière certaine. Il n'était donc pas possible de mesurer plus tôt l'impact de la détention préventive sur le psychisme de la détenue, justifiant une action contre l'Etat. Quant au dommage encouru en raison du décès de V.H.________, les demandeurs soutiennent que la prescription n'a commencé à courir que le 4 novembre 1996, jour de la clôture de l'instruction préparatoire dirigée contre les époux H.________, éventuellement le 22 avril 1996, jour où les demandeurs ont pu prendre connaissance du dossier instruit à la suite du décès de V.H.________. Quelle que soit la date où elle a commencé, cette prescription a été interrompue par la réquisition de poursuite du 17 mars 1997, puis par le dépôt de la demande le 13 janvier 1998.
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b) La loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes étant muette à propos de la prescription, il appartient au droit civil fédéral, appliqué comme droit cantonal supplétif selon l'art. 6 LREC, de régler la question de la prescription (Thierry Tanquerel, La responsabilité de l'Etat sous l'angle de la loi genevoise sur la responsabilité de l'Etat et des communes du 24 février 1989, in SJ 1997, p. 365).
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Aux termes de l'art. 60 al. 1 CO, l'action en dommages-intérêts ou en paiement d'une somme d'argent à titre de réparation morale se prescrit par un an à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne qui en est l'auteur, et, dans tous les cas, par dix ans dès le jour où le fait dommageable s'est produit.
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Selon la jurisprudence relative à l'art. 60 al. 1 CO, le créancier connaît suffisamment le dommage lorsqu'il apprend, touchant son existence, sa nature et ses éléments, les circonstances propres à fonder et à motiver une demande en justice. Le créancier n'est pas admis à différer sa demande jusqu'au moment où il connaît le montant absolument exact de son préjudice, car le dommage peut devoir être estimé selon l'art. 42 al. 2 CO. Au demeurant, le dommage est suffisamment défini lorsque le créancier détient assez d'éléments pour qu'il soit en mesure de l'apprécier (ATF 111 II 55 consid. 3a p. 57; 109 II 433 consid. 2 p. 434/435; 108 Ib 97 consid. 1c p. 90/100 et les arrêts cités). Eu égard à la brièveté du délai de prescription d'un an, on ne saurait se montrer trop exigeant à ce sujet à l'égard du créancier; suivant les circonstances, il doit pouvoir disposer d'un certain temps pour estimer l'étendue définitive du dommage (ATF 111 II 55 consid. 3a p. 57). Selon le principe de l'unité du dommage, celui-ci doit être considéré comme un tout et non comme la somme de préjudices distincts. Il en résulte que le délai de prescription ne court pas, en cas d'évolution de la situation, avant que le dernier élément du dommage soit survenu. Cette règle vise toutefois essentiellement les cas de préjudices consécutifs à une atteinte à la santé de la victime dont il n'est pas possible de mesurer d'emblée l'évolution avec suffisamment de sécurité (ATF 112 II 118 consid. 4p. 123; 108 Ib 97 consid. 1c, p. 100; 93 II 498 consid. 2p. 502). Le délai de l'art. 60 al. 1 CO part dès le moment où le lésé a effectivement connaissance du dommage et non de celui où il aurait pu découvrir l'importance de sa créance en faisant preuve de l'attention commandée par les circonstances (ATF 111 II 55 consid. 3a p. 57/58; 109 II 433 consid. 2p. 435/436). Ce que sait le mandataire du créancier est imputable à celui-ci (ATF 45 II 322 consid. 4 p. 331; voir aussi arrêt non publié du 25 mars 1999 en la cause D. c. Etat de Genève).
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c) En ce qui concerne la créance fondée sur l'incarcération de V.H.________, les demandeurs soutiennent à tort que la prescription n'a commencé à courir qu'à la clôture de l'enquête dirigée contre C.H.________. En effet, dès le décès de V.H.________, le 5 mars 1995, l'action pénale ouverte contre elle s'est éteinte. Les investigations dirigées contre l'inculpée ont ipso facto pris fin. Le juge d'instruction, le Procureur général ou la Chambre d'accusation n'avaient ainsi plus à se prononcer au sujet des indices de sa culpabilité ni sur le bien-fondé de sa détention. Cette question ne se posait donc plus dès le décès de l'inculpée.
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A vrai dire, C.H.________, qui était au demeurant vraisemblablement bien placé pour savoir si la détention de son épouse était ou non justifiée, connaissait tous les éléments propres à fonder l'action sur ce point au moment où il a su que V.H.________ était placée en détention. Il a ainsi pu disposer des éléments propres à fonder l'action dès que Me
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Garbade a été autorisé à prendre connaissance du dossier, à la fin de la suspension de l'instruction contradictoire ordonnée par le juge d'instruction M.________, soit dès le 15 mars 1995. Dans ces conditions, on peut admettre que la prescription a commencé à courir au plus tard dès la fin mars 1995.
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La réquisition de poursuite formée le 4 mars 1996 a donc interrompu la prescription de la créance (art. 135 ch. 2 CO). En revanche, contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, la remise au créancier de l'exemplaire de l'opposition formée par le poursuivi n'a pas fait courir un nouveau délai de prescription, car, selon la jurisprudence, un tel acte ne fait pas progresser la poursuite; il n'introduit pas un nouveau stade de la procédure (ATF 81 II 135 consid. 1 p. 136; Engel, Traité des obligations en droit suisse, 2ème édition, p. 815 et la jurisprudence citée). Ledit acte permet certes au créancier de connaître la réaction du poursuivi et de décider des démarches qu'il entend ensuite entreprendre, mais cet élément subjectif n'est pas déterminant pour la prescription, laquelle n'est interrompue que par une des actions décrites par l'art. 135 CO.
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La prescription n'a en outre été interrompue qu'à concurrence du montant réclamé, soit 150'000 fr. (ATF 119 II 339 consid. 1c et les références citées). Cela est vrai lors même que ledit montant ne couvrirait pas la totalité du dommage matériel et immatériel que le créancier dit avoir subi (ATF 119 II 339 consid. 1c aa p. 340).
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Selon l'art. 137 al. 1 CO, un nouveau délai d'un an commençait à courir dès l'interruption, soit dès le 4 mars 1996, pour prendre fin un an plus tard. Or, la nouvelle réquisition de poursuite n'a été formée que le 17 mars 1997. Elle est donc tardive. Il en découle que la créance que M.H.________ fonde sur le tort moral éprouvé ensuite de la détention prétendument illicite de sa mère est prescrite.
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3.- Si la créance n'était pas prescrite, l'action devrait de toute manière être rejetée sur ce point, car la demanderesse n'a démontré, ni l'existence d'un tort moral, ni l'illicéité de la détention.
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a) Selon la jurisprudence, le comportement d'un magistrat ou d'un fonctionnaire est illicite lorsqu'il viole des injonctions ou des interdictions de l'ordre juridique destinées à protéger le bien lésé. Une telle violation peut résider dans l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation laissé par la loi au magistrat ou au fonctionnaire. Est également considérée comme illicite la violation de principes généraux du droit. Cette définition est utilisée par le Tribunal fédéral aussi bien en matière de responsabilité fondée sur la loi fédérale sur la responsabilité de la Confédération (LRCF; RS 170. 32) qu'en matière de droit cantonal, en l'absence d'une disposition particulière. Toute illégalité ne peut cependant pas être qualifiée d'acte illicite lorsqu'on a affaire non pas à une action matérielle illégale, mais à une décision administrative. Comme en matière de responsabilité du juge, on doit considérer que si l'autorité ou le magistrat qui a interprété la loi fait usage de son pouvoir d'appréciation, ou de la latitude que lui laisse une notion juridique imprécise, d'une manière conforme à ses devoirs, son activité ne peut pas être tenue pour illicite du seul fait que son appréciation ou son interprétation n'est pas retenue par une autorité supérieure ou de recours saisie du cas par la suite (ATF 112 II 231 consid. 4 p. 234 et les références citées). L'illicéité du comportement du juge, dans l'exercice du pouvoir juridictionnel, suppose un manquement caractérisé qui n'est pas réalisé du seul fait déjà qu'une décision se révèle après coup dénuée de fondement, contraire à la loi, voire arbitraire au sens de l'art. 4 Cst. (ATF 120 Ib 248 consid. 2b p. 249). Pour qu'une décision puisse être qualifiée d'illicite, il faut une violation grave du droit, réalisée par exemple lorsque le magistrat ou l'autorité abuse de son pouvoir d'appréciation ou l'excède, lorsqu'il viole un texte clair, méconnaît un principe général du droit, n'instruit pas un dossier correctement ou agit par malveillance. Lorsque la responsabilité de l'Etat n'est engagée qu'en cas de faute, comme en l'espèce, on peut admettre qu'un magistrat n'en commet pas s'il ne viole pas un devoir primordial de sa fonction (ATF 112 II 231 consid. 4 p. 235).
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b) Pour les demandeurs, l'arrestation, puis la prolongation de la détention de V.H.________ étaient illicites, car contraires à la définition et aux conditions du mandat d'arrêt, soit aux art. 17 al. 2 Cst. gen. , 33 du code de procédure pénale du canton de Genève du 29 septembre 1977 (CPP gen. ) et 5 par. 1 CEDH.
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Selon cette dernière disposition conventionnelle, nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas mentionnés expressément et selon les voies légales, notamment "s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci (art. 5 par. 1 lettre c CEDH)".
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Il y a soupçon plausible au sens de cette disposition s'il existe des faits ou des renseignements propres à persuader un observateur objectif que l'individu en cause peut avoir accompli l'infraction. Ce qui peut passer pour plausible dépend de l'ensemble des circonstances (CourEDH, arrêt Fox c. Royaume-Uni du 30 août 1990, série A no 182, p. 16 par. 31).
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Les articles 34 (dont la teneur est identique à l'art. 17 al. 2 Cst. gen. ) et 145 CPP gen. décrivent les conditions auxquelles un mandat d'arrêt peut être décerné, puis prolongé; ils s'expriment dans des termes analogues à l'art. 5 par. 1 CEDH précité et n'y ajoutent rien d'essentiel pour la présente cause.
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Souvent, au début d'une enquête, le juge d'instruction ne peut se fonder que sur des indices pour décider de la nécessité d'une incarcération. Cela est particulièrement vrai en cas de trafic de stupéfiants qui implique en général plusieurs participants, trafiquants et consommateurs, où les risques de collusion sont particulièrement grands et où les preuves sont difficiles à réunir.
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c) En l'espèce, les demandeurs soutiennent que les seules charges pouvant être retenues contre V.H.________ étaient la détention de cocaïne et la consommation occasionnelle de cette drogue. Or, l'instruction a démontré que l'intéressée pouvait objectivement apparaître comme ayant fait davantage que simplement consommé de la cocaïne. Outre ses dénégations initiales qu'elle a ensuite contredites peu à peu, la présence de ses empreintes sur un emballage ayant contenu de la cocaïne et son activité d'intermédiaire dans les contacts entre son mari et d'autres personnes impliquées dans le trafic de stupéfiants constituaient de sérieux indices.
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La déclaration qu'elle a signée devant le juge d'instruction établissait aussi une certaine collaboration à l'activité délictueuse de son mari qu'il se justifiait au moins d'éclaircir.
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Ainsi, son arrestation, même appréciée après coup, n'apparaît nullement arbitraire et encore moins illicite.
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Quant à la prolongation de la détention, elle serait sans doute discutable si le trafic reproché à son mari n'avait pas revêtu l'ampleur que révèle le dossier (voir ci-dessus lettre B des constatations de fait). Selon la jurisprudence, la durée de la détention doit en effet être proportionnée à la gravité des faits qui paraissent avoir été commis (ATF 123 I 268 consid. 3a p. 273).
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Dans le cas de V.H.________ qui, après quelques jours d'enquête, ne pouvait en l'état se voir reprocher qu'une participation assez secondaire au trafic de stupéfiants commis par son mari, ainsi qu'une consommation modérée de drogue (on ignorait alors qu'elle était également consommatrice d'héroïne), une prolongation de la détention au-delà de la durée autorisée par la chambre d'accusation, soit jusqu'au 17 mars 1995, n'eût probablement pas été admissible, sous réserve de la découverte de faits nouveaux. L'action pénale dirigée contre V.H.________ s'étant éteinte avec son décès, la nature et l'importance de son activité délictueuse n'ont toutefois pas à être élucidées.
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En tout état de cause, et même si l'action n'était pas prescrite sur ce point, il n'apparaît pas que l'arrestation et la prolongation de la détention de V.H.________ aient été arbitraires au sens de l'art. 4 aCst. , ni a fortiori que les décisions prises à cet égard par les magistrats concernés aient été illicites.
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4.- a) La situation se présente différemment en ce qui concerne la créance fondée sur le décès de V.H.________. Le délai de prescription ne pouvait en effet pas courir avant que l'enquête n'établisse les circonstances de la mort de V.H.________. Cette enquête a été close le 12 avril 1996 et les demandeurs en ont eu connaissance le 22 avril 1996. En mai 1995, les demandeurs savaient seulement que V.H.________ était décédée des suites d'une intoxication par l'héroïne. A ce stade du dossier, le décès pouvait avoir été causé par un suicide, l'acte criminel d'un tiers ou la négligence de magistrats, fonctionnaires ou autres agents de l'Etat. Il n'était donc pas possible d'exiger des demandeurs qu'ils ouvrent action avant de connaître tous les éléments essentiels permettant de se faire une idée plus précise des circonstances de ce décès et de l'auteur du dommage.
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La seconde réquisition de poursuite formée le 17 mars 1997 a ainsi interrompu la prescription à concurrence du montant réclamé, soit 150'000 fr. Le dépôt de la présente action le 13 janvier 1998 a derechef interrompu la poursuite, mais à concurrence de 150'000 fr. seulement. Des prétentions plus élevées concernant le décès de V.H.________ sont dès lors prescrites (voir supra consid. 2).
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A l'égard de la perte de soutien, les demandeurs objectent qu'ils n'en ont connu la quotité exacte que le 26 septembre 1997, date à laquelle la Commission de recours en matière AVS/AI a rejeté définitivement la requête de C.H.________ tendant à l'obtention d'une rente de veuf. Ce dernier aurait toutefois été en mesure de motiver sa demande en justice concernant la perte de soutien, au plus tard dès qu'il a connu les circonstances du décès de son épouse, en avril 1996. Seule aurait pu varier la quotité de cette perte, laquelle dépendait de la décision définitive concernant l'AVS. Le principe de la réparation n'était pas touché par cette décision et rien n'empêchait le demandeur de prendre des conclusions concernant la perte de soutien, quitte à les modifier par la suite.
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Les prétentions maximales des demandeurs pour tort moral et perte de soutien ne peuvent donc s'élever qu'à 150'000 fr. et non à 395'242 fr.40 comme ils le réclament dans leurs conclusions. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur ces prétentions dans cette limite.
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Quant à la question de l'éventuelle prescription plus longue que justifieraient des actes punissables pénalement commis par des magistrats ou fonctionnaires de l'Etat, elle sera examinée en relation avec l'analyse des actes prétendument illicites qui, selon les demandeurs, auraient favorisé le décès de V.H.________.
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b) Selon les demandeurs, même en l'absence de mesures adéquates de surveillance, le seul fait d'avoir placé
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V.H.________ en détention préventive, alors qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre elle, était de nature à créer un lien de causalité adéquate avec son décès, car la détention préventive constituait "une situation de danger particulière qui, dans les circonstances de ce cas, pouvaient conduire à une consommation excessive de stupéfiants pouvant entraîner la mort".
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Or, comme on l'a vu, l'arrestation et le maintien en détention de V.H.________ étaient fondés sur des motifs compatibles avec les l'art. 5 par. 1 CEDH et les dispositions du code genevois de procédure pénale. Ces mesures étaient donc licites et elles ne pouvaient justifier en elles-mêmes que l'Etat soit rendu responsable du décès de l'inculpée, sous réserve de sa responsabilité pour actes licites, question qui sera examinée plus loin (infra consid. 5).
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c) Les demandeurs reprochent aussi aux autorités pénitentiaires d'avoir placé dans la cellule de V.H.________ la détenue P.________, toxicomane, laquelle aurait été porteuse de doses d'héroïne qu'elle aurait remises à V.H.________; ils prétendent que cela aurait pu être évité, si une fouille corporelle intime de cette détenue avait été pratiquée à son entrée en prison.
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Or, il n'a pas été établi en fait, que ce soit par l'enquête ordonnée par le Procureur général ou par la présente procédure, que P.________ ait possédé de l'héroïne à son entrée en prison, ni qu'elle ait fourni de la drogue à
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V.H.________ durant la soirée du 4 mars 1995. Au vu des nombreux témoins entendus, il apparaît bien plus vraisemblable que cette drogue ait été transmise à V.H.________ par d'autres détenues, au moyen du système dit du "yo-yo".
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Il reste que de la drogue circule en prison, malgré toutes les précautions et les mesures de fouille des détenus prises par le personnel lors des entrées en prison et après chaque visite au parloir, de même qu'en fouillant systématiquement les colis. Certes, les fouilles des parties intimes - qui ne peuvent être pratiquées que de façon restrictive, par un médecin et sur demande de la police - pourraient sans doute réduire sensiblement le risque de circulation de drogue en prison. Mais de telles mesures sont graves et ne sauraient être appliquées sans réserve, sous peine de tomber sous le coup des art. 3 CEDH (interdiction de traitements dégradants) ou 8 CEDH (non respect de la vie privée), cette dernière disposition étant au demeurant applicable au prélèvement des urines ordonné en milieu carcéral (voir décision CommEDH du 22 février 1995 dans la cause Baragiola c. Suisse, D.R. 80/66 par. 1b). Pratiquer de tels examens de façon systématique sur toutes les détenues, même toxicomanes, se révélerait en outre sans proportion avec l'objectif à atteindre. On ne peut donc reprocher à l'Etat de ne pas y procéder pour toutes les détenues toxicomanes avant de les admettre en prison. En ce qui concerne P.________, au demeurant, la police n'avait pas estimé vraisemblable qu'elle ait caché des stupéfiants dans son corps.
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Certes, idéalement, la compagnie d'une codétenue non toxicomane eût peut-être été préférable pour V.H.________ qui supportait mal son incarcération et était dépressive, mais il n'y avait pas grand choix, presque toutes les détenues étant toxicomanes. Dans ces circonstances, la décision de placer P.________ avec V.H.________ en cellule ne saurait davantage être reproché au personnel de la prison. Cette décision apparaît même après coup comme opportune, car V.H.________, qui se plaignait de solitude, avait paru contente d'avoir de la compagnie et rien ne permet de retenir que cette codétenue lui ait fourni de la drogue.
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d) Il reste à examiner si l'état de santé de V.H.________ a fait, autant qu'on pouvait l'attendre, l'objet d'une surveillance adéquate de la part du personnel de la prison.
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A cet égard non plus, l'Etat ne peut se voir reprocher de ne pas avoir surveillé l'état de santé de l'intéressée de manière adéquate. V.H.________ présentait certes des symptômes d'anxiété et des troubles du sommeil, mais son état de santé n'avait pas particulièrement alarmé le personnel médical ou les gardiens, notamment en raison du fait qu'elle n'avait pas manifesté des intentions suicidaires.
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Les demandeurs prétendent que le règlement sur le régime intérieur de la prison a été violé, car le service médical n'était pas permanent. Ils ne démontrent toutefois pas en quoi la présence d'un médecin dans l'établissement le soir du 4 mars 1995 eût empêché le drame. Il est vrai que le soir en question, sur le conseil du personnel infirmier, V.H.________ avait écrit au médecin, qui ne se trouvait pas dans l'établissement, pour lui demander de lui prescrire un calmant journalier. Un comprimé d'anxiolytique lui a été administré et rien ne permet de dire qu'un autre traitement eût été indiqué ce soir-là ou qu'il l'eût dissuadée de consommer de l'héroïne. Au demeurant, le responsable du service médical de la prison a confirmé qu'un médecin peut être atteint en permanence durant le week-end.
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En définitive, il apparaît qu'aucune négligence ne peut être reprochée aux agents de l'Etat dans la façon dont
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V.H.________ a été surveillée et soignée durant son séjour en prison. Son décès, entraîné par l'ingestion, de son propre chef, d'une dose mortelle d'héroïne, ne peut pas être mis à la charge du défendeur. Les agents de l'Etat n'ont donc commis, en l'occurrence, aucun acte illicite au sens où l'entend la jurisprudence rappelée ci-dessus (supra consid. 3a).
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Aucun acte illicite et, a fortiori, aucune infraction pénalement punissable n'étant établis, la question de la prescription plus longue de l'action pénale (art. 60 al. 2
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CO) ne se pose pas.
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5.- Au vu de ce qui précède, il y a lieu encore d'examiner si le défendeur peut être appelé, en équité, à réparer le dommage entraîné par l'incarcération suivie du décès de V.H.________, au sens de l'art. 4 LREC. Cette disposition stipule que l'Etat de Genève et les communes du canton ne sont tenus de réparer le dommage résultant pour des tiers d'actes licites commis par leurs magistrats, fonctionnaires ou agents dans l'exercice de leur fonction ou dans l'accomplissement de leur travail "que si l'équité l'exige".
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Selon les demandeurs, une telle réparation serait justifiée par les circonstances particulièrement choquantes du décès de V.H.________. Cette prétention, en tant qu'elle a sa cause dans le décès de cette dernière, n'est pas prescrite, à l'instar de celle basée sur des actes prétendument illicites de l'Etat (voir arrêt précité du 25 mars 1999 en la cause D., consid. 3a).
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Les conditions de l'indemnisation sont un dommage spécial, grave et causé par un acte qui n'avait pas pour but de protéger spécialement le lésé. Tanquerel (op. cit. p. 362/363) cite comme exemple typique de circonstances qui pourraient le plus vraisemblablement donner lieu à l'application de cette disposition le sursis à l'évacuation de locataires pour motifs humanitaires, ce qui permettrait d'indemniser les propriétaires. D'autres dispositions légales, qui ne s'appliquent pas en l'occurrence, les art. 379 et 380 CPP gen. permettent aussi d'indemniser une personne incarcérée de façon licite, mais qui est ensuite mise au bénéfice d'un non-lieu ou acquittée. Pour qu'une responsabilité de l'Etat en raison d'actes licites soit engagée, il faut en tout cas qu'il existe une relation de causalité entre l'incarcération, licite en l'occurrence, et le décès. Or, il n'y a pas en soi de lien de causalité adéquate (ATF 123 III 110 consid. 3a p. 112) entre l'incarcération d'un détenu et son décès par intoxication à l'héroïne. Selon la jurisprudence, il peut certes se produire qu'un événement, par exemple un accident, produise des conséquences inhabituelles, telles qu'une névrose (ATF 96 II 392 consid. 2 p. 396), sans que le lien de causalité cesse d'être adéquat.
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S'il est fréquent que l'incarcération puisse provoquer un état d'abattement chez le détenu, elle n'est cependant pas propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à entraîner la mort par l'absorption massive de stupéfiants. Dans la mesure où le défendeur n'a rien à se reprocher quant à la façon dont s'est déroulée l'incarcération de V.H.________, il apparaît que ce décès est dû de façon prépondérante, sinon exclusive, à la faute de l'intéressée. Retenir une responsabilité dans un tel cas reviendrait à exposer l'Etat à répondre de tous les agissements des prisonniers, même les plus imprévisibles. Cela serait pour le moins contraire à la notion d'équité, telle que l'exige l'art. 4 LREC comme condition de la réparation.
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6.- a) Il s'ensuit que l'Etat ne peut pas être tenu pour responsable du décès de V.H.________, ni en vertu d'un acte illicite, ni en raison de son activité licite.
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L'action des demandeurs doit dès lors être rejetée sans qu'il soit nécessaire d'examiner si C.H.________ et
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M.H.________ ont subi un dommage du fait du décès de
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V.H.________.
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b) Compte tenu de l'assistance judiciaire accordée aux demandeurs par décision du 22 avril 1998, il y a lieu de statuer sans frais. En revanche, l'indemnité à allouer au défendeur à titre de dépens doit être mise à la charge solidaire des demandeurs (art. 159 al. 1 et 5 et 156 al. 7 OJ) et fixée selon l'art. 5 ch. 1 du Tarif pour les dépens alloués à la partie adverse dans les causes portées devant le Tribunal fédéral du 9 novembre 1978 (RS 173. 119.1; ci-après: le Tarif). Quant aux honoraires de l'avocat d'office des demandeurs, ils doivent être mis à la charge de la caisse du Tribunal fédéral, conformément aux art. 152 al. 2 OJ et 9 du
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Tarif.
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Par ces motifs,
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le Tribunal fédéral,
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1.- Dit que l'action de C.H.________ et de M.H.________ est rejetée.
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2.- Dit qu'il n'est pas prélevé d'émolument judiciaire.
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3.- Dit qu'il est alloué au Canton de Genève une indemnité de 30'000 fr. à titre de dépens, à charge de
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C.H.________ et de M.H.________, solidairement entre eux.
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4.- Dit qu'il est alloué à Me Jean-Pierre Garbade une indemnité d'avocat d'office de 20'000 fr. sur la caisse du Tribunal fédéral.
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5.- Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties.
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Lausanne, le 21 février 2000
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ROC/elo
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Au nom de la IIe Cour de droit public
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du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
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Le Président,
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La Greffière,
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