BGer 7B.61/2000 |
BGer 7B.61/2000 vom 14.04.2000 |
[AZA 0]
|
7B.61/2000
|
CHAMBRE DES POURSUITES ET DES FAILLITES
|
***************************************
|
14 avril 2000
|
Composition de la Chambre: M. Bianchi, président, M. Weyermann
|
et Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Fellay.
|
________
|
Statuant sur le recours formé
|
par
|
A.________, représentée par Me Caroline Jenni-Arnold, avocate à Berne,
|
contre
|
l'arrêt rendu le 10 février 2000 par l'Autorité cantonale de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Neuchâtel;
|
(poursuite en réalisation de gage immobilier;
|
double mise à prix)
|
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
|
les faits suivants:
|
A.- Dans le cadre de la poursuite en réalisation de gage immobilier ayant pour objet l'article ... du cadastre de La Chaux-de-Fonds, ..., poursuite introduite contre la C.________ par A.________, titulaire de deux cédules hypothécaires inscrites en 1981 et 1990, l'Office des poursuites de La Chaux-de-Fonds a fixé la vente aux enchères dudit immeuble au 15 octobre 1999. Le 27 septembre précédent, la créancière a notamment requis la double mise à prix selon l'art. 142 LP en raison de quatre contrats de bail ultérieurs auxdites cédules, non inscrits au registre foncier et portant sur des locaux dudit immeuble. L'office a rejeté cette requête au motif qu'il s'agissait de baux commerciaux.
|
Saisie d'une plainte de la créancière, l'Autorité de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Neuchâtel l'a rejetée, par arrêt du 10 février 2000, en tant qu'elle portait sur la demande de double mise à prix des contrats de bail (chiffre 5).
|
B.- Contre cet arrêt, qui lui a été notifié le 14 février 2000, la créancière a recouru le 24 du même mois à la Chambre des poursuites et des faillites du Tribunal fédéral.
|
Elle lui demande d'annuler le chiffre 5 de la décision attaquée et d'ordonner à l'office de procéder à la double mise à prix sollicitée.
|
L'office a renoncé à présenter des observations.
|
L'effet suspensif a été attribué au recours par ordonnance du 1er mars 2000.
|
Considérant en droit :
|
1.- La décision attaquée se fonde sur l'arrêt du Tribunal fédéral du 16 février 1999 (ATF 125 III 123) qui, à l'instar de ce qui a été jugé en matière de bail à ferme agricole (ATF 124 III 37), admet la double mise à prix aussi bien pour les baux (de longue durée) annotés que pour ceux qui ne le sont pas, en précisant que de tels baux ne s'éteignent pas en cas de double mise à prix, mais passent à l'acquéreur, celui-ci pouvant résilier le bail pour le prochain terme légal, même s'il ne se prévaut pas d'un besoin urgent.
|
L'autorité cantonale de surveillance considère que même si le critère de la durée du bail est peut être discutable, et du reste discuté en doctrine, il n'en demeure pas moins qu'au vu de la plus récente jurisprudence, la durée du bail constitue un critère déterminant quant à la nécessité ou non d'une double mise à prix; or, en l'espèce, sur les quatre contrats considérés, qui portent sur des locaux commerciaux, trois sont résiliables trois mois d'avance pour la fin d'un trimestre, alors que le quatrième prévoit une échéance au 30 juin 2002, moyennant dénonciation six mois à l'avance; tous les baux étant de courte durée, conclut l'autorité cantonale, il n'y a pas lieu de procéder à une double mise à prix.
|
La recourante fait valoir en substance, en se référant essentiellement à Jean-Jacques Lüthi/Beat Zirlick (Die ausserordentliche Kündigung des Mietvertrages infolge Doppelaufruf, in: PJA 10/99, p. 1330), que la jurisprudence en question n'a pas pu faire de la durée du bail une condition de la double mise à prix, ce critère n'entrant en ligne de compte, dans ce cadre, que comme élément d'appréciation d'une possible dévaluation. En conséquence, la double mise à prix devait être ordonnée pour les quatre contrats de bail litigieux, de façon certaine en tout cas pour celui dont l'échéance a été fixé au 30 juin 2002.
|
2.- a) La double mise à prix prévue par l'art. 142 LP a pour objectif de déterminer si un bail, par exemple, dévalue l'objet du gage antérieur et, le cas échéant, de permettre à l'acquéreur qui se voit transférer le bail en vertu de l'art. 261 CO de le résilier pour le prochain terme légal, conformément à la jurisprudence (ATF 125 III 123: cf. Thomas Pietruszak/Jörg Zachariae, Der Schutz des Mieters von Wohn- und Geschäftsräumen in der Zwangsverwertung, in Recht 2000, p. 41 ss). En général, un immeuble gagé peut être dévalorisé par un bail conclu pour une longue durée, éventuellement moyennant un loyer bas (David Lachat, La résiliation du bail en cas d'aliénation de l'immeuble et d'insolvabilité du bailleur, in: Cahiers du bail, 3/99, p. 79 n. 37). Il n'est dès lors pas surprenant que, dans l'arrêt précité, le Tribunal fédéral ait fait état de cette généralité, le bail à propos duquel il avait à statuer ayant d'ailleurs été conclu en février 1993 pour une durée de 20 ans, dont 15 restant à courir à partir de la vente aux enchères (mai 1998). Comme le soulignent Lüthi et Zirlick (ibid.), c'est effectivement la durée du bail restant à courir qu'il convient de prendre en considération en l'occurrence.
|
b) Le critère de la durée résiduelle du bail n'est certes pas érigé en condition de la double mise à prix par les normes sur lesquelles celle-ci se fonde (art. 812 CC et 142 LP), mais il s'avère déterminant dans le choix du créancier gagiste de faire usage ou non de la faculté d'exiger la double mise à prix.
|
Si le créancier gagiste a un intérêt évident à requérir la double mise à prix lorsque la durée résiduelle du bail est relativement longue, il ne justifie en principe pas d'un tel intérêt lorsque cette durée est courte, en tout cas lorsqu'elle est égale ou inférieure au délai légal de congé de trois mois (habitation) ou six mois (local commercial) fixé par les art. 266c et 266d CO. Par souci de clarté, il faut donc poser que tout bail d'une durée résiduelle supérieure à cette limite légale est éventuellement susceptible de dévaluer l'objet du gage et donc de faire l'objet d'une double mise à prix.
|
c) En l'espèce, les quatre contrats de bail litigieux portent sur des locaux commerciaux. Trois d'entre eux sont résiliables trois mois d'avance pour la fin d'un trimestre, de sorte que c'est à bon droit que l'autorité cantonale de surveillance a refusé d'ordonner une double mise à prix à leur sujet. Le quatrième contrat justifie en revanche une double mise à prix, vu son échéance fixée au 30 juin 2002. Le recours est donc bien fondé en ce qui concerne ce contrat.
|
Par ces motifs,
|
la Chambre des poursuites et des faillites:
|
1. Admet partiellement le recours et réforme le chiffre 5 de l'arrêt attaqué en ce sens que l'office est invité à donner suite à la requête de double mise à prix du contrat de bail dont l'échéance est fixée au 30 juin 2002.
|
2. Communique le présent arrêt en copie à la mandataire de la recourante, à l'Office des poursuites de La Chaux-de-Fonds et à l'Autorité cantonale de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Neuchâtel.
|
________
|
Lausanne, le 14 avril 2000 FYC/frs
|
Au nom de la
|
Chambre des poursuites et des faillites
|
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
|
Le Président,
|
Le Greffier,
|