BGer 2P.455/1998
 
BGer 2P.455/1998 vom 27.06.2000
2P.455/1998
[AZA 0]
IIe COUR DE DROIT PUBLIC
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27 juin 2000
Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président, Hungerbühler et Berthoud, suppléant. Greffier: M. Langone.
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Statuant sur le recours de droit public
formé par
FG.________,
contre
l'arrêt rendu le 10 novembre 1998 par le Tribunal administratif du canton de Genève, dans la causequiopposelerecourantàlaCaisse-maladie C P T, Tellstrasse 18, case postale, à Berne;
(remboursement de subventions cantonales
en matière d'assurance-maladie)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- Jusqu'au 31 décembre 1996, les frères FG.________ et SG.________ étaient assurés auprès de la Caisse-maladie CPT (ci-après: la Caisse), notamment pour l'assurance obligatoire des soins. Pour l'année 1996, ils ont bénéficié de réductions des primes de l'assurance-maladie en faveur des assurés de condition économique modeste. Pour le 1er semestre de 1996, ils ont reçu 60 fr. par mois et par personne. Dès le 1er juillet 1996, la Caisse n'a plus facturé de primes dues au titre de l'assurance obligatoire des soins.
Le 3 mars 1997, elle a envoyé à FG.________ un chèque de 534 fr. 85. Ce montant correspondait aux primes pour l'assurance obligatoire des deux frères pour les mois de juillet à septembre 1996 (677 fr. 40), sous déduction de participations aux frais, de 111 fr. 95 et de 21 fr. 60 respectivement, et d'une différence de primes de 9 fr. en faveur de la caisse.
La Caisse s'est ensuite rendue compte que les deux frères avaient bénéficié, par ce remboursement, d'une double réduction de primes pour les mois de juillet à septembre 1996. Le 3 février 1998, elle a fait notifier à FG.________ un commandement de payer la somme de 677 fr. 40, avec intérêts à 5 % l'an dès le 1er juillet 1997. Le poursuivi a fait opposition.
Par décision du 16 mars 1998, la Caisse a levé cette opposition et a déclaré FG.________ débiteur de la somme de677 fr. 40, plus 63 fr. 90 de frais de poursuite et 25 fr. 40 d'intérêts moratoires.
FG.________ a formé opposition à cette décision. La
Caisse a rejeté l'opposition par une nouvelle décision du 8 avril 1998, en détaillant comme suit le montant de sa créance:
- Notre remboursement du 3 mars 1998 534 fr. 85
- Différence entre cotisations réclamées et cotisations payées 9 fr.
- Participation du 18 juillet 1996 111 fr. 95
-Participation du 6 février 1997 21 fr. 60
__________
Total : 677 fr. 40
B.- Statuant le 10 novembre 1998, le Tribunal administratif du canton de Genève a rejeté le recours formé contre cette décision par FG.________ et a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer par ce dernier jusqu'à concurrence de 677 fr. 40, avec intérêts à 5 % l'an dès le 1er juillet 1997.
C.- Agissant le 14 décembre 1998 par la voie du recours de droit public, FG.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 10 novembre 1998 du Tribunal administratif.
Le Tribunal administratif a renoncé à déposer une réponse et la Caisse conclut au rejet partiel du recours.
D.- Simultanément à son recours de droit public, FG.________ a saisi le Tribunal fédéral des assurances d'un recours de droit administratif ayant le même objet.
Le 27 janvier 1999, le Président de la IIe Cour de droit public a ouvert un échange de vues sur la question de la compétence. Par ordonnance du 9 mars 1999, il a suspendu la procédure de recours de droit public jusqu'à droit connu sur l'arrêt du Tribunal fédéral des assurances.
Par arrêt du 20 mai 1999 publié aux ATF 125 V 183 ss, le Tribunal fédéral des assurances a admis partiellement le recours dans la mesure où il était recevable en ce sens qu'il a annulé le jugement du Tribunal administratif du 10 novembre 1998, ainsi que la décision de la Caisse du 8 avril 1998, en tant qu'ils portaient sur le montant de 111 fr. 95 réclamé au recourant au titre de participation aux coûts.
E.- Par ordonnance du 15 février 2000, le Président de la IIe Cour de droit public a ordonné la reprise de la procédure de recours de droit public.
Considérant en droit :
1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 126 I 81 consid. 1 et les arrêts cités).
a) En l'espèce, en tant qu'il porte sur des participations aux coûts (art. 64 LAMal) et sur un solde de primes (art. 61 ss LAMal), le jugement attaqué se fonde sur le droit fédéral des assurances sociales (art. 128 OJ). C'est donc à juste titre que le Tribunal fédéral des assurances a estimé que sur ces deux points, seule la voie du recours de droit administratif était ouverte (ATF 125 V 183 consid. 3).
b) aa) En revanche, dans la mesure où il se prononce sur la restitution de 534 fr. 85 versé en trop à titre de réduction de primes, le jugement attaqué est fondé - ou plutôt aurait dû être fondé - exclusivement sur le droit cantonal, de telle sorte qu'il ne peut faire l'objet que d'un recours de droit public au Tribunal fédéral. Comme cela ressort de l'ATF 125 V 183 consid. 2, les règles cantonales régissant la réduction de primes dans l'assurance-maladie constituent en effet du droit cantonal autonome, c'est-à-dire ne présentant pas un rapport de connexité étroit avec l'application du droit public de la Confédération. Il n'est pas décisif, à cet égard, que le jugement cantonal se fonde, à tort, sur une norme de droit fédéral en matière de restitution, en l'espèce l'art. 47 LAVS. Tant l'ancienne loi genevoise du 18 septembre 1992 sur l'assurance-maladie obligatoire, le subventionnement des caisses-maladie et l'octroi de subsides en faveur de certains assurés des caisses-maladie que la loi genevoise du 29 mai 1997 d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie, entrée en vigueur le 1er janvier 1998 (RS GE J 3 05), prévoient que les assurés de condition économique modeste ont droit à des subsides destinés à réduire le montant des primes de l'assurance-maladie.
bb) Selon l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte de recours doit, sous peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation.
En l'occurrence, le recourant ne mentionne pas quel droit constitutionnel aurait été violé. On peut toutefois déduire de son acte de recours - qui répond de justesseaux exigences de motivation de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ - que le recourant entend se plaindre d'arbitraire. En fait, le recourant reproche au Tribunal administratif d'avoir admis qu'il était le seul débiteur des subsides alloués par erreur et de n'avoir pas examiné si leur remboursement le placerait dans une situation financière difficile.
2.- Il n'est pas contesté que le montant global des subsides versés à tort par la Caisse-maladie CPT, à concurrence de 677 fr. 40, concerne les deux frères G.________. FG.________ a bénéficié, pour les mois de juillet à septembre 1996, d'un subside de 346 fr. 50 (3x 115 fr. 50) et son frère SG.________ de 330 fr. 90 (3x 110 fr. 30). Le remboursement de ces subsides a été imputé d'une participation aux frais médicaux de FG.________ (21 fr. 60), d'une différence entre cotisations réclamées et cotisations payées concernant FG.________ (9 fr.) et d'une participation aux frais médicaux de SG.________ (111 fr. 95). Le montant réclamé par la caisse, soit 534 fr. 85, concerne donc FG.________ pour un montant de 315 fr. 90 et son frère SG.________ pour un montant de 218 fr. 95.
Le Tribunal administratif a retenu l'argumentation de la Caisse selon laquelle le recourant agissait aussi bien pour lui-même que pour son frère SG.________ et qu'il était tenu de rembourser la totalité des prestations reçues indûment. Cette appréciation est cependant arbitraire (sur la notion d'arbitraire, voir notamment ATF 125 I 166 consid. 2a p. 168 et les arrêts cités. Cette jurisprudence, rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. , garde toute sa valeur dans le cadre de l'art. 9 Cst. entré en vigueur le 1e janvier 2000).
Certes, la Caisse a tout d'abord soutenu que les deux frères formaient un "groupement familial" et que le recourant était chef de famille. Dans son mémoire de réponse devant l'autorité de recours cantonale, elle a relevé que le recourant était inscrit auprès d'elle en tant que chef de famille, ce qui impliquait que la totalité des primes dues par les deux frères lui étaient facturées et qu'il en était, de ce fait, le seul débiteur. Or aucune pièce du dossier ne permet d'étayer cette affirmation, au demeurant hardie, s'agissant de deux frères majeurs. FG.________ est d'ailleurs de deux ans le cadet de son frère. Ultérieurement, la Caisse a fait valoir que le recourant devait être considéré comme le représentant de son frère. Or aucun pouvoir de représentation ne figure au dossier. Si l'on peut admettre que, pour des motifs d'ordre pratique, une caisse adresse une seule facture de cotisations, en se fondant sur un pouvoir de représentation tacite, elle ne saurait user d'une telle facilité lorsqu'elle statue par voie de décision levant une opposition, en application de l'art. 80 LAMal.
En outre, la Caisse a agi de manière ambiguë. Elle s'est adressée tantôt à l'un ou l'autre des deux frères, tantôt aux deux simultanément. C'est ainsi que le décompte des primes 1996 du 15 octobre 1997 a été adressé à SG.________, la dernière sommation de paiement du 30 octobre 1997 au recourant FG.________ et la lettre explicative du 6 janvier 1998 conjointement aux deux frères. A cela s'ajoute que les remboursements des différents frais médicaux étaient versés sur un compte bancaire appartenant à leur mère.
En présence d'un tel imbroglio, il incombait à la Caisse de délimiter clairement les montants dont la restitution revenait à chacun des frères G.________ et de leur notifier deux décisions distinctes.
3.- S'agissant du caractère exigible de la restitution des prestations perçues indûment, le Tribunal administratif a admis la bonne foi du recourant mais a refusé d'examiner si un tel remboursement le placerait dans une situation financière difficile. Ce refus est fondé sur l'absence d'allégations du recourant sur sa situation matérielle. S'il est vrai que l'art. 22 de la loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative impose la collaboration des parties à la constatation des faits, cette même loi dispose, à son article 19, que l'autorité établit les faits d'office.
Or il ressort du dossier que le recourant est né le 18 juin 1977, qu'il est étudiant et qu'il a bénéficié jusqu'à fin 1996 des subsides cantonaux pour assurés de condition économique modeste. De tels indices devaient conduire le Tribunal administratif à interpeller le recourant sur sa situation financière exacte, en application du principe de la maxime d'office, et de statuer sur son obligation éventuelle de rembourser. En ne l'ayant pas fait, il a fait preuve d'arbitraire.
4.- Vu ce qui précède, le recours doit être admis dans la mesure où il est recevable et le jugement entrepris annulé.
Son intérêt pécuniaire n'étant pas en jeu, le canton de Genève n'a pas à supporter les frais judiciaires (art. 156 al. 2 OJ), ni à verser des dépens au recourant qui n'est pas représenté par un mandataire professionnel (art. 159 OJ). Quant à la requête d'assistance judiciaire présentée par le recourant, elle est devenue sans objet.
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Admet le recours dans la mesure où il est recevable.
2. Annule l'arrêt attaqué.
3. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
4. Constate que la demande d'assistance judiciaire est devenue sans objet.
5. Communique le présent arrêt en copie au recourant, à la Caisse-maladie CPT et au Tribunal administratif du canton de Genève, ainsi qu'au Tribunal fédéral des assurances.
___________
Lausanne, le 27 juin 2000
LGE/elo
Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,