BGer 6S.391/2000
 
BGer 6S.391/2000 vom 05.09.2000
[AZA 0]
6S.391/2000/ROD
COUR DE CASSATION PENALE
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Séance du 5 septembre 2000
Présidence de M. Schubarth, Président du Tribunal fédéral.
Présents: M. Kolly, Juge, et Mme Brahier Franchetti, Juge
suppléante. Greffière: Mme Angéloz.
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Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par
le Ministère public du canton de Vaud,
contre
l'arrêt rendu le 7 février 2000 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois dans la cause qui oppose le recourant à A.________, représenté par Me Eric Stauffacher, avocat à Lausanne;
(art. 63 CP; fixation de la peine)
Vu les pièces du dossier, d'où ressortent
les faits suivants:
A.- Pour avoir diffusé des écrits à contenu discriminatoire, dans les circonstances et de la manière décrites dans l'ATF 125 IV 206 ss, auquel on peut se référer pour plus de détails, A.________ a été condamné, par jugement du 8 décembre 1997 du Tribunal correctionnel du district de Vevey, pour discrimination raciale (art. 261bis CP), à la peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis. Saisie d'un recours d'A. ________, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois, par arrêt du 8 juin 1998, a annulé ce jugement et prononcé un acquittement, estimant, en résumé, que l'art. 27 CP s'appliquait à l'infraction prévue à l'art. 261bis al. 4 CP et que, l'auteur du livre ayant été condamné, toutes les personnes qui n'assumaient qu'une responsabilité subsidiaire échappaient à la répression. Statuant le 10 août 1999 sur un pourvoi en nullité du Ministère public cantonal, le Tribunal fédéral, jugeant qu'A. ________ ne pouvait se prévaloir de l'art. 27 CP, a annulé l'arrêt libératoire et renvoyé la cause à l'autorité cantonale (ATF 125 IV 206 ss précité).
B.- La cour de cassation cantonale a rendu son nouvel arrêt le 7 février 2000. Admettant partiellement le recours d'A. ________ contre le jugement du 8 décembre 1997, elle a réformé ce dernier en ce sens qu'elle a réduit à vingt jours d'emprisonnement la peine qui avait été prononcée en première instance, l'octroi du sursis étant maintenu.
C.- Le Ministère public cantonal se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Contestant la peine infligée à l'accusé, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué.
A.________ - dont le pourvoi parallèle a été rejeté par arrêt de ce jour - conclut au rejet du pourvoi du Ministère public.
Considérant en droit :
1.- Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de l'autorité cantonale (art. 277bis al. 1 PPF). Il n'est en revanche pas lié par les motifs invoqués, mais ne peut pas aller au-delà des conclusions du recourant (art. 277bis PPF), lesquelles doivent être interprétées à la lumière de leur motivation (ATF 124 IV 53 consid. 1; 123 IV 125 consid. 1). Cette dernière est en l'espèce limitée à la question de la peine, laquelle sera donc seule examinée.
2.- Le recourant critique la peine de 20 jours d'emprisonnement infligée à l'intimé par la cour de cassation cantonale en la comparant avec celle de 4 mois prononcée en première instance. Faisant valoir que le verdict de culpabilité n'a pas été modifié, il estime cette différence injustifiée.
Se fondant sur l'art. 448 al. 1 CPP/VD, la cour de cassation cantonale a fixé librement la nouvelle peine, celle prononcée en première instance ne la liant pas, conformément à sa jurisprudence relative à cette disposition (JT 1984 III 57). La comparaison opérée par le recourant revient ainsi remettre en cause l'application du droit cantonal, dont la violation directe ne peut toutefois être invoquée dans un pourvoi en nullité, qui ne peut être formé que pour violation du droit fédéral (art. 269 al. 1 PPF; ATF 123 IV 202 consid. 1 p. 204 s.; 122 IV 71 consid. 2 p. 76; 121 IV 104 consid. 2b p. 106).
Sous cet angle, le pourvoi est par conséquent irrecevable.
3.- Le recourant conteste la pertinence de deux éléments à décharge retenus par la cour de cassation cantonale.
a) Les éléments pertinents pour la fixation de la peine ont été exposés de manière détaillée dans les ATF 117 IV 112 consid. 1 et 116 IV 288 consid. 2a et les limites dans lesquelles la Cour de cassation peut admettre un pourvoi portant sur la fixation de la peine dans l'ATF 123 IV 150 consid. 2a. Il suffit donc de s'y référer.
b) Selon le recourant, que l'intimé ait pensé ne pas être punissable en vertu de l'art. 27 CP n'est pas de nature à diminuer sa faute; de même, la circonstance que d'autres libraires ont vendu l'ouvrage litigieux sans être poursuivis ne réduit pas la culpabilité de l'intimé.
La question de savoir si l'art. 27 CP est applicable à l'infraction réprimée par l'art. 261bis al. 4 CP a été tranchée dans l'arrêt de principe publié aux ATF 125 IV 206, rendu précédemment dans la présente cause (cf. supra, let. A). La solution de la question ainsi soulevée n'était pas d'emblée évidente, de sorte qu'il est compréhensible que l'intimé, qui savait certes, selon les constatations de fait cantonales, que son comportement était illicite, ait pu penser qu'il ne serait pas punissable en vertu de l'art. 27 CP. Si l'intimé, comme cela ressort de l'arrêt rendu ce jour sur le pourvoi en nullité qu'il a interjeté parallèlement (6S. 390/2000, consid. 2), ne pouvait pour autant se prévaloir d'une erreur de droit, le fait qu'il ait pu penser n'être pas punissable méritait d'être pris en considération dans la fixation de la peine. La faute de celui qui agit en croyant, à tort, sans qu'on puisse le lui reprocher, qu'il échappera à une sanction est moindre que celle de celui qui agit en sachant que son comportement est punissable.
L'élément contesté n'était donc pas dépourvu de pertinence pour apprécier la culpabilité de l'intimé et, partant, pour fixer la peine qui devait lui être infligée.
Il en va de même de l'autre élément critiqué par le recourant. Il est notoire que d'autres libraires ayant vendu l'ouvrage litigieux n'ont pas été poursuivis. Si cette circonstance, comme le relève la cour cantonale, ne saurait entraîner la libération du recourant, dont le comportement n'est pas moins illégal, elle pouvait en revanche être prise en considération dans une certaine mesure pour apprécier la faute du recourant. Au demeurant, il n'apparaît pas que cet élément ait été d'un grand poids, puisque la cour cantonale en a elle-même relativisé la portée en relevant que le recourant a encore diffusé d'autres ouvrages à contenu discriminatoire, étant rappelé que l'on ne saurait procéder par comparaison avec la peine qui avait été prononcée en première instance. En soi, la peine infligée n'est pas à ce point clémente que l'on puisse parler d'un abus du large pouvoir d'appréciation qui revient au juge de répression, auquel la Cour de cassation n'a pas à substituer sa propre appréciation en ramenant à une sorte de moyenne toute peine qui s'en écarterait.
4.- Le pourvoi doit dès lors être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Dans le cadre du pourvoi qu'il a lui-même déposé contre l'arrêt attaqué, l'intimé a sollicité l'assistance judiciaire, dont il y a lieu d'admettre qu'il la requiert également pour la présente procédure, même s'il ne le dit pas formellement dans sa réponse. Comme on ne peut raisonnablement lui reprocher d'avoir conclu au rejet du pourvoi de sa partie adverse, l'assistance judiciaire, dont il remplit par ailleurs les conditions, lui sera accordée. En conséquence, il ne sera pas perçu de frais et une indemnité sera versée à son mandataire à titre de dépens (art. 152 OJ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral,
1. Rejette le pourvoi dans la mesure où il est recevable.
2. Admet la requête d'assistance judiciaire de l'intimé.
3. Dit qu'il n'est pas perçu de frais.
4. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera au mandataire de l'intimé une indemnité de 1500 fr. à titre de dépens.
5. Communique le présent arrêt en copie au recourant, au mandataire de l'intimé et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois, ainsi qu'au Ministère public de la Confédération.
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Lausanne, le 5 septembre 2000
Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
La Greffière,