BGer 1P.603/2001
 
BGer 1P.603/2001 vom 01.03.2002
Tribunale federale
{T 0/2}
1P.603/2001/dxc
Arrêt du 1er mars 2002
Ire Cour de droit public
Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du Tribunal fédéral,
Féraud, Scartazzini, juge suppléant,
greffier Jomini.
X.________, recourant, représenté par Me Alexandre Bernel, avocat, case postale 2233, 1002 Lausanne,
contre
Procureur général du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, 1014 Lausanne.
procédure pénale; appréciation des preuves
(recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 6 mars 2001)
Faits:
A.
Par un arrêt rendu le 6 mars 2001 (envoyé aux parties le 14 août 2001), la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: la Cour de cassation pénale) a rejeté un recours formé par X.________ contre un jugement rendu le 15 janvier 2001 par le Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte. Par ce jugement, X.________ avait été condamné, pour violation grave des règles de la circulation et ivresse au guidon d'un motocycle, à cinq jours d'arrêt et 800 fr. d'amende, avec sursis et délai d'épreuve en vue de radiation de deux ans.
B.
Agissant par la voie du recours de droit public pour violation de la maxime "in dubio pro reo" (cf. art. 32 al. 1 Cst., art. 6 par. 2 CEDH, art. 14 par. 2 Pacte ONU II), X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt rendu par la Cour de cassation pénale.
Le Procureur général du canton de Vaud conclut au rejet du recours.
La Cour de cassation pénale se réfère à son arrêt.
C.
Par une ordonnance du 21 septembre 2001 notifiée à son avocat, le Président de la Ire Cour de droit public a invité le recourant à verser, jusqu'au 5 octobre 2001 au plus tard, une avance de frais de 2'000 fr. Cette ordonnance indiquait qu'il était loisible au recourant d'acquitter ce montant "par virement au compte postal [...] de la Caisse du Tribunal fédéral", avec l'avertissement qu'en cas de recours aux services postaux, l'ordre de virement devait être donné à la Poste suisse le dernier jour du délai au plus tard.
Le paiement de l'avance a été enregistré par la Caisse du Tribunal fédéral le 9 octobre 2001. Constatant que le système des ordres de paiement électroniques (OPAE) avait été utilisé, le Tribunal fédéral a interpellé Postfinance, à Berne, au sujet notamment de la date d'échéance indiquée pour ce paiement. Postfinance a répondu le 12 octobre 2001 que l'ordre de paiement avait été "télétransmis" à son adresse le 5 octobre 2001 et que la date d'échéance indiquée par son client était celle du 8 octobre 2001, correspondant à la date d'exécution et de crédit.
Le 17 octobre 2001, le Tribunal fédéral a permis au recourant de se déterminer au sujet de l'observation du délai fixé pour l'avance de frais. Le 26 octobre 2001, le recourant a déposé une demande de restitution de délai. Il fait valoir, en substance, qu'il bénéficiait d'une couverture en protection juridique fournie par la société d'assurance de protection juridique Z.________ SA, et qu'il avait demandé à cette société, par un courrier de son avocat, d'acquitter directement le montant de l'avance de frais jusqu'au 5 octobre 2001. Z.________ SA avait répondu à l'avocat (avec copie au recourant) qu'elle paierait cette avance dans le délai fixé; en définitive, elle avait pourtant donné l'ordre à Postfinance de payer la somme de 2'000 fr. à la date d'échéance du 8 octobre 2001. Le recourant estime que ni lui-même, ni son avocat n'ont commis de faute; aussi le délai fixé dans l'ordonnance du 21 septembre 2001 devrait-il être restitué conformément à l'art. 35 al. 1 OJ.
D.
Par une ordonnance du 5 novembre 2001, le Président de la Ire Cour de droit public a accordé au recours de droit public l'effet suspensif requis par le recourant.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
L'art. 150 al. 1 OJ dispose que quiconque saisit le Tribunal fédéral est tenu - sauf exception justifiée par des motifs particuliers -, par ordre du président, de fournir des sûretés en garantie des frais judiciaires présumés. En vertu de l'art. 150 al. 4 OJ, les conclusions de la partie sont irrecevables si les sûretés ne sont pas fournies avant l'expiration du délai fixé.
Le recourant ne conteste pas que les sûretés ont été fournies après le 5 octobre 2001, délai fixé dans l'ordonnance présidentielle du 21 septembre 2001. Comme il n'a pas été demandé de prolongation de ce délai (cf. art. 33 al. 2 OJ), le recours de droit public doit en principe être déclaré irrecevable. Le recourant requiert néanmoins la restitution du délai fixé par le Président de la Cour de céans en application de l'art. 150 OJ.
2.
2.1 Aux termes de l'art. 35 al. 1, 1ère phrase OJ, la restitution pour inobservation d'un délai ne peut être accordée que si le requérant ou son mandataire a été empêché, sans sa faute, d'agir dans le délai fixé. Le recourant soutient que ni lui-même, ni son avocat n'ont commis de faute, car c'est un auxiliaire (de luimême ou de son avocat), à savoir la société d'assurance de protection juridique, qui est responsable du paiement tardif. L'empêchement non fautif résiderait, selon les termes du recourant, dans la confirmation écrite donnée par la société d'assurance que l'avance de frais serait effectuée en temps utile; il prétend qu'on ne saurait reprocher, ni à lui-même ni à son avocat, d'avoir mal choisi, instruit et surveillé cet auxiliaire.
2.2 Par empêchement non fautif de la partie ou du mandataire, au sens de l'art. 35 al. 1 OJ, il faut entendre, selon la jurisprudence, non seulement l'impossibilité objective, comme la force majeure, mais également l'impossibilité subjective due à des circonstances personnelles ou à l'erreur (cf. ATF 96 II 262 consid. 1a p. 265; Jean-François Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. I, Berne 1990, n. 2.3 et 2.7 ad art. 35). Lorsque le soin d'effectuer l'avance de frais est confié à un auxiliaire, le comportement de celui-ci doit être imputé au recourant lui-même - ou à son mandataire, si l'auxiliaire agit à la demande de ce dernier (ATF 107 Ia 168 consid. 2a p. 169; arrêt 6S.86/1991 consid. 4 in SJ 1991 p. 567; cf. également ATF 114 Ib 67 consid. 2c p. 70). Pour justifier cette règle, la jurisprudence s'est référée, par analogie, au régime de l'art. 101 CO (responsabilité pour des auxiliaires, en cas d'inexécution des obligations), en relevant que celui qui a l'avantage de pouvoir se décharger sur un auxiliaire pour l'exécution de ses obligations doit aussi en supporter les inconvénients, la notion d'auxiliaire devant être interprétée de manière large et s'appliquer non seulement à celui qui est soumis à l'autorité de la partie ou de son mandataire mais encore à toute personne qui, même sans être dans une relation juridique permanente avec la partie ou son mandataire, lui prête son concours (ATF 107 Ia 168 consid. 2a p. 169; cf. aussi, à propos d'une application par analogie de l'art. 101 CO dans une contestation concernant la loi sur les brevets, où l'on assimile la faute des auxiliaires du titulaire du brevet à la faute propre de celui-ci: ATF 94 I 248 consid. 2a-b p. 250). En d'autres termes, une restitution de délai n'entre pas en considération quand le retard dans le versement de l'avance de frais est le fait d'un auxiliaire qui ne peut pas se prévaloir lui-même d'un empêchement non fautif, quand bien même cet auxiliaire aurait reçu des instructions claires et que la partie ou le mandataire aurait satisfait à son devoir de diligence (cf. ATF 107 Ia 168 consid. 2c p. 170).
2.3 Le recourant invoque pourtant la ratio legis, à ses yeux, de l'art. 35 al. 1 OJ et soutient qu'il faudrait examiner si l'on peut reprocher à la partie ou à son mandataire, ayant confié à l'auxiliaire la tâche de verser l'avance de frais, une culpa in eligendo, une culpa in instruendo ou une culpa in custodiendo; si tel n'est pas le cas, l'empêchement de la partie ou du mandataire serait non fautif. Le recourant suggère ainsi une application par analogie du régime de l'art. 55 CO (responsabilité de l'employeur pour le dommage, résultant d'actes illicites, causé par ses travailleurs ou autres auxiliaires). Le recourant se réfère à ce propos à l'avis de certains auteurs, qui critiquent la jurisprudence actuelle ou la stricte application de la règle précitée (cf. Poudret, op. cit., n. 2.6 ad art. 35 et les références). Or le Tribunal fédéral a déjà pris position à ce sujet, en retenant que ce courant de doctrine ne paraissait pas prendre en considération le fait qu'une pratique plus souple pourrait pousser les parties à multiplier les auxiliaires afin de s'exonérer de leur responsabilité quant à l'observation des délais judiciaires (arrêt 6S.86/1991 consid. 4 in SJ 1991 p. 567). Le recourant relève que, dans le texte de l'art. 35 al. 1 OJ, il n'est pas fait allusion à la faute des éventuels auxiliaires, mais seulement à celle de la partie et de son mandataire, et il y voit un "silence" de la loi. Cet argument n'est toutefois pas concluant car il n'impose pas d'appliquer un régime moins rigoureux que celui découlant d'une application analogique de l'art. 101 CO (cf. ATF 114 Ib 67 consid. 2d in fine p. 73). Ainsi, il se justifie toujours de s'en tenir à la jurisprudence actuelle, les conditions pour un changement de jurisprudence n'étant pas réalisées (cf. ATF 126 I 122 consid. 5 p. 129; 124 V 118 consid.6a p. 124, 386 consid. 4c p. 7; 122 I 57 consid. 3c/aa p. 59 et les arrêts cités).
3.
Pour apprécier le comportement du mandataire, il faut se fonder sur les motifs exposés dans la demande de restitution de délai (ATF 119 II 86 consid. 2b p. 8). Or on ne voit pas en quoi l'indication, à l'intention de Postfinance, d'une date d'échéance postérieure à la date fixée pour l'avance de frais serait excusable, aucun argument n'étant présenté aux fins d'expliquer cette erreur. Aussi la demande de restitution doit-elle être rejetée.
4.
Il s'ensuit que le recours de droit public doit être déclaré irrecevable en application de l'art. 150 al. 4 OJ (cf. supra, consid. 1).
Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais du présent arrêt (art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ). Les autorités cantonales n'ont pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 et 2 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
La demande de restitution du délai d'avance de frais est rejetée.
2.
Le recours de droit public est irrecevable.
3.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge du recourant.
5.
Il n'est pas alloué de dépens.
6.
Le présent arrêt est communiqué en copie à l'avocat du recourant, au Procureur général et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 1er mars 2002
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: