BGer 5P.2/2004 |
BGer 5P.2/2004 vom 12.02.2004 |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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5P.2/2004 /frs
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Arrêt du 12 février 2004
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IIe Cour civile
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Composition
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M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
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Nordmann et Hohl.
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Greffier: M. Fellay.
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Parties
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X.________, (époux),
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recourant, représenté par Me Henri Carron, avocat,
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contre
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Dame X.________, (épouse),
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intimée, représentée par Me Guérin de Werra, avocat,
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Cour de cassation civile du Tribunal cantonal du canton du Valais, Palais de Justice, avenue Mathieu-Schiner 1, 1950 Sion.
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Objet
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Art. 9 Cst. (mesures protectrices de l'union conjugale),
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recours de droit public contre le jugement de la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal du canton du Valais du 18 novembre 2003.
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Faits:
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A.
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Dame X.________, née le 28 octobre 1946, et X.________, né le 12 novembre 1932, se sont mariés le 11 juillet 1984 devant l'officier de l'état civil de Conthey. Aucun enfant n'est issu de leur union. Les époux vivent séparés depuis le 23 janvier 2001.
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B.
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Par décision de mesures protectrices de l'union conjugale du 7 avril 2003, rendue à la requête de l'épouse, le juge II du district de Sion a notamment autorisé les époux à avoir un domicile séparé et astreint le mari à verser à son épouse une contribution d'entretien de 2'800 fr. par mois. Pour arrêter ce montant, il a retenu que le revenu mensuel net du mari s'élevait à 10'602 fr. et celui de l'épouse à 2'050 fr., ce dernier montant se décomposant en 750 fr. de revenu locatif pour un immeuble à Savièse et 1'300 fr. de revenu salarial hypothétique que l'on était en droit d'attendre de l'épouse, en mesure d'exercer une activité lucrative à 30% à dire de médecin (Dr Y.________). A ce propos, le juge a souligné que l'épouse n'avait pas établi que ses problèmes psychiques constituaient une atteinte persistante à son état de santé; selon les médecins qui l'avaient suivie, ces problèmes étaient essentiellement dus au conflit conjugal; s'ils devaient être réels, a conclu le juge, l'épouse devait pouvoir bénéficier de prestations des assurances sociales pour compenser son éventuelle incapacité de gain.
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Le pourvoi en nullité interjeté par le mari contre cette décision a été déclaré irrecevable, faute de motivation suffisante, par jugement de la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal valaisan du 18 novembre 2003, notifié aux parties le 20 du même mois.
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C.
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Agissant le 5 janvier 2004 par la voie d'un recours de droit public pour arbitraire (art. 9 Cst.), le mari conclut, avec dépens, à l'annulation du jugement de la cour cantonale.
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L'intimée n'a pas été invitée à déposer une réponse.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 129 I 173 consid. 1 p. 174; 129 II 225 consid. 1 p. 227).
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Les décisions de mesures protectrices de l'union conjugale ne sont pas des décisions finales au sens de l'art. 48 OJ et, partant, ne peuvent être entreprises par la voie du recours en réforme (ATF 127 III 474 consid. 2 et les références citées). Les griefs soulevés par le recourant ne pouvant être soumis par un autre moyen de droit au Tribunal fédéral ou à une autre autorité fédérale, la condition de subsidiarité du recours de droit public est remplie (art. 84 al. 2 OJ). Interjeté en temps utile - compte tenu de la suspension des délais prévue par l'art. 34 al. 1 let. c OJ - contre une décision prise en dernière instance cantonale, le recours est recevable au regard des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ.
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2.
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A l'appui de son grief de violation de l'art. 9 Cst., le recourant reproche en premier lieu à la cour cantonale d'avoir limité de manière insoutenable à l'arbitraire son pouvoir d'examen. Dans son pourvoi en nullité, il avait invoqué une "violation manifeste du droit" au sens de l'art. 228 al. 2 du Code cantonal de procédure civile (CPC VS); la cour cantonale ne pouvait, sans tomber dans l'arbitraire, confondre une telle notion avec celle de "violation arbitraire du droit".
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L'art. 228 CPC VS prévoit que l'autorité de cassation statue avec un plein pouvoir d'examen lorsque le recourant invoque la violation d'une règle de procédure, lorsque le recours en réforme auprès du Tribunal fédéral est recevable et dans les autres cas prévus par la loi (al. 1); pour le surplus, le recourant peut uniquement faire valoir que le jugement attaqué constate arbitrairement les faits ou viole le droit d'une façon manifeste (al. 2). La cour cantonale considère que le grief de violation manifeste du droit matériel selon l'art. 228 al. 2 CPC VS se confond avec celui d'arbitraire au sens de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral à propos des art. 8 et 9 Cst. (cf. ATF 129 I 8 consid. 2.1; 128 I 177 consid. 2.1; 126 I 168 consid. 3a; 126 III 438 consid. 3).
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Une décision est arbitraire, d'après cette jurisprudence, notamment lorsqu'elle viole gravement une règle de droit ou un principe juridique clair et indiscuté. Certes, arbitraire et violation de la loi ne sauraient être confondus; cependant, une violation de la loi manifeste et reconnue d'emblée est constitutive d'arbitraire (ATF 102 Ia 1 consid. 2a), partant équivalente à une violation arbitraire du droit. On ne voit dès lors pas en quoi le point de vue de la cour cantonale serait insoutenable, cela d'autant plus que l'art. 228 CPC VS énumère, à son alinéa 1, les cas dans lesquels la cour peut revoir une cause avec un plein pouvoir d'examen.
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Le premier grief du recourant doit par conséquent être rejeté.
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3.
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Le recourant fait valoir en second lieu que c'est de manière arbitraire que la cour cantonale a déclaré son pourvoi en nullité irrecevable faute de motivation suffisante.
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3.1 La recevabilité de ce grief est douteuse dans la mesure où le recourant se contente de répéter les arguments exposés dans son pourvoi en nullité, au lieu de discuter la motivation du jugement attaqué et de dire de manière claire et précise en quoi cette motivation et le résultat auquel elle a abouti seraient arbitraires (art. 90 al. 1 let. b OJ). Cette question souffre toutefois de rester indécise, car le grief est de toute façon mal fondé.
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3.2 Dans son pourvoi en nullité, le recourant avait prétendu que la décision du juge de district souffrait d'une contradiction interne: en effet, elle retenait que l'épouse pouvait gagner, en faisant l'effort que l'on pouvait exiger d'elle, un salaire mensuel de 1'300 fr. pour la reprise d'une activité à 30 %, mais omettait de tenir compte, pour la différence, du fait que si l'épouse ne pouvait effectivement pas travailler davantage, elle avait droit à une rente AI. Pour fixer la contribution d'entretien, le juge de district aurait donc dû soit partir d'une capacité de travail de l'intimée de 100 %, soit prendre en considération le versement d'une rente AI d'au moins 2'000 fr., à laquelle elle avait droit.
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La cour cantonale a retenu qu'en raison de la nature cassatoire du pourvoi en nullité, son pouvoir d'examen ne pouvait porter que sur les griefs invoqués et suffisamment motivés par le recourant (art. 229 al. 2 CPC VS). Le pourvoi déposé en l'espèce pour violation manifeste du droit et constatation arbitraire des faits devait répondre à ces exigences particulières de motivation, les mêmes d'ailleurs que celles du recours de droit public au Tribunal fédéral (ATF 128 III 50 consid. 1c; 125 I 492 consid. 1b). Or, le recourant ignorait les principes posés par cette jurisprudence et confondait la cour de cassation civile du tribunal cantonal avec une cour d'appel; il se contentait, en effet, d'exposer sa propre appréciation des faits et de la situation juridique pour conclure à la violation manifeste du droit et à la constatation arbitraire des faits par le juge de district. Il ne lui suffisait pas, pour établir l'arbitraire, d'affirmer péremptoirement que la décision de première instance souffrait de contradictions internes ou que les conditions d'octroi d'une rente AI entière de l'ordre de 2'000 fr. par mois étaient manifestement remplies; en particulier, il n'avait pas démontré que les pièces déposées en cause auraient permis au juge de district non seulement de retenir que l'intimée avait droit à une rente AI, mais encore de fixer le montant de cette rente à 2'000 fr.; il n'avait établi ni le nombre d'années entières de cotisations de l'intimée, ni les revenus annuels moyens déterminants qu'elle avait réalisés, éléments qui étaient pourtant nécessaires au juge pour arrêter le montant d'une éventuelle rente.
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3.3 Pour avoir droit à une rente d'invalidité selon la loi fédérale sur l'assurance-invalidité (LAI; RS 831.20), un assuré doit avoir présenté, en moyenne, une incapacité de travail de 40 % au moins pendant une année sans interruption notable (art. 29 al. 1 let. b LAI). Le montant de la rente est déterminé notamment par les années de cotisations et le revenu annuel moyen (art. 37 LAI et, par renvoi, art. 29bis ss LAVS; RS 831.10).
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Le recourant ne démontre pas que, au moment où le juge de district a statué, les conditions et critères susmentionnés étaient clairement réalisés pour l'octroi à l'épouse d'une rente AI d'au moins 2'000 fr., à laquelle, de surcroît, l'intéressée aurait volontairement renoncé. Il n'établit pas davantage qu'il en aurait fait la démonstration dans son pourvoi en nullité. Vu la nature des griefs invoqués à l'appui de ce moyen de droit et le pouvoir d'examen de la cour cantonale (cf. consid. 3.2 ci-dessus), il n'était pas insoutenable de la part de cette dernière d'exiger une telle démonstration. Force est par conséquent d'admettre qu'elle n'est pas tombée dans l'arbitraire en déclarant le pourvoi en nullité irrecevable faute de motivation suffisante.
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Dans la mesure où il est recevable, le second grief du recourant doit donc être rejeté.
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4.
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Les frais du présent arrêt doivent être mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à déposer une réponse.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2.
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Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.
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3.
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Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal du canton du Valais.
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Lausanne, le 12 février 2004
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Au nom de la IIe Cour civile
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: Le greffier:
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