BGer 4P.342/2006 |
BGer 4P.342/2006 vom 05.03.2007 |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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4P.342/2006 /ech
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Arrêt du 5 mars 2007
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Ire Cour de droit civil
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Composition
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MM. et Mme les Juges Corboz, Président de la Cour, Rottenberg Liatowitsch et Kolly.
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Greffière: Mme Crittin.
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Parties
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X.________,
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recourant, représenté par Me Marc Mathey-Doret,
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contre
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Y.________,
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intimé,
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Commission de taxation des honoraires d'avocat du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3.
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Objet
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art. 9 et 29 al. 1 Cst. (taxation des honoraires d'avocat; procédure civile),
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recours de droit public [OJ] contre la décision de la Commission de taxation des honoraires d'avocat du canton de Genève du 1er décembre 2006.
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Faits :
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A.
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A.a Me X.________, avocat, a été mandaté en août 2002 par Y.________ pour le défendre dans une procédure devant la juridiction des prud'hommes. Au terme du procès, Y.________ a obtenu gain de cause pour un montant d'environ 61'000 fr., soit 53'597 fr.15, portant intérêt à 5% l'an dès le 1er février 2002. A la suite de ce résultat, le Vice-Président du Tribunal de première instance a, le 12 septembre 2005, révoqué - avec effet au 28 novembre 2003 - l'assistance juridique, octroyée à deux reprises en cours de procédure, et rendu une décision de taxation. Cette décision arrêtait à 8'496 fr.45 TTC, le montant afférent à l'activité déployée par l'avocat et ses stagiaires pour la période de novembre 2003 à septembre 2005.
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A.b Y.________ a, le 19 octobre 2005, recouru auprès de la Cour de justice contre la décision de révocation de l'assistance juridique et celle de taxation. Par décision rendue le 30 novembre 2005, la Cour de justice a déclaré le recours formé contre la décision de taxation irrecevable. Le recours a été simultanément transmis à la Commission de taxation des honoraires d'avocat (ci-après: la commission).
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Etait joint à la requête un « time sheet », qui faisait état d'une activité de 172,25 heures entre août 2002 et octobre 2005, pour un tarif horaire de 400 fr. pour Me X.________ et de 280 fr. pour sa stagiaire. Le 8 décembre 2005, une facture a été établie à l'attention de Y.________ pour la somme de 35'000 fr. hors taxes, soit 37'660 fr. TTC. Déduction faite du montant déjà prélevé par le mandataire sur le compte du mandant, il restait un solde dû de 2'664 fr.10 TTC.
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A.c Par décision du 1er décembre 2006, la commission a arrêté à 25'500 fr. les honoraires et frais dus par Y.________ à Me X.________.
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En substance, l'autorité cantonale a retenu qu'à teneur de la note d'honoraires du 8 décembre 2005, le tarif horaire finalement facturé par Me X.________ pour son intervention était de 203 francs. Ce montant a été obtenu en divisant les honoraires réclamés par l'avocat (35'000 fr.) par le nombre d'heures effectuées, soit 172,25 heures. La commission a jugé que le tarif pratiqué tenait compte de la complexité relative du dossier et de la situation financière du client. Elle a toutefois considéré qu'il se justifiait de diminuer la note d'honoraires, en réduisant à 115 le nombre d'heures effectuées. L'autorité cantonale a donc arrêté à 25'500 fr. - montant arrondi de 25'119 fr.20 ([115 h x 203 fr.] + TVA) -, la somme due par Y.________ à son mandataire.
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B.
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Agissant par la voie du recours de droit public, Me X.________ fait grief à la commission d'avoir appliqué de manière arbitraire l'art. 34 de la loi genevoise sur la profession d'avocat du 26 avril 2002 (ci-après: LPAv/GE). Il demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision entreprise et de renvoyer la procédure à la commission pour nouvelle décision. Il sollicite l'octroi de l'effet suspensif
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Y.________ propose le maintien des honoraires fixés par la commission, sous déduction de « l'argent cité dans la rubrique Manque à gagner » de la réponse et de « l'argent relatif aux dépenses, coûts et manque à gagner (quels qu'ils soient) que subira l'intimé face à cette procédure ». La cour cantonale se réfère, quant au fond, aux considérants de sa décision.
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Par ordonnance présidentielle du 23 janvier 2007, l'effet suspensif au recours a été accordé.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2005, 1242). L'acte attaqué ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132 al. 1 LTF).
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2.
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Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la recevabilité des recours de droit public qui lui sont soumis (ATF 131 I 153 consid. 1).
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2.1 Interjeté en temps utile contre une décision qui arrête, en dernière instance cantonale et en application du droit cantonal (art. 38 LPAv/GE), des honoraires d'avocat, le recours est recevable au regard des art. 86 al. 1, 87 (a contrario) et 89 OJ (ATF 93 I 116 consid. 1).
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2.2 Le recourant a un intérêt personnel, concret et actuel à ce que la décision entreprise n'ait pas été rendue en violation de ses droits constitutionnels (cf. art. 84 al. 1 let. a OJ). La qualité pour recourir doit lui être reconnue (art. 88 OJ).
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2.3 Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce (cf. ATF 124 I 327 consid. 4b et la jurisprudence citée), le recours de droit public est de nature cassatoire et ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée (ATF 131 I 291 consid. 1.4 et les arrêts cités). Il s'ensuit que la conclusion du recourant tendant au renvoi à l'autorité cantonale pour nouvelle décision est irrecevable.
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3.
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Dans la réponse au recours de droit public, l'intimé a requis la Cour de céans, d'une part, d'ordonner au requérant de soumettre pour vérification tous les documents et détails qui ont engendré la facture qu'il présente et, d'autre part, de statuer sur « les dires non-fondés du requérant quant à l'Assistance juridique vis-à-vis du requérant ».
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Il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur ces conclusions, qui dépassent le cadre du recours de droit public. Au demeurant, il n'est pas inutile de rappeler que le Tribunal fédéral, saisi d'un recours de droit public, statue sur la base des faits constatés par l'autorité cantonale. Il convient donc de se rapporter à ces faits, par ailleurs non remis en cause sous l'angle de l'arbitraire.
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4.
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Le recourant soutient que l'autorité cantonale a arbitrairement appliqué l'art. 34 LPAv/GE. Il s'appuie sur le fait que les parties étaient convenues d'un tarif réduit de 300 fr. de l'heure et que, dans la facture du 8 décembre 2005, un certain nombre d'heures de travail, reconnues comme superflues, n'a pas été comptabilisé. En faisant abstraction, dans son raisonnement, de la double réduction déjà opérée au stade de la note d'honoraires et en réduisant une nouvelle fois cette note, la commission a fait preuve d'arbitraire. L'arbitraire est également réalisé dans la mesure où l'autorité s'est écartée totalement et sans le moindre motif du tarif convenu entre les parties et censé la lier, aux termes de sa propre jurisprudence. La décision attaquée est en outre arbitraire dans son résultat puisque la note d'honoraires du recourant se trouve ainsi diminuée dans une mesure choquante, incompatible avec le sentiment de la justice et de l'équité.
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4.1
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4.1.1 Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. lorsqu'elle est manifestement insoutenable, qu'elle méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 132 III 209 consid. 2.1; 131 I 57 consid. 2); il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse également concevable, voire préférable; pour que la décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 132 III 209 consid. 2.1; 131 I 217 consid. 2.1).
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Quant à la façon dont le droit cantonal a été appliqué, il ne faut pas confondre arbitraire et violation de la loi; une violation doit être manifeste et reconnue d'emblée pour être considérée comme arbitraire. Le Tribunal fédéral n'a pas à examiner quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement dire si l'interprétation qui a été faite est défendable (ATF 132 I 13 consid. 5.1; 131 I 217 consid. 2.1).
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4.1.2 Selon l'art. 34 LPAv/GE, les honoraires sont, sous réserve des décisions de la commission de taxation, fixés par l'avocat lui-même compte tenu du travail qu'il a effectué, de la complexité et de l'importance de l'affaire, de la responsabilité qu'il a assumée, du résultat obtenu et de la situation de son client. Il incombe ainsi en premier lieu à l'avocat de fixer le montant de ses honoraires selon son appréciation, sans être lié à un tarif (ATF 93 I 116 consid. 5b). S'il y a contestation de la part du client, l'autorité cantonale de modération examinera si la rémunération de l'avocat demeure dans un rapport raisonnable avec la prestation fournie et ne contredit pas d'une manière grossière le sentiment de la justice (ATF 117 Ia 22 consid. 4b in fine; 93 I 116 consid. 5 et les arrêts cités). Sa décision ne sera annulée que si le montant global des honoraires alloués au mandataire a été fixé de manière arbitraire, étant précisé que les débours doivent être remboursés intégralement (ATF 109 Ia 107 consid. 3d). Le Tribunal fédéral n'intervient que si la Commission a abusé de son large pouvoir d'appréciation ou si elle l'a excédé (cf. à ce sujet: ATF 126 III 266 consid. 2b; 123 III 246 consid. 6a, 274 consid. 1a/cc; 119 II 157 consid. 2a in fine et les arrêts cités).
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En l'absence d'un tarif, l'autorité de modération apprécie le montant des honoraires en tenant compte, dans chaque cas concret, de tous les éléments nécessaires à la décision, au nombre desquels figure la valeur litigieuse (ATF 117 II 282 consid. 4c). Cette valeur est généralement un critère essentiel, s'agissant de rechercher l'existence d'une éventuelle disproportion manifeste entre les services rendus par l'avocat et le montant de sa rémunération. Le résultat obtenu constitue aussi un élément d'appréciation pour fixer les honoraires, afin de permettre une compensation entre les affaires compliquées et peu rémunératrices, parce qu'elles portent sur des sommes modiques, d'une part, et les affaires faciles qui procurent au client une satisfaction appréciable et rapide, d'autre part. Toutefois, ce facteur n'est pas déterminant à lui seul, et l'autorité de taxation n'a pas l'obligation de tenir compte de tous les critères pouvant entrer en considération. Le rejet des conclusions ne constitue pas un motif en soi de réduction des honoraires, l'avocat n'ayant qu'une obligation de moyen et non de résultat (ATF 101 II 109 consid. 3b; 93 I 116 consid. 5a).
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4.2 La commission fonde son raisonnement, non pas sur le tarif horaire de 300 fr. convenu entre les parties, mais sur celui finalement pratiqué par le recourant de 203 fr., obtenu en divisant les honoraires réclamés (35'000 fr.) par les 172,25 heures effectuées.
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Si le recourant reproche à la commission de ne pas avoir fait application du tarif horaire convenu entre les parties, il ne remet pas en cause les faits tels que retenus par l'autorité cantonale. A cet égard, il indique expressément ne pas se plaindre d'arbitraire dans l'établissement des faits et se référer à l'état de fait de la décision attaquée. Il admet donc le montant de la note d'honoraires du 8 décembre 2005, le nombre d'heures effectuées durant le mandat d'août 2002 à octobre 2005 et le fait qu'à teneur de la note d'honoraires, un tarif horaire de 203 fr. a finalement été pratiqué par le recourant.
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Dans la mesure où le tarif pratiqué est inférieur à celui convenu et où il est loisible au mandataire, compte tenu de la situation du mandant, de réduire - en faveur de celui-ci - ses prétentions, on ne voit pas en quoi la commission aurait fait preuve d'arbitraire en appliquant le tarif horaire de 203 fr. en lieu et place des 300 fr. convenus. Malgré ce que soutient le recourant dans son argumentation, il ne ressort pas des faits de la cause que la note d'honoraires ne comptabilisait pas la totalité des 172,25 heures effectuées. Au demeurant, l'autorité cantonale s'est référée, dans son appréciation, aux critères énoncés à l'art. 34 LPAv/GE, puisqu'elle a considéré que le tarif horaire de 203 fr. était proportionné à la complexité relative du dossier et à la situation financière du client. En outre, les honoraires octroyés, qui se fondent sur un nombre d'heures de travail réduit à 115 - non remis en cause par le recourant -, ne sont pas disproportionnés par rapport au résultat obtenu au terme de la procédure. Par conséquent, le montant global alloué au recourant, arrêté à 25'119 fr.20 ([115 h x 203 fr.] + TVA), puis arrondi à 25'500 fr., n'a pas été fixé de manière arbitraire.
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Dans ces conditions, l'ensemble de l'argumentation développée par le recourant tombe manifestement à faux.
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5.
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Sur le vu de ce qui précède, l'une des conclusions du recours est irrecevable et le moyen soulevé par le recourant se révèle mal fondé. Par conséquent, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
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6.
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Compte tenu de l'issue du litige, le recourant acquittera l'émolument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ). Il ne se justifie pas d'allouer à l'intimé, qui n'est pas représenté par un avocat, une indemnité à titre de dépens (art. 159 al. 1 OJ; cf. ATF 125 II 518 consid. 5b; 113 Ib 353 consid. 6b).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2.
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Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.
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3.
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Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à l'intimé et à la Commission de taxation des honoraires d'avocat du canton de Genève.
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Lausanne, le 5 mars 2007
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: La greffière:
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