BGer 6B_542/2007 |
BGer 6B_542/2007 vom 30.11.2007 |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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6B_542/2007
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Arrêt du 30 novembre 2007
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Cour de droit pénal
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Composition
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MM. les Juges Schneider, Président,
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Favre et Zünd.
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Greffière: Mme Bendani.
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Parties
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X.________,
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Y.________,
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Z.________,
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recourantes,
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toutes les trois représentées par Me Christophe Misteli, avocat,
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contre
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C.________,
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intimé, représenté par Me Jean-Christophe Diserens, avocat,
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Ministère public du canton de Vaud,
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rue de l'Université 24, 1005 Lausanne,
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intimé.
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Objet
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Ordonnance de non-lieu (incendie),
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recours contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 25 mai 2007.
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Faits:
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A.
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Le 23 février 2005, A.________ et B.________ sont décédés à la suite d'une intoxication aiguë au monoxyde de carbone dégagé lors de l'incendie d'un chalet, sis aux Diablerets, propriété de C.________.
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Le feu a pris au niveau d'un chauffage à convection situé à proximité du mur « est » de la salle de séjour. Les causes et circonstances du sinistre n'ont pas pu être déterminées avec exactitude.
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B.
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Par ordonnance du 2 mars 2007, le Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois a prononcé un non-lieu suite à cet incendie.
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En bref, il a jugé que l'enquête n'avait pas permis de mettre en évidence une négligence des locataires présents au moment des faits. Il a admis qu'aucune violation fautive ne pouvait être imputée à la société chargée de l'entretien des chauffages. Il a constaté que le seul reproche qu'on pouvait opposer au propriétaire, savoir de ne pas avoir mis à disposition des locataires le mode d'emploi des chauffages, ne pouvait être retenu, puisqu'on ne pouvait affirmer qu'en fournissant la documentation idoine, l'intéressé aurait évité avec un haut degré de vraisemblance le résultat en cause, l'instruction n'ayant pas permis de déterminer à satisfaction de droit que le feu avait été initié par la combustion d'un habit ou d'un objet inflammable placé trop près du radiateur.
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C.
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Par arrêt du 25 mai 2007, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours de X.________, Y.________ et Z.________
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D.
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Ces dernières déposent un recours au Tribunal fédéral pour arbitraire et violation de l'art. 117 CP. Elles concluent à l'annulation de l'arrêt entrepris.
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Considérant en droit:
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1.
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1.1 Rendue en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 al. 1 LTF), la décision de non-lieu, qui met fin à la procédure (art. 90 LTF), peut faire l'objet d'un recours en matière pénale (art. 78 ss LTF).
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1.2 Selon l'art. 81 al. 1 LTF, la victime a qualité pour former un recours en matière pénale si elle a pris part à la procédure devant l'autorité précédente (let. a), et a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée, soit en particulier si celle-ci peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles (let. b). Cette faculté est réservée à la victime telle qu'elle est définie par l'art. 2 LAVI, savoir la personne qui a subi, du fait d'une infraction, une atteinte directe à son intégrité corporelle, sexuelle ou psychique (al. 1) ou encore aux parents ou proches d'une telle personne (al. 2).
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X.________ est la mère de A.________. Y.________ et Z.________ sont les soeurs et tantes des défunts. Partant, elles revêtent la qualité de victimes. Il n'est en outre pas douteux qu'elles ont participé à la procédure cantonale. Enfin, il est évident que le classement de la procédure, au motif que l'infraction d'homicide par négligence n'est pas réalisée, est susceptible d'avoir une influence négative sur les prétentions civiles qu'elles pourraient faire valoir en application des art. 45 et 47 CO. Elles ont dès lors qualité pour recourir conformément à l'art. 81 al. 1 LTF.
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1.3 Le recours peut notamment être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), qui englobe les droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que le recourant ne démontre que ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte, à savoir arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (FF 2001 p. 4135), ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 97 al. 1 LTF).
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2.
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Invoquant l'arbitraire, les recourantes relèvent qu'une plaque isolante devait encore posée derrière l'accumulateur « est », de sorte qu'il est insoutenable d'affirmer que la mise en oeuvre des mesures de sécurité aurait été achevée. Elles reprochent également aux juges de ne pas avoir mentionné la distance de 4 à 8 cm entre le chauffage et la boiserie inflammable, alors que cet élément est essentiel pour examiner si les prescriptions de sécurité ont été respectées. Enfin, elles leur font grief d'avoir ignoré les explications de l'expert sur l'examen et le nettoyage du ventilateur et du compartiment de sortie d'air, alors que la violation de ces règles d'entretien était propre à favoriser l'incendie.
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2.1 Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par la cour cantonale de dernière instance que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 132 III 209 consid. 2.1; 131 I 57 consid. 2 p. 61).
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2.2 Selon les constatations cantonales, qui ne sont pas contestées par les recourantes, les causes et circonstances du sinistre n'ont pu être établies avec exactitudes. Le feu a vraisemblablement pour origine la combustion lente d'un vêtement posé ou tombé à proximité du chauffage, mais aucun élément ne permet de confirmer cette hypothèse. Selon le rapport d'expertise du 10 août 2006 (pièce n° 46), les installations étaient conformes aux normes en vigueur lors de la construction du chalet en 1978. Aucune transformation n'était légalement imposée depuis lors. L'hypothèse d'une installation et/ou une disposition incorrecte des radiateurs ne pouvait être retenue. Le type de chauffage en question était équipé d'une unité d'appoint autonome située dans la partie inférieure et non régulée par un thermostat, de sorte que si des objets combustibles, tels des habits, étaient suspendus ou tombés sur le sol à proximité de la grille, le risque de départ d'incendie était élevé. En l'espèce, il n'était toutefois pas possible de déterminer si ce chauffage d'appoint avait été enclenché la nuit de l'incendie. De plus, selon l'expert, il n'y avait aucune incompatibilité entre l'aménagement des lieux et le système de chauffage.
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Au regard de ces considérants, les éléments invoqués par les recourantes - à savoir l'absence de plaque de protection derrière l'un des chauffages, le non-respect des distances entre les installations et la paroi et le défaut de contrôles des radiateurs - sont dénués de pertinence, une éventuelle violation d'un devoir de prudence ne permettant pas de mettre en cause quiconque dans la survenance du sinistre. En effet, les causes et circonstances de l'accident n'ont pu être déterminées précisément. L'enquête n'a ainsi pas permis d'établir que l'incendie aurait été provoqué par un défaut de conception, d'installation, d'entretien ou d'utilisation du chauffage incriminé. Les juges n'ont pu émettre qu'une hypothèse à ce sujet, laquelle est toutefois invérifiable. Les critiques sont dès lors vaines.
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3.
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Invoquant l'art. 117 CP, les recourantes relèvent la violation de toute une série de devoirs de prudence. D'abord, le propriétaire n'a pas mis à disposition des locataires un mode d'emploi et ne leur a pas mentionné le risque de poser des habits ou des corps inflammables à proximité du chauffage. Ensuite, la distance minimale entre les radiateurs et la boiserie n'a pas été respectée. De plus, les travaux relatifs aux chauffages n'étaient pas encore achevés. Enfin, l'intimé n'a pas effectué le contrôle périodique de l'installation, ni celui du ventilateur et du compartiment de sortie.
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3.1 L'infraction en cause suppose la réunion de trois conditions: le décès d'une personne, une négligence et un lien de causalité entre celle-ci et la mort.
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Dans les cas d'omission, la question de la causalité se présente d'une manière particulière. L'omission d'un acte est en relation de causalité naturelle avec le résultat de l'infraction présumée si l'accomplissement de l'acte eût empêché la survenance de ce résultat avec une vraisemblance confinant à la certitude ou, du moins, avec une haute vraisemblance (ATF 116 IV 306 consid. 2a p. 310; 121 IV 286 consid. 4c p. 292; 118 IV 130 consid. 6a p. 141). Elle est en relation de causalité adéquate avec le résultat si l'accomplissement de l'acte omis aurait, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, évité la survenance de ce résultat (ATF 117 IV 130 consid. 2a p. 133).
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3.2 Selon les constatations cantonales, au sujet desquelles aucun arbitraire n'est démontré, ni même allégué, les causes de l'incendie n'ont pas pu être déterminées avec exactitude. L'hypothèse que le feu soit parti de la combustion d'un habit placé trop près du chauffage est vraisemblable, mais pas certaine. En effet, d'une part, aucun des locataires n'a pu établir à satisfaction que des vêtements avaient été posés devant ou sur le radiateur; d'autre part, l'enquête n'a pas permis de déterminer si le chauffage d'appoint avait été enclenché la nuit de l'incendie.
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Ainsi, dans la mesure où les causes du sinistre n'ont pu être élucidées, il n'est pas possible d'établir si les manquements relevés par les recourantes sont en relation de causalité naturelle avec le résultat et si l'accomplissement de certains actes par les locataires, le propriétaire ou la société chargée de l'entretien des chauffages du chalet, était de nature à empêcher le décès des victimes. A défaut de pouvoir établir un lien de causalité, le non-lieu ne viole pas le droit fédéral.
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4.
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Le recours est rejeté. Les recourantes, qui succombent, supportent les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 68 al. 1 à 3 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté.
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2.
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Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge des recourantes, solidairement entre elles.
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3.
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Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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Lausanne, le 30 novembre 2007
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Au nom de la Cour de droit pénal
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président: La Greffière:
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