BGer 4A_315/2008 |
BGer 4A_315/2008 vom 27.04.2009 |
Bundesgericht
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Tribunal fédéral
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Tribunale federale
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{T 0/2}
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4A_315/2008
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Arrêt du 27 avril 2009
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Ire Cour de droit civil
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Composition
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Mmes et M. les Juges Klett, présidente,
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Rottenberg Liatowitsch et Kolly.
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Greffière: Mme Cornaz.
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Parties
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X.________ SA,
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recourante, représentée par Me Paul Marville,
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contre
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Y.________,
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intimée, représentée par Me Rémy Wyler,
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Caisse Z.________,
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intervenante.
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Objet
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contrat de travail; production de pièces; ordonnance d'exécution forcée,
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recours contre l'ordonnance du Juge instructeur de la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois du 23 mai 2008 et contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois du 27 novembre 2008.
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Faits:
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A.
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Le 7 juillet 2006, Y.________ a saisi la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois d'une demande tendant au paiement, par X.________ SA, d'un montant total de 351'636 fr. 35, correspondant à des prétentions fondées sur un contrat de travail. Le 22 août 2006, la Caisse Z.________ est intervenue au procès.
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Par bordereaux des 7 juillet 2006 et 29 mars 2007, Y.________ a notamment requis la production par X.________ SA des pièces nos 153 (copie des lettres adressées à tous les cadres à fin 2004 par X.________ SA indiquant les montants annoncés à titre de bonus potentiels pour 2005 et des paiements fixes additionnels pour 2005 et copie des courriers adressés aux mêmes cadres par X.________ SA leur annonçant le montant des bonus potentiels et les paiements fixes additionnels effectivement attribués pour 2005), 157 à 159 (liste des salaires des employés de X.________ SA pour les années 1999, 2004 et 2005) et 163 (plainte pénale déposée à l'encontre de Y.________ notamment).
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Lors de l'audience préliminaire du 31 août 2007, le Juge instructeur de la Cour civile a en particulier interpellé Y.________ sur la pertinence des pièces requises nos 153 et 157 à 159.
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Par ordonnance sur preuves du 5 novembre 2007, le Juge instructeur de la Cour civile a notamment imparti à X.________ SA un délai au 15 janvier 2008 pour produire les pièces susmentionnées.
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Dans son bordereau de pièces produites du 15 janvier 2008, X.________ SA a expliqué qu'elle ne produisait pas les pièces nos 153 et 157 à 159, car elles concernaient des données confidentielles relatives à des tiers au procès sans pertinence sur le litige, invoqué au surplus le secret commercial et d'affaires ainsi que l'art. 178 al. 2 dernière hypothèse du code de procédure civile (du canton de Vaud) du 14 décembre 1966 (CPC/VD; RSV 270.11) - selon lequel l'obligation faite à la partie de produire les titres en sa possession ne vise pas la correspondance privée de nature confidentielle échangée avec des tiers - et soutenu en conséquence qu'elle n'était soumise à aucune obligation de production. Elle a par ailleurs expliqué l'absence de production de la pièce n° 163 par le fait qu'elle ne détenait pas l'original.
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Par avis du 17 janvier 2008, le Juge instructeur de la Cour civile a invité X.________ SA à produire les pièces en cause dans un délai échéant au 1er février 2008 pour le motif qu'il n'appartenait pas à celle-ci de décider de leur pertinence, que la confidentialité serait respectée à condition que les noms des tiers n'apparaissent pas, que le montant d'un bonus n'était pas couvert par le secret d'affaires et qu'il lui était loisible de requérir l'application de l'art. 183 CPC/VD - qui, sous le titre marginal "sauvegarde des secrets", dispose que les parties et les tiers astreints à produire des titres peuvent demander au juge d'ordonner les mesures adéquates pour empêcher qu'il n'en soit fait abus, notamment pour sauvegarder des secrets d'affaires (al. 1), que le juge peut ordonner que le titre ne sera consulté qu'en présence du greffier (al. 2) et qu'il peut autoriser que les passages qui ne servent pas à la preuve soient soustraits à la vue ou faire dresser par le greffier une copie des passages servant de preuve et restituer le titre (al. 3) -, une copie de la pièce n° 163 pouvant au surplus être produite.
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Par lettre du 1er février 2008, X.________ SA a maintenu sa position et invoqué au surplus la protection de la sphère privée de ses travailleurs.
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Par lettre du 13 février 2008, valant ordonnance de production, le Juge instructeur de la Cour civile a fixé à X.________ SA un délai au 25 février 2008 pour produire les pièces susmentionnées, faute de quoi il serait passé à la procédure d'exécution forcée, et l'a invitée, le cas échéant, à lui faire savoir dans le même délai si elle s'opposait à l'entrée en ses locaux (art. 230 al. 1er CPC/VD - qui prévoit que si un tiers s'oppose à l'inspection des choses en sa possession ou à l'entrée dans ses locaux, l'expert en réfère au juge qui, après avoir entendu l'intéressé ou l'avoir cité à cet effet, peut, si les circonstances le permettent, ordonner l'ouverture forcée).
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Par lettre du 25 février 2008, X.________ SA a maintenu sa position et déclaré laisser le Juge instructeur de la Cour civile rendre l'ordonnance prévue à l'art. 230 al. 3 CPC/VD - qui dispose que l'ordonnance (d'ouverture forcée) est notifiée à l'intéressé si elle ne lui a pas été signifiée verbalement à l'audience; il y a recours dans les dix jours au Tribunal cantonal par mémoire motivé -, pour le motif que l'intérêt des tiers comme le sien propre interdisaient l'entrée dans les locaux de l'entreprise.
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B.
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Par lettre du 9 avril 2008, Y.________ a requis l'exécution forcée de l'ordonnance de production du 13 février 2008.
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Par ordonnance du 23 mai 2008, le Juge instructeur de la Cour civile a ordonné l'exécution forcée de l'ordonnance de production du 13 février 2008 (I), chargé l'huissier de la Justice de paix compétent de procéder à l'exécution forcée, soit de recueillir les pièces 153, 157, 158, 159 et 163 en les bureaux de X.________ SA (II), enjoint les agents de la force publique de concourir à l'exécution s'il y a lieu (III), donné avis à X.________ SA qu'il serait au besoin procédé à l'ouverture forcée (IV) et dit qu'il serait procédé à l'exécution forcée le vendredi 20 juin 2008 à 9h00 (V). En bref, il a retenu que l'ordonnance sur preuves était exécutoire, avant de considérer que le moyen tiré de l'absence de pertinence des pièces litigieuses aurait dû être soulevé à l'audience préliminaire et que le secret d'affaires et la confidentialité pouvaient être invoqués pour requérir l'application de l'art. 183 CPC/VD.
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Le 30 mai 2008, X.________ SA a saisi la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois d'un recours non contentieux à l'encontre de l'ordonnance du 23 mai 2008, concluant principalement à sa réforme en ce sens que l'exécution forcée de l'ordonnance du 13 février 2008 n'est pas ordonnée et, subsidiairement, à son annulation. Par décision du 9 juin 2008, le Président de la Chambre des recours a accordé l'effet suspensif au recours requis par X.________ SA.
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C.
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Parallèlement à son recours cantonal, X.________ SA (la recourante) a interjeté, le 24 juin 2008, un recours en matière civile au Tribunal fédéral, pour le cas où la voie de droit cantonale ne serait pas ouverte. Invoquant l'interdiction de l'arbitraire, la violation du droit d'être entendu, de la sphère privée et de la liberté du commerce et de l'industrie, elle concluait, avec suite de frais et dépens de toutes instances, à ce que celui-ci admette le recours en matière civile et réforme, respectivement annule, l'ordonnance du 23 mai 200, en ce sens qu'aucune exécution forcée n'est ordonnée à son encontre, respectivement dans ses locaux, pour la production des pièces requises 152, 153, 154, 155, 157, 158, 159, 160, 161, 162 et 163.
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Par ordonnance présidentielle du 26 juin 2008, la procédure de recours au Tribunal fédéral a été suspendue jusqu'à droit connu sur le recours cantonal.
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Par arrêt du 27 novembre 2008, la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours cantonal et retourné le dossier au Juge instructeur de la Cour civile pour qu'il fixe une nouvelle date à laquelle il serait procédé à l'exécution forcée. En substance, elle a admis que le recours au Tribunal cantonal prévu à l'art. 230 al. 3 CPC/VD était ouvert à la partie et non seulement au tiers. Elle a considéré que son contrôle dans ce domaine ne portait que sur le respect des garanties et des formes prévues par les art. 230 - dont l'al. 2 prévoit que l'ordonnance spécifie les lieux dont l'accès doit être ouvert, le jour et l'heure de l'exécution - et 231 CPC/VD - dont l'al. 1 dispose que si, au jour de l'exécution, l'intéressé persiste dans son refus, il est procédé à l'ouverture forcée en présence du juge, qui veille à ce que l'opération soit renfermée dans les limites de l'ordonnance et restreinte aux mesures indispensables à l'expertise -, cas échéant sur la conformité de l'ordonnance d'exécution forcée à l'ordonnance de production, s'il devait s'avérer par exemple que des pièces mentionnées dans la seconde ne figuraient pas dans la première. En l'espèce, l'ordre de production du 13 février 2008 était exécutoire, dès lors qu'aucun recours cantonal n'était ouvert à son encontre. L'objet de l'ordonnance d'ouverture forcée était en outre le même que celui de l'ordre de production. La procédure prévue à l'art. 230 CPC/VD avait été respectée; en particulier X.________ SA avait eu l'occasion de s'exprimer avant que l'ordonnance d'ouverture forcée ait été rendue, puisque l'ordre de production l'avait invitée à indiquer si elle s'opposait à l'entrée dans ses locaux et qu'elle s'était déterminée en réponse à cette invitation le 25 février 2008. Le premier juge était compétent pour rendre l'ordonnance d'exécution forcée (art. 180 al. 1er CPC/VD) et la délégation au juge de paix du district du siège de X.________ SA conforme à l'art. 180 al. 2 CPC/VD. Les conditions formelles de l'exécution forcée étaient ainsi réalisées et le recours devait en conséquence être rejeté. X.________ faisait valoir en vain qu'elle n'était pas tenue de produire les pièces litigieuses pour le motif que celles-ci relèveraient de sa sphère privée - en particulier du secret de ses affaires - et de la sphère privée de ses employés. En effet, ces moyens tendaient à faire réexaminer par la cour l'ordonnance sur preuves du 5 novembre 2007 et l'ordre de production du 13 février 2008, décisions qui étaient exécutoires; ils sortaient en conséquence du contrôle que la Chambre des recours pouvait exercer sur l'ordonnance d'ouverture forcée en vertu de l'art. 230 al. 3 CPC/VD. En outre, on ne se trouvait pas dans un cas où le juge refuse de statuer pour des motifs arbitraires, de sorte que le grief de violation du droit fédéral était également irrecevable. Au demeurant, comme l'avait relevé le premier juge, X.________ SA était en mesure de faire protéger ses secrets d'affaires, sa sphère privée et celle de ses employés en requérant l'application de l'art. 183 CPC/VD. En conclusion, le recours devait être rejeté et l'ordonnance confirmée. La date de l'exécution forcée étant passée en raison de l'effet suspensif accordé au recours, il convenait de renvoyer la cause au premier juge afin qu'il fixe une nouvelle date à laquelle il serait procédé à l'exécution forcée.
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Le 3 février 2009, la recourante a déposé un "complément au recours en matière civile et recours constitutionnel subsidiaire (sic)" au Tribunal fédéral. Reprenant les griefs soulevés dans son écriture du 24 juin 2008, elle concluait, sous suite de frais et dépens de toutes instances, à ce que celui-ci prononce que le recours en matière civile est admis et que l'arrêt du 27 novembre 2008 et l'ordonnance du 23 mai 2008 sont réformés, respectivement annulés, en ce sens qu'aucune exécution forcée n'est ordonnée à son encontre, respectivement dans ses locaux, pour la production des pièces requises 153, 157, 158, 159 et 163.
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Y.________ (l'intimée) a proposé, avec suite de frais et dépens, principalement l'irrecevabilité, subsidiairement le rejet de l'intégralité des conclusions de son adverse partie et, par conséquent, la confirmation de l'ordonnance du 23 mai 2008 et de l'arrêt du 27 novembre 2008.
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La Caisse Z.________ (l'intervenante) ne s'est pas déterminée dans le délai qui lui avait été imparti à cette fin.
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Considérant en droit:
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1.
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Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 134 III 235 consid. 1, 379 consid. 1).
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1.1 Le recours en matière civile est recevable contre les décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF). Si, pour certains griefs, la décision d'un tribunal cantonal supérieur peut être déférée à une autre autorité judiciaire cantonale, cette décision n'est pas de dernière instance pour ce qui concerne les questions susceptibles de ce recours cantonal; faute d'épuisement des voies de recours cantonales, ces questions ne peuvent pas être soulevées dans le cadre du recours en matière civile interjeté contre la décision du tribunal cantonal supérieur. Elles doivent d'abord faire l'objet du recours cantonal avant de pouvoir être soumises, le cas échéant, au Tribunal fédéral (cf. art. 100 al. 6 LTF).
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Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF). Cependant, si la décision d'un tribunal cantonal supérieur peut être déférée à une autorité judiciaire cantonale pour une partie seulement des griefs visés aux art. 95 à 98 LTF, le délai de recours commence à courir à compter de la notification de la décision de cette autorité (art. 100 al. 6 LTF).
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En l'occurrence, la recourante a déposé d'une part un "recours en matière civile" contre l'ordonnance du Juge instructeur de la Cour civile du 23 mai 2008, d'autre part un "complément au recours en matière civile et recours constitutionnel subsidiaire (sic)" suite à la reddition de l'arrêt de la Chambre des recours du 27 novembre 2008. Dans sa première écriture déposée contre l'ordonnance du 23 mai 2008, elle a invoqué l'interdiction de l'arbitraire, la violation du droit d'être entendu, de la sphère privée et de la liberté du commerce et de l'industrie, moyens qu'elle a "à toutes fins utiles et mutatis mutandis (...) repris et dirigés tels quels" contre l'arrêt du 27 novembre 2008 dans sa seconde écriture.
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Dans son arrêt du 27 novembre 2008, la cour cantonale a considéré que le recours prévu à l'art. 230 al. 3 CPC/VD était ouvert; toutefois, l'on ne se trouvait pas dans un cas où le juge refuse de statuer pour des motifs arbitraires, de sorte que le grief de violation du droit fédéral était irrecevable; cela étant, elle a néanmoins relevé que la recourante était en mesure de faire protéger ses secrets d'affaires, sa sphère privée et celle de ses employés en requérant l'application de l'art. 183 CPC/VD.
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Il s'ensuit que la recourante était fondée à recourir directement au Tribunal fédéral contre l'ordonnance du 23 mai 2008 pour ce qui est des griefs irrecevables devant la cour cantonale, et de compléter son écriture, respectivement de la diriger contre l'arrêt de celle-ci du 27 novembre 2008, dans les trente jours suivant sa reddition (cf. art. 100 al. 6 LTF).
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1.2 Dans son écriture du 24 juin 2008, la recourante conclut à ce qu'aucune exécution forcée ne soit ordonnée à son encontre, respectivement dans ses locaux, pour la production des pièces requises nos 152, 153, 154, 155, 157, 158, 159, 160, 161, 162 et 163. L'ordonnance du 23 mai 2008 ne portant que sur la production des pièces nos 153, 157 à 159 et 163, le recours est irrecevable en tant qu'il porte sur celle des autres. La recourante a d'ailleurs corrigé ses conclusions en ce sens dans son écriture du 3 février 2009.
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1.3 En l'occurrence, l'arrêt du 27 novembre 2008 confirme l'ordonnance du 23 mai 2008, laquelle ordonne l'exécution forcée, dans les locaux de la recourante, de celle du 13 février 2008, qui ordonne la production des pièces litigieuses. Cette décision, qui ne met pas un terme à la procédure, est incidente.
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1.4 La valeur litigieuse pour un recours contre une telle décision est déterminée par le litige principal. En l'espèce, la décision attaquée a été rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF), dans le cadre d'une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse dépasse largement le seuil de 15'000 fr. applicable en matière de droit du travail (art. 74 al. 1 let. a LTF), de sorte que la voie du recours en matière civile est ouverte. Partant, à supposer que la mention "recours constitutionnel subsidiaire" figurant sur la page de garde de l'écriture du 3 février 2009 ne découle pas d'une erreur de plume et que la recourante ait entendu interjeter semblable recours, celui-ci est irrecevable (art. 113 LTF).
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1.5 Le recours au Tribunal fédéral contre une décision incidente qui ne concerne ni la compétence, ni une demande de récusation (cf. art. 92 LTF) n'est recevable qu'aux conditions de l'art. 93 al. 1 LTF. Une telle décision ne peut être examinée par le Tribunal de céans que si elle peut causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF), ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF). La seconde hypothèse n'entrant manifestement pas en considération dans la présente affaire, il convient uniquement d'examiner si le recours est recevable au regard de l'art. 93 al. 1 let. a LTF.
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Selon la jurisprudence, un préjudice ne peut être qualifié d'irréparable que s'il cause un inconvénient de nature juridique; tel est le cas lorsqu'une décision finale même favorable à la partie recourante ne le ferait pas disparaître entièrement, en particulier lorsque la décision incidente contestée ne peut plus être attaquée avec la décision finale, rendant ainsi impossible le contrôle par le Tribunal fédéral; en revanche, un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 135 II 30 consid. 1.3.4 p. 36; 134 III 188 consid. 2.1 p. 190 et consid. 2.2). Cette réglementation est fondée sur des motifs d'économie de procédure; en tant que cour suprême, le Tribunal fédéral doit en principe ne s'occuper qu'une seule fois d'un procès, et cela seulement lorsqu'il est certain que la partie recourante subit effectivement un dommage définitif (ATF 134 III 188 consid. 2.2; 134 IV 43 consid. 2.1 p. 45).
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Les décisions relatives à l'administration des preuves ne sont, en principe, pas de nature à causer aux intéressés un dommage irréparable, tel qu'il vient d'être défini. En effet, la partie qui conteste une décision rendue en ce domaine dans un procès qui la concerne pourra attaquer, le cas échéant, cette décision incidente en même temps que la décision finale (ATF 99 Ia 437 consid. 1 p. 438). La règle comporte certes des exceptions. Il en va ainsi, notamment, quand la sauvegarde de secrets est en jeu; on conçoit en effet que la divulgation forcée de secrets d'affaires est susceptible de léser irrémédiablement les intérêts juridiques de la partie concernée, en tant qu'elle implique une atteinte définitive à sa sphère privée (arrêt 4P.117/1998 du 26 octobre 1998 consid. 1b/bb/aaa, in SJ 1999 I 186).
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Il appartient toutefois à la partie recourante d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision préjudicielle ou incidente lui cause un dommage irréparable, à moins que celui-ci ne fasse d'emblée aucun doute (ATF 134 III 426 consid. 1.2 p. 429; 133 III 629 consid. 2.3.1).
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En l'espèce, la recourante soutient que la décision attaquée lui causerait un préjudice irréparable. A cet égard, elle plaide en substance que les pièces litigieuses - en réalité les pièces nos 153 et 157 à 159, à l'exclusion de la pièce n° 163 en rapport avec laquelle la recourante n'allègue pas le risque de dommage irréparable, d'où l'irrecevabilité de son recours dans cette mesure - relèveraient de la sphère privée des collaborateurs, protégée par les art. 28 CC, 328 et 328b CO, et que leur production occasionnerait un préjudice irréparable pour elle et les collaborateurs tiers dont elle doit protéger la personnalité.
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Il est douteux que cette motivation suffise à démontrer l'existence d'un risque concret, qui n'apparaît par ailleurs pas évident, compte tenu de l'art. 183 CPC/VD, dont l'application permet de concilier droit à la preuve et respect du secret par le biais du caviardage (cf. Haldy, La protection des intérêts des parties et des tiers dans la procédure probatoire ou les limites du droit à la preuve, in La preuve dans le procès civil, 2000, p. 101 ss, spéc. p. 104), et ainsi de préserver l'anonymat des personnes concernées. Quoi qu'en dise la recourante, le fait que "le nombre de cadres de (la recourante) est loin d'être amplissime, si bien que le montant de tel ou tel bonus pourrait facilement être rattaché par (l'intimée), respectivement la concurrence à laquelle elle pourrait s'adresser, à telle ou telle personne membre de la direction opérationnelle comme administrative de l'entreprise", ne constitue à cet égard pas un risque caractérisé, étant de surcroît relevé que l'intimée doit bien être en mesure de prouver les prétentions qu'elle élève.
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La recevabilité du recours est ainsi sujette à caution. La question peut toutefois demeurer indécise, le recours étant de toute façon infondé, pour les raisons qui seront brièvement exposées infra.
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2.
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2.1 Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris les droits constitutionnels (ATF 134 III 379 consid. 1.2 p. 382). Il ne peut par contre pas être interjeté pour violation du droit cantonal en tant que tel; en revanche, il est possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels (ATF 134 II 349 consid. 3 p. 352; 133 III 462 consid. 2.3). Le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF). Les exigences en matière de motivation correspondent à celles prévues à l'art. 90 al. 1 let. b OJ pour l'ancien recours de droit public, ce qui suppose que les moyens soient expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée dans le mémoire de recours, sous peine d'irrecevabilité (ATF 134 I 83 consid. 3.2; 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287 s).
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2.2 Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils l'ont été de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 134 V 53 consid. 4.3) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Si la partie recourante entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, elle doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées. A ce défaut, un état de fait divergent de celui de la décision attaquée ne peut être pris en compte (ATF 133 IV 286 consid. 6.2). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de l'arrêt attaqué (art. 99 al. 1 LTF).
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3.
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La recourante se plaint d'une violation de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.), du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), de la sphère privée (art. 13 Cst.) et de la liberté du commerce et de l'industrie, soit de la liberté économique (art. 27 Cst.).
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3.1 Insuffisamment motivés, dès lors que la recourante se limite pour l'essentiel à présenter des développements théoriques, les trois derniers griefs sont irrecevables (cf. consid. 2.1).
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3.2 Reste à examiner le moyen tiré de la prétendue violation de l'interdiction de l'arbitraire.
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Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire, au sens de l'art. 9 Cst., lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat, ce qu'il appartient à la partie recourante de démontrer en vertu de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 134 I 263 consid. 3.1 p. 265 s.).
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La recourante soutient en substance que les décisions entreprises seraient arbitraires en tant qu'elles méconnaîtraient intégralement les intérêts protégés de tiers non parties au procès, soit les autres salariés de l'entreprise, en violation de l'art. 328 CO; par ailleurs, il serait arbitraire de ne pas avoir appliqué l'art. 178 al. 2 CPC/VD, dès lors que les pièces dont la production était requise seraient englobées, ou reprendraient, des éléments de "nature confidentielle" échangés avec des tiers, soit avec ses employés, et relevant de la protection de la sphère privée protégée par les art. 28 et 328 CO. A cet égard, la recourante fait en tout état toutefois fi de la possibilité prévue par l'art. 183 CPC/VD, ce qui scelle le sort du grief.
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La recourante reproche en outre aux précédents juges d'avoir commis arbitraire en ne refusant pas d'ordonner la production des pièces litigieuses, compte tenu du défaut de pertinence de la preuve (art. 179 let. a CPC/VD), les montants allégués par l'intimée étant "dépourvus de toute pertinence, sur le principe d'ailleurs comme sur leur quotité"; dans ce contexte, elle estime qu'il aurait été observé à tort qu'elle aurait dû faire valoir ses objections à l'audience préliminaire avant que ne soit rendue l'ordonnance sur preuves, puisque ses déterminations dans les écritures (notamment réponse) faisaient déjà part de cette objection, d'ailleurs renouvelée lors de l'audience préliminaire. En l'occurrence, il apparaît qu'après avoir dûment interpellé l'intimée lors de l'audience préliminaire, le Juge instructeur de la Cour civile a admis la pertinence des pièces en question. A ce stade, l'on ne décèle pas en quoi résiderait l'arbitraire, étant précisé que l'argument tiré de l'absence de pertinence des pièces requises pourra en tout état être invoqué contre le jugement au fond, qui serait par hypothèse fondé à tort sur celles-ci (cf. arrêt 4P.117/1998 du 26 octobre 1998 consid. 1b/bb/bbb, in SJ 1999 I 186).
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La recourante soutient encore que les précédents juges auraient arbitrairement méconnu le CPC/VD en ce sens qu'aucune disposition ne permettant de cumuler les déductions de l'art. 181 al. 2 et celles des art. 182 ss CPC/VD, dans la mesure où elle ne niait pas posséder le titre, mais refusait de le produire. Elle ne démontre cependant pas en quoi l'application analogique de ces dispositions serait arbitraire.
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4.
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Il résulte des considérants qui précèdent que le recours doit être rejeté dans la faible mesure de sa recevabilité.
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5.
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Compte tenu de l'issue du litige, les frais judiciaires et dépens de l'intimée sont mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 ainsi qu'art. 68 al. 1 et 2 LTF). Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer de dépens à l'intervenante (art. 68 al. 3 LTF), qui ne s'est de toute façon pas déterminée.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2.
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Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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3.
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Une indemnité de 3'500 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à la charge de la recourante.
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4.
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Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à l'intervenante, au Juge instructeur de la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois.
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Lausanne, le 27 avril 2009
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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La Présidente: La Greffière:
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Klett Cornaz
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