BGer 6B_70/2010
 
BGer 6B_70/2010 vom 22.03.2010
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
{T 0/2}
6B_70/2010
Arrêt du 22 mars 2010
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges Favre, Président,
Wiprächtiger et Jacquemoud-Rossari.
Greffière: Mme Angéloz.
Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Kathrin Gruber, avocate,
recourant,
contre
Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, 1014 Lausanne,
intimé.
Objet
Révision (art. 385 CP),
recours contre l'arrêt de la Commission de révision pénale du Tribunal cantonal vaudois du 4 décembre 2009.
Faits:
A.
Par jugement du 30 octobre 2007, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a, notamment, condamné X.________, pour infraction grave à la LStup, à 7 ans de privation de liberté, sous déduction de la détention préventive. Le 27 février 2008, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a écarté le recours de X.________. Ce dernier a formé un recours en matière pénale au Tribunal fédéral, qui l'a rejeté dans la mesure de sa recevabilité par arrêt 6B_552/2008 du 12 novembre 2008.
B.
Les faits à la base de la condamnation de X.________ sont, en résumé, les suivants.
B.a Dans le courant de 2001, X.________ a servi d'intermédiaire entre A.________ et B.________, d'une part, ainsi que C.________ et D.________, d'autre part, lors d'une transaction visant à échanger 1 kilo d'héroïne contre 500 g de cocaïne.
B.b Entre juillet et août 2004, X.________ est entré en contact avec E.________, à P.________, lequel disposait de grandes quantités d'héroïne. Après des pourparlers téléphoniques, il l'a rencontré à R.________ en vue d'un échange de 1 à 3 kilos de cocaïne contre une quantité double d'héroïne.
B.c En septembre 2004, F.________ et G.________ se sont rendus à P.________, où ils ont pris en charge 1 kilo de cocaïne, qu'ils ont livré à X.________ à la gare de R.________, le même jour. Le lendemain, un des fournisseurs a encaissé le prix de la livraison auprès de F.________, également à R.________.
B.d Le 1er juillet 2005, K.________ a réceptionné 5 kilos d'héroïne, conditionnée en 10 pains de 500 g et envoyée du Kosovo par son cousin H.________. Le lendemain, il a été interpellé à R.________, où il avait rendez-vous avec X.________. Il était en possession d'un échantillon de 2,4 g d'héroïne, prélevé sur un des pains qu'il avait reçus la veille et destiné à X.________. Ce dernier était en effet en relation avec des clients potentiels intéressés par tout ou partie de l'héroïne livrée à S.________.
C.
Le 18 novembre 2009, X.________, invoquant des moyens de preuve nouveaux, a demandé la révision du jugement rendu le 30 octobre 2007.
Cette demande a été écartée par arrêt du 4 décembre 2009 de la Commission de révision pénale du Tribunal cantonal vaudois, en appli-cation de l'art. 461 CPP/VD.
D.
X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral, pour application arbitraire de l'art. 461 CPP/VD et violation de l'art. 385 CP. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle instruction et nouvelle décision. Il sollicite l'assistance judiciaire.
Des déterminations n'ont pas été requises.
Considérant en droit:
1.
Le recourant se plaint d'une application arbitraire de l'art. 461 CPP/VD, qu'il estime équivalente à un déni de justice formel, donc à une violation du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.
1.1 Il fait valoir que, s'agissant de sa condamnation pour les infractions commises à R.________ entre fin juillet et début août 2004, il avait sollicité un délai pour produire des pièces attestant qu'il n'avait pu se trouver dans une cabine téléphonique de cette ville le 27 juillet 2004, comme retenu dans le jugement du 30 octobre 2007, et que, le 30 novembre puis le 3 décembre 2009, il a finalement produit ces pièces. Or, sans égard à cette requête, l'autorité cantonale aurait écarté sa demande sur le point litigieux en se fondant sur l'art. 461 CPP/VD, et cela alors que les pièces en question constitueraient des moyens de preuve sérieux au sens de l'art. 385 CP.
1.2 L'art. 385 CP impose aux cantons de prévoir un recours en révision en faveur du condamné contre les jugements rendus en vertu du code pénal ou d'une autre loi fédérale, quand des faits ou des moyens de preuve sérieux et dont le juge n'avait pas eu connaissance lors du premier procès viennent à être invoqués. Le législateur vaudois a concrétisé cette obligation en adoptant les art. 455 ss CPP/VD.
La révision peut être demandée en tout temps; autrement dit, elle n'est soumise à aucun délai. Conformément à l'art. 457 CPP/VD, la demande s'effectue par le dépôt d'un mémoire auprès du Tribunal cantonal et doit être accompagnée des pièces à l'appui. L'art. 461 CPP/VD prévoit que trois juges cantonaux désignés au début de chaque année par le Tribunal cantonal et choisis hors de la cour de cassation peuvent, s'ils sont unanimes, écarter d'entrée de cause et sans autre formalité les demandes de révision qui, manifestement, sont irrece-vables ou mal fondées.
1.3 A l'appui de sa demande de révision, le recourant a produit un bordereau de pièces. Celles dont il se prévaut n'y figuraient pas. Contrairement à ce qu'il soutient, il n'a pas sollicité de délai pour les verser à la procédure. Rien de tel ne ressort du dossier et il n'établit pas le contraire. Dans sa demande, il précisait toutefois, s'agissant des infractions commises à fin juillet et début août 2004, qu'il pouvait prouver que, durant cette période, il ne se trouvait pas à R.________, mais était en vacances en Croatie, et qu'une pièce serait produite à cette fin ultérieurement, le plus rapidement possible.
Le 30 novembre 2009, le recourant a adressé à l'autorité cantonale, au greffe de laquelle elle est parvenue le lendemain, la photocopie d'une déclaration manuscrite, datée du 29 octobre 2007, soit de la veille du jugement dont la révision est demandée, émanant d'amis ou de membres de sa famille en Croatie et attestant qu'il se trouvait là-bas entre le 10 et le 27 juillet 2004, du moins selon la traduction qu'il en a faite lui-même. Par courrier du 3 décembre 2009, il lui a transmis une nouvelle pièce, parvenue au greffe le lendemain, soit le jour où l'arrêt attaqué a été rendu, à savoir la photocopie d'une déclaration manuscrite de membres de sa famille en Allemagne et dont il ressort qu'elle a été établie dans ce pays, plus précisément à T.________, le 3 décembre 2009, donc le jour même où elle a été postée en Suisse par sa mandataire à l'adresse de l'autorité cantonale. Selon cette déclaration, le recourant est arrivé chez ces personnes, en provenance de Croatie, le 28 juillet 2004 à 2 heures du matin et y est resté jusqu'au 29 juillet 2004 vers 17 heures, avant de partir pour la Suisse.
1.4 S'agissant des infractions litigieuses, l'autorité cantonale a écarté la demande de révision au motif que le recourant n'avait produit aucune pièce justificative rendant vraisemblable le fait allégué, à savoir qu'il se trouvait en vacances en Croatie, et non à R.________, entre la fin juillet et le début août 2004. Ce faisant, contrairement à ce qu'estime le recourant, elle n'a pas commis de déni de justice formel, puisqu'elle s'est prononcée sur le moyen de révision invoqué par lui. En revanche, la motivation par laquelle elle a écarté ce moyen est insoutenable, parce que clairement contredite par le dossier, auquel ont été dûment versées les pièces produites par le recourant, munies du sceau du greffe attestant qu'elles ont été reçues, respectivement, le 1er et le 4 décembre 2009, au demeurant sans qu'une objection de tardiveté ne soit opposée au recourant.
Reste cependant à examiner si, comme l'exige la jurisprudence constante, la décision attaquée, sur le point litigieux, est également arbitraire dans son résultat, et non seulement dans sa motivation (ATF 135 V 2 consid. 1.3 p. 4/5; 134 I 140 consid. 5.4 p. 148 et les arrêts cités). Partant, il y a lieu de rechercher si, sur ce point, elle nie à tort l'existence d'un fait ou moyen de preuve nouveau et sérieux au sens de l'art. 385 CP.
1.5 Selon la jurisprudence, un fait ou un moyen de preuve est nouveau au sens de cette disposition, lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'il ne lui a pas été soumis sous quelque forme que ce soit (ATF 130 IV 72 consid. 1 p. 73), sans qu'il importe qu'il ait été connu ou non du requé-rant, sous réserve de l'abus de droit, qui ne doit être admis qu'avec retenue en cas de révision fondée sur l'art. 385 CP (ATF 130 IV 72 consid. 2.2 p. 74). Le fait ou moyen de preuve est sérieux, s'il est propre à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l'état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (ATF 130 IV 72 consid. 1 p. 73).
1.6 Les pièces dont se prévaut le recourant, produites pour la première fois dans la présente procédure et dont l'une est d'ailleurs postérieure au jugement dont la révision est demandée, sont manifestement nouvelles. Ces pièces ne constituent en revanche pas des moyens de preuve sérieux.
Celle qui a été produite le 30 novembre 2009 émane de personnes dont l'identité n'est pas vérifiable. Dans la lettre du même jour qui l'accompagne, le recourant indique qu'il s'agit de membres de sa famille en Croatie, alors que, de la traduction de cette pièce, qu'il a effectuée lui-même, il résulte qu'il s'agit d'amis chez lesquels il était invité. Le document annexé, sensé attester de la validité des signatures qui y sont apposées, n'est accompagnée d'aucune traduction. De plus, cette pièce est datée de la veille du jugement de condamnation. Elle n'a cependant jamais été utilisée dans la procédure précédente, au cours de laquelle le recourant ne s'en est jamais prévalu ni ne s'est réservé de la produire, n'arguant même pas du fait qu'il se serait trouvé en Croatie pour contester sa participation aux actes de trafic litigieux. Il a attendu plus de deux ans depuis qu'elle a été établie pour demander la révision de son jugement et ne l'a même pas produite au moment où il a déposé sa demande, mais seulement une dizaine de jours plus tard. Ces circonstances eussent justifié des explications. Le recourant n'en fournit toutefois aucune.
S'agissant de la pièce transmise le 3 décembre 2009 à l'autorité cantonale, le recourant n'explique pas pourquoi elle n'a été établie et produite qu'à cette date, au sujet de faits remontant à plus de 5 ans et dont il se défend depuis plusieurs années. Selon son contenu, elle émane au demeurant de son frère, qui l'a manifestement établie à sa demande. Elle vient étayer, a posteriori et à titre d'indice supplémentaire, une demande de révision déjà déposée.
Plus généralement, on ne peut que s'interroger quant aux raisons pour lesquelles le recourant a tu, depuis sa mise en cause pour l'opération de trafic litigieuse, un fait qui, supposé établi, eut été de nature à le disculper et qu'il eut été logique d'invoquer immédiatement et quant aux motifs pour lesquels il produit aussi tard des pièces qui eussent manifestement pu l'être depuis longtemps.
Dans ces conditions, la valeur probante des pièces invoquées est des plus ténues. Il aurait en tout cas pu être admis sans arbitraire, au sens défini par la jurisprudence, qu'elles ne suffisaient pas à faire contre-poids aux éléments de preuve sur lesquels s'est fondé le Tribunal correctionnel, ni, partant, à ébranler l'état de fait qui en a été déduit et sur lequel repose la condamnation du recourant. A cet égard, il y a lieu de relever que, pour conclure à l'implication de ce dernier dans l'opé-ration de trafic litigieuse, le Tribunal correctionnel, comme cela ressort des pages 9 à 12 de son jugement du 30 octobre 2007, ne s'est pas uniquement, ni même principalement, fondé sur le fait que celui-ci a appelé un trafiquant depuis une cabine téléphonique à R.________ le 27 juillet 2004 vers 19 heures. Il a essentiellement forgé sa conviction sur le fait que le recourant, comme il l'a admis, a personnellement utilisé, depuis 2003, un téléphone portable dont il a été établi qu'il avait servi à des communications relatives au trafic et sur la base du contenu de conversations, enregistrées, effectuées par téléphone portable, de la localisation de certaines d'entre elles, de l'implication du téléphone du recourant et de la nature des propos échangés.
1.7 Au vu de ce qui précède, l'arrêt attaqué n'est pas arbitraire dans son résultat en tant que, sur le point litigieux, il écarte la demande de révision. Le grief doit dès lors être rejeté.
2.
Autant que sa motivation permette de le comprendre, le recourant argue, comme d'un moyen de preuve nouveau et sérieux, d'une déclaration de K.________, par laquelle ce dernier aurait déclaré avoir menti en disant à U.________ que le recourant lui aurait trouvé des clients arabes.
De l'arrêt attaqué et en l'absence de toute précision du recourant à ce sujet, on doit déduire que la déclaration de K.________, qu'il invoque, aurait été faite par ce dernier à l'occasion de son audition par la police du 23 septembre 2005. Cette déclaration a été versée au dossier de la procédure concernant le recourant, ce qu'il ne conteste d'ailleurs pas. Si celui-ci estimait qu'elle n'avait, à tort, pas été discutée et prise en compte par le Tribunal correctionnel dans le jugement dont la révision est demandée, il pouvait et devait s'en plaindre dans la procédure de recours dirigée contre ce jugement. La révision, qui est une voie de droit extraordinaire, n'est pas ouverte pour soulever des griefs qui devaient être invoqués dans la procédure de jugement. Le moyen est par conséquent irrecevable.
3.
La motivation présentée par le recourant sous chiffre 5 de la page 5 de son mémoire ne permet guère de saisir à quel comportement délictueux retenu à son encontre il entend s'en prendre. De l'arrêt attaqué, on doit déduire qu'il s'agit, là encore, de son implication dans les démarches en vue d'écouler 5 kilos d'héroïne.
3.1 Dans la mesure où le recourant reproche au Tribunal correctionnel de n'avoir pas tenu compte de conversations téléphoniques dont il ne conteste pas que le résultat a été versé à la procédure de jugement, il formule un grief qui devait être soulevé dans le cadre de cette procé-dure et qui est dès lors irrecevable (cf. supra, consid. 2).
3.2 Datée du 5 octobre 2009, la déclaration de la commune de V.________, attestant que le recourant ne possède pas de bien immobilier dans cette commune, constitue une pièce nouvelle. Il ne s'agit toutefois manifestement pas d'un élément de preuve sérieux au sens de l'art. 385 CP. Cette pièce vise en effet à prouver que le recourant ne serait pas "W.________", dont le Tribunal correctionnel aurait admis qu'il détient un terrain à V.________, donc à infirmer un fait que le recourant, selon le jugement dont la révision est demandée, n'a pas contesté et qui n'a au demeurant joué, au mieux, qu'un rôle tout à fait mineur dans l'appréciation des preuves sur laquelle repose la conviction du tribunal quant à l'implication du recourant dans les actes de trafic litigieux. Le fait attesté par la pièce invoquée ne suffirait donc pas, même sous l'angle de la vraisemblance, à faire admettre que le recourant n'a pas été impliqué dans ceux-là. Cela aurait en tout cas pu être admis sans aucun arbitraire. Le recours sur ce point ne peut être que rejeté.
4.
L'argumentation présentée par le recourant sous chiffre 6 de la page 5 de son mémoire ne permet même pas de comprendre ce qu'il entend au juste contester. Partant, elle est irrecevable.
5.
Le recours doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Comme les conclusions du recourant étaient d'emblée vouées à l'échec, sa requête d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Il devra donc supporter les frais (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois arrêté en tenant compte de sa situation financière.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Commission de révision pénale du Tribunal cantonal vaudois.
Lausanne, le 22 mars 2010
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Favre Angéloz