BGer 4A_394/2010
 
BGer 4A_394/2010 vom 12.01.2011
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
{T 1/2}
4A_394/2010
Arrêt du 12 janvier 2011
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et MM. les Juges Klett, présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss.
Greffier: M. Carruzzo.
Participants à la procédure
Essam El Hadary, représenté par Me Léonard A. Bender,
recourant,
contre
1. Fédération Internationale de Football Association (FIFA), représentée par Me Christian Jenny,
2. Al-Ahly Sporting Club,
intimés.
Objet
arbitrage international; droit d'être entendu; ordre public,
recours en matière civile contre la sentence rendue le 1er juin 2010 par le Tribunal Arbitral du Sport (TAS).
Faits:
A.
A.a Essam El Hadary est un footballeur professionnel de nationalité égyptienne, né le 15 janvier 1973. Gardien de but, il a effectué l'essentiel de sa carrière professionnelle sous les couleurs de l'équipe égyptienne Al-Ahly Sporting Club et a porté plus d'une centaine de fois le maillot de l'équipe nationale d'Égypte.
Al-Ahly Sporting Club est un club de football professionnel, membre de la Fédération d'Égypte de football (FEF), elle-même affiliée à la Fédération Internationale de Football Association (FIFA).
A.b Le 1er janvier 2007, Essam El Hadary et Al-Ahly Sporting Club ont signé un contrat de travail dont le terme a été fixé à la fin de la saison 2009-2010.
En date du 15 février 2008, le joueur a conclu avec le FC Sion, club de football professionnel suisse, un contrat de travail pour une période expirant à l'issue de la saison 2010-2011.
La FEF a refusé de transmettre le Certificat International de Transfert (CIT) à l'Association Suisse de Football (ASF).
Par décision du 11 avril 2008, le juge unique de la Commission du Statut du Joueur de la FIFA a autorisé l'ASF à enregistrer provisoirement Essam El Hadary en tant que joueur du FC Sion avec effet immédiat. Cette décision réservait l'issue du différend opposant le club égyptien à son joueur quant aux circonstances dans lesquelles il avait été mis un terme à leurs rapports de travail, différend qui devait être tranché par la Chambre de Résolution des Litiges (CRL) de la FIFA.
A.c Le 12 juin 2008, Al-Ahly Sporting Club a assigné Essam El Hadary et le FC Sion devant la CRL en vue d'obtenir leur condamnation solidaire au paiement de 2 millions d'euros pour rupture injustifiée du contrat, respectivement incitation à une telle rupture, ainsi que des sanctions sportives.
Par décision du 16 avril 2009, la CRL a condamné solidairement les défendeurs à payer au demandeur la somme de 900'000 euros. Elle a, en outre, suspendu le joueur pour une durée de quatre mois à partir du début de la prochaine saison et a interdit au FC Sion de recruter de nouveaux joueurs durant les deux périodes d'enregistrement suivant la notification de sa décision.
B.
Le 18 juin 2009, Essam El Hadary a adressé au Tribunal Arbitral du Sport (TAS) une déclaration d'appel visant ladite décision (CAS 2009/A/1881). Il y indiquait n'effectuer cette démarche que pour la sauvegarde de ses droits, tout en contestant la compétence du TAS.
Le même jour, FC Sion Association a, elle aussi, déposé une déclaration d'appel auprès du TAS contre la décision précitée, mais sans remettre en cause la compétence de cette juridiction arbitrale (CAS 2009/A/1880).
Dans son mémoire d'appel du 10 juillet 2009, Essam El Hadary a requis principalement la suspension de la cause arbitrale jusqu'à droit connu sur la procédure civile qu'il avait ouverte devant un tribunal du canton de Zurich afin d'obtenir l'annulation de la décision de la CRL en application de l'art. 75 CC. Subsidiairement, il a invité le TAS à rendre une décision incidente par laquelle il se déclarerait incompétent pour connaître de l'appel.
Le TAS a joint les deux causes arbitrales susmentionnées pour instruction et jugement. Il a cependant décidé de traiter séparément les exceptions d'incompétence et de litispendance. Par sentence du 7 octobre 2009, il a écarté ces exceptions et s'est déclaré compétent pour examiner les mérites de l'appel interjeté par Essam El Hadary.
Contre ladite sentence, le footballeur égyptien a formé un recours en matière civile que le Tribunal fédéral a rejeté par arrêt du 20 janvier 2010 (cause 4A_548/2009).
C.
Après avoir instruit simultanément les deux causes, le TAS, composé de MM. Massimo Coccia, président, Olivier Carrard et Ulrich Haas, arbitres, a rendu sa sentence finale en date du 1er juin 2010. Admettant partiellement l'appel interjeté par Essam El Hadary, il a condamné ce dernier à payer la somme de 796'500 dollars, plus intérêts, à Al-Ahly Sporting Club et l'a suspendu de tout match officiel pour une durée de quatre mois à partir du début de la saison 2010-2011.
En bref, les arbitres, après avoir examiné les preuves versées au dossier, ont estimé que l'appelant n'était pas parvenu à établir que le contrat de travail qui le liait au club égyptien avait pris fin d'entente entre les parties. Ils ont ensuite appliqué aux circonstances de l'espèce les critères énoncés à l'art. 17.1 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs édicté par la FIFA (RSTJ) pour fixer le montant de l'indemnité due par l'appelant au club intimé, ramenant ce montant de 900'000 euros à 796'500 dollars. En application de l'art. 17.3 RSTJ, la Formation a encore prononcé une sanction sportive à l'encontre de l'appelant.
D.
Le 1er juillet 2010, Essam El Hadary a formé un recours en matière civile en vue d'obtenir l'annulation de la sentence du 1er juin 2010.
La FIFA et le TAS concluent au rejet du recours. Al-Ahly Sporting Club n'a pas déposé de réponse dans le délai qui lui avait été imparti à cette fin.
Admise dans un premier temps à titre superprovisoire, la demande d'effet suspensif présentée par le recourant a été rejetée, par ordonnance présidentielle du 12 octobre 2010, à l'instar de la requête tendant à ce que la présente cause et la cause 4A_392/2010, relative au recours interjeté par FC Sion Association contre la même sentence, fussent jointes.
Considérant en droit:
1.
D'après l'art. 54 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision est rédigée dans une autre langue (ici l'anglais), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le TAS, celles-ci ont utilisé l'anglais et le français. Dans le mémoire qu'il a adressé au Tribunal fédéral, le recourant a employé le français. La réponse de la FIFA, intimée, a été rédigée en allemand. Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral adoptera la langue du recours et rendra, par conséquent, son arrêt en français.
2.
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions fixées par les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 LTF). Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours, des conclusions prises par le recourant ou encore des griefs soulevés dans le mémoire de recours, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose donc à l'entrée en matière.
3.
Le recourant avait formulé un premier grief, fondé sur l'art. 190 al. 2 let. a LDIP, en rapport avec la présence de l'arbitre Ulrich Haas au sein de la Formation ayant rendu la sentence attaquée. Il avait également requis l'administration de preuves afin d'étayer le grief en question. Cependant, par lettre du 16 novembre 2010, il a retiré purement et simplement ce grief ainsi que les offres de preuve y relatives. Il n'y a donc pas lieu d'examiner ce moyen, ni de statuer sur l'admissibilité des preuves proposées à son appui.
4.
4.1 Pour le recourant, le TAS aurait "violé gravement les principes impératifs de procédure mentionnés à l'art. 190 al. 2 let. e LDIP". A l'en croire, la sentence attaquée porterait atteinte à son droit d'être entendu et à l'égalité des parties dans la mesure où la Formation aurait méconnu son devoir minimum d'examiner et de traiter les problèmes pertinents. Concrètement, le recourant cherche à démontrer que les arbitres n'ont pas pris en considération le témoignage du dénommé Abdel Zeaf, qui était propre, selon lui, à établir le caractère consensuel de son départ du club égyptien.
4.2 La recevabilité du grief est déjà sujette à caution. Aussi bien, la let. e de l'art. 190 al. 2 LDIP, que cite le recourant, ne mentionne pas un quelconque principe impératif de procédure, puisqu'elle sanctionne l'incompatibilité de la sentence avec l'ordre public. C'est, en réalité, la let. d de la même disposition que le recourant aurait dû invoquer pour faire constater la violation des garanties ancrées à l'art. 182 al. 3 LDIP (égalité entre les parties et droit d'être entendu en procédure contradictoire). Vrai est-il qu'il serait peut-être trop formaliste d'écarter ce grief pour ce seul motif, étant donné que le recourant a indiqué de manière expresse les garanties de procédure que la Formation n'aurait pas respectées. Point n'est, toutefois, besoin de pousser plus avant l'examen de cette question de recevabilité dès lors que le grief examiné est, de toute façon, mal fondé.
Le recourant reproche au TAS de ne pas avoir pris en considération le témoignage capital d'Abdel Zeaf. Ainsi formulé, pareil reproche confine à la témérité. En effet, la Formation a consacré trois paragraphes de sa sentence à l'analyse de ce témoignage (n. 190 à 192); deux d'entre eux sont du reste cités expressis verbis dans le mémoire de recours (p. 9 s.). Ce que le recourant déplore, en réalité, par une argumentation de type purement appellatoire, c'est le résultat de cette analyse. Il se borne, ce faisant, à critiquer la manière dont les arbitres ont apprécié un moyen de preuve. C'est ignorer que l'appréciation des preuves, fût-elle arbitraire, ne constitue pas un motif de recours entrant dans les prévisions de l'art. 190 al. 2 lDIP, sous quelque angle que ce soit.
Par conséquent, il n'existe pas, en l'espèce, le moindre indice de la prétendue violation du droit d'être entendu du recourant non plus que d'un traitement inégal dont ce dernier aurait eu à pâtir.
5.
Le recourant fait encore grief à la Formation d'avoir méconnu le principe de la "fidélité contractuelle" et, partant, d'avoir rendu une sentence incompatible avec l'ordre public.
5.1 L'examen matériel d'une sentence arbitrale internationale, par le Tribunal fédéral, est limité à la question de la compatibilité de la sentence avec l'ordre public (ATF 121 III 331 consid. 3a).
Une sentence est incompatible avec l'ordre public si elle méconnaît les valeurs essentielles et largement reconnues qui, selon les conceptions prévalant en Suisse, devraient constituer le fondement de tout ordre juridique (ATF 132 III 389 consid. 2.2.3). Elle est contraire à l'ordre public matériel lorsqu'elle viole des principes fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants; au nombre de ces principes figure la fidélité contractuelle, rendue par l'adage latin pacta sunt servanda.
Le principe pacta sunt servanda, au sens restrictif que lui donne la jurisprudence relative à l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, n'est violé que si le tribunal arbitral refuse d'appliquer une clause contractuelle tout en admettant qu'elle lie les parties ou, à l'inverse, s'il leur impose le respect d'une clause dont il considère qu'elle ne les lie pas. En d'autres termes, le tribunal arbitral doit avoir appliqué ou refusé d'appliquer une disposition contractuelle en se mettant en contradiction avec le résultat de son interprétation à propos de l'existence ou du contenu de l'acte juridique litigieux. En revanche, le processus d'interprétation lui-même et les conséquences juridiques qui en sont logiquement tirées ne sont pas régis par le principe de la fidélité contractuelle, de sorte qu'ils ne sauraient prêter le flanc au grief de violation de l'ordre public. Le Tribunal fédéral a souligné à maintes reprises que la quasi-totalité du contentieux dérivé de la violation du contrat est exclue du champ de protection du principe pacta sunt servanda (arrêt 4A_43/2010 du 29 juillet 2010 consid. 5.2 et les arrêts cités).
5.2 En l'espèce, la Formation, appréciant les éléments de preuve versés au dossier, a jugé que le recourant avait rompu de manière unilatérale le lien contractuel qui l'unissait au club intimé. Partant de cette prémisse, elle lui a infligé les sanctions pécuniaires et sportives prévues par la réglementation ad hoc en cas de rupture du contrat de travail sans juste cause. Semblable raisonnement ne comporte pas la moindre contradiction interne. Cela suffit à exclure une quelconque violation du principe pacta sunt servanda, au sens restrictif qu'il revêt dans ce contexte. Bien qu'il s'en défende, le recourant critique uniquement la prémisse de ce raisonnement, c'est-à-dire les constatations relatives aux conditions dans lesquelles il a quitté le club égyptien. Il n'est pas recevable à le faire dans un recours dirigé contre une sentence arbitrale internationale.
Enfin, les seules affirmations du recourant, d'après lesquelles la sentence attaquée serait choquante dans son résultat, heurterait le sens de l'équité et équivaudrait "à une sorte de mort sportive", sont tout à fait impropres à établir l'incompatibilité de ladite sentence avec l'ordre public matériel, dans l'acception étroite que lui donne la jurisprudence susmentionnée.
6.
Le présent recours doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable. Succombant, son auteur paiera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF); il versera, en outre, des dépens à la FIFA (art. 68 al. 1 et 2 LTF). Le club intimé, qui n'a pas déposé de réponse, n'a pas droit à une indemnité.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le recourant versera à la Fédération Internationale de Football Association (FIFA) une indemnité de 12'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal Arbitral du Sport (TAS).
Lausanne, le 12 janvier 2011
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:
Klett Carruzzo