BGer 5A_902/2010 |
BGer 5A_902/2010 vom 28.02.2011 |
Bundesgericht
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Tribunal fédéral
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Tribunale federale
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{T 0/2}
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5A_902/2010
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Arrêt du 28 février 2011
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IIe Cour de droit civil
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Composition
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Mme et MM. les Juges Hohl, Présidente,
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von Werdt et Herrmann.
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Greffier: M. Fellay.
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Participants à la procédure
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Etat de Genève, Département des finances,
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Service du contentieux de l'Etat,
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représenté par Me Laurent Marconi, avocat,
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recourant,
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contre
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A._______, représenté par Me Soli Pardo,
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avocat,
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intimé,
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Office des poursuites de Genève,
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Objet
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saisie complémentaire,
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recours contre la décision de la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève [actuellement: Autorité de surveillance (section civile de la Cour de justice)] du 9 décembre 2010.
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Faits:
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A.
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Dans le cadre des poursuites formant la série n° xxx exercées contre A.________ par l'administration fiscale du canton de Genève et la Fondation X.________ en liquidation, à laquelle l'Etat de Genève, service du contentieux, a succédé le 1er janvier 2010, l'Office des poursuites de Genève a procédé à une saisie le 10 novembre 2008.
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A cette occasion, le débiteur a notamment déclaré posséder un terrain agricole sur la commune de Y.________, soit la parcelle 5418, et fait cette déclaration, écrite et signée de sa main, au sujet de ses biens mobiliers:
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"Je remets en mains de l'office, copie couleur du tableau que je possède représentant LE CHRIST portant la croix. La documentation en ma possession me permet de penser que ce tableau peut être attribué à Léonard DE VINCI. Ce tableau porte le sceau du Vatican en son dos. Après diverses recherches, il se trouve qu'il existe un cabinet d'expertise spécialisé à Paris (je procurerais ses coordonnées, à la demande de l'office). Il s'avère que la file d'attente pour ces expertises est relativement longue et bien sûr coûteuse. Je considère que ce tableau est saisi par l'office en mes mains et à la demande je le remettrais pour expertise"...
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Le 10 juin 2009, l'office a saisi l'immeuble, estimé en seconde expertise à 200'000 fr. Le 10 décembre 2009, il a effectué une saisie complémentaire portant sur le tableau, confirmant que celui-ci, conformément au procès-verbal du 10 juin, était bien saisi. Le procès-verbal de saisie du 10 décembre précisait que l'office avait invité le débiteur à déposer le tableau à l'office aux fins d'estimation le 22 juillet, qu'il l'avait relancé le 7 septembre, puis sommé le 6 octobre de se présenter à l'office le 12 octobre, que son conseil avait informé l'office que le tableau était en France pour expertise et serait ensuite rapatrié en Suisse, que le 28 octobre ledit conseil avait fait état des difficultés de ramener le tableau en Suisse, vu que sa valeur pour le dédouanement était inconnue, qu'enfin, le 8 décembre, l'office avait proposé au conseil du débiteur de rapatrier le tableau et, le cas échéant, de le déposer aux Ports-Francs de Genève en le mettant sous douane.
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Le 4 mai 2010, le débiteur a requis l'office de différer la vente aux enchères de l'immeuble pour le motif que la valeur du tableau, toujours objet d'expertise, pourrait largement couvrir les créances de ses poursuivants. L'office ayant refusé de surseoir à la vente de l'immeuble, le débiteur a saisi la Commission cantonale de surveillance des offices des poursuites et des faillites en invoquant les dispositions de l'art. 95 LP sur l'ordre de la saisie. Par décision du 16 septembre 2010, la commission cantonale a déclaré la plainte irrecevable pour cause de tardiveté, le plaignant ayant eu connaissance depuis au moins le 10 juin 2009 du fait que son immeuble serait saisi prioritairement à son tableau.
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B.
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Le 1er octobre 2010, l'Etat de Genève a requis de l'office qu'il constate que la saisie du tableau était à ce jour sans objet et qu'il rectifie le procès-verbal de saisie dans ce sens. L'office a refusé par décision du 15 octobre 2010, en indiquant qu'il allait déposer plainte pénale sur la base de l'art. 169 CP et entreprendre toutes les démarches utiles afin de prendre le tableau sous sa garde pour procéder à son estimation. Il relevait que, selon les déclarations du débiteur du 10 novembre 2008, le tableau litigieux se trouvait en Suisse au moment de la saisie, que c'était le 30 juillet 2009, date à laquelle il avait signé un mandat d'expertise portant sur le tableau, que le débiteur avait vraisemblablement transféré celui-ci en France. Selon l'office, le transfert sans droit du tableau à l'étranger constituait manifestement un détournement d'une valeur patrimoniale mise sous main de justice au sens de l'art. 169 CP.
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La plainte formée par l'Etat de Genève contre ce refus de l'office a été rejetée, dans la mesure de sa recevabilité, par décision de la commission cantonale de surveillance du 9 décembre 2010.
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C.
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Contre cette décision, qu'il a reçue le 13 décembre suivant, l'Etat de Genève a interjeté, le 21 décembre 2010, un recours en matière civile au Tribunal fédéral, tendant principalement au constat que le tableau litigieux n'est pas sujet à la saisie dans le cadre de la série concernée et à la rectification du procès-verbal de saisie dans ce sens, subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Le recourant reproche à la commission cantonale de lui avoir dénié à tort son intérêt à agir selon l'art. 17 LP, d'avoir violé la maxime d'office en établissant les faits (art. 20a al. 2 ch. 2 LP) et d'avoir mal appliqué le principe de territorialité en matière de saisie concrétisé par l'art. 89 LP.
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Le dépôt d'une réponse n'a pas été requis.
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Considérant en droit:
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1.
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Interjeté dans le délai (art. 100 al. 2 let. a, 46 al. 1 let. c LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi par une partie qui a succombé dans ses conclusions prises devant l'autorité précédente (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière de poursuite pour dettes et de faillite (art. 72 al. 2 let. a LTF) par une autorité cantonale de surveillance de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF), le recours est en principe recevable, et ce indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. c LTF).
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2.
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Le grief de violation de la maxime d'office (art. 20a al. 2 ch. 2 LP) est soulevé en relation avec la question de la compétence de l'office pour procéder à la saisie du tableau litigieux, compétence qui est déterminée par la localisation - en Suisse ou en France - de ce droit patrimonial à mettre sous main de justice (cf. arrêt 7B.228/2005 du 20 mars 2006 consid. 2.2 et la référence à P.-R. Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n. 19 ad art. 89 LP).
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2.1 Aux termes de l'art. 20a al. 2 ch. 2 LP, l'autorité de surveillance constate les faits d'office; elle peut demander aux parties de collaborer et déclarer irrecevables leurs conclusions lorsqu'elles refusent de prêter le concours nécessaire que l'on peut attendre d'elles.
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Comme l'a rappelé un arrêt récent (5A_267/2009 du 5 juin 2009 consid. 2.1), la maxime inquisitoire prévue par cette disposition impose à l'autorité cantonale de surveillance de diriger la procédure, de définir les faits pertinents et les preuves nécessaires, d'ordonner l'administration de ces preuves et de les apprécier d'office (arrêt 7B.68/2006 du 15 août 2006, consid. 3.1). L'autorité doit établir d'elle-même les faits pertinents dans la mesure qu'exige l'application correcte de la loi et ne peut se contenter d'attendre que les parties lui demandent d'instruire ou lui apportent spontanément les preuves idoines (arrêt 7B.15/2006 du 9 mars 2006, consid. 2.1). Les parties intéressées à une procédure d'exécution forcée n'en sont pas moins tenues de collaborer à l'établissement des faits (cf. à ce sujet: ATF 123 III 328); il en est ainsi, notamment, lorsque la partie saisit dans son propre intérêt les autorités de surveillance ou qu'il s'agit de circonstances qu'elle est la mieux à même de connaître ou qui touchent à sa situation personnelle, surtout lorsqu'elle sort de l'ordinaire (arrêt 7B.100/2004 du 4 août 2004, consid. 3.1); à défaut de collaboration, l'autorité de surveillance n'a pas à établir des faits qui ne résultent pas du dossier (ATF 123 III 328 consid. 3 p. 329).
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Par ailleurs, la maxime inquisitoire n'exclut pas l'appréciation anticipée d'une preuve qui la fait apparaître vouée à l'échec faute de force probante suffisante, impropre à modifier le résultat des preuves déjà administrées ou superflue (Gilliéron, op. cit., n. 59 ad art. 20a LP et la jurisprudence citée).
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2.2 La commission cantonale de surveillance a statué sur le vu de la plainte du recourant qui demandait que la question de la localisation du tableau soit éclaircie, du rapport sollicité de l'office, qui parlait de détournement de biens mis sous main de justice et de la détermination requise du débiteur, qui alléguait n'avoir jamais dit ou prétendu que le tableau se serait trouvé en Suisse. Elle a tiré du dossier notamment les éléments suivants: lors de la saisie du 10 novembre 2008, le débiteur avait indiqué être propriétaire du tableau et le procès-verbal de saisie du 10 juin 2009 mentionnait, sans aucune contestation de sa part, que ce bien se trouvait toujours en ses mains; un éventuel doute sur la saisie formelle du tableau avait été levé le 22 juillet 2009, lorsque le débiteur avait été requis de venir le déposer à l'office; ce n'est qu'après le rappel du 7 septembre 2009 et la sommation du 6 octobre 2009 que le conseil du débiteur avait informé l'office de ce que le tableau se serait trouvé en France; le débiteur lui-même ne s'était jamais prévalu du fait que la saisie aurait été nulle, même s'il ne s'était jamais départi de laisser planer une grosse ambiguïté sur le lieu de situation du tableau. Ces éléments, dont il ressort - implicitement, mais indiscutablement - que le tableau devait être localisé en Suisse au moment de la saisie, ont conduit la commission à retenir qu'il n'avait pas été démontré à satisfaction que le tableau se fût trouvé sur France au moment de la saisie et que celle-ci fût entachée d'une quelconque nullité.
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Le recourant fait valoir que la commission de surveillance aurait dû encore auditionner le débiteur, lui demander de fournir toutes traces administratives de la localisation du tableau (police d'assurance, attestation de transport, bordereau des douanes, justificatifs d'acquisition ou de possession antérieure à la saisie) et déterminer pourquoi l'office n'avait ni vu, ni pris immédiatement possession du tableau. Il feint cependant d'ignorer la passivité du débiteur à laquelle l'office a été confronté et qui a consisté, comme l'indique la dénonciation pénale versée au dossier, à n'avoir pas donné suite aux courriers comminatoires qui l'invitaient à remettre le tableau sous la garde de l'office aux fins d'estimation, alors qu'il s'y était expressément engagé lors de son audition du 10 novembre 2008, ce qui permettait d'ailleurs de supposer qu'il avait, sans l'autorisation de l'office, transféré son tableau en France alors qu'une saisie avait été exécutée.
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Le recourant reproche à ce propos à la commission cantonale de surveillance de s'être indûment déchargée de l'établissement des faits sur l'autorité pénale. Ce grief ne repose sur rien. La commission note certes que si, à l'issue de la procédure pénale, il venait à apparaître que le tableau en question n'avait jamais quitté la France, pour autant qu'il s'y trouve effectivement, l'office serait invité à en tirer les conséquences qui s'imposent. Il n'empêche qu'elle a fait son propre constat quant à la localisation du tableau en retenant, sur la base des éléments du dossier, que celui-ci ne se trouvait pas en France, mais en Suisse, au moment de la saisie. On ne voit pas en quoi les mesures d'instruction préconisées par le recourant seraient propres à modifier un tel constat.
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Le grief de violation de la maxime d'office doit par conséquent être rejeté.
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3.
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Devant la commission cantonale de surveillance, le recourant a fait valoir que la saisie ne pouvait plus s'opérer du fait que le tableau se trouvait sur France postérieurement à la saisie. La commission cantonale a jugé que ce grief était irrecevable faute pour le recourant de justifier d'un intérêt pour agir au sens de l'art. 17 LP et que même s'il avait été recevable, le grief aurait été rejeté. Le recourant s'en prend à ces deux motivations.
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3.1 La critique du recourant concernant la recevabilité de la plainte sous l'angle de l'art. 17 LP est irrecevable, faute d'intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée au sens de l'art. 76 al. 1 let. b LTF. En effet, la commission cantonale de surveillance ayant tout de même examiné le grief et l'ayant rejeté, le recours au Tribunal fédéral serait, sur ce point, formé seulement pour améliorer la motivation de l'arrêt attaqué, sans que cela conduise à modifier ce qui a été décidé (cf. Bernard Corboz, Commentaire de la LTF, n. 19 ad art. 76 LTF et la jurisprudence citée).
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3.2 L'art. 96 al. 1 LP fait interdiction au débiteur, sous la menace des peines prévues par la loi (art. 169 CP), de disposer des biens saisis sans la permission du préposé, biens qui, pour certains, peuvent être laissés provisoirement entre les mains du débiteur, à charge de les représenter en tout temps (art. 98 al. 2 LP). A partir du moment où il a été dûment informé de l'interdiction de disposer des biens saisis, le débiteur ne peut plus en disposer ni juridiquement, ni matériellement (Gilliéron, op. cit., n. 9 ss ad art. 96 LP; Nicolas de Gottrau, in Commentaire romand de la LP, n. 4 ad art. 96 LP; sur le moment de la saisie: cf. arrêt 7B.13/1998 du 4 mars 1998 consid. 2; BlSchK 1999 103; ATF 110 III 57 consid. 2 p. 59).
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En l'espèce, à l'occasion de la saisie opérée le 10 novembre 2008, le débiteur a formellement admis "que ce tableau est saisi par l'office en mes mains et à la demande je le remettrais pour expertise". Selon le procès-verbal de saisie du 10 juin 2009, le tableau était toujours en ses mains. Après avoir été, dès le 22 juillet 2009, formellement invité à déposer le tableau à l'office, puis relancé à ce sujet et enfin sommé de s'exécuter, le débiteur a fait savoir, le 12 octobre 2010, que le tableau était en France pour expertise et qu'il serait ensuite "rapatrié", ce qui laisse logiquement supposer qu'il avait été préalablement expatrié. C'est à bon droit, au vu des règles rappelées plus haut, que la commission cantonale de surveillance a considéré que cette expatriation ne pouvait en aucun cas mettre à néant la saisie litigieuse, même si elle en compliquait singulièrement l'exécution. La saisie en soi n'a d'ailleurs fait l'objet d'aucune plainte. Ainsi que l'a relevé pertinemment l'office dans sa décision du 15 octobre 2010, le passage d'une frontière ne saurait faire tomber la saisie, car il serait contraire à l'esprit de la LP s'il suffisait à un débiteur de transporter ses biens à l'étranger pour que la saisie portant sur ceux-ci tombe.
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Le grief de violation du principe de territorialité en matière de saisie est donc mal fondé.
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4.
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Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF).
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Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2.
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Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
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3.
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Le présent arrêt est communiqué aux participants à la procédure et à la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève [actuellement: Autorité de surveillance (section civile de la Cour de justice)].
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Lausanne, le 28 février 2011
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Au nom de la IIe Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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La Présidente: Le Greffier:
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Hohl Fellay
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