BGer 8C_762/2010
 
BGer 8C_762/2010 vom 08.04.2011
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
{T 0/2}
8C_762/2010
Arrêt du 8 avril 2011
Ire Cour de droit social
Composition
MM. les Juges Ursprung, Président, Frésard et Maillard.
Greffière: Mme Berset.
Participants à la procédure
W.________, Etats-Unis,
représenté par Me Odile Brélaz,
recourant,
contre
Helsana Assurances SA, Droit des assurances Romandie, Avenue de Provence 15, 1001 Lausanne,
intimée.
Objet
Assurance-accidents (évaluation de l'invalidité),
recours contre le jugement de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois du 28 juin 2010.
Faits:
A.
A.a W.________, né en 1967, a été engagé comme danseur professionnel par la « Fondation X.________ ». A ce titre il était assuré contre le risque d'accidents auprès de l'assureur Y.________ (ci-après: l'assureur Y.________).
Le 6 mai 1999, le prénommé s'est blessé aux genoux tandis qu'il se trouvait en flexion profonde des deux genoux et portait sa partenaire de danse à bout de bras au-dessus de la tête. Il a subi une rupture partielle des deux tendons rotuliens. Par décision du 10 octobre 2003, l'assureur Y.________ a refusé d'allouer des prestations, au motif que la lésion ne résultait ni d'un accident, ni d'un événement assimilé à un accident faute d'un facteur soudain et extérieur. Saisie d'une opposition, elle a confirmé sa prise de position dans une nouvelle décision du 24 février 2004. Par jugement du 8 décembre 2005, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a rejeté le recours formé contre la décision sur opposition par l'assuré.
Saisi d'un recours, le Tribunal fédéral l'a admis en considérant que la responsabilité de l'assurance-accidents était engagée pour les suites des lésions que l'assuré avait subies à ses deux genoux, tant que le status quo sine n'était pas atteint. En conséquence, il a annulé le jugement cantonal ainsi que les deux décisions de l'assureur Y.________ et renvoyé la cause à Helsana Assurances SA (ci-après: Helsana), qui avait succédé au premier assureur-accidents, pour qu'elle détermine les prestations dues à W.________ pour les suites de l'événement du 6 mai 1999 (arrêt U 153/06 du 16 août 2006).
Dans l'intervalle, le prénommé a entrepris des études de chorégraphie dans une université aux Etats-Unis qu'il a achevées par l'obtention d'un diplôme au cours de l'année 2002. Par la suite, il a exercé en tant que chorégraphe. Il a déclaré n'avoir perçu aucun revenu en 2002 (et avoir vécu grâce à un héritage). Au cours de l'année 2006, W.________ a quitté le continent américain pour prendre un emploi en Allemagne dès le 31 août 2006. A cette date, il a été engagé comme directeur artistique de danse, en contre-partie d'un salaire mensuel de 3'200 euros.
A.b A la suite de l'arrêt du 16 août 2006, Helsana a versé des indemnités journalières rétroactivement jusqu'au 30 avril 2002, soit 81'910 fr. Appelée à se prononcer sur le droit de l'assuré à des prestations postérieures à cette date, Helsana a, par décision du 18 mars 2008, refusé le droit à une rente. Elle a considéré que le salaire réalisable dans une activité adaptée fixé sur la base de l'Enquête suisse sur la structure des salaires à 54'157 fr. (après abattement de 5 % sur le montant de 57'008 fr. résultant des données statistiques, pour tenir compte des limitations fonctionnelles) était supérieur au revenu sans invalidité (48'158 fr.).
Par acte du 28 avril 2008, complété le 19 août suivant, l'assuré a conclu à l'octroi d'une rente d'invalidité pour la période de mai 2002 à fin 2006. Se référant à une lettre du 5 mai 2008 de l'administrateur de la « Fondation X.________ », il a fait valoir que le revenu sans invalidité aurait dû être fixé à 70'000 fr. Selon l'assuré, il y avait lieu de comparer ce montant avec le salaire moyen effectivement perçu dans la profession de chorégraphe de 2002 à août 2006, soit 13' 303 fr. La comparaison des deux revenus conduisait à un degré d'invalidité de 81 %.
Par décision sur opposition du 19 février 2009, Helsana a confirmé son point de vue et rejeté l'opposition formée par l'assuré.
B.
Saisie d'un recours contre la décision sur opposition d'Helsana, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois l'a rejeté par jugement du 28 juin 2010.
C.
W.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation en concluant, sous suite de frais et dépens, à titre principal, à la réforme du jugement entrepris en ce sens qu'il a droit à une rente d'invalidité pour la période du 1er mai 2002 au 1er septembre 2006 et, à titre subsidiaire, au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle complète l'instruction sur le plan médical.
Helsana conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit:
1.
Le litige porte sur l'évaluation du degré d'invalidité du recourant, pour la période du 1er mai 2002 au 31 août 2006.
2.
2.1 Le recourant se plaint tout d'abord du fait que l'instruction de la cause était insuffisante. Il fait grief aux premiers juges d'avoir sans plus admis qu'il était apte à exercer une activité adaptée à 100 %. Il estime que le dossier ne contient pas les documents nécessaires pour affirmer qu'il est apte à exercer pleinement des activités simples et répétitives telles que celles faisant l'objet de l'enquête ESS. Il fait valoir que des renseignements médicaux devraient être requis de la part de ses médecins et l'instruction complétée à cet égard le cas échéant.
2.1.1 Ce grief doit être rejeté. Plusieurs pièces médicales permettent de se déterminer valablement au sujet de la capacité du recourant à exercer des activités autres que celle de chorégraphe. Dans ses rapports de 1999 à 2001, le docteur B.________, médecin traitant, fait état uniquement de douleurs particulièrement lors de sauts. Il émet des réserves seulement en ce qui concerne l'activité de danseur professionnel. Dans un rapport du 1er mai 2002, le docteur S.________, chef de la division de médecine liée aux sports et professeur assistant en matière d'orthopédie de l'hôpital Z.________ indique que son patient n'est plus en mesure de reprendre son activité de danseur professionnel ou d'entreprendre quoi que ce soit en vue de retrouver le niveau de performance qu'il avait atteint en cette qualité. Il mentionne comme seules autres limitations les actes de s'agenouiller et de sauter. Mandaté par l'assureur Y.________, le docteur C.________, spécialiste en orthopédie et chirurgie, a constaté que l'assuré pouvait mener une vie normale, mise à part l'impossibilité de courir et de rester longtemps assis les genoux fléchis. Il a également indiqué que l'assuré avait de la peine à monter les escaliers ou à se lever d'une chaise (rapport du 13 septembre 2003, p. 9).
2.1.2 On peut déduire de ces éléments ainsi que du fait qu'il s'est formé comme chorégraphe que le recourant était - à l'époque de la naissance du droit éventuel à la rente (2002) - en mesure d'accomplir sans restriction les activités simples et répétitives envisagées dans l'enquête suisse sur la structure des salaires 2002 (Table TA1, salaire mensuel brut, valeur centrale selon la branche économique, le niveau des qualifications requises pour le poste de travail et le sexe, secteur privé).
2.2 Le recourant fait aussi valoir que les premiers juges se sont trompés en déterminant le revenu d'invalide en fonction des données salariales statistiques. A son avis, ils auraient dû tenir compte uniquement des revenus qu'il a réalisés en qualité de jeune chorégraphe en formation puisqu'il exerçait cette activité à plein temps et prendre en considération le montant de 13'303 fr. correspondant au salaire effectif moyen de 2002 à fin août 2006.
2.2.1 Le revenu d'invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. Lorsque l'activité exercée après la survenance de l'atteinte à la santé repose sur des rapports de travail particulièrement stables, qu'elle met pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible et que le gain obtenu correspond au travail effectivement fourni et ne contient pas d'éléments de salaire social, c'est le revenu effectivement réalisé qui doit être pris en compte pour fixer le revenu d'invalide. En l'absence d'un revenu effectivement réalisé - soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l'atteinte à la santé, n'a pas repris d'activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible -, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) ou sur les données salariales résultant des descriptions de postes de travail établies par la CNA (ATF 135 V 297 consid. 5.2. p. 301; 129 V 472 consid. 4.2.1 p. 475).
2.2.2 En l'espèce, la deuxième condition nécessaire selon la jurisprudence pour retenir le gain effectivement réalisé - soit la pleine mise en valeur de la capacité de travail résiduelle exigible - fait défaut. En effet, depuis la fin de sa formation en mai 2002, l'assuré n'a pas trouvé d'emploi dans sa nouvelle fonction lui procurant un gain suffisant. Cette situation a perduré jusqu'à fin août 2006. On ne saurait admettre qu'en percevant un salaire annuel moyen de quelques 13'000 fr. pendant quatre ans, en qualité de chorégraphe, l'intéressé ait mis en valeur sa pleine capacité de travail.
2.3 Dans ces conditions, rien ne s'opposait à ce que le revenu d'invalide soit fixé compte tenu d'une capacité de travail de l'assuré de 100 % dans une activité adaptée. Une instruction complémentaire sur le plan médical ne se justifie pas. Par ailleurs, dans la mesure où le recourant ne conteste pas en tant que tel le montant du revenu d'invalide déterminé en fonction des salaires statistiques de 2002 (57'008 fr.), ni le pourcentage de l'abattement (5 %), il y a lieu de confirmer le revenu d'invalide fixé par l'assureur-accidents à 54'157 fr. et confirmé par la juridiction cantonale.
3.
3.1 S'agissant du revenu sans invalidité, la juridiction cantonale a tenu compte d'une lettre du 6 juin 2009 du Syndicat H.________ pour constater que l'attestation de l'employeur du 5 mai 2008 se réfère à un revenu hypothétique en 2008 et non en 2002. Or, selon les premiers juges, l'évolution salariale entre 1999 et 2008 représentait, en partant d'un revenu de 40'950 fr., en 1999, entre 31 % (pour un revenu de 60'000 fr. en 2008) et 53 % (pour un revenu de 70'000 fr. en 2008). Rapportée à la période 1999-2002, cette évolution aurait, toujours selon les premiers juges, abouti à un revenu compris entre 50'400 fr. et 53'800 fr. en 2002. La juridiction cantonale a estimé que dans ces conditions on pourrait tout au plus retenir un salaire sans invalidité de 53'800 fr.
3.2 Le recourant déclare se rallier sur ce point à l'opinion de la juridiction cantonale et admet que le revenu sans invalidité soit fixé à 53'800 fr. La comparaison des revenus conduit à constater qu'il n'y a pas d'invalidité.
4.
Vu ce qui précède, le recours est mal fondé. Le recourant ne peut prétendre de dépens à la charge de l'intimée (art. 68 al. 1 LTF) et supportera les frais de justice (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 750 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 8 avril 2011
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Ursprung Berset