BGer 5A_26/2011
 
BGer 5A_26/2011 vom 30.05.2011
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
{T 0/2}
5A_26/2011
Arrêt du 30 mai 2011
IIe Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges Hohl, Présidente,
Escher et Marazzi.
Greffier: M. Fellay.
Participants à la procédure
A.________ SA,
représentée par Me Blaise Stucki, avocat,
recourante,
contre
B.________,
intimée,
Office des poursuites de Genève,
Objet
procès-verbal de séquestre,
recours contre la décision de la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève [actuellement: Autorité de surveillance (section civile de la Cour de justice)] du 17 décembre 2010.
Faits:
A.
A.a Le 22 juillet 2010, A.________ SA, société sise à Neuchâtel (ci-après: la créancière), a obtenu le séquestre, à concurrence de 1'063'962 fr. 90, des biens appartenant à B.________, société sise aux Pays-Bas (ci-après: la débitrice), en mains de C.________ SA à Genève. L'Office des poursuites de Genève a exécuté ce séquestre, enregistré sous n° xxxx, le 4 août 2010.
Par courrier du 5 août 2010, Me C.________, avocat, a prié l'office de prendre note de son mandat de conseil de la débitrice et de lui transmettre copie de l'ordonnance et du procès-verbal de séquestre. Il a produit une procuration en sa faveur contenant une élection de domicile en son étude. Le 30 août 2010, l'office a communiqué aux parties, sous pli recommandé, le procès-verbal de séquestre. Selon les données de La Poste (Track & Trace), ce pli a été distribué dans la case du conseil de la débitrice le 31 août 2010. Le 1er septembre 2010, ce dernier a écrit à l'office qu'il n'était "plus consulté" par la débitrice.
Le 13 septembre 2010, la créancière a adressé à l'office une réquisition de poursuite en validation de séquestre.
Invité par l'office à confirmer qu'il avait accepté l'élection de domicile en son étude concernant le procès-verbal de séquestre, le conseil de la débitrice lui a répondu ce qui suit le 15 octobre 2010 : "Je vous confirme que nous ne sommes plus mandatés par cette société et que nous ne pouvons dès lors pas accepter l'élection de domicile en notre Etude concernant le procès-verbal de séquestre...". Ultérieurement, le 1er novembre 2010, ledit conseil précisera avoir cessé de représenter les intérêts de la débitrice dès le 26 août 2010.
A.b Le 18 octobre 2010, l'office a communiqué à la créancière un nouveau procès-verbal de séquestre qui faisait état des informations données par le conseil de la débitrice, constatait qu'il n'y avait plus d'élection de domicile en l'étude de celui-ci et prolongeait le délai d'opposition à l'ordonnance de séquestre de 20 jours pour tenir compte du domicile de la débitrice (art. 278 al. 1 et 33 al. 2 LP).
Le 20 octobre 2010, l'office a transmis aux autorités compétentes des Pays-Bas une demande aux fins de notification à l'étranger du procès-verbal de séquestre et du commandement de payer de la poursuite en validation de séquestre (n° xxxx).
B.
Le 1er novembre 2010, la créancière a porté plainte contre la décision de l'office de procéder à la communication du procès-verbal de séquestre par l'entremise des autorités compétentes des Pays-Bas. Elle a conclu à ce qu'il soit dit et constaté que la notification de cet acte était valablement intervenue le 1er septembre 2010 en l'étude du conseil de la débitrice et que la procédure de notification aux Pays-Bas n'avait plus lieu d'être.
Par décision du 17 décembre 2010, la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève a rejeté la plainte au motif que l'office, face à la résolution prise par le conseil de la débitrice de ne pas accepter l'élection de domicile en son étude, était dans le doute quant à la validité de la notification du procès-verbal de séquestre et que, par conséquent, il ne pouvait ni ne devait procéder autrement qu'en communiquant le procès-verbal de séquestre à la débitrice domiciliée à l'étranger conformément à l'art. 66 al. 3 LP.
C.
Par acte du 12 janvier 2011, la créancière a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Elle invoque la violation des dispositions sur la représentation (art. 32 ss CO) et reprend, principalement, les chefs de conclusions qu'elle a formulés en instance cantonale, mais avec une précision concernant la date de la notification, qui devrait être le 31 août au lieu du 1er septembre 2010.
L'autorité précédente a renoncé à se déterminer sur le recours. Le conseil de la débitrice a confirmé qu'il n'était plus consulté par celle-ci dans le cadre de la procédure en cause. Invitée elle-même à répondre et à élire un domicile de notification en Suisse (art. 39 al. 3 LTF), la débitrice n'a pas donné suite à cette invitation.
Considérant en droit:
1.
1.1 Interjeté dans le délai de dix jours (art. 100 al. 2 let. a LTF), compte tenu de la suspension de l'art. 46 al. 1 let. c LTF, contre une décision finale (art. 90 LTF; ATF 133 III 350 consid. 1.2) rendue en matière de poursuite pour dettes et de faillite (art. 72 al. 2 let. a LTF) par une autorité cantonale de surveillance ayant statué en dernière (unique) instance (art. 75 al. 1 LTF; cf. arrêt 5A_623/2008 du 29 octobre 2008 consid. 1.3), le recours est en principe recevable, indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. c LTF).
1.2 Le recours tend fondamentalement, comme la plainte en instance cantonale, à la constatation de la validité de la notification intervenue en l'étude du conseil de la débitrice. C'est l'objet du litige ("Streitgegenstand"), la date exacte de la notification ne constituant en l'espèce qu'une question accessoire. La recourante allègue à ce propos que c'est à la lecture de la décision entreprise qu'elle a appris que le procès-verbal était parvenu au conseil de la débitrice le 31 août 2010 déjà et non, comme pour elle, le lendemain 1er septembre 2010. Le chef de conclusions modifié sur ce point ne saurait donc être considéré comme une conclusion nouvelle, mais comme une précision apportée en cours de procédure, admissible au regard de l'art. 99 al. 2 LTF (cf. ATF 133 II 30 consid. 2; arrêt 1A_190/2006 du 11 juin 2007 consid. 6).
1.3 La recourante justifie d'un intérêt digne de protection au sens de l'art. 76 al. 1 let. b LTF à faire constater la date de la notification du procès-verbal de séquestre puisque c'est de cette date que court le délai d'opposition à l'ordonnance de séquestre (art. 278 LP). En revanche, elle ne justifie pas d'un tel intérêt, actuel et concret, à faire constater qu'il n'y a pas lieu de procéder à la notification prévue à l'art. 66 al. 3 LP, dès lors que cette notification a déjà été exécutée. Le chef de conclusions concernant ce point est donc irrecevable.
1.4 Le Tribunal fédéral applique d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal ou à l'état de fait qu'il aura rectifié et complété conformément à l'art. 105 al. 2 LTF. Il n'est lié ni par les motifs invoqués par les parties ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale (cf. ATF 130 III 297 consid. 3.1); il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 130 III 136 consid. 1.4 in fine). Toutefois, compte tenu de l'obligation de motiver qui incombe au recourant en vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, il n'examine pas toutes les questions juridiques qui peuvent se poser, mais seulement celles qui sont soulevées devant lui (ATF 133 III 545 consid. 2.2).
2.
Selon l'art. 34 al. 3 CO, lorsque le représenté a fait connaître les pouvoirs qu'il a conférés au représentant, ce qui s'exprime notamment, comme en l'espèce, au moyen d'une procuration fournie par le représentant au tiers (arrêt 4C.380/2004 du 31 mai 2005 consid. 3.2.1 et les références citées), il ne peut en opposer aux tiers de bonne foi la révocation totale ou partielle que s'il a également fait connaître cette révocation. Cette règle a une portée générale, qui dépasse le droit privé et s'applique en particulier en droit de procédure (cf. arrêt 6B_797/2008 du 11 octobre 2008 consid. 1.1).
Dans le cas particulier, il est constant que l'office a été avisé de l'existence d'un tel pouvoir de représentation et qu'il a été expressément invité à communiquer une copie de l'ordonnance et du procès-verbal de séquestre au représentant. Lorsqu'il a fait cette communication, par pli recommandé du 30 août 2010, aucune révocation n'avait été portée à sa connaissance. La notification du procès-verbal de séquestre est donc valablement intervenue le 31 août 2010, au moment où le pli en question, distribué dans la case postale du représentant, a été retiré au guichet postal (ATF 100 III 3). Contrairement à ce que retiennent l'office et l'autorité cantonale de surveillance, il ne pouvait y avoir de doute quant à la validité de la notification du procès-verbal de séquestre en mains du mandataire. La révocation par la débitrice des pouvoirs conférés à son représentant ayant été communiquée postérieurement à cette notification, elle ne pouvait ni invalider cette dernière, ni être opposée à l'office et à la recourante en vertu de l'art. 34 al. 3 CO. Comme le relève à juste titre la recourante, le fait que le pouvoir de représentation aurait été révoqué le 26 août 2010 déjà n'y change rien, attendu que cette prétendue révocation n'a été communiquée ni à l'office ni à la recourante avant la notification du procès-verbal de séquestre.
Au vu de ce qui précède, il y a lieu d'admettre, dans la mesure de leur recevabilité, les conclusions principales du recours (art. 107 al. 2 LTF).
3.
En règle générale, les frais judiciaires et les dépens sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 66 al. 1, 68 al. 1 et 2 LTF). En l'espèce, l'intimée n'a pas du tout procédé et donc pas formellement conclu au rejet du recours (cf. ATF 119 Ia consid. 6b). Elle n'a pas davantage provoqué la décision attaquée, qui est consécutive à une plainte de la recourante contre une mesure de l'office jugée contraire à la loi ou non justifiée en fait (art. 17 al. 1 LP), plainte sur laquelle elle a renoncé à se déterminer. L'intimée ne saurait dès lors être assimilée à une partie qui succombe au sens des dispositions susmentionnées (cf. arrêts 5A_465/2010 du 21 octobre 2010 consid. 3 et 5A_276/2010 du 10 août 2010 consid. 3). Les frais judiciaires ne pouvant être mis à la charge du canton en vertu de l'art. 66 al. 4 LTF, il y a lieu de renoncer à en percevoir. Le canton doit en revanche supporter les dépens alloués à la recourante (cf. arrêts 5A_465/2010 et 5A_276/2010 précités).
4.
L'intimée n'ayant pas donné suite à l'injonction qui lui a été adressée d'avoir à élire en Suisse un domicile de notification (art. 39 al. 3 LTF), il n'y a pas lieu de lui notifier le présent arrêt aux Pays-Bas, l'exemplaire qui lui est destiné étant conservé au dossier, à sa disposition.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable et la décision attaquée est annulée.
2.
La notification à B.________ du procès-verbal de séquestre n° xxxx est valablement intervenue en l'étude de Me C.________ en date du 31 août 2010.
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4.
Une indemnité de 2'000 fr., à payer à la recourante à titre de dépens, est mise à la charge du canton de Genève.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux participants à la procédure et à la Cour de justice, autorité de surveillance des offices des poursuites et des faillites, du canton de Genève. L'exemplaire destiné à l'intimée est conservé au dossier, à sa disposition
Lausanne, le 30 mai 2011
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:
Hohl Fellay