BGer 9C_256/2010
 
BGer 9C_256/2010 vom 30.11.2011
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
{T 0/2}
9C_256/2010; 9C_263/2010
Arrêt du 30 novembre 2011
IIe Cour de droit social
Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président, Borella et Kernen.
Greffier: M. Piguet.
Participants à la procédure
9C_256/2010
KPT Caisse-maladie SA, Tellstrasse 18, 3014 Berne,
représentée par Me Claude Tournaire, avocat,
recourante,
contre
X.________ SA,
représentée par Me Gilda Modoianu, avocate,
intimée,
et
9C_263/2010
X.________ SA,
représentée par Me Gilda Modoianu, avocate,
recourante,
contre
KPT Caisse-maladie SA, Tellstrasse 18, 3014 Berne,
représentée par Me Claude Tournaire, avocat,
intimée.
Objet
Assurance-maladie,
recours contre le jugement du Tribunal arbitral des assurances de la République et canton de Genève du 12 février 2010.
Faits:
A.
A.a En l'absence de convention tarifaire entre les partenaires concernés, le Conseil d'Etat de la République et canton de Genève a adopté le 26 juillet 2000, conformément à l'art. 47 de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (LAMal; RS 832.10), le règlement fixant le tarif des traitements ambulatoires et des interventions de chirurgie ambulatoire pratiqués dans les cliniques privées à charge de l'assurance obligatoire des soins (RSG J 3 05.14). Ce règlement - entré en vigueur avec effet rétroactif au 1er janvier 2000 - prévoyait que les traitements ambulatoires les plus courants donnaient lieu à trente forfaits qui n'englobaient en principe pas le matériel (art. 3 al. 1); pour les autres traitements ambulatoires, le catalogue des prestations hospitalières (CPH) était pris comme base de facturation avec une valeur de point fixée à 4 fr. 10, le matériel utilisé lors de l'intervention étant facturé en sus (art. 3 al. 2); quant aux honoraires médicaux, ils devaient être facturés d'après le règlement du 3 juin 1981 fixant le tarif-cadre des prestations médicales pour soins ambulatoires aux assurés des caisses-maladie (RSG J 3 05.12; art. 3 al. 3).
A.b Saisi de divers recours contre le règlement précité, le Conseil fédéral a, par l'entremise du Département fédéral de justice et police, édicté, par décision de mesures provisionnelles du 8 janvier 2001, un tarif applicable du 1er janvier 2000 jusqu'à décision sur le fond. Il a ainsi ordonné l'application du tarif-cadre du 3 juin 1981 à la facturation de toutes les prestations fournies en ambulatoire par les cliniques privées, à l'exception de certaines prestations (salle d'opération, utilisation d'un lit et surveillance postopératoire) pour lesquelles le CPH devait être pris comme base de tarification avec une valeur de point fixée à 4 fr. 95, le matériel utilisé lors de l'intervention étant facturé en sus.
A.c Le 7 mars 2003, le Conseil fédéral a annulé l'art. 3 al. 1 du règlement du 26 juillet 2000 et dit que les prestations visées par cette disposition devaient être remboursées en application du CPH avec une valeur de point fixée à 4 fr. 10, le matériel utilisé lors de l'intervention étant facturé en sus.
A.d Par décision du 7 mai 2003, le Conseil d'Etat de la République et canton de Genève a modifié le règlement litigieux, en ce sens qu'il a abrogé l'art. 3 al. 1 et modifié la teneur de l'art. 3 al. 2 dans le sens suivant :
« S'agissant des traitements ambulatoires et des prestations de chirurgie ambulatoire, le CPH est pris comme base de tarification avec une valeur de point fixée à 4 fr. 10 pour ce qui concerne la salle d'opération, l'utilisation du lit ainsi que la surveillance postopératoire. Le matériel utilisé lors de l'intervention est facturé en sus ».
A.e La demande d'interprétation formée contre la décision du Conseil fédéral du 7 mars 2003 ainsi que le recours formé contre la modification du règlement du 26 juillet 2000 ont été rejetés par le Conseil fédéral les 26 septembre 2003 et 12 mars 2004.
B.
Le 8 mars 2004, KPT Caisse-maladie SA (ci-après : la KPT), institution d'assurance habilitée à pratiquer l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie, a saisi le Tribunal arbitral des assurances de la République et canton de Genève d'une demande dirigée contre la Clinique Y.________ SA (aujourd'hui : X.________ SA; ci-après : la Clinique), société qui exploite une clinique privée à Genève. Elle a réclamé le paiement de la somme de 164'680 fr. 85 plus intérêt à 5 % dès le 1er janvier 2002 au titre des montants que cette clinique avait perçus en trop depuis le 1er janvier 2000, ainsi que de la somme de 41'200 fr. plus intérêt à 5 % dès le 17 mars 2003 au titre des frais administratifs qu'elle a dû engager pour contrôler les factures litigieuses (calculée sur la base d'un taux de 25 % par rapport au montant à restituer). Par la suite, la KPT a réduit ses prétentions respectives à 80'000 fr. et 20'000 fr.
Par jugement du 12 février 2010, le Tribunal arbitral des assurances a déclaré la demande partiellement recevable, soit en tant qu'elle portait sur la créance en restitution, l'a partiellement admise et a condamné la Clinique à verser à la KPT la somme de 29'703 fr. 20.
C.
La KPT et la Clinique interjettent l'une et l'autre un recours en matière de droit public contre ce jugement dont elles demandent l'annulation.
La KPT conclut à la condamnation de la Clinique au paiement des montants de 80'000 fr. et 20'000 fr.
De son côté, la Clinique conclut, à titre principal, au rejet des conclusions prises en instance cantonale par la KPT et, subsidiairement, au renvoi de la cause au Tribunal arbitral des assurances pour nouvelle décision au sens des considérants. Elle assortit son recours d'une demande d'effet suspensif ainsi que d'une requête de suspension de la procédure.
Chaque partie s'est déterminée sur le recours de l'autre, tandis que l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à s'exprimer à leur sujet.
Considérant en droit:
1.
La société Clinique Y.________ SA a été radiée du registre du commerce le 7 avril 2010, à la suite de sa fusion avec la société X.________ SA. En cas de reprise par voie de fusion, la société reprenante se substitue à celle qui a été reprise au plan de la procédure. Cette substitution de parties s'opère de plein droit en vertu du droit fédéral (cf. art. 17 al. 3 PCF, applicable par renvoi de l'art. 71 LTF; art. 22 de la loi fédérale du 3 octobre 2003 sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine [Loi sur la fusion, LFus; RS 221.301]; arrêt 2C_909/2008 du 2 novembre 2009 consid. 1.1 et les références). C'est donc bien la société X.________ SA qui est partie à la présente procédure.
2.
Les deux recours sont dirigés contre le même jugement, opposent les mêmes parties, concernent le même complexe de faits et portent sur des questions juridiques communes, de sorte qu'il se justifie de les réunir et de statuer par un seul arrêt (ATF 131 V 59 consid. 1 p. 60, 128 V 192 consid. 1 p. 194, 123 V 214 consid. 1 p. 215).
3.
3.1 A titre préalable, la Clinique requiert la suspension de la procédure jusqu'à droit connu dans deux affaires connexes pendantes devant le Tribunal arbitral des assurances de la République et canton de Genève.
3.2 Selon l'art. 6 al. 1 PCF (applicable par renvoi de l'art. 71 LTF), le juge peut ordonner la suspension du procès pour des raisons d'opportunité, notamment lorsque le jugement d'un autre litige peut influencer l'issue du procès (FLORENCE AUBRY GIRARDIN, Commentaire de la LTF, 2009, n° 9 ad art. 71 LTF). Une telle solution doit toutefois être écartée dans le cas présent. Si les procédures auxquelles fait référence la Clinique posent des questions juridiques similaires à la présente affaire, on ne voit pas très bien - et la recourante ne fournit aucune explication à ce propos - en quoi l'issue de ces procédures serait susceptible d'influencer le sort du litige. Dans la mesure où la cause est en l'état d'être jugée, il n'apparaît pas opportun de suspendre l'examen du recours.
4.
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments de la partie recourante ou par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut être pris en considération.
5.
La Clinique produit plusieurs documents inédits afin d'appuyer son recours en matière de droit public. Aux termes de l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. Outre qu'il n'apparaît pas évident que ces moyens résultent du jugement entrepris, la Clinique ne démontre pas en quoi les conditions d'une exception à cette interdiction seraient en l'occurrence remplies. Les faits nouveaux invoqués sont par conséquent irrecevables (ATF 136 III 261 consid. 4.1 p. 266, 133 III 393 consid. 3 p. 395; ULRICH MEYER, in Basler Kommentar zum Bundesgerichtsgesetz, 2008, n° 43 ad art. 99 LTF).
6.
Dans une première série de griefs, les parties contestent la compétence ratione materiae du Tribunal arbitral des assurances. Tandis que la Clinique semble reprocher à la juridiction de première instance - l'argumentation développée étant prolixe et confuse - d'être entrée en matière sur la demande de la KPT, alors qu'il n'existerait aucune voie de droit permettant à un assureur de réclamer à un fournisseur de prestations la restitution des sommes versées en trop à la suite de la modification de la valeur d'un point tarifaire, la KPT lui fait au contraire grief de ne pas être entrée en matière sur sa demande, en tant que celle-ci avait pour objet le remboursement des frais administratifs qu'elle avait engagés pour contrôler les factures litigieuses.
6.1 Le présent litige oppose un assureur à un fournisseur de prestations. Il porte sur le droit du premier - qui est intervenu en qualité de tiers garant (art. 42 al. 1 LAMal) - de réclamer au second la restitution de montants que celui-ci a perçus en trop (art. 44 al. 1 LAMal), après que le Conseil fédéral a modifié sur recours (art. 53 al. 1 LAMal, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2006) et avec effet rétroactif la valeur d'un point tarifaire fixé par un gouvernement cantonal (art. 47 al. 1 LAMal).
6.2 Selon l'art. 89 al. 1 LAMal, les litiges entre assureurs et fournisseurs de prestations sont jugés par un tribunal arbitral. La notion de litige susceptible d'être soumis au tribunal arbitral doit être entendue au sens large. Il est nécessaire, cependant, que soient en cause des rapports juridiques qui résultent de la LAMal ou qui ont été établis en vertu de cette loi. Sont ainsi considérées comme litige dans le cadre de la LAMal les contestations portant sur des questions relatives aux honoraires ou aux tarifs. Il doit par ailleurs s'agir d'un litige entre un assureur-maladie et la personne appelée à fournir des prestations, ce qui se détermine en fonction des parties qui s'opposent en réalité. En d'autres termes, le litige doit concerner la position particulière de l'assureur ou du fournisseur de prestations dans le cadre de la LAMal (ATF 132 V 303 consid. 4.1 p. 303 et les arrêts cités).
6.3 Selon l'art. 56 al. 2, 2ème phrase, LAMal, le fournisseur de prestations peut être tenu de restituer les sommes reçues à tort, lorsqu'il a facturé des prestations qui dépassent la mesure exigée par l'intérêt de l'assuré et le but du traitement. Selon la loi et la jurisprudence, l'assureur a un droit propre à exiger du fournisseur de prestations la restitution des sommes qu'il a perçues indûment, même lorsque celles-ci lui ont été versées par l'assuré et non par l'assureur et fût-ce contre la volonté de l'assuré (ATF 127 V 281 consid. 5c p. 285).
6.4 Contrairement à ce que soutient la Clinique, la disposition de l'art. 56 al. 2, 2ème phrase, LAMal n'est pas applicable uniquement aux cas de restitution à raison d'un traitement non économique, mais également aux autres situations où des prestations ont été touchées de manière indue (par exemple à la suite de la correction de la valeur d'un point tarifaire; cf. GEBHARD EUGSTER, Bundesgesetz über die Krankenversicherung [KVG], 2010, n° 25 ad art. 56 LAMal; voir également arrêt K 174/05 du 24 mai 2006 consid. 3.1). Le grief d'incompétence soulevé par la Clinique est donc manifestement mal fondé.
6.5 Les frais administratifs liés à l'établissement du montant soumis à restitution revêtent un caractère accessoire par rapport à la conclusion principale portant sur la restitution. Sur le plan de la compétence ratione materiae, l'autorité compétente à titre principal l'est également concernant les prétentions accessoires. Le Tribunal arbitral des assurances a par conséquent violé le droit fédéral en se déclarant incompétent pour statuer sur la prétention en remboursement des frais administratifs qu'elle a dû préalablement engager dans la présente procédure.
6.6 Cela étant, il n'y a pas lieu de renvoyer la cause au Tribunal arbitral des assurances pour qu'il examine le bien-fondé de la prétention de la KPT. Le domaine des assurances sociales est régi par le principe général de la gratuité de la procédure; sauf base légale expresse, les frais administratifs liés à la mise en oeuvre de l'assurance doivent être assumés par l'assureur (cf. UELI KIESER, ATSG-Kommentar, 2009, n° 7 ad art. 45 LPGA). A la différence de ce que connaissent les législations en matière d'assurance-vieillesse et survivants (voir par exemple les art. 57 al. 2 let. f, 61 al. 2 let. d, 63 al. 1 let. g ou 69 LAVS) ou d'assurance-accidents (art. 92 al. 1 LAA), la législation en matière d'assurance-maladie ne contient aucune disposition prévoyant que l'assureur peut facturer des frais administratifs à la charge des fournisseurs de prestations (KIESER, op. cit., n° 31 ad art. 45 LPGA; voir également GEBHARD EUGSTER, Krankenversicherung, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 2ème éd. 2007, n° 1044 p. 753). Faute de pouvoir se prévaloir d'une base légale, la KPT ne saurait réclamer le remboursement des frais administratifs engendrés par la procédure de restitution. Les frais engagés par la KPT ne résultant par ailleurs pas d'un acte que l'on peut qualifier d'illicite, il n'y a pas lieu non plus de se demander si une telle prétention pourrait faire l'objet d'une procédure en responsabilité au sens des art. 78a LAMal et 78 LPGA.
7.
7.1 A teneur de son art. 1 al. 1, le règlement du 26 juillet 2000 a pour objet de fixer le tarif des prestations ambulatoires fournies par les cliniques privées genevoises en cas de régime sans convention. L'art. 3, dans sa teneur modifiée le 7 mai 2003, opère une distinction entre, d'une part, la mise à disposition par les cliniques des infrastructures et du personnel hospitalier (salle d'opération, utilisation du lit, surveillance postopératoire; al. 2) et, d'autre part, la rémunération des honoraires des médecins (al. 3). La première catégorie de prestations est remboursée en application du CPH, avec une valeur de point fixée à 4 fr. 10 (cf. décision du Conseil fédéral du 12 mars 2004 consid. 2.2), tandis que la seconde l'est en application du tarif-cadre du 3 juin 1981 (cf. décision du Conseil fédéral du 7 mars 2003 consid. 8.2).
7.2 D'après les explications générales relatives au ch. 3061 du CPH (indemnisation pour l'utilisation de la salle d'opération/salle d'intervention [p. F 25]; utilisation d'un lit/surveillance [p. F 29]), la prise en charge par l'assureur des interventions réalisées à l'hôpital s'effectue selon divers taux. Selon si l'intervention doit avoir lieu en salle d'intervention ou d'opération, des coûts différents sont occasionnés. L'indemnisation comporte l'utilisation des locaux, les instruments, les équipements et le linge opératoire, la stérilisation, le matériel d'usage courant, l'assistance par le personnel auxiliaire, etc. Sont, entre autres, également compris dans la taxe :
les instruments d'opération à usage unique tels que scalpels, lames d'arthroscopie et shaver à rotation;
le matériel de suture et la colle de fibrine;
l'ensemble des médicaments (y compris solutions de lavage, désinfectants, etc.) (lesquels peuvent être facturés à part lorsque seul le chiffre 3061.01 est applicable);
les alèses de protection : gants, masques et bonnets d'opération, bottes stériles;
les drains, canules, cathéters, sondes et autre matériel à usage unique, utilisés lors d'une intervention chirurgicale;
le matériel d'ostéosynthèse (lequel peut être facturé à part lorsque seul le chiffre 3061.01 est applicable);
l'utilisation d'un microscope opératoire, etc.
Ne sont pas compris dans la taxe :
le sang et produits de remplacement;
l'autotransfusion intraopératoire (cf. 1328.14);
les prestations médicales étrangères (pathologie, etc);
les implants (par ex. ligaments);
les prestations des radiographies fournies par le personnel radiographique (par ex. ATRM) en salle d'opération.
7.3 Est principalement litigieuse en l'espèce la question de savoir si et dans quelle mesure la Clinique est habilitée à facturer des prestations qui vont au-delà de la salle d'opération, de l'utilisation du lit et de la surveillance postopératoire.
8.
8.1 Concernant le matériel et les médicaments (qui constituaient du matériel au sens large), le Tribunal arbitral des assurances a considéré qu'ils pouvaient être facturés à part, indépendamment de la réglementation divergente prévue par le CPH.
8.2 La KPT reproche à la juridiction cantonale de s'être écartée sans raison pertinente du CPH, alors que celui-ci contient une réglementation exhaustive du matériel et des médicaments compris dans la facturation de la salle d'opération, de l'utilisation du lit et de la surveillance postopératoire. Comme l'avait jugé le Conseil fédéral dans sa décision du 7 mars 2003 (consid. 6.4), la phrase contenue dans le règlement du 26 juillet 2000 indiquant que le matériel était facturé en plus devait se comprendre comme une référence aux cas exceptionnels dans lesquels le matériel et les médicaments n'étaient pas compris dans la position tarifaire.
8.3 En tant qu'il concerne la question de la prise en charge du matériel et des médicaments utilisés au cours d'une intervention dans une salle d'intervention ou d'opération d'une clinique privée, le CPH contient, comme le souligne à juste titre la KPT, une réglementation détaillée et exhaustive qui se suffirait en principe à elle-même. Malgré cela, le Conseil d'Etat de la République et canton de Genève a précisé à l'art. 3 al. 2, 2ème phrase, du règlement du 26 juillet 2000 que le matériel utilisé lors de l'intervention devait être facturé en sus. Partant, il a expressément entendu déroger au régime institué par le CPH (décrit supra au consid. 7.2). Ainsi que le relève avec force pertinence le Tribunal arbitral des assurances, une telle précision n'aurait pas été nécessaire si le Conseil d'Etat avait simplement voulu renvoyer à la réglementation du CPH. Contrairement à ce que soutient la KPT, le consid. 6.4 de la décision du Conseil fédéral du 7 mars 2003 ne dit pas autre chose.
8.4 Pour calculer le montant des prestations dues à ce titre par l'assurance obligatoire des soins, il convient par conséquent de se référer au ch. 10 des principes généraux du CPH (p. B 9 ), plutôt qu'aux explications générales relatives à l'indemnisation pour l'utilisation de la salle d'opération/salle d'intervention du même catalogue (p. F 25 ss; voir la décision du Conseil fédéral du 7 mars 2003 consid. 6.4). Le matériel de pansement et celui d'usage courant doivent être facturés séparément au prix coûtant (prix d'achat + 10 %), tandis que les médicaments doivent l'être aux prix publics applicables aux emballages originaux (moins 10 %). D'autres précisions figurent également dans le vade-mecum du tarif médical AA/AM/AI et du catalogue des prestations hospitalières (ch. 1009 ss). Contrairement à ce que fait valoir la Clinique dans son recours, le contenu du règlement du 26 juillet 2000 ne laisse aucune place à une interprétation qui irait à l'encontre des principes précités.
9.
9.1 Concernant les prestations médico-techniques et d'assistance du personnel médical ou auxiliaire, le Tribunal arbitral des assurances a constaté qu'il n'existait aucune base sur laquelle ces prestations pouvaient être facturées. Les cliniques privées genevoises n'étaient pas en droit de facturer d'autres prestations que la salle d'opération, l'utilisation du lit et la surveillance postopératoire, cette liste étant exhaustive.
9.2 La Clinique considère qu'un tel raisonnement aurait pour effet que toutes les prestations médicales dispensées en ambulatoire par les cliniques privées, à l'exception de la mise à disposition de la salle d'opération, de l'utilisation d'un lit et de la surveillance postopératoire, devraient l'être gratuitement. Or, chaque opération nécessite des appareils spéciaux et coûteux que les cliniques achètent, tiennent à jour et mettent à disposition des médecins pour faire leurs interventions. La mise à disposition de ces appareils constitue en fait une prestation médicale qui se rapproche de la fourniture de matériel.
9.3 La mise à disposition par la clinique privée d'équipements et d'instruments médicaux spéciaux, tels que, par exemple, un microscope opératoire ou un endoscope, ne constitue en réalité qu'une forme particulière de mise à disposition de matériel (voir à cet égard la liste établie par le CPH des prestations comprises dans l'indemnisation pour l'utilisation de la salle d'opération/salle d'intervention; cf. supra consid. 7.2). Or, comme on l'a vu, le règlement du 26 juillet 2000 s'écarte volontairement du régime institué par le CPH pour la facturation du matériel utilisé (cf. supra consid. 8.3). A l'instar du matériel et des médicaments, les prestations dites « médico-techniques » peuvent également être facturées à part par les cliniques privées genevoises.
9.4 Pour calculer le montant des prestations dues à ce titre par l'assurance obligatoire des soins, il convient de ne tenir compte que du coût de la mise à disposition du matériel concerné. Les frais liés à la « main d'?uvre » ne font en revanche pas partie des coûts directs imputables à la mise à disposition de ce matériel. Ils sont compris soit dans les honoraires du médecin calculés sur la base du tarif-cadre du 3 juin 1981 (si le matériel est utilisé directement par le médecin), soit dans l'indemnisation prévue pour la mise à disposition de la salle d'opération ou d'intervention (si l'assistance de personnel médical ou auxiliaire est requise). Les cliniques privées genevoises ne peuvent en conséquence facturer que l'équivalent de l'amortissement et des frais d'entretien du matériel (au prorata de la durée d'utilisation de l'objet et du nombre d'utilisateurs; cf. ch. 1009 du vade-mecum du tarif médical AA/AM/AI et du catalogue des prestations hospitalières).
10.
Contrairement à ce qu'allègue la Clinique, les prestations médicales fournies dans le cadre de son service d'urgence et les soins infirmiers prodigués en unité de soins ne justifient pas d'être traités différemment des autres prestations qu'elle a fournies. Pour chaque intervention, il convient d'examiner si celle-ci répond à la définition du traitement ambulatoire ou de l'intervention de chirurgie ambulatoire. Si tel est le cas, il convient d'appliquer les principes qui précèdent, soit de différencier ce qui relève, d'une part, de la mise à disposition par les cliniques des infrastructures et du personnel hospitalier (application du CPH, sous réserve de la facturation à part du matériel utilisé) et, d'autre part, de la rémunération des honoraires des médecins (application du tarif-cadre du 3 juin 1981; cf. supra consid. 7.1).
11.
11.1 La Clinique soutient qu'elle peut opposer en compensation à la créance en restitution de la KPT sa propre créance en paiement à l'égard de l'assuré; un remboursement ne saurait en effet intervenir que dans la mesure où, au préalable, l'assuré s'est dûment acquitté de sa facture.
11.2 Se fondant sur une jurisprudence développée en matière de contrôle du caractère économique des prestations (arrêt non publié K 108/01 et K 118/01 du 15 juillet 2003 consid. 12), le Tribunal arbitral des assurances a considéré que le fournisseur de prestations n'était pas en droit d'opposer à la demande de remboursement la perte sur débiteur qu'il avait subie.
11.3 Par définition, le bénéficiaire de prestations allouées indûment n'est tenu à restitution que pour le montant dont il se trouve enrichi. Ce principe a pour logique corollaire que le fournisseur de prestations qui n'a pas été rémunéré pour les prestations qu'il a allouées ne saurait, faute d'enrichissement de sa part, faire l'objet d'une demande de restitution. En ce sens, le fournisseur de prestations peut opposer, par voie d'exception, le fait que la facture qui est l'objet de la demande de restitution n'a pas été acquittée. La jurisprudence sur laquelle s'est fondée la juridiction cantonale n'est pas transposable au cas d'espèce. Celle-ci vise en effet un contexte différent, où il s'agit, sur la base d'une approche synoptique et globale, empreinte d'un nécessaire schématisme, d'examiner le caractère économique d'une pratique médicale et, le cas échéant, de la sanctionner. Le calcul auquel il est procédé revêt un certain degré d'abstraction qui ne se justifie pas lorsqu'il s'agit de corriger in concreto le montant d'une facture donnée.
11.4 Cela étant, il ne suffit pas pour le fournisseur de prestations d'affirmer que l'assuré ne s'est pas acquitté de sa dette. Il lui appartient de démontrer qu'il a entrepris toutes les démarches nécessaires en vue de recouvrer par la voie légale la créance due par l'assuré (existence de poursuites en cours ou actes de défaut de biens).
12.
12.1 La KPT estime que le Tribunal arbitral des assurances ne pouvait déduire du montant dû la somme que la Clinique a déjà remboursée aux assurés. A son avis, elle disposerait d'un droit propre à la restitution des prestations que la Clinique a reçues à tort, les remboursements éventuels que cette dernière aurait effectués en mains des assurés ne diminuant en effet pas son dommage.
12.2 Dans le système du tiers garant, l'assuré est le débiteur de la rémunération envers le fournisseur de prestations (art. 42 al. 1 LAMal). Aussi, lorsque le fournisseur de prestations a facturé des prestations en trop, l'assuré peut lui réclamer la restitution des sommes reçues à tort (art. 56 al. 2 let. a LAMal). Comme on l'a vu (cf. supra consid. 6.2), l'assureur a également qualité pour demander la restitution. Dans le système du tiers garant, tant l'assuré que l'assureur sont par conséquent créanciers des sommes perçues en trop par le fournisseur de prestations.
12.3 De fait, le fournisseur de prestations qui a remboursé à l'assuré créancier les sommes reçues à tort peut, en principe, se prévaloir d'avoir exécuté son obligation de restitution, avec pour conséquence l'extinction du droit du créancier assureur à son égard. Ce faisant, la faculté offerte au fournisseur de prestations peut conduire à la situation paradoxale où l'assuré - qui s'est en principe fait rembourser par son assureur - se trouve enrichi sans raison légitime au détriment de l'assureur, et cela aussi longtemps qu'il n'a pas lui-même restitué à ce dernier - volontairement ou sur requête de l'assureur - le montant qu'il a reçu du fournisseur de prestations. S'il est permis de s'interroger sur le caractère judicieux et l'efficacité d'un tel procédé, il s'agit là d'une conséquence du système du tiers garant voulu par le législateur, que le Tribunal fédéral ne saurait corriger par voie jurisprudentielle.
12.4 Cela étant, il faut apporter une réserve importante au principe qui vient d'être défini. Il convient en effet d'admettre que le fournisseur de prestations qui se libère auprès de l'assuré, alors que l'assureur a ouvert action en restitution contre lui devant le tribunal arbitral cantonal ou, à tout le moins, l'a interpellé sur cette problématique, agit de façon contraire aux règles de la bonne foi. Dans la mesure où l'assureur dispose d'un droit propre à exiger d'un fournisseur de prestations la restitution des sommes que celui-ci a perçues indûment (cf. supra consid. 6.3) et dès lors qu'il a entrepris en son nom (et implicitement au nom de l'assuré) des démarches en ce sens, le fournisseur de prestations agit de manière chicanière et sciemment contraire aux intérêts de l'assureur en se libérant auprès de l'assuré. Accorder une telle liberté au fournisseur de prestations reviendrait par ailleurs à vider de sens la procédure de restitution prévue à l'art. 56 al. 2 LAMal. Dans ces conditions, le fournisseur ne peut opposer à l'assureur le remboursement qu'il a effectué en mains de l'assuré.
12.5 En tout état de cause, le fournisseur de prestations ne saurait, là non plus, se contenter d'affirmer qu'il a remboursé l'assuré; il lui appartient d'apporter la preuve du paiement effectif en mains de l'assuré du montant qu'il a reçu en trop.
13.
En l'état des choses, le Tribunal fédéral n'est pas en mesure de se prononcer sur le mérite de la demande déposée par la KPT. Compte tenu de son pouvoir d'examen limité, il n'appartient pas au Tribunal fédéral d'examiner d'office le bien-fondé de chaque facture établie par la Clinique. Il convient bien plutôt d'annuler le jugement attaqué et de renvoyer la cause aux premiers juges pour qu'ils réexaminent, au cas par cas (et non sur la base du montant total facturé), la facturation effectuée par la Clinique et, le cas échéant, la corrigent à la lumière des considérations formulées dans le présent arrêt.
14.
14.1 En définitive, les recours doivent être partiellement admis, le jugement attaqué annulé et la cause renvoyée au Tribunal arbitral des assurances pour qu'il statue à nouveau en procédant conformément aux considérants. Le présent arrêt rend par ailleurs sans objet la requête d'effet suspensif formulée par la Clinique.
14.2 Comme la Clinique obtient partiellement gain de cause sur son propre recours, mais de manière plus prononcée que la KPT sur le sien, il se justifie de répartir les frais à raison de trois septièmes à la charge de la Clinique et de quatre septièmes à la charge de la KPT (art. 66 al. 1 LTF). La KPT versera à la Clinique des dépens réduits dans la même proportion (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Les causes 9C_256/2010 et 9C_263/2010 sont jointes.
2.
Les recours sont partiellement admis, en ce sens que le jugement du Tribunal arbitral des assurances de la République et canton de Genève du 12 février 2010 est annulé, la cause étant renvoyée à cette autorité pour qu'elle statue à nouveau en procédant conformément aux considérants.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis pour 2'300 fr. à la charge de KPT Caisse-maladie SA et pour 1'700 fr. à la charge de X.________ SA.
4.
KPT Caisse-maladie SA versera à X.________ SA la somme de 1'600 fr. à titre de dépens pour la dernière instance.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal arbitral des assurances de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 30 novembre 2011
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Meyer
Le Greffier: Piguet