BGer 4A_313/2012 |
BGer 4A_313/2012 vom 05.11.2012 |
{T 0/2}
|
4A_313/2012
|
Arrêt du 5 novembre 2012 |
Ire Cour de droit civil |
Composition
|
Mmes et MM. les Juges fédéraux Klett, Présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss.
|
Greffier: M. Piaget.
|
Participants à la procédure
|
1. A.X.________,
|
2. B.X.________,
|
toutes les deux représentées par
|
Me Pierre Bayenet,
|
recourantes,
|
contre
|
1. H.Y.________ et F.Y.________,
|
représentés par Me Dominique Burger,
|
2. M.X.________,
|
intimés.
|
Objet
|
bail à loyer; congé,
|
recours contre l'arrêt de la Cour de justice
|
du canton de Genève, Chambre des baux
|
et loyers, du 23 avril 2012.
|
Faits: |
A. A.X.________ et sa mère, B.X.________, sont locataires, depuis le 1er juillet 1993, d'un appartement de trois pièces au 4e étage de l'immeuble sis 2, rue ..., à Genève.
|
B. Par requête adressée le 20 juillet 2009 à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers du canton de Genève, A.X.________, B.X.________ et M.X.________ ont conclu à la nullité du congé, pour le motif qu'il n'avait pas été notifié à l'époux de A.X.________. Subsidiairement, ils ont demandé une prolongation de bail pour une durée de quatre ans.
|
C. A.X.________ et B.X.________ exercent un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal du 23 avril 2012. Invoquant une violation de leur droit à une décision motivée découlant des art. 6 par. 1 CEDH, 112 al. 1 let. b LTF et 29 al. 1 et 2 Cst., ainsi qu'une violation des art. 8 CC et 266o CO, elles concluent, sous suite de dépens, à l'annulation des jugements cantonaux et au constat de la nullité du congé; subsidiairement, elles demandent le renvoi de la cause à la cour cantonale. Leur requête d'effet suspensif a été admise par ordonnance présidentielle du 12 septembre 2012.
|
Considérant en droit: |
1. |
1.1. Compte tenu du loyer annuel (8'688 fr.) et de la durée pendant laquelle le contrat subsisterait nécessairement si la nullité était admise (art. 271a al. 1 let. e CO), il n'est pas douteux que la valeur litigieuse minimum de 15'000 fr. requise en matière de droit du bail (art. 74 al. 1 let. a LTF) est ici atteinte (cf. ATF 137 III 389 consid. 1.1 p. 390 s.).
|
1.2. Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Il peut donc être formé aussi bien pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 316), que pour violation du droit international (art. 95 let. b LTF).
|
1.3. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire: ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 137 II 353 consid. 5.1 p. 356 - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).
|
1.4. Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 1 LTF). Comme le recours ne peut être dirigé que contre la décision rendue en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF), c'est manifestement à tort que les recourantes ont conclu également à l'annulation du jugement de première instance, lequel ne fait pas l'objet de la procédure devant le Tribunal fédéral.
|
2. |
2.1. Invoquant les art. 6 par. 1 CEDH, 112 al. 1 let. b LTF et 29 al. 1 et 2 Cst., les recourantes se plaignent d'une violation de leur droit à une décision motivée.
|
2.2. Les recourantes se plaignent d'une violation de l'art. 8 CC en tant que norme régissant la répartition du fardeau de la preuve.
|
2.3. Invoquant une violation des art. 266n et 266o CO, les recourantes se prévalent de la jurisprudence selon laquelle, en cas de conflit conjugal, le logement ne perd pas nécessairement son caractère familial dès que les époux cessent de vivre ensemble (cf. ATF 136 III 257 consid. 2.1 p. 259). Il ressort cependant de l'arrêt cité que cette jurisprudence est intimement liée à la ratio legis des dispositions précitées.
|
2.3.1. Les art. 169 CC, 266m et 266n CO ont été conçus dans le même but et tendent à protéger de manière particulière les époux ou partenaires enregistrés dans leur faculté d'occuper le logement de la famille.
|
2.3.2. En l'espèce, il n'a pas été constaté que l'époux de la première recourante aurait signé le bail en qualité de colocataire ou qu'il y aurait adhéré à la suite du mariage (cf. art. 11.3 al. 4 du contrat-cadre romand déclaré de force obligatoire générale par l'Arrêté y relatif du Conseil fédéral du 5 septembre 2001 [FF 2001 p. 5509 et p. 5515]). Il n'a donc, sous l'angle des droits réels et du droit des obligations, aucun droit sur le logement en cause. L'art. 266n CO est conçu pour le protéger en cas de résiliation par le bailleur et lui permettre de faire valoir, le cas échéant, les droits qui appartiennent à un locataire. Or, il ressort des constatations cantonales que l'époux de la première recourante a quitté définitivement les lieux, qu'il se désintéresse de la présente procédure et, par voie de conséquence, du sort de l'appartement en cause.
|
Quant aux deux recourantes, elles ont reçu chacune, à leur adresse, une notification sur formule officielle qui leur indiquait quels étaient leurs droits. Elles n'ont donc en rien été lésées par l'absence de notification à l'époux. Si elles ne sont pas allées chercher les plis recommandés qui leur étaient destinés, elles ne peuvent s'en prendre qu'à elles-mêmes. Par leur argumentation, les recourantes invoquent en réalité l'intérêt d'un tiers (à savoir l'époux de la première recourante), alors que ce dernier se désintéresse totalement de la question. Elles tentent ainsi d'utiliser une norme protectrice d'une manière totalement étrangère à son but, ce qui constitue un abus de droit (cf. ATF 135 III 162 consid. 3.3.1 p. 169; 134 I 65 consid. 5.1 p. 72 s.; expressément sous l'angle de l'art. 169 CC: YVAN GUICHARD, Les restrictions au droit de disposer du logement de la famille, thèse Lausanne 2002, p. 143 s. et note de pied 475). Leur argumentation doit donc être écartée.
|
2.4. Dès lors que les recourantes ne peuvent pas se prévaloir de l'absence de notification à l'époux de la première recourante d'une part parce qu'elles n'ont pas prouvé qu'il s'agissait encore d'un logement familial et, d'autre part, parce qu'elles invoquent de manière abusive une norme protectrice conçue dans l'intérêt d'un tiers, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en écartant la conclusion tendant à faire constater la nullité de la résiliation.
|
3. Les frais judiciaires et les dépens sont mis solidairement à la charge des recourantes qui succombent (art. 66 al. 1 et 5 et art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF).
|
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: |
1. Le recours est rejeté.
|
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis solidairement à la charge des recourantes.
|
3. Les recourantes, débitrices solidaires, verseront aux bailleurs intimés, créanciers solidaires, une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.
|
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des baux et loyers.
|
Lausanne, le 5 novembre 2012
|
Au nom de la Ire Cour de droit civil
|
du Tribunal fédéral suisse
|
La Présidente: Klett
|
Le Greffier: Piaget
|