BGer 1B_244/2013
 
BGer 1B_244/2013 vom 06.08.2013
{T 0/2}
1B_244/2013
 
Arrêt du 6 août 2013
 
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Aemisegger et Eusebio.
Greffière: Mme Kropf.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Jean Lob, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de l'Etat de Fribourg, case postale 1638, 1701 Fribourg.
Objet
détention pour des motifs de sûreté,
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg du 10 juillet 2013.
 
Faits:
 
A.
Par jugement du 25 juin 2013, le Tribunal pénal de l'arrondissement de la Broye (ci-après le Tribunal pénal) a condamné A.________, ressortissant kosovar né en 1982, à une peine privative de liberté ferme de cinq ans pour actes d'ordre sexuel avec des enfants, actes d'ordre sexuel avec des enfants commis à réitérées reprises et avec la circonstance aggravante de commission en commun, contrainte sexuelle, contraintes sexuelles commises à réitérées reprises et avec la circonstance aggravante de commission en commun, viols commis à réitérées reprises et avec la circonstance aggravante de commission en commun, séquestration ainsi que remise à des enfants de substances nocives. Le 1 er juillet 2013, A.________ a déposé une annonce d'appel contre ce jugement.
Le 25 juin 2013, le Tribunal pénal a également ordonné l'arrestation immédiate et la détention pour des motifs de sûreté de A.________, au motif qu'il était sérieusement à craindre que celui-ci ne prenne la fuite pour se dérober à la sanction qui lui avait été infligée.
 
B.
Par arrêt du 10 juillet 2013, la Chambre pénale du Tribunal cantonal de Fribourg a rejeté le recours de A.________ contre cette décision.
 
C.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ conclut en substance à sa libération immédiate et, à titre subsidiaire, à ce que sa libération immédiate soit ordonnée à sa charge d'avoir un travail régulier, de déposer ses papiers d'identité et autres documents officiels, de se présenter régulièrement à tel service administratif et au versement, à titre de sûretés, de 30'000 fr. Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite partielle en ce sens qu'il soit dispensé de l'avance de tout émolument pour la présente procédure.
Invités à se déterminer, la Chambre pénale n'a formulé aucune observation, tandis que le Ministère public de l'Etat de Fribourg a conclu au rejet du recours en se référant aux considérants de l'arrêt cantonal. Dans son courrier du 30 juillet 2013, le recourant a renoncé à formuler des observations complémentaires.
 
Considérant en droit:
 
1.
Selon l'art. 78 al. 1 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions en matière pénale, dont font partie les décisions rendues en matière de détention pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP. L'acte de procédure litigieux ne mettant pas un terme à la procédure pénale (art. 90 s. LTF), il s'agit d'une décision incidente prise séparément (art. 93 al. 1 LTF). La décision ordonnant la mise en détention du prévenu étant susceptible de lui causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, elle peut faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le prévenu a qualité pour agir. Le recours est formé en temps utile contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF.
 
2.
Le recourant invoque une violation du droit d'être entendu. Il soutient que le Tribunal pénal, qui envisageait d'ordonner son arrestation immédiate, aurait dû le rendre attentif à cette éventualité et l'inviter à se déterminer préalablement sur cette question.
2.1. S'agissant d'un grief formel, il convient de le traiter en premier lieu (ATF 137 I 195 consid. 2.2 p. 197). La jurisprudence a déduit notamment du droit d'être d'entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. le droit pour le justiciable de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique (ATF 138 III 252 consid. 2.2 p. 255 et les références citées). En matière de détention préventive, le droit d'être entendu ne peut être exercé par la personne concernée avant l'exécution de la mesure, faute de quoi l'objectif poursuivi, soit la prévention d'un risque de fuite, de collusion ou de réitération, pourrait se trouver compromis. Dans un tel cas, le droit d'être entendu est respecté s'il peut être exercé sans retard après la mise en détention. L'art. 5 par. 2 CEDH prévoit ainsi que toute personne arrêtée doit être informée dans le plus court délai des raisons de l'arrestation; elle peut ensuite s'exprimer devant l'autorité judiciaire prévue à l'art. 5 par. 3 CEDH, puis dans le cadre de la procédure de recours au sens de l'art. 5 par. 4 CEDH (cf. art. 224 CPP).
2.2. En l'espèce, la Chambre pénale a constaté que le recourant n'avait effectivement pas été rendu attentif à son possible placement en détention par le Tribunal pénal. Toutefois, elle a relevé que des mesures en vue de l'exécution de la peine avaient été requises par le Ministère public pendant son réquisitoire, celui-ci ayant eu lieu en fin de matinée lors de l'audience de jugement. Dès lors, le mandataire du recourant - qui ne plaidait que l'après-midi et après une suspension de séance de près de deux heures - ne pouvait nullement être pris de court sur cette question. Force est par ailleurs de constater que le recourant ne remet aucune de ces explications en cause dans son mémoire de recours. Enfin, même s'il pouvait être admis que le recourant n'aurait pas pu faire valoir ses moyens lors de l'audience de jugement, il a pu le faire par le biais de son recours à la Chambre pénale, autorité dont le pouvoir d'examen n'est pas limité (art. 391 al. 1 CPP). Partant, la Chambre pénale a constaté avec raison l'absence de violation du droit d'être entendu par le Tribunal pénal.
 
3.
Le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir retenu à son encontre un risque de récidive au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP. Tel n'est pas le cas puisque la cour cantonale fonde son raisonnement sur l'art. 221 al. 1 let. a CPP, soit le risque de fuite (cf. consid. 2/c du jugement attaqué). C'est donc sous cet angle que seront examinés les griefs soulevés par le recourant, notamment aux paragraphes 4 et 5 de son mémoire.
3.1. Selon l'art. 231 al. 1 CPP, au moment du jugement, le tribunal de première instance détermine si le prévenu qui a été condamné doit être placé ou maintenu en détention pour des motifs de sûreté pour garantir l'exécution de la peine ou de la mesure prononcée (let. a ) ou en prévision de la procédure d'appel (let. b). Ces cas de figure ne constituent pas des motifs de détention proprement dits au sens de l'art. 31 al. 1 Cst., mais apportent des précisions d'ordre procédural en relation avec les motifs de détention légaux de l'art. 221 CPP (arrêt 1B_43/2013 du 1er mars 2013 consid. 3.1; Marc Forster, in Basler Kommentar StPO, 2011, n. 2 (note 6) ad. art. 231 CPP).
3.2. Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP).
3.2.1. Préalablement à l'examen de ces hypothèses, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 221 al. 1 CPP; art. 5 par. 1 let. c CEDH; arrêt 1B_63/2007 du 11 mai 2007 consid. 3 non publié in ATF 133 I 168). La jurisprudence considère que lorsqu'un jugement de condamnation a déjà été rendu, l'existence de forts soupçons au sens de l'art. 221 al. 1 CPP est renforcée (arrêt 1B_36/2013 du 6 mars 2013 consid. 2.2.3, destiné à la publication).
En l'espèce, si le recourant conteste tout viol ou toute contrainte - ce qui sera examiné dans la procédure d'appel -, il ne remet plus en cause devant l'autorité de céans l'existence des soupçons résultant du prononcé de condamnation de première instance (cf. paragraphe 2 du mémoire de recours) et dès lors, la condition préalable posée à l'art. 221 al. 1 CPP est remplie.
3.2.2. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. a CPP, la détention pour des motifs de sûreté peut être ordonnée s'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite. Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 117 Ia 69 consid. 4a p. 70 et la jurisprudence citée). La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 117 Ia 69 consid. 4a p. 70; 108 Ia 64 consid. 3 p. 67). Il est enfin sans importance que l'extradition du prévenu puisse être obtenue (ATF 123 I 31 consid. 3d p. 36 s.).
En l'occurrence, le recourant est de nationalité étrangère et ne bénéficie actuellement pas d'un permis d'établissement, mais d'un permis de séjour valable uniquement jusqu'au 4 décembre 2013. Sur le plan professionnel, le recourant ne peut prétendre avoir une situation stable puisqu'il est sans emploi. Quant à l'attestation produite dans la procédure cantonale d'un possible travail à sa libération, elle ne permet pas de démontrer le contraire, ayant été établie par son propre frère à une date ultérieure à sa condamnation et à sa mise en détention. S'agissant de sa situation financière, elle est pour le moins difficile, puisqu'au 14 mai 2013, le montant des actes de défaut de biens existant à son encontre s'élevaient à 13'926 fr. A cela vient encore s'ajouter, au vu du prononcé de première instance, une possible lourde peine ferme privative de liberté. Il est d'ailleurs rappelé que si le recourant conteste certaines infractions, il a reconnu être l'auteur d'actes d'ordre sexuels avec enfants - sous réserve de l'application de l'art. 187 ch. 4 CP -, ainsi que de remise à des enfants de substances nocives (art. 136 CP [cf. procès-verbal du 25 juin 2013]). Il apparaît ainsi qu'une sanction pénale sera prononcée à son encontre, indépendamment de l'issue de la procédure d'appel en cours. Au regard des circonstances susmentionnées, le seul fait que sa famille et son amie résident en Suisse ne paraît pas suffisant pour exclure tout risque de fuite de la part du recourant.
En conséquence, la Chambre pénale a considéré à juste titre qu'il existait un risque concret que le recourant quitte la Suisse afin de se soustraire aux autorités pénales.
3.3. Dans une motivation subsidiaire, le recourant soutient que des mesures de substitution permettraient de pallier le risque de fuite.
Conformément au principe de proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), il convient d'examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention. Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si celles-ci permettent d'atteindre le même but.
Toutefois et ainsi que l'a retenu la cour cantonale, les mesures proposées par le recourant paraissent clairement insuffisantes. En effet, le dépôt des papiers d'identité (art. 237 al. 1 let b CPP) et l'obligation de se présenter régulièrement à un service administratif (art. 237 al. 1 let. d CPP) ne sont pas de nature à empêcher une personne de s'enfuir à l'étranger ou de disparaître dans la clandestinité. Quant à l'obligation d'avoir un travail régulier (art. 237 al. 1 let. e CPP), elle ne garantit également pas la présence en Suisse du recourant; cela vaut d'autant plus qu'en l'espèce, la promesse d'un engagement est peu crédible, vu qu'elle émane du frère du recourant. S'agissant enfin du montant de 30'000 fr. proposé à titre de sûretés (art. 237 al. 1 let. a CPP), il serait mis à disposition par sa famille puisque le recourant ne dispose pas de cette somme, ne subissant ainsi aucun dommage, tant au prononcé de ladite mesure qu'en cas d'un éventuel échec.
 
4.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté.
Le recourant a demandé l'assistance judiciaire partielle afin d'être dispensé de l'avance de frais. Au regard du dossier - notamment du fait que jusqu'alors le recourant bénéficiait d'un avocat d'office -, il y a lieu de retenir que le recourant entendait demander la dispense totale et en conséquence, il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 64 al. 1 et 66 al. 1 in fine LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
Le recours est rejeté.
 
2.
La requête d'assistance judiciaire partielle est admise; il n'est pas perçu de frais judiciaires.
 
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public et à la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.
Lausanne, le 6 août 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Fonjallaz
La Greffière: Kropf