BGer 5A_880/2013 |
BGer 5A_880/2013 vom 16.01.2014 |
{T 0/2}
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5A_880/2013
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Arrêt du 16 janvier 2014 |
IIe Cour de droit civil |
Composition
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MM. et Mme les Juges fédéraux von Werdt, Président,
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Hohl, Marazzi, Herrmann et Schöbi.
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Greffière: Mme Gauron-Carlin.
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Participants à la procédure
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Mme A. X.________,
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représentée par Me Pierluca Degni, avocat,
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recourante,
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contre
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M. B. X.________,
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représenté par Me Christian Dénériaz, avocat,
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intimé.
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Objet
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déplacement illicite d'enfants,
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recours contre la décision de la Cour de justice du canton de Genève du 31 octobre 2013.
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Faits: |
A. M. B.X.________ (1977) et Mme A.X.________ (1983), tous deux de nationalité suisse, se sont mariés le 25 septembre 2008. De cette union est issu C.________, né en 2005. Mme A.X.________ est également la mère de D.________, né en 2003 d'une précédente relation.
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A partir du mois de janvier 2010, les époux X.________, qui exerçaient alors ensemble le droit de garde sur leur fils C.________, ont vécu à Y.________ (Italie), avec les deux enfants.
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A.a. Le 7 novembre 2012, la mère s'est rendue à E.________ avec ses deux enfants, avec l'accord du père de C.________, pour y séjourner jusqu'à Noël de la même année; il était prévu qu'elle rentre ensuite au domicile familial en Italie. A E.________, la mère a vécu durant une semaine chez une amie, puis elle s'est installée chez ses parents. Elle a alors informé le père de C.________ de sa décision de s'établir durablement à E.________ avec ses deux enfants; celui-ci s'y est opposé.
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A.b. Par requête de mesures protectrices de l'union conjugale du 29 novembre 2012, Mme A.X.________ a demandé au Tribunal de première instance du canton de Genève notamment l'attribution du droit de garde sur l'enfant C.________. Cette requête est actuellement pendante.
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A.c. Le 16 janvier 2013, l'Autorité centrale italienne au sens de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants (CLaH80) a adressé à l'Office fédéral de la justice une requête de M. B.X.________ en vue du retour de l'enfant C.________ en Italie. Aucune médiation ou conciliation préalable au sens des art. 3 et 4 de la loi fédérale sur l'enlèvement international d'enfants et les Conventions de La Haye sur la protection des enfants et des adultes du 21 décembre 2007 (LF-EEA) n'a pu avoir lieu.
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A.d. Le 3 juillet 2013, M. B.X.________ a saisi le Tribunal de Rimini (Italie) d'un " ricorso per separazione personale giudiziale con addebito di responsabilità" (requête en séparation avec attribution de responsabilité).
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B. Par demande du 25 juillet 2013, reçue au greffe de la Cour de justice du canton de Genève le lendemain, M. B.X.________ a requis, à titre provisionnel et au fond, le retour de l'enfant C.________ auprès de lui avant la rentrée scolaire du mois de septembre 2013. La mère a conclu au déboutement du père, exposant que le retour de l'enfant n'était pas dans l'intérêt de ce dernier.
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B.a. Statuant par décision du 31 octobre 2013, communiquée aux parties le 8 novembre 2013, la Cour de justice du canton de Genève a ordonné le retour immédiat de l'enfant C.________ auprès de son père en Italie.
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C. Par acte du 21 novembre 2013, Mme A.X.________ interjette un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Elle conclut principalement à l'annulation de la décision entreprise et à sa réforme en ce sens que la requête de retour de l'enfant C.________ en Italie est rejetée, subsidiairement à la condamnation de M. B.X.________ à tous les frais et dépens de la procédure de recours. Au préalable, la recourante requiert que l'effet suspensif soit octroyé à son recours, au titre de mesure provisionnelle.
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D. Par ordonnance du 22 novembre 2013, il a été ordonné qu'aucune mesure d'exécution de la décision attaquée ne soit prise jusqu'à décision sur la requête d'effet suspensif.
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E. Par ordonnance du 19 décembre 2013, le Président de la IIe Cour de droit civil a admis la requête d'effet suspensif.
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F. Le 16 janvier 2014, le Tribunal fédéral a délibéré sur le recours en séance publique.
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Considérant en droit: |
1. La décision statuant sur le retour d'un enfant en application de la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants du 25 octobre 1980 (CLaH80, RS 0.211.230.02) est une décision finale (art. 90 LTF) prise en application de normes de droit public dans une matière connexe au droit civil, singulièrement en matière d'entraide administrative entre les États contractants pour la mise en oeuvre du droit civil étranger (art. 72 al. 2 let. b ch. 1 LTF; ATF 133 III 584 consid. 1.2 p. 584 s., 120 II 222 consid. 2b p. 224; arrêts 5A_799/2013 du 2 décembre 2013 consid. 1; 5A_822/2013 du 28 novembre 2013 consid. 1.1; 5A_637/2013 du 1er octobre 2013 consid. 1). La Cour de justice du canton de Genève a statué en instance cantonale unique conformément à l'art. 7 al. 1 de la loi fédérale sur l'enlèvement international d'enfants et les Conventions de La Haye sur la protection des enfants et des adultes du 21 décembre 2007 (LF-EEA, RS 211.222.32); il y a ainsi exception légale au principe du double degré de juridictions cantonales (art. 75 al. 2 let. a LTF; arrêts 5A_799/2013 du 2 décembre 2013 consid. 1 et 5A_822/2013 du 28 novembre 2013 consid. 1.1). Le recours a en outre été interjeté dans la forme (art. 42 LTF) et le délai de dix jours (art. 100 al. 2 let. c LTF) prévus par la loi, par une partie ayant pris part à la procédure devant l'autorité précédente et justifiant d'un intérêt digne de protection à la modification ou à l'annulation de la décision attaquée (art. 76 al. 1 LTF), de sorte que le recours en matière civile est en principe recevable.
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2. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit fédéral et du droit international (art. 95 let. a et b LTF). Compte tenu des exigences de motivation posées, sous peine d'irrecevabilité, à l'art. 42 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs soulevés; il n'est pas tenu de traiter, à l'instar d'une juridiction de première instance, toutes les questions juridiques pouvant se poser lorsqu'elles ne sont plus discutées devant lui (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 134 III 102 consid. 1.1 p. 104 s.). En outre, le Tribunal fédéral ne connaît de la violation des droits fondamentaux que si un grief a été soulevé et motivé à cet égard (ATF 137 II 305 consid. 3.3 p. 310 s.; 133 II 249 consid. 1.4.2 p. 254); le recourant qui se plaint de la violation d'un tel droit doit ainsi indiquer précisément quelle disposition constitutionnelle a été violée et démontrer, par une argumentation précise, en quoi consiste la violation ("principe d'allégation"; art. 106 al. 2 LTF; ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287; 133 II 249 consid. 1.4.2 p. 254).
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3. Le recours a pour objet le retour de l'enfant commun des parties en Italie, au regard des dispositions de la Convention sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants de La Haye du 25 octobre 1980 (CLaH80).
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4. L'Italie et la Suisse ont toutes deux ratifié la Convention sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants conclue à La Haye le 25 octobre 1980 (CLaH80, RS 0.211.230.02). A teneur de l'art. 4 de la CLaH80, la Convention s'applique à tout enfant qui avait sa résidence habituelle dans un Etat contractant immédiatement avant l'atteinte aux droits de garde ou de visite. Le déplacement ou le non-retour d'un enfant est illicite au sens de la Convention, lorsqu'il a lieu en violation d'un droit de garde, attribué à une personne, seul ou conjointement, par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour (art. 3 al. 1 let. a CLaH80).
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5. La recourante soulève les griefs de violation des art. 13 al. 1 let. b CLaH80 et 5 LF-EEA, et reproche à l'autorité précédente d'avoir versé dans l'arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'application de ces mêmes dispositions, exposant que la cour cantonale a méconnu les éléments déterminants qui s'appliquent à chaque décision prise sur la base de la Convention, au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant.
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5.1. |
5.1.1. En principe, lorsqu'un enfant a été déplacé ou retenu illicitement, l'autorité saisie ordonne son retour immédiat (art. 1 let. a et 12 al. 1 CLaH80). Toutefois, en vertu de l'art. 13 al. 1 let. b CLaH80, l'autorité judiciaire de l'État requis n'est, par exception, pas tenue d'ordonner le retour de l'enfant lorsque la personne qui s'oppose à son retour établit qu'il existe un risque grave que ce retour n'expose l'enfant à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable. Les exceptions au retour prévues à l'art. 13 CLaH80 doivent être interprétées de manière restrictive; dans le contexte du rapatriement d'un enfant déplacé illicitement, aucune décision concernant le droit de garde ne doit être prise par l'Etat requis, cette question demeurant de la compétence des juges du pays de provenance de l'enfant, le parent ravisseur ne devant tirer aucun avantage de son comportement illégal (art. 16 et 19 ClaH80; arrêts 5A_799/2013 du 2 décembre 2013 consid. 5.5; 5A_637/2013 du 1
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5.1.2. L'art. 5 LF-EEA précise l'application de l'art. 13 al. 1 let. b CLaH80, en énumérant une série de cas dans lesquels le retour de l'enfant ne peut plus entrer en ligne de compte parce qu'il placerait celui-ci dans une situation manifestement intolérable (arrêt 5A_637/2013 du 1 er octobre 2013 consid. 5.1.2 avec la référence). Le retour de l'enfant ne doit pas être ordonné notamment lorsque le placement auprès du parent requérant n'est manifestement pas dans l'intérêt de l'enfant (let. a) ou lorsque le parent ravisseur, compte tenu des circonstances, n'est pas en mesure de prendre soin de l'enfant dans l'État dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle au moment de l'enlèvement ou que l'on ne peut manifestement pas l'exiger de lui (let. b) (arrêts 5A_637/2013 du 1 er octobre 2013 consid. 5.1.2; 5A_479/2012 du 13 juillet 2012 consid. 5.1, publié
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5.2. En l'espèce, la recourante reconnaît que le père de l'enfant est apte à prendre soin de celui-là, partant qu'il n'existe aucun danger ni physique ni psychique pour le développement de l'enfant s'il se trouve sous la garde de son père, mais critique la séparation d'avec elle et le demi-frère que le retour de l'enfant provoquerait, créant, selon elle, une situation intolérable. Or, la séparation entre l'enfant et sa personne de "référence affective" ne constitue pas un "risque grave" pour l'enfant au sens de la Convention, partant, une cause suffisante d'exception au retour dans le pays de provenance. La recourante n'établit à tout le moins pas que le développement de son fils serait compromis,
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6. Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité, en sorte que le retour de l'enfant en Italie ordonné dans l'arrêt entrepris doit être garanti d'ici au 15 février 2014 au plus tard. Conformément aux art. 26 al. 2 CLaH80 et 14 LF-EEA, il n'est pas perçu de frais judiciaires devant le Tribunal fédéral et les conseils des parties seront indemnisés par la Caisse du Tribunal fédéral (arrêts 5A_799/2013 du 2 décembre 2013 consid. 7 et 5A_716/2012 du 3 décembre 2012 consid. 4.2.1).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: |
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2. Ordre est donné à la recourante d'assurer le retour de l'enfant C.________ en Italie d'ici au 15 février 2014 au plus tard, ou de laisser l'intimé l'y emmener.
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3. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
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4. Une indemnité de 3'000 fr. est allouée à Me Pierluca Degni, avocat à Genève, à titre d'honoraires, qui lui sera payée par la Caisse du Tribunal fédéral.
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5. Une indemnité de 3'000 fr. est allouée à Me Christian Dénériaz, avocat à Lausanne, à titre d'honoraires, qui lui sera payée par la Caisse du Tribunal fédéral.
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6. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice du canton de Genève et à l'Autorité centrale en matière d'enlèvement international d'enfants de l'Office fédéral de la justice.
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Lausanne, le 16 janvier 2014
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Au nom de la IIe Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président: von Werdt
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La Greffière: Gauron-Carlin
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