BGer 5A_739/2013
 
BGer 5A_739/2013 vom 19.02.2014
{T 0/2}
5A_739/2013
 
Arrêt du 19 février 2014
 
IIe Cour de droit civil
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux von Werdt, Président, Escher et Hohl.
Greffière: Mme Achtari.
Participants à la procédure
A.________ AG en liquidation,
recourante,
contre
B.________,
représenté par Me Julien Liechti, avocat,
intimé,
Office des poursuites de Genève,
Objet
opposition au séquestre,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, du 30 août 2013.
 
Faits:
 
A.
A.a. A.________ AG en liquidation (ci-après: A.________) est une société de droit suisse dont le siège se trouve à X.________, à l'adresse de C.________ AG (ci-après: C.________). D.________ est son ayant droit économique unique.
A.b. B.________ et D.________ se sont associés pour réaliser des projets immobiliers. A cette fin, ils ont constitué la société F.________ aux Iles Vierges Britanniques, détenue à parts égales entre eux par le truchement de deux sociétés. Jusqu'au 28 juin 2010, F.________ était l'actionnaire unique de la société G.________ Limited (ci-après: G.________), constituée à Chypre.
A.c. Par document du 26 février 2010, B.________ et D.________ ont confié à H.________, avocat en Russie, la gestion de F.________ et de G._________.
A.d. Par contrats signés entre les 22 et 29 décembre 2009, B.________ et D.________ ont octroyé chacun deux prêts identiques de 8'230'000 USD et 4'840'000 euros à G.________, par le truchement de E.________ et de A.________, pour réaliser leurs projets.
A.e. Par courrier du 24 juin 2010, H.________ a requis de C.________ de lui transférer l'intégralité des actions de G.________, en précisant qu'il avait été initialement envisagé de transférer les titres en faveur de A.________ et E.________, mais qu'il avait été finalement décidé de procéder à un transfert en faveur de lui-même.
A.f. Par courrier du 7 septembre 2011, A.________ a demandé à G.________ de lui fournir diverses informations, en attirant son attention sur le fait que toute restructuration requérait son accord préalable conformément aux contrats de prêt.
A.g. Par courriers des 15 et 27 septembre 2011, E.________ et A.________ ont dénoncé les prêts accordés à G.________ et sollicité le remboursement en capital et intérêts. Elles se sont prévalues du changement de la répartition des droits de vote au sein de G.________ ainsi que de l'absence de communication sur la cession des actions en faveur de H.________.
A.h. Le 25 octobre 2011, H.________ a adressé un courriel à la directrice démissionnaire de G.________ par lequel il expliquait qu'il avait été envisagé, en mars 2010, de transférer les actions de G.________ à A.________ et E.________ mais que, refusant de communiquer des renseignements à cette fin aux autorités chypriotes, D.________ avait décidé de lui transférer l'intégralité des actions.
 
B.
B.a. Le 26 novembre 2012, A.________ a requis du Tribunal de première instance de Genève le séquestre à concurrence de 7'884'674 fr. 70 (contre-valeur de 8'442'739, 86 USD) et de 5'983'951 fr. 30 (contre-valeur de 4'965'110, 68 euros) plus intérêts, en mains de J.________ & Cie, à Genève, et de K.________ AG, à Zurich, de tous avoirs et biens, sous nom propre ou pseudonyme, désignation conventionnelle ou numérique, ou au nom de tiers, notamment de personnes morales, 
B.b. Le 28 décembre 2012, B.________ a formé une opposition contre l'ordonnance de séquestre, en contestant la créance invoquée par A.________.
B.c. Par acte posté le 3 juin 2013, A.________ a recouru contre ce jugement devant la Cour de justice du canton de Genève, concluant en substance à la confirmation de l'ordonnance de séquestre.
C. Par acte posté le 3 octobre 2013, A.________ exerce un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral contre cet arrêt. Elle conclut à sa réforme en ce sens que l'ordonnance de séquestre du 27 novembre 2012 est confirmée. En substance, elle se plaint de l'application arbitraire (art. 9 Cst.) des art. 278 al. 3 LP et 326 al. 1 CPC, de la violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.), ainsi que de l'établissement arbitraire des faits (art. 9 Cst.).
D. Par ordonnance du 18 novembre 2013, la requête d'effet suspensif déposée par la recourante a été admise.
 
Considérant en droit:
1. Le recours a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans la forme prévue par la loi (art. 42 LTF) à l'encontre d'une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière de poursuite pour dettes (art. 72 al. 2 let. a LTF) par une autorité cantonale supérieure statuant sur recours (art. 75 LTF). La valeur litigieuse atteint au moins 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF). La recourante, qui a été déboutée de ses conclusions par l'autorité précédente, a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).
 
2.
2.1. L'arrêt sur opposition au séquestre rendu par l'autorité judiciaire supérieure (art. 278 al. 3 LP) porte sur des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 135 III 232 consid. 1.2; arrêt 5A_59/2012 du 26 avril 2012 consid. 1.2, non publié 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Dans l'hypothèse d'un recours soumis à l'art. 98 LTF, le recourant ne peut obtenir la rectification ou le complètement des constatations de fait de la décision attaquée que s'il démontre la violation de droits constitutionnels par l'autorité cantonale, grief qu'il doit motiver en se conformant aux exigences du principe d'allégation précité (cf. 
3. Selon l'art. 272 al. 1 ch. 1 LP, le séquestre est autorisé lorsque le requérant rend vraisemblable que sa créance existe. Ainsi, les faits à l'origine du séquestre doivent être rendus simplement vraisemblables. Tel est le cas lorsque, se fondant sur des éléments objectifs, le juge acquiert l'impression que les faits pertinents se sont produits, mais sans qu'il doive exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement (ATF 138 III 232 consid. 4.1.1; en général: cf. ATF 130 III 321 consid. 3.3). A cet effet, le créancier séquestrant doit alléguer les faits et produire un titre (art. 254 al. 1 CPC) qui permette au juge du séquestre d'acquérir, au degré de la simple vraisemblance, la conviction que la prétention existe pour le montant énoncé et qu'elle est exigible (ATF 138 III 636 consid. 4.3.2; arrêt 5A_877/2011 du 5 mars 2012 consid. 2.1). S'agissant de l'application du droit, le juge procède à un examen sommaire du bien-fondé juridique, c'est-à-dire un examen qui n'est ni définitif, ni complet, au terme duquel il rend une décision provisoire (ATF 138 III 232 consid. 4.1.1; arrêt 5A_925/2012 du 5 avril 2013 consid. 9.2 et les références, publié  in SJ 2013 I p. 463).
4. La recourante se plaint d'arbitraire dans l'établissement des faits, en tant que l'autorité cantonale a retenu qu'il n'était pas vraisemblable que H.________ eût agi en violation des instructions de D.________, ayant droit économique de la recourante, en transférant en son propre nom le capital-actions de G.________.
4.1. L'autorité cantonale a constaté que H.________ était au bénéfice d'une procuration générale dûment octroyée par D.________ et par l'intimé, lui confiant notamment la gestion des sociétés G._________ et F.________, et que, à deux reprises au moins, H.________ avait indiqué qu'il avait d'abord été envisagé de céder le capital-actions de G.________ à E.________ et à la recourante mais que, notamment en raison de l'opposition de D.________, il avait été finalement décidé de lui transférer à lui personnellement ce capital à titre fiduciaire. L'autorité cantonale a alors conclu qu'il apparaissait ainsi, 
 
4.2.
4.2.1. Dans le domaine de l'appréciation des preuves et de la constatation des faits, le Tribunal fédéral se montre réservé, vu le large pouvoir qu'il reconnaît en la matière à l'autorité cantonale (ATF 120 Ia 31 consid. 4b; 118 Ia 28 consid. 1b et les références). Il n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst. (cf. 
4.2.2. En l'espèce, en tant que la recourante se borne à répéter ses arguments et à opposer ses propres déductions à celles opérées par l'autorité cantonale sans s'attaquer à la motivation sur laquelle celle-ci s'est fondée (violation du mandat par H.________ en se transférant à lui-même les actions de G.________; ignorance par elle-même et par D.________ du transfert d'actions jusqu'au 8 septembre 2011), ainsi qu'à présenter des faits qui ne ressortent pas de l'état de fait de l'arrêt attaqué (utilisation par H.________ de son contrôle sur G.________ et manoeuvre de la part de celui-ci pour refuser de rembourser des prêts; provocation frauduleuse par H.________ de la faillite de G.________ en vidant celle-ci de sa substance), néanmoins sans se référer précisément aux pièces du dossier desquelles ces faits ressortiraient et sans expliquer pour quel motif l'autorité cantonale aurait arbitrairement omis d'en tenir compte, sa critique, purement appellatoire, est irrecevable (cf. 
5. Dans son second grief, la recourante entend dénoncer l'arbitraire dans l'établissement des faits, en tant que l'autorité cantonale a retenu qu'il n'est pas suffisamment vraisemblable que l'intimé ait instigué H.________ à commettre des actes illicites, hypothèse " dont la réalisation n'est pas plus proche de la certitude que de la simple possibilité ".
5.1. A titre préliminaire, il sied de préciser que, en se référant, dans sa motivation sur cette question de fait, à son affirmation selon laquelle, " dans l'échelle allant de l'incertitude (0%) à la certitude (100%) ", la vraisemblance prévue à l'art. 272 LP serait " plus proche de la certitude que de la simple possibilité, cas dans lequel il y a autant de probabilités que l'événement en cause se soit produit, ou non (50%-50%) ", l'autorité cantonale se méprend sur la définition du degré de preuve exigé à l'art. 272 LP, soit la 
5.2. En effet, la recourante ayant échoué à démontrer que l'autorité cantonale aurait violé l'art. 9 Cst. en retenant qu'il n'est pas vraisemblable que H.________ ait violé des instructions de l'ayant droit économique de la recourante (cf. 
6. En conclusion, le recours est rejeté, dans la très faible mesure de sa recevabilité. Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). L'intimé, qui n'a pas été invité à déposer de réponse au fond, n'a pas droit à des dépens, de sorte que les sûretés fournies par la recourante en garantie de ceux-ci doivent être libérées.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1. Le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3. Les sûretés fournies par la recourante sont libérées.
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à l'Office des poursuites de Genève, à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, et, pour information, à l'Office des faillites du canton de Zoug.
Lausanne, le 19 février 2014
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: von Werdt
La Greffière: Achtari