BGer 6B_603/2015 |
BGer 6B_603/2015 vom 30.09.2015 |
{T 0/2}
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6B_603/2015
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Arrêt du 30 septembre 2015 |
Cour de droit pénal |
Composition
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MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président,
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Jacquemoud-Rossari et Rüedi.
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Greffière : Mme Nasel.
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Participants à la procédure
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X.________,
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recourant,
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contre
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Ministère public central du canton de Vaud,
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intimé.
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Objet
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Violation grave des règles de la circulation routière;
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état de nécessité excusable,
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recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 26 mars 2015.
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Faits : |
A. Par jugement du 3 décembre 2014, le Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte a condamné X.________ pour violation grave des règles de la circulation routière à une peine pécuniaire de 140 jours-amende à 80 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu'à une amende de 2'240 fr., convertible en 28 jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif, et a mis les frais de la cause à sa charge.
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B. Statuant sur l'appel formé par X.________, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud l'a rejeté par jugement du 26 mars 2015.
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C. X.________ forme une " déclaration d'appel motivée " au Tribunal fédéral contre le jugement du 26 mars 2015, concluant principalement à son acquittement, subsidiairement au renvoi de la cause à un autre tribunal de première instance pour nouvelle décision.
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Considérant en droit : |
1. Le recourant n'a pas indiqué par quelle voie de recours il procède auprès du Tribunal fédéral. Toutefois, cette omission ne saurait lui nuire si son recours remplit les exigences légales de la voie de droit qui lui est ouverte (au sujet d'une voie de recours erronée, cf. ATF 138 I 367 consid. 1.1 p. 370; 134 III 379 consid. 1.2 p. 382).
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2. Le recourant allègue que l'autorité de première instance lui aurait refusé un temps supplémentaire pour produire " toutes les pièces nécessaires " confirmant que le service des urgences lui aurait dit de venir le plus rapidement possible, s'il l'avait contacté.
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3. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir écarté une attestation de la cheffe de clinique de l'Hôpital de V.________, produite à l'appui de son courrier du 20 mars 2015, certifiant que le service des urgences lui aurait dit de venir, s'il avait pris contact avec ce service, le plus rapidement possible.
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3.1. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure de recours se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. L'art. 389 al. 3 CPP règle les preuves complémentaires. Ainsi, la juridiction de recours peut administrer, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours. Conformément à l'art. 139 al. 2 CPP, il n'y a pas lieu d'administrer des preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité ou déjà suffisamment prouvés. Cette disposition codifie, pour la procédure pénale, la règle jurisprudentielle déduite de l'art. 29 al. 2 Cst. en matière d'appréciation anticipée des preuves (arrêt 6B_977/2014 du 17 août 2015 consid. 1.2 et les références citées). Le magistrat peut renoncer à l'administration de certaines preuves, notamment lorsque les faits dont les parties veulent rapporter l'authenticité ne sont pas importants pour la solution du litige. Ce refus d'instruire ne viole ainsi le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 141 I 60 consid. 3.3 p. 64 et les références citées).
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3.2. On comprend de la solution de la cour cantonale qu'elle a jugé inutile de procéder à une instruction complémentaire sur une éventuelle indication du service des urgences au recourant de venir le plus rapidement possible, dès lors que ce dernier ne l'avait pas appelé et qu'il ne s'était finalement jamais présenté à l'Hôpital de V.________ au simple motif que son épouse s'était sentie mieux et qu'elle lui avait dit qu'il n'y avait plus besoin d'aller consulter. Ce faisant, elle a ainsi estimé que le fait que le recourant entendait établir n'était pas pertinent pour l'issue du litige. Le recourant ne s'en prend pas à la motivation cantonale et ne démontre pas en quoi l'appréciation anticipée des moyens de preuve effectuée par la cour cantonale serait entachée d'arbitraire. Insuffisamment motivé, son grief est irrecevable.
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4. Le recourant reproche à la cour cantonale de n'avoir pas retenu qu'il se trouvait dans un état de nécessité excusable au sens de l'art. 18 CP.
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4.1. Le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins que celles-ci n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir de façon arbitraire (art. 9 Cst.; cf. ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266). Pour qu'il y ait arbitraire, il ne suffit pas que la décision attaquée apparaisse discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (sur la notion d'arbitraire, cf. ATF 140 I 201 consid. 6.1 p. 205).
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4.2. A teneur de l'art. 18 al. 1 CP, si l'auteur commet un acte punissable pour se préserver ou préserver autrui d'un danger imminent et impossible à détourner autrement menaçant la vie, l'intégrité corporelle, la liberté, l'honneur, le patrimoine ou d'autres biens essentiels, le juge atténue la peine si le sacrifice du bien menacé pouvait être raisonnablement exigé de lui. En vertu de l'al. 2, l'auteur n'agit pas de manière coupable si le sacrifice du bien menacé ne pouvait être raisonnablement exigé de lui.
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4.3. L'autorité cantonale a considéré que l'une des conditions de l'état de nécessité, à savoir l'impossibilité de détourner autrement le danger imminent pour les biens juridiques à préserver par le recourant, n'était pas réalisée. Le recourant avait pris son véhicule pour amener son épouse non pas à l'hôpital le plus proche, mais à celui de V.________ qui était pourtant plus éloigné. Il avait fait ce choix au motif que cet hôpital avait déjà le dossier de son épouse, car elle y avait accouché de leurs deux enfants, raison qui apparaissait toutefois surprenante, vu l'inquiétude importante que le recourant avait déclaré avoir ressentie à la suite de la manifestation des douleurs et symptômes de son épouse. Il n'avait pas choisi la voie lui permettant d'obtenir les secours les plus rapides, ni la moins préjudiciable afin de réduire les risques qu'il faisait courir aux autres usagers de la route. En outre, le recourant n'avait pas appelé les secours, alors qu'il avait son portable sur lui. Le fait qu'il ait été convaincu que le service des urgences lui aurait de toute façon dit de venir par mesure de précaution n'était pas pertinent; le choix de commettre un dépassement de vitesse relevait de l'appréciation personnelle du recourant. S'il avait contacté les professionnels de la santé, ils lui auraient donné toutes les indications nécessaires et auraient notamment pu lui expliquer qu'une hémorragie survenant plus de trois semaines après une intervention chirurgicale était très peu probable; ni l'expérience du recourant s'agissant de la dernière grossesse de son épouse ni le fait qu'il soit fils et frère de médecins ne changeaient quoi que ce soit à ce constat. Il ne pouvait en outre être considéré que le recourant n'avait pas pris de risque avec sa conduite en raison du fait qu'il était " très attentif et prêt à freiner ", l'excès de vitesse de plus de 30 km/h hors des localités commis, sur une route connue pour être fréquentée par de nombreux usagers, représentant un danger abstrait accru. Enfin, une ambulance était mieux à même d'effectuer un trajet urgent qu'un véhicule sans signalisation particulière, car elle bénéficiait d'une priorité et d'une visibilité que celui-ci n'avait pas.
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4.4. En tant que le recourant affirme, par différents moyens, que son inquiétude au sujet de l'état de santé de son épouse était fondée et qu'il n'avait pas d'autres alternatives que de rouler à une vitesse de 53 km/h supérieure à celle autorisée, il ne tente pas de démontrer une violation de l'art. 18 CP, mais il s'en prend en réalité à des constatations de fait, soit l'existence ou non d'un danger et la possibilité ou non de le détourner autrement. Il reproche à la cour cantonale d'avoir retenu qu'il n'avait pas choisi l'hôpital le plus proche. Il soutient qu'il n'aurait pas su qu'un hôpital se trouvait à T.________ et que celui de V.________ connaissait la situation de son épouse; elle y avait accouché deux fois et y avait été opérée de sa grossesse extra-utérine. Se rendre à l'Hôpital de T.________, de même qu'appeler le service des urgences, auraient été une perte de temps. Selon le recourant, il serait faux de dire que le service des urgences aurait obligatoirement conclu qu'il ne devait pas venir rapidement par ses propres moyens. Sur ce dernier point notamment, la cour cantonale aurait mal apprécié, respectivement omis, de tenir compte des avis de deux médecins dont le recourant a requis l'avis postérieurement aux événements. S'agissant de la prise de risque retenue par l'autorité cantonale, elle serait " bien plus complexe que ce que décrivent la loi et les jurisprudences sur la circulation routière, notamment sur les notions de vitesse et conséquences ". Pour le reste, le recourant allègue que les risques auraient été " moindres au regard du ressenti de la situation "; seul une personne ou un animal aurait pu surgir d'un des " petits chemins de traverse " et ne pas s'arrêter avant d'entrer sur la route sur laquelle il circulait.
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4.5. Au vu des éléments retenus par la cour cantonale (art. 105 al. 1 LTF), en particulier la possibilité de détourner le danger autrement, c'est sans violer le droit fédéral que la cour cantonale a refusé de mettre le recourant au bénéfice d'un état de nécessité excusable. En l'absence d'une des conditions cumulatives pour l'application de l'art. 18 CP, la cour cantonale pouvait laisser ouvert le point de savoir si le danger dans lequel le recourant se trouvait était imminent. Les diverses critiques émises par le recourant concernant cette question sont par conséquent sans objet.
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5. Le recourant conteste la peine infligée, estimant avoir été condamné " au maximum ".
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5.1. L'art. 90 al. 2 LCR prévoit que celui qui, par une violation grave d'une règle de la circulation, crée un sérieux danger pour la sécurité d'autrui ou en prend le risque est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
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5.2. La cour cantonale a considéré, eu égard aux éléments à charge et à décharge retenus par le tribunal de première instance - soit le risque sérieux créé pour la vie et l'intégrité des autres usagers de la route, l'absence d'antécédents et les regrets exprimés (cf. jugement du 3 décembre 2014 consid. 5 p. 15 s) - que la peine pécuniaire de 140 jours-amende à 80 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, ainsi que l'amende de 2'240 fr. infligées au recourant étaient conformes aux exigences de l'art. 47 CP et réprimaient adéquatement ses agissements.
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5.3. Contrairement à son obligation de motivation (art. 42 al. 2 LTF), le recourant ne se détermine aucunement sur les considérations émises par la cour cantonale, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur le grief.
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6. Le recourant conteste que les frais de première instance et d'appel aient été mis à sa charge.
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7. Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
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3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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Lausanne, le 30 septembre 2015
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Au nom de la Cour de droit pénal
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Denys
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La Greffière : Nasel
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