BGer 1B_439/2016 |
BGer 1B_439/2016 vom 08.12.2016 |
{T 0/2}
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1B_439/2016
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Arrêt du 8 décembre 2016 |
Ire Cour de droit public |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Merkli, Juge présidant,
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Chaix et Kneubühler.
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Greffière : Mme Arn.
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Participants à la procédure
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Me Ludovic Tirelli, avocat,
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recourante,
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contre
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Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, p.a. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens.
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Objet
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Détention pour des motifs de sûreté,
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recours contre l'arrêt de la Cour d'appel pénale
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du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 1er novembre 2016.
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Faits : |
A. Par jugement du Tribunal correctionnel de la Côte du 29 mars 2016, A.________ a été condamnée à une peine peine privative de liberté de cinq ans, sous déduction de 138 jours de détention avant jugement, pour tentative de meurtre et infraction à la loi fédérale sur les étrangers. La Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a, par jugement du 1 er novembre 2016, confirmé cette condamnation prononcée en première instance.
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Ce même jour, la cour cantonale a ordonné la détention immédiate de A.________ pour des motifs de sûreté, en considérant que la mesure de substitution prononcée par le Tribunal correctionnel, soit le maintien des sûretés équivalant à la somme de 10'000 francs versée en cours de procédure par la soeur de la prévenue, n'était pas suffisante pour pallier le risque de fuite retenu.
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B. Par acte du 18 novembre 2016, A.________ forme un recours en matière pénale contre le prononcé du 1 er novembre 2016, concluant à sa libération immédiate. Elle sollicite également le bénéfice de l'assistance judiciaire.
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Le Tribunal cantonal et le Ministère public de l'arrondissement de la Côte se réfèrent aux considérants de la décision entreprise.
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Considérant en droit : |
1. Selon l'art. 78 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions rendues en matière pénale, dont font partie les décisions relatives à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP (ATF 137 IV 22 consid. 1 p. 23). La recourante - actuellement détenue - a qualité pour recourir (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF). Pour le surplus, le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en instance cantonale unique (art. 232 al. 2, 380 CPP et 80 al. 2 in fine LTF; arrêt 1B_219/2013 du 16 juillet 2013 consid. 1.1). Les conclusions prises par la recourante sont en outre recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Partant, il y a lieu d'entrer en matière.
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2. Invoquant une violation des art. 221, 231, 232 et 237 CPP, la recourante fait grief à l'instance précédente d'avoir ordonné, lors du jugement d'appel, sa détention pour des motifs de sûreté et, en particulier, d'avoir considéré que le dépôt de 10'000 francs à titre de sûretés n'était pas suffisant, contrairement à l'appréciation du Tribunal correctionnel.
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2.1. Lors du prononcé du jugement en appel, la juridiction doit, à l'instar du tribunal de première instance, se prononcer sur la question de la détention. En effet, si l'autorité d'appel entre en matière, son jugement se substitue à celui de première instance (art. 408 CPP); il y a lieu dès lors d'appliquer mutatis mutandis l'art. 231 CPP et de décider si le condamné doit être placé ou maintenu en détention pour garantir l'exécution de la peine ou en prévision d'un éventuel recours, pour autant que les conditions de l'art. 221 CPP soient satisfaites. La juridiction d'appel peut ainsi prononcer le maintien de la détention pour des motifs de sûreté, ou ordonner une mise en détention en se fondant sur l'art. 232 CPP (ATF 139 IV 277 consid. 2.2 p. 280).
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2.2. Selon la jurisprudence, le risque de fuite au sens de l'art. 221 al. 1 let. a CPP doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable (ATF 117 Ia 69 consid. 4a p. 70 et la jurisprudence citée). Les circonstances particulières de chaque cas d'espèce doivent être prises en compte (arrêt 1B_393/2015 du 9 décembre 2015 consid. 2.2 et la référence citée). La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 117 Ia 69 consid. 4a p. 70).
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Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), il convient d'examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention (règle de la nécessité). Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention provisoire ou de la détention pour des motifs de sûreté si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention. Comme le prévoit l'art. 237 al. 2 let. a CPP, l'art. 238 CPP dispose que le tribunal peut astreindre le prévenu au versement d'une somme d'argent afin de garantir qu'il se présentera aux actes de procédure et qu'il se soumettra à l'exécution d'une sanction privative de liberté (al. 1); le montant des sûretés dépend de la gravité des actes reprochés au prévenu et de sa situation personnelle (al. 2). Celui qui prétend à une libération sous caution doit fournir à l'autorité tous les éléments nécessaires pour évaluer le caractère dissuasif du montant proposé (arrêts 1B_393/2015 du 9 décembre 2015 consid. 2.3 et 1B_455/2011 du 22 septembre 2011 consid. 3.3).
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2.3. En l'espèce, la Cour d'appel pénale a considéré que la recourante, ressortissante albanaise, sans profession et sans statut légal, n'avait - hormis une soeur et une demi-soeur - aucune attache solide avec la Suisse. Au vu de ces éléments et de l'importance de la peine privative de liberté prononcée en appel à l'encontre de cette dernière, la cour cantonale a retenu que le risque de fuite était probable.
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La recourante ne conteste pas cette appréciation, qui apparaît au demeurant bien fondée. Elle soutient cependant, à l'instar du tribunal de première instance dans son jugement du 29 mars 2016, que le risque de fuite peut être pallié par le dépôt de sûretés à concurrence de 10'000 francs. Selon elle, aucun élément nouveau ne permettrait à l'instance précédente de s'écarter de l'appréciation du tribunal de première instance. Sur ce point, la recourante se méprend. En effet, la jurisprudence considère que le prononcé du jugement d'appel - notamment la sanction prononcée - peut constituer un motif de détention apparu au cours de la procédure au sens de l'art. 232 al. 1 CPP (ATF 139 IV 277 consid. 2.2 p. 280; 138 IV 81 consid. 2.1 p. 83; cf. arrêt 1B_60/2016 du 7 mars 2016 consid. 2.3). L'arrêt rendu par la Cour d'appel pénale confirme en l'occurrence le jugement de première instance tant par rapport à la condamnation de la recourante pour une infraction grave que par rapport à la lourde peine privative de liberté prononcée. Dès lors, la perspective de passer plusieurs années en prison apparaît de plus en plus concrète; si la recourante espérait un acquittement en appel, elle ne peut désormais ignorer que cette hypothèse sera plus difficile à envisager après la confirmation de sa condamnation pour tentative de meurtre.
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Dans ces circonstances, l'instance précédente n'a pas violé le droit en considérant que le montant actuel des sûretés - au demeurant relativement modeste au regard des faits qui sont reprochés à la recourante - ne constituait pas une garantie suffisante, face à un risque de fuite évident. Le fait que l'intéressée n'ait pas tenté de fuir et se soit présentée aux débats d'appel n'est pas susceptible de modifier cette appréciation. La présence de l'appelante peut d'ailleurs aussi s'expliquer par le fait qu'elle plaidait son acquittement et par les conséquences sévères découlant de l'art. 407 al. 1 let. a CPP en cas d'absence injustifiée de l'accusée et de son défenseur.
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Par ailleurs, la recourante prétend à tort que l'instance précédente aurait dû examiner sa mise en liberté moyennant une augmentation du montant des sûretés. Elle perd en effet de vue que cette mesure de substitution implique un examen approfondi de la situation qui demande une certaine collaboration de sa part (cf. arrêt 1B_42/2015 du 16 février 2015 consid. 2.3); la recourante doit en particulier transmettre à l'autorité tous les éléments permettant d'évaluer le caractère approprié des sûretés qu'elle pourrait offrir à ce stade de la procédure. Il appartient dès lors à la recourante de déposer auprès de l'autorité compétente une demande de mise en liberté moyennant le dépôt d'un montant déterminé à titre de sûretés et de motiver soigneusement cette requête. Une telle demande de mise en liberté peut d'ailleurs être déposée en tout temps (cf. art. 233 CPP). Enfin, quoi qu'en pense la recourante, la saisie de ses documents d'identité n'est pas susceptible de l'empêcher de quitter le pays ou de disparaître dans la clandestinité pour se soustraire à sa condamnation.
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3. Il s'ensuit que le recours est rejeté. L'arrêt entrepris ordonnant la détention pour des motifs de sûreté est ainsi confirmé. La recourante a demandé l'assistance judiciaire et les conditions en paraissent réunies (art. 64 al. 1 LTF). Il y a lieu de désigner Me Ludovic Tirelli en qualité d'avocat d'office et de fixer ses honoraires, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF). La recourante est en outre dispensée des frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est rejeté.
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2. La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Ludovic Tirelli est désigné comme avocat d'office de la recourante et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
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3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Ministère public de l'arrondissement de Lausanne et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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Lausanne, le 8 décembre 2016
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Juge présidant : Merkli
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La Greffière : Arn
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