BGer 8C_615/2016 |
BGer 8C_615/2016 vom 15.07.2017 |
8C_615/2016
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Arrêt du 15 juillet 2017 |
Ire Cour de droit social |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Maillard, Président,
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Frésard et Geiser Ch., Juge suppléant.
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Greffière : Mme Castella.
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Participants à la procédure
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représenté par Me François Membrez, avocat,
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recourant,
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contre
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Commune de B.________,
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Chemin de la Bergerie 18,
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représentée par Me François Bellanger, avocat,
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intimée.
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Objet
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Droit de la fonction publique
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(résiliation des rapports de service; droit d'être entendu),
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recours contre le jugement de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 26 juillet 2016.
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Faits : |
A. A.________, né en 1961, a été engagé par la commune de B.________ en qualité de concierge à plein temps dès le 1 er août 1993. Le 5 octobre 2005, il a reçu un avertissement du maire de la commune lui enjoignant de respecter les horaires de son cahier des charges. En décembre 2008, les usagers de locaux utilisés pour accueillir notamment des enfants, dont la conciergerie incombait au prénommé, se sont plaints du manque de propreté et d'entretien régulier. Le rapport d'évaluation pour l'année 2008 concernant A.________ a mentionné que celui-ci ne donnait pas satisfaction dans l'accomplissement de son travail, que de nombreux manquements lui étaient reprochés, qu'il ne respectait pas les directives en matière d'hygiène et qu'il avait un comportement désagréable et désinvolte avec le personnel de la mairie. Sous la menace de sanctions à son endroit, il lui était instamment demandé de changer radicalement son comportement et de travailler efficacement. A.________ a refusé de signer ce rapport.
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À la suite de l'entretien d'évaluation couvrant l'année 2010, dont le rapport mentionne des prestations peu satisfaisantes, un travail effectué sans intérêt ni conviction, et constate que l'employé n'appréciait pas les contrariétés ni les changements d'habitude, le maire a adressé à celui-ci un nouvel avertissement formel en date du 24 février 2011. En septembre de la même année, le maire et le supérieur hiérarchique de A.________, C.________, lui ont indiqué qu'il était apprécié des élèves et du corps enseignant pour sa responsabilité de concierge, mais qu'il était encore attendu de sa part une réelle motivation et une amélioration de son travail et de son esprit d'équipe. Au mois de décembre suivant, A.________ a sollicité une réduction de son taux d'activité de 100 à 90 %, ce qui lui a été refusé en raison du nombre de tâches qui lui étaient confiées et des plaintes régulières quant au manque de temps à disposition pour les accomplir. En revanche, une réduction de ce taux à 50 % était envisageable, car cela aurait permis l'engagement d'un employé supplémentaire pour la conciergerie en question. L'intéressé a été invité à y réfléchir.
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En avril 2013, C.________ a adressé une note à l'exécutif communal pour l'informer que, malgré les efforts et tentatives pour trouver une solution qui convienne à l'employé, aucune amélioration n'avait été constatée, ce dernier n'ayant aucune compétence pour être concierge. À la suite de cette démarche, A.________ a été entendu par les membres de l'exécutif communal le 24 avril 2013 lors d'un entretien au cours duquel la question de la continuation des rapports de service a été abordée en relation avec un projet de changement d'horaire de travail. En mai de nouvelles plaintes sont parvenues à la mairie relativement aux prestations du prénommé dans l'établissement scolaire de la commune. Une nouvelle rencontre a eu lieu le 3 juillet suivant en présence du maire notamment, lequel a communiqué à l'employé les dernières doléances reçues à son sujet. Il fut convenu que le collaborateur présenterait une proposition d'horaire de travail jusqu'au 7 août 2013. La teneur de cet entretien a fait l'objet d'une lettre du 8 juillet 2013, adressée par le maire à A.________ et valant avertissement formel. Sans nouvelles de la part de ce dernier, la commune lui a signifié son nouvel horaire de travail le 15 août 2013.
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Au printemps 2015, un nouveau contrat de travail a été proposé par l'employeur au prénommé. Au cours des échanges qui ont eu lieu à ce propos, la commune a communiqué à ce dernier son dossier administratif et a refusé derechef de diminuer à 90 % son taux d'activité. Le 20 mai 2015, A.________ a signé son nouveau contrat de travail avec effet au 1 er avril précédent.
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Par note de service du 2 juin 2015, l'intéressé a été convoqué à un entretien se tenant le lendemain avec l'exécutif communal. A l'issue de l'entretien, il s'est vu remettre une copie de la décision de la commune, prise le jour-même, de résilier les rapports de service pour le 30 septembre suivant, avec libération immédiate de l'obligation de travailler.
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B. Par arrêt du 26 juillet 2016, la Chambre administrative de la Cour de Justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours formé par l'intéressé contre cette décision.
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C. A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande implicitement la mise à néant. Il conclut formellement à l'annulation de la décision communale du 3 juin 2015, à ce qu'il soit dit que les rapports de service se sont poursuivis au-delà du 30 septembre 2015, à sa réintégration au sein de la commune de B.________, ainsi qu'au versement par la commune de toute rémunération résultant des rapports de service litigieux à compter du 1 er octobre 2015, sous déduction des éventuels gains obtenus en exécutant un autre travail, le tout sous suite de frais et dépens. À titre subsidiaire, le recourant demande qu'il soit constaté que la décision communale en cause est contraire au droit et que la commune soit condamnée à lui verser une indemnité correspondant à vingt-quatre mois de traitement brut, treizième salaire compris, plus intérêts à 5 % l'an dès le 1 er octobre 2015. Plus subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'autorité précédente.
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La commune intimée conclut au rejet du recours. La cour cantonale a renoncé à se déterminer.
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Considérant en droit : |
1. Le jugement entrepris a été rendu en matière de rapports de travail de droit public au sens de l'art. 83 let. g LTF. Dans la mesure où la contestation porte sur la résiliation de ces rapports, il s'agit d'une contestation de nature pécuniaire, de sorte que le motif d'exclusion de l'art. 83 let. g LTF n'entre pas en considération (p. ex.: arrêt 8C_67/2016 du 15 février 2017 consid. 1 et les arrêts cités). La valeur litigieuse dépasse largement le seuil de 15'000 fr. ouvrant la voie du recours en matière de droit public en ce domaine (art. 51 al. 2 et 85 al. 1 let. b LTF).
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Pour le surplus, interjeté en temps utile et dans les formes requises contre une décision finale prise par un tribunal cantonal, le recours respecte les exigences des art. 42, 86 al. 1 let. d, 90 et 100 al. 1 LTF. Il est par conséquent recevable.
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2. Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments de la partie recourante ou par la motivation de l'autorité précédente (cf. ATF 143 V 19 consid. 2.3 p. 23; 142 V 118 consid. 1.2 p. 120). Le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques appellatoires portant sur l'appréciation des preuves ou l'établissement des faits par l'autorité précédente (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253; 139 II 404 consid. 10.1 p. 445).
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3.
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3.1. Le recourant soutient que les juges précédents ont retenu à tort que son droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., n'avait pas été violé par la commune.
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3.2.
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3.2.1. Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF 135 I 279 consid. 2.6.1 p. 285;132 V 387 consid. 5.1 p. 390). Le contenu du droit d'être entendu et les modalités de sa mise en oeuvre sont déterminés en premier lieu par les dispositions de droit cantonal de procédure, dont le Tribunal fédéral ne revoit l'application et l'interprétation que sous l'angle restreint de l'arbitraire; il examine en revanche librement si les garanties minimales consacrées par le droit constitutionnel fédéral sont respectées (ATF 134 I 159 consid. 2.1.1 p. 161; arrêt 8C_158/2009 du 2 septembre 2009 consid. 5.1 et les arrêts cités, non publié in ATF 136 I 39).
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Le droit d'être entendu doit par principe s'exercer avant le prononcé de la décision (ATF 142 II 218 consid. 2.3 p. 222). Ainsi, en matière de rapports de travail de droit public, il n'est pas admissible, sous l'angle du droit d'être entendu, de remettre à l'employé une décision de résiliation des rapports de service en se contentant de lui demander de s'exprimer s'il le désire. Sauf cas d'urgence, le collaborateur doit pouvoir disposer de suffisamment de temps pour préparer ses objections. La doctrine admet qu'en l'absence de délai uniformisé, un délai de 8 à 10 jours est raisonnable (cf. arrêts 8C_176/2015 du 9 février 2016 consid. 2.2 et 8C_417/2014 du 17 août 2015 consid. 3.2.1; GABRIELLE STEFFEN, Le droit d'être entendu du collaborateur de la fonction publique: juste une question de procédure ?, in RJN 2005, p. 51 ss, plus spécialement p. 64).
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3.2.2. Selon l'art. 39 al. 2 du Statut du personnel de la commune de B.________ du 1
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Erwägung 3.3 |
3.3.1. Dans l'arrêt attaqué, la cour cantonale a retenu que le recourant était informé des faits qui lui étaient reprochés, qu'il avait eu l'occasion à de nombreuses reprises d'en parler avec ses supérieurs, notamment en 2015, qu'il avait déjà fait l'objet de plusieurs mises en garde et qu'il pouvait s'attendre à ce que ses supérieurs envisagent de rendre à son encontre une décision de licenciement. Pour admettre que le droit d'être entendu de l'intéressé avait été respecté, les juges précédents se sont fondés en particulier sur la déposition du maire de la commune et de ses deux adjointes, selon laquelle le recourant avait été informé, au début de l'entretien du 3 juin 2015, qu'un licenciement était envisagé. Ils ont retenu que ce n'est qu'après avoir donné à A.________ l'occasion de s'exprimer et en avoir délibéré que les trois personnes en question ont pris la décision litigieuse qui mettait fin aux relations de service.
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3.3.2. Le recourant soutient qu'il n'a pas eu la possibilité de faire valoir son point de vue efficacement, s'étant vu remettre au moment même de la réunion du 3 juin 2015 une décision de licenciement rédigée d'avance, sans avoir été informé au préalable de l'objet de l'entretien auquel il avait été convoqué la veille.
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3.4. En l'espèce, selon les faits retenus par les juges cantonaux sur la base des pièces du dossier, le recourant a disposé d'une demi-heure seulement pour prendre connaissance de son dossier et soumettre ensuite ses observations sur l'intention de la commune de le licencier. Quand bien même l'insatisfaction de l'employeur public au sujet de ses prestations professionnelles lui était connue, le recourant n'a manifestement pas disposé d'un délai approprié pour préparer sa détermination. Certes, les membres de l'exécutif communal ont déclaré qu'ils lui auraient laissé le temps qu'il aurait estimé nécessaire s'il l'avait demandé. Le recourant lui-même a dit que, lorsqu'il était retourné dans la salle de réunion après avoir pris connaissance de son dossier, il n'avait en fait rien à déclarer puisque la décision était prise. On ne saurait pour autant considérer, au vu du stress occasionné par la procédure lorsqu'un fonctionnaire est entendu par oral, que celui-ci a valablement exercé son droit d'être entendu si sa seule réaction, sur le moment, consiste à répondre laconiquement qu'il n'a aucune remarque à formuler (voir GABRIELLE STEFFEN, op. cit., ch. 4.4 p. 65). Or, selon la jurisprudence, l'omission pour un employeur public d'entendre le fonctionnaire auquel elle veut signifier son congé constitue une violation grave du droit d'être entendu de l'intéressé (arrêt 8C_53/2012 du 6 juin 2012 consid. 5.4).
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Dans les circonstances de la cause, il apparaît ainsi qu'en niant la violation du droit d'être entendu, le jugement attaqué a méconnu les principes jurisprudentiels clairs rappelés plus haut et les garanties minimales consacrées par le droit constitutionnel.
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4.
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4.1. En procédure fédérale, la commune intimée soutient que, dans l'hypothèse où il serait retenu que le droit d'être entendu du recourant a été violé par elle, cette violation devrait être considérée comme réparée dans la mesure où A.________ a eu l'occasion de s'exprimer par oral comme par écrit devant la juridiction cantonale.
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4.2. Par exception au principe de la nature formelle du droit d'être entendu, une violation de ce dernier est considérée comme réparée lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une autorité de recours disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure, et qui peut ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée, à condition toutefois que l'atteinte aux droits procéduraux de la partie lésée ne soit pas particulièrement grave (ATF 142 II 218 précité consid. 2.8.1 p. 226 et les arrêts cités; 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 197 s.). Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de souligner à réitérées reprises dans plusieurs autres affaires genevoises que le recours à la Cour de justice a un effet dévolutif complet et que celle-ci dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit (cf. arrêt 8C_47/2013 du 28 octobre 2013 consid. 4.2 et les nombreuses références).
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4.3. En principe, la violation du droit d'être entendu du recourant par la commune intimée pouvait donc être réparée, sous réserve qu'elle ne revête pas un caractère de gravité. Cependant, comme on l'a vu ci-dessus (supra consid. 3.4), on est en présence en l'espèce d'une violation des garanties de procédure du recourant dont la gravité empêche toute réparation devant l'autorité de recours. Il s'ensuit que le recours doit être admis pour ce motif formel, sans qu'il y ait lieu d'examiner les griefs de fond soulevés par le recourant.
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5.
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5.1. Si le Tribunal fédéral admet le recours, il statue lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision. Il peut également renvoyer l'affaire à l'autorité qui a statué en première instance (art. 107 al. 2 LTF).
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5.2. Comme cela a été rappelé plus haut (supra consid. 3.2.1), le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond. Cependant, en droit de fonction publique, la jurisprudence admet qu'une violation du droit d'être entendu peut être liquidée par une indemnisation (cf. arrêts 8C_417/2014 précité consid. 5.1; 8C_158/2009 précité consid. 6.6, non publié in ATF 136 I 39).
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Par ailleurs, l'art. 39 al. 4 du Statut du personnel prévoit qu'en cas de recours contre la décision de licenciement, l'annulation de cette décision par la Chambre administrative de la Cour de justice n'entraîne jamais la réintégration de l'employé. En cas d'admission du recours par la Chambre administrative de la Cour de justice, le recourant ne pourra prétendre qu'à une indemnité qui correspondra au plus à huit mois de salaire net.
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5.3. En procédure fédérale, le recourant conteste la validité de cette dernière disposition. Il prend des conclusions qui tendent à la réforme du jugement entrepris, dans le sens de sa réintégration au sein du personnel communal, subsidiairement à l'octroi d'une indemnité correspondant à vingt-quatre mois de son dernier traitement brut.
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5.4. En l'espèce, il se justifie d'annuler le jugement attaqué et de renvoyer la cause aux juges précédents pour nouvelle décision. En effet, il est douteux que le Tribunal fédéral soit habilité à statuer sur le fond lorsqu'il s'agit de rendre une décision fondée sur le seul droit cantonal ou communal, car ce n'est en soi pas son rôle d'appliquer le droit cantonal ou communal (art. 189 Cst.; ATF 134 III 379 consid. 1.3 p. 383 s. et les références) et, de toute façon, il n'appartient pas au Tribunal fédéral d'établir les faits sur lesquels l'autorité précédente ne s'est pas prononcée (ATF 136 III 209 consid. 6.1 p. 214 s.). Il convient en outre d'éviter de priver les justiciables d'un degré de juridiction.
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6. L'intimée, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 et al. 4 a contrario LTF; ATF 136 I 39 consid. 8.1.4 p. 41). Le recourant a droit à une indemnité de dépens à la charge de l'intimée (art. 68 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est partiellement admis. Le jugement attaqué est annulé. La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Le recours est rejeté pour le surplus.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
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3. L'intimée versera au recourant la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative.
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Lucerne, le 15 juillet 2017
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Au nom de la Ire Cour de droit social
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Maillard
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La Greffière : Castella
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