BGer 6B_235/2017 |
BGer 6B_235/2017 vom 11.10.2017 |
6B_235/2017
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Arrêt du 11 octobre 2017 |
Cour de droit pénal |
Composition
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M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président,
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Jacquemoud-Rossari et Jametti.
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Greffier : M. Graa.
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Participants à la procédure
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X.________, représenté par
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Me Jérôme Campart, avocat,
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recourant,
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contre
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1. Ministère public central du canton de Vaud,
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2. A.________, représentée par
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Me David Parisod, avocat,
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intimés.
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Objet
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Diffamation; arbitraire,
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recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 8 novembre 2016 (377 (PE13.000660-PBR)).
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Faits : |
A. Par jugement du 23 mai 2016, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a condamné X.________, pour diffamation, à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à 100 fr. le jour, avec sursis pendant 3 ans, ainsi qu'à 2'000 fr. d'amende, et a dit qu'il doit payer à A.________ la somme de 8'000 fr. avec intérêts à titre de réparation du tort moral, la somme de 20'040 fr. 65 avec intérêts à titre de dommages-intérêts et la somme de 18'444 fr. 90 avec intérêts à titre de dépens.
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B. Par jugement du 8 novembre 2016, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a partiellement admis l'appel interjeté par X.________ contre ce jugement et l'a réformé en ce sens que ce dernier est condamné, pour diffamation, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 100 fr. le jour, avec sursis pendant 3 ans, et qu'il doit payer à A.________ les sommes de 1'000 fr. avec intérêts à titre de réparation du tort moral et de 6'000 fr. avec intérêts à titre de dépens, A.________ étant pour le surplus renvoyée à agir par la voie civile.
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En substance, la cour cantonale a retenu les faits suivants.
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X.________ est né en 1965. Divorcé, il est le père de deux filles. En 2003, A.________, psychologue indépendante, était la voisine de palier du prénommé et de son épouse. En 2004, elle a commencé à suivre le couple dans le cadre d'une thérapie conjugale qui s'est soldée par un échec, les époux s'étant séparés en 2005. En 2006, le Service de protection de la jeunesse (ci-après : le SPJ) a dénoncé X.________ pour suspicion d'actes d'ordre sexuel à l'endroit de l'une de ses filles. Le prénommé a par la suite dénoncé A.________ auprès des associations professionnelles auxquelles elle appartenait, en lui reprochant d'avoir violé diverses règles de la profession, en particulier d'avoir divulgué des informations ayant conduit à l'intervention du SPJ.
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Le 14 octobre 2012, depuis la connexion Internet de l'appartement loué par sa compagne B.________, X.________ a adressé au service Wordpress.com, en vue de sa publication sur un blog hébergé aux Etats-Unis d'Amérique, un article qu'il avait rédigé et dont le contenu était attentatoire à l'honneur de A.________. Cet écrit, intitulé "A.________ une psychologue radiée de son ordre professionnel", faisait notamment état de la commission de fautes professionnelles et de violations déontologiques dans l'exercice de sa profession de psychothérapeute et dépeignait la prénommée comme une personne incompétente et dangereuse. L'article est resté en ligne durant 14 jours. Le 15 novembre 2012, A.________ a déposé plainte pénale contre inconnu concernant la publication de cet article.
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C. X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 8 novembre 2016, en concluant, avec suite de frais et dépens, à son annulation. Subsidiairement, il conclut à sa réforme en ce sens qu'il est acquitté, qu'il ne doit aucune somme à A.________ et que cette dernière supporte l'intégralité des frais judiciaires. Il conclut par ailleurs à ce que la cause soit renvoyée à l'autorité précédente afin que celle-ci statue sur l'indemnité qu'il réclame à titre de l'art. 429 CPP.
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Considérant en droit : |
1. Le recourant conteste l'établissement des faits et l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité précédente. Il se plaint en outre, à cet égard, d'une violation du principe in dubio pro reo. En bref, il conteste être l'auteur de l'article attentatoire à l'honneur de l'intimée.
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1.1. Le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins que celles-ci n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. La notion d'arbitraire a été rappelée récemment dans l'arrêt publié aux ATF 142 II 369, auquel on peut se référer. En bref, une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable, et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 142 II 369 consid. 4.3 p. 380). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références citées). Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368 et les références citées). Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence à la présomption d'innocence (art. 6 par. 2 CEDH, 32 al. 1 Cst. et 10 CPP), le principe "in dubio pro reo" n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 138 V 74 consid. 7 p. 82).
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1.2. La cour cantonale a considéré que les arguments invoqués par le recourant afin de contester sa condamnation par le tribunal de première instance n'étaient à première vue pas dénués de pertinence. Ainsi, on ne voyait pas pourquoi l'intéressé s'était rendu chez son amie pour y créer un blog hébergé par un site américain et comportant des expressions en anglais, afin d'alimenter un litige circonscrit au canton de Vaud ou à la Suisse. Certaines fautes dans le texte paraissaient typées, ainsi les expressions "xxx", "violation de charte de déontologie" ou "violation de Code penal suisse". B.________ avait quant à elle des liens avec les Etats-Unis d'Amérique, d'où elle venait et où elle était retournée après les faits. Elle est anglophone, contrairement au recourant. Si ce dernier avait voulu brouiller les pistes, il aurait pu se rendre dans un endroit public pourvu d'une connexion WiFi gratuite. Par ailleurs, on peinait à comprendre pourquoi le recourant avait cru utile de diffamer publiquement l'intimée alors que ses démarches auprès des associations professionnelles n'avaient pas été dénuées de succès. Enfin, la relation sentimentale qui existait alors entre le recourant et B.________ pouvait expliquer pourquoi cette dernière aurait voulu soutenir l'intéressé et lui faire justice en s'en prenant à l'intimée.
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Toutefois, l'autorité précédente a estimé qu'un examen plus attentif du dossier permettait de conclure à la culpabilité du recourant. Ce dernier s'était contredit à de nombreuses reprises tout au long de la procédure. Ainsi, lors des débats de première instance, il avait déclaré que B.________ aurait voulu créer un blog et qu'il lui aurait expliqué que cela n'était pas permis en Suisse. Selon lui, la prénommée lui aurait alors expliqué qu'elle était américaine et que ce n'était pas un problème. Le recourant était ainsi au fait de ces questions. En outre, cette déclaration entrait en contradiction avec la précédente affirmation de l'intéressé, selon laquelle son amie ne l'avait pas prévenu qu'elle allait agir de la sorte. Le recourant avait affirmé s'en être aperçu par la suite, mais ne prétendait pas pour autant avoir réagi. De surcroît, il avait prétendu que B.________ le harcelait car elle était toujours amoureuse de lui et que tous deux ne s'étaient pas quittés en bons termes. Partant, on comprenait mal pourquoi le recourant avait pu conserver dans son répertoire le numéro de la prénommée, ou pourquoi il avait retiré une plainte concernant des lettres anonymes qui lui avaient selon lui gâché la vie, après avoir appris que celle-ci en aurait été l'expéditrice. Par ailleurs, il était étonnant que le recourant, s'il avait recueilli des aveux authentiques en novembre 2013, ne l'ait pas dit immédiatement, quitte à en produire la preuve ultérieurement si le tri des messages concerné se fût avéré difficile. Enfin, même si les aveux en question étaient authentiques, cela n'excluait pas la participation du recourant. Il ne faisait aucun doute que celui-ci avait pris part à l'élaboration de l'article litigieux - le blog contenant notamment des fautes et des expressions purement francophones -, ne serait-ce qu'en fournissant à B.________ les éléments permettant de le rédiger, de sorte qu'il devait à tout le moins être considéré comme co-auteur.
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1.3. L'argumentation du recourant est largement appellatoire et, partant, irrecevable, dès lors que celui-ci rediscute librement l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée la cour cantonale, sans démontrer en quoi celle-ci serait insoutenable.
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Il en va ainsi lorsque le recourant conteste s'être contredit durant ses auditions successives, en opposant sa propre interprétation de ses déclarations à celle retenue par l'autorité précédente. Au demeurant, il ressort du dossier que l'intéressé a, lors de son audition par le ministère public, indiqué que B.________ ne lui aurait pas annoncé qu'elle allait publier l'article litigieux, alors qu'il a en revanche déclaré devant le tribunal de police qu'elle lui aurait préalablement parlé de ce projet. L'argumentation du recourant est également appellatoire lorsqu'il prétend que sa décision de mettre un terme à sa relation avec B.________ n'aurait pas été "étrangère" à la découverte de la mise en ligne de l'article litigieux, de même que lorsqu'il soutient que la prénommée aurait rédigé cet article en se fondant sur certaines de ses propres notes, ce qui expliquerait la présence, dans le texte, d'expressions typiques d'un auteur francophone.
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L'intéressé reproche encore à la cour cantonale d'avoir retenu qu'il était surprenant que celui-ci eût conservé le numéro de téléphone de B.________ dans son répertoire et qu'il eût retiré sa plainte concernant les lettres anonymes reçues après avoir découvert que la prénommée en aurait été l'auteure. L'autorité précédente n'a cependant pas fondé sa condamnation sur ces éléments, mais a relevé ceux-ci pour expliquer le peu de foi qu'elle prêtait aux déclarations de l'intéressé relatives à sa rupture. Partant, il n'apparaît pas que la correction d'un éventuel vice serait, sur ce point, susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. art. 97 al. 1 LTF).
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Le recourant fait ensuite grief à la cour cantonale d'avoir estimé étonnant le fait que, s'il avait véritablement recueilli des aveux de culpabilité de B.________ en novembre 2013, l'intéressé ait attendu les débats de première instance, tenus en mai 2016, pour produire les documents en attestant. Il soutient à cet égard qu'il lui aurait été difficile de retrouver les messages pertinents dans son téléphone cellulaire, sans expliquer pourquoi il lui aurait été impossible de produire ou à tout le moins d'archiver lesdits messages - qui pouvaient selon lui le disculper - lorsqu'il les a reçus. Le recourant soutient qu'il aurait tardé à faire état de ces messages par peur d'éventuelles "représailles" de la part de B.________. Il ne démontre cependant aucunement en quoi il aurait été insoutenable, pour la cour cantonale, de considérer que les prétendus aveux de la prénommée, invoqués par le recourant, n'étaient pas crédibles.
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Enfin, le recourant reproche à l'autorité précédente de ne pas avoir retenu qu'il aurait été incapable de se rendre chez B.________ le jour où l'article litigieux a été mis en ligne, en raison de problèmes de santé. Il se contente cependant d'affirmer s'être trouvé dans l'incapacité de se déplacer, sans démontrer en quoi il aurait été insoutenable, pour la cour cantonale, de retenir le contraire. Au demeurant, il ressort des propres déclarations du recourant que, malgré ses problèmes de santé et la sonde vésicale dont il aurait alors été équipé, l'intéressé s'est tout de même déplacé afin de visiter l'une de ses filles (art. 105 al. 2 LTF; PV du 23 mars 2015, p. 2). On ne voit pas, partant, pourquoi il ne lui aurait pas été possible de se rendre chez B.________ à la même époque.
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Le grief doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2. Le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir violé les art. 11, 12 et 173 CP.
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Il convient tout d'abord de relever que l'autorité précédente n'a aucunement fait application des art. 11 et 12 CP, lesquels ne sont pas évoqués dans le jugement attaqué.
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Le recourant ne conteste l'application de l'art. 173 CP qu'en se fondant sur sa propre version des faits. Il n'a toutefois pas démontré en quoi l'état de fait de la cour cantonale aurait été entaché d'arbitraire (cf. consid. 1.3 supra). Par ailleurs, le recourant se méprend en affirmant que l'autorité précédente aurait retenu qu'il s'était contenté de fournir à B.________ les informations nécessaires à la rédaction de l'article litigieux. En effet, la cour cantonale a retenu que celui-ci était bien l'auteur dudit article. Elle a mentionné à titre subsidiaire, afin de répondre aux arguments de l'intéressé, que même si les aveux de la prénommée s'étaient avérés authentiques, celui-ci aurait dû être considéré comme co-auteur de l'infraction, dès lors que le texte révélait - notamment par des fautes purement francophones - son implication dans son élaboration. Dans tous les cas, la cour cantonale a ainsi retenu une participation active. Dans la mesure où le recourant se limite à formuler une critique qui s'écarte de l'état de fait retenu, il ne saurait être question d'entrer en matière sur l'application de l'art. 173 CP. Mal fondé, le grief doit être rejeté.
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3. Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, devra supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée, qui n'a pas été invitée à se déterminer, ne saurait prétendre à des dépens.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
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3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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Lausanne, le 11 octobre 2017
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Au nom de la Cour de droit pénal
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Denys
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Le Greffier : Graa
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