BGer 1B_426/2017 |
BGer 1B_426/2017 vom 28.02.2018 |
1B_426/2017 |
Arrêt du 28 février 2018 |
Ire Cour de droit public |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Merkli, Président,
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Karlen et Chaix.
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Greffière : Mme Kropf.
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Participants à la procédure
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Me Robert Assaël, avocat,
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recourante,
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contre
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Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
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Objet
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Procédure pénale; séquestre,
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recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 4 septembre 2017 (ACPR/600/2017).
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Faits : |
A. |
A.a. Le 15 mai 2001, B.________, citoyen kazakh représenté par C.________ - horloger - a acquis le capital-action de la société D.________ SA, d'un montant nominal de 50'000 fr., pour le prix de 3'700'000 francs. L'unique actif de cette société était alors la parcelle n° 1, sise au chemin X.________ à V.________; une autorisation définitive de construire un immeuble industriel et administratif avait été délivrée pour ce bien-fonds, notamment par l'intermédiaire de l'architecte J.________, auteur des plans.
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A.b. Par convention du 30 août 2006, B.________, représenté par G.________ - administrateur de D.________ SA - et par E.________ - son homme de confiance à W.________ - a revendu à C.________ le capital-action de D.________ SA, sa créance chirographaire inscrite au passif du bilan, tous ses droits patrimoniaux et sociaux, ainsi que toutes ses créances contre la société pour le prix de 68'329'565 fr.; ce montant devait être payé (1) 18'329'565 fr. en mains du notaire en vue de rembourser les prêts hypothécaires et (2) 50 millions de francs au vendeur, au plus tard le 29 décembre 2006, les actions de la société demeurant nanties auprès de E.________ jusqu'à la complète exécution par l'acquéreur de ses obligations.
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Au moment de la vente susmentionnée, D.________ SA était propriétaire des parcelles n° 3, n° 1, n° 2 sur la commune de V.________ et n° 4 sur celle de W.________ (rue Z.________). Son bilan au 31 décembre 2005 indiquait les montants suivants : au passif, un compte créancier actionnaire de 29'336'962 fr., une dette hypothécaire de 5'407'500 fr., une première dette sous rubrique "banque compte construction" de 13'143'888 fr. et une seconde intitulée "créancier construction en cours" de 2'104'390 fr.; à l'actif, 11'000'000 fr. pour les immeubles, 9'121'597 fr. pour les terrains, 27'424'772 fr. pour les constructions en cours et des avoirs en banque de 4'192'865 francs.
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A.c. Par actes du 4 et du 15 septembre 2006, D.________ SA a vendu à H.________ SA, pour un montant total de 55'577'000 fr., les parcelles n° 3 (577'000 fr.), n° 1 (28'000'000 fr.) - y compris les travaux de finition tels que résultant du cahier des charges signés avec F.________ SA -, n° 4 (11'000'000 fr.) et n° 2 (16'000'000 fr.), comprenant l'immeuble dont la construction venait de débuter. L'acquisition de cette dernière parcelle a été liée à la conclusion simultanée d'un contrat d'entreprise entre les parties, selon lequel D.________ SA était chargée de la construction et des finitions de l'immeuble pour un prix de 36'700'000 fr.; la direction des travaux a été confiée à une société appartenant à G.________.
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Selon le décompte du 2 octobre 2008, le prix de vente de 55'577'000 fr. a servi, à hauteur totale de 22'872'897 fr. 25 [recte 22'862'897 fr. 65] au remboursement des crédits hypothécaires (18'482'747 fr. 25) et au règlement de la commission de courtage (1'076'000 fr.), de l'impôt immobilier (340'874 fr. 55), de la facture du notaire (5'027 fr. 05), ainsi que d'une créance de l'entreprise O.________ (2'958'248 fr. 80).
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A.d. A la suite de la convention du 30 août 2006, B.________ a reçu, au débit des comptes de D.________ SA, 42'000'000 fr. (17 millions le 19 septembre 2006, 12 millions le 29 décembre 2006, 12 millions le 17 avril 2007 et 1 million le 15 juin 2007); trois de ces versements ont été virés à une société panaméenne - I.________ SA - dont le susmentionné avait le contrôle.
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A.e. La poursuite des chantiers concernant les parcelles n° 1 et n° 2 a été marquée par la dégradation des relations entre D.________ SA, H.________ SA, F.________ SA et le bureau d'architecte N.________ SA, remplaçant de J.________.
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Selon le jugement du Tribunal genevois de première instance du 8 mars 2010, D.________ SA considérait les exigences de F.________ SA exorbitantes, ne permettant plus de tenir les projections financières fondant les relations contractuelles entre les différents intervenants. Quant à H.________ SA, elle s'était mise à payer directement les corps de métier, déclarant compenser par ce biais les sommes dues à D.________ SA, situation qui avait provoqué une crise de liquidité chez cette dernière.
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Les travaux ont été achevés entre fin 2007 et fin 2008. Le cabinet d'architecte n'a toutefois pas établi de décompte des travaux que D.________ SA, respectivement F.________ SA, devaient assumer, les relations financières entre les différents intervenants n'ayant ainsi pas pu être dénouées. D.________ SA a ainsi été confrontée à nombreux créanciers impayés.
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Sur requête de J.________, créancier à hauteur de 4'253'223 fr. 65, la faillite de D.________ SA a été prononcée le 3 juin 2010.
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A.f. Par acte du 10 mars 2014, H.________ SA et J.________ - qui ont obtenu la cession des droits de la masse pour agir en responsabilité contre les organes de D.________ SA en liquidation - ont déposé plainte pénale contre ces derniers pour faux dans les titres, gestion déloyale, banqueroute frauduleuse, diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers, gestion fautive, violation de l'obligation de tenir une comptabilité, avantages accordés à certains créanciers et inobservation des prescriptions légales sur la comptabilité. Il était en substance reproché aux organes de D.________ SA d'avoir utilisé le produit de la vente des immeubles pour acquitter le montant dû à B.________ plutôt que de désintéresser les créanciers de la société.
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Au cours de l'instruction, le Ministère public de la République et canton de Genève a notamment entendu G.________, C.________ et B.________. Lors de ses auditions des 25 janvier et 22 février 2017, ce dernier a en particulier déclaré avoir fait part aux deux autres susmentionnés de sa volonté de se retirer du projet dès l'été 2004; il avait proposé, en 2005, à C.________ de reprendre sa participation dans D.________ SA, moyennant le remboursement de ses investissements - 50'000'000 fr. versés entre 2001 et 2004 -, ce que le second avait accepté. Selon B.________, c'était donc bien C.________ - que le premier croyait riche - qui reprenait l'investissement. B.________ a ensuite expliqué qu'il avait mandaté E.________, employé de la banque K.________, pour l'aider à sortir de la société car ce dernier parlait russe et était la seule personne que lui-même connaissait à W.________; le banquier lui avait longtemps assuré qu'il serait intégralement payé et il n'avait compris que tel ne serait pas le cas qu'au moment de la faillite de D.________ SA. B.________ a reconnu qu'en l'état, il ne disposait pas des documents bancaires attestant de ses investissements de 50 millions, mais s'engageait à entreprendre les démarches pour les obtenir auprès de ses comptables à Moscou.
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Le 3 mars 2017, le Procureur a ordonné le séquestre de 9'285'847 fr. 35 [recte 9'285'897 fr. 65] détenus par L.________ Ldt, société dont B.________ était l'ayant droit économique. Ce montant équivalait à la différence entre la somme perçue pour la vente du 30 août 2006 (42'000'000 fr.) et le produit net de la vente des immeubles selon le décompte du 2 octobre 2008 (32'714'102 fr. 35); il pourrait dès lors avoir été acquis sans contre-prestation correspondante, étant ainsi susceptible de faire l'objet d'une confiscation ou d'une créance compensatrice à la fin de la procédure.
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B. Le 4 septembre 2017, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours intenté par L.________ Ldt contre l'ordonnance de séquestre du 3 mars 2017.
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C. Par acte du 6 octobre 2017, L.________ Ldt forme un recours en matière pénale contre cet arrêt, concluant à son annulation et à la levée du séquestre sur la relation xxx détenue auprès de M.________ AG, à hauteur de 9'285'897 fr. 65. A titre subsidiaire, elle demande le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants.
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Le Ministère public a conclu au rejet du recours. Quant à la cour cantonale, elle s'est référée aux considérants de sa décision. Le 21 novembre 2017, la recourante a persisté dans ses conclusions.
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Considérant en droit : |
1. L'arrêt attaqué, qui confirme le maintien du séquestre sur des valeurs patrimoniales est une décision rendue en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF.
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En tant que détentrice des valeurs saisies, la recourante peut se prévaloir d'un intérêt juridique à obtenir l'annulation ou la modification de cette décision, de sorte qu'elle dispose de la qualité pour recourir au sens de l'art. 81 al. 1 LTF (ATF 133 IV 278 consid. 1.3 p. 282 s.; 128 IV 145 consid. 1a p. 148).
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Le séquestre pénal est une décision à caractère incident et le recours n'est donc recevable que si l'acte attaqué est susceptible de causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF; ATF 140 IV 57 consid. 2.3 p. 60). Tel est le cas lorsque le détenteur se trouve privé temporairement de la libre disposition des biens et/ou valeurs saisis (ATF 128 I 129 consid. 1 p. 131).
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Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.
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2. Dans ses observations, le Ministère public se plaint d'un établissement erroné des faits. S'il entendait contester l'état de fait retenu - qui permet cependant de confirmer sa propre décision de séquestre -, il lui appartenait de recourir en temps utile contre l'arrêt entrepris, ce qu'il n'a pas fait. Par conséquent, il n'y a pas lieu d'en tenir compte.
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En tout état de cause, le Tribunal fédéral peut rectifier d'office des erreurs manifestes; tel est le cas du total du montant utilisé selon le décompte du 2 octobre 2008 (art. 105 al. 2 LTF).
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3. Dans le cadre de la présente procédure, il n'est pas contesté que les avoirs de la recourante - entité entièrement contrôlée par B.________ - pourraient, le cas échéant, faire l'objet d'une créance compensatrice (art. 71 al. 3 CP; sur cette disposition, cf. ATF 140 IV 57 consid. 4.1.2 p. 62 ss). Une telle mesure à l'encontre d'un tiers est cependant exclue si celui-ci a acquis les valeurs - en l'occurrence, 42'000'000 fr. - dans l'ignorance des faits qui pourraient justifier son prononcé et à condition qu'il ait fourni une contre-prestation adéquate (art. 71 al. 1 2ème phrase CP en lien avec l'art. 70 al. 2 CP).
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A ce stade de l'instruction, la bonne foi de B.________ n'est pas remise en cause (sur cette notion, cf. arrêt 1B_22/2017 du 24 mars 2017 consid. 3.1 et l'arrêt cité); il semble ainsi ne pas avoir pu ou dû savoir, au moment de signer la convention du 30 août 2006, que le prix serait payé au débit des comptes de la société et non pas par C.________; cela étant, l'étendue de son implication dans la gestion de D.________ SA et lors des négociations de la revente de ses actions devra encore être éclaircie (cf. consid. 2.5 p. 8 de l'arrêt attaqué). Seule est donc litigieuse devant le Tribunal fédéral la question de la valeur de la contre-prestation assurée.
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A cet égard, la recourante reproche à l'autorité précédente d'avoir évalué la valeur nette de la société D.________ SA (5'145'089 fr. 20) sans y ajouter celle découlant du contrat d'entreprise (36'700'000 fr.). Selon la recourante, les immeubles auraient ainsi été vendus pour la somme de 92'277'000 fr. et une fois les hypothèques déduites (18'329'565 fr.), le solde du prix de vente à disposition de D.________ SA aurait été de 73'947'435 fr., respectivement de 69'214'102 fr. 35 si les éléments du décompte du 2 octobre 2008 devraient être retenus; ces montants démontreraient que la valeur de la société aurait été largement supérieure aux 42'000'0000 fr. touchés par B.________.
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3.1. Dans le cadre de l'examen d'un séquestre conservatoire, l'autorité statue sous l'angle de la vraisemblance, examinant des prétentions encore incertaines. Le séquestre pénal est en effet une mesure conservatoire provisoire destinée à préserver les objets ou valeurs qui peuvent servir de moyens de preuve, que le juge du fond pourrait être amené à confisquer ou à restituer au lésé, ou qui pourraient servir à l'exécution d'une créance compensatrice (art. 263 al. 1 CPP et 71 al. 3 CP). L'autorité doit pouvoir statuer rapidement (cf. art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 p. 364).
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Un séquestre est proportionné lorsqu'il porte sur des avoirs dont on peut admettre en particulier qu'ils pourront être vraisemblablement confisqués en application du droit pénal. Tant que l'instruction n'est pas achevée et que subsiste une probabilité de confiscation, de créance compensatrice ou d'une allocation au lésé, la mesure conservatoire doit être maintenue (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 p. 364). L'intégralité des fonds doit demeurer à disposition de la justice aussi longtemps qu'il existe un doute sur la part de ceux-ci qui pourrait provenir d'une activité criminelle (arrêt 1B_385/2017 du 30 novembre 2017 consid. 3.1 et l'arrêt cité). Les probabilités d'une confiscation, respectivement du prononcé d'une créance compensatrice, doivent cependant se renforcer au cours de l'instruction (ATF 122 IV 91 consid. 4 p. 96; arrêt 1B_385/2017 du 30 novembre 2017 consid. 3.1 et l'arrêt cité). Un séquestre peut en effet apparaître disproportionné lorsque la procédure dans laquelle il s'inscrit s'éternise sans motifs suffisants (ATF 132 I 229 consid. 11.6 p. 247). En outre, pour respecter le principe de proportionnalité, l'étendue du séquestre doit rester en rapport avec le produit de l'infraction poursuivie (ATF 130 II 329 consid. 6 p. 336).
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3.2. Selon l'art. 70 al. 2 CP, la confiscation n'est pas prononcée lorsqu'un tiers a acquis les valeurs dans l'ignorance des faits qui l'auraient justifiée, et cela dans la mesure où il a fourni une contre-prestation adéquate ou si la confiscation se révèle d'une rigueur excessive. Une créance compensatrice ne peut être prononcée contre un tiers que dans la mesure où les conditions prévues à l'art. 70 al. 2 CP ne sont pas réalisées (art. 71 al. 1 2ème phrase CP).
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Selon la jurisprudence, les règles sur la confiscation doivent être appliquées de manière restrictive lorsque des tiers non enrichis sont concernés (arrêt 1B_3/2014 du 5 février 2014 consid. 3.2 publié in RtiD 2014 II 227). L'esprit et le but de la confiscation excluent en effet que la mesure puisse porter préjudice à des valeurs acquises de bonne foi dans le cadre d'un acte juridique conforme à la loi (ATF 115 IV 175 consid. 2b/bb p. 178 s.).
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Les deux conditions posées à l'art. 70 al. 2 CP sont cumulatives. Si elles ne sont pas réalisées, la confiscation peut être prononcée alors même que le tiers a conclu une transaction en soi légitime, mais a été payé avec le produit d'une infraction. Le tiers ne doit pas avoir rendu plus difficile l'identification de l'origine et de la découverte des actifs d'origine criminelle ou leur confiscation. Pour qu'un séquestre puisse être refusé à ce stade de la procédure en application de l'art. 70 al. 2 CP, il faut qu'une confiscation soit d'emblée et indubitablement exclue, respectivement que la bonne foi du tiers soit clairement et définitivement établie. S'agissant en particulier de la seconde condition, soit la contre-prestation, elle doit avoir été fournie avant que le tiers ne reçoive les valeurs d'origine illégale. C'est en tenant compte de toutes les circonstances du cas d'espèce qu'il faut décider si une contre-prestation adéquate existe, sans se limiter à une appréciation de pur droit civil (arrêt 1B_22/2017 du 24 mars 2017 consid. 3.1 et l'arrêt cité). En particulier, elle n'est pas adéquate lorsque les valeurs patrimoniales ont été remises à titre gratuit (arrêts 6B_672/2014 du 22 décembre 2017 consid. 3.2; 1B_71/2014 du 1er juillet 2014 consid. 5.1 et la référence citée).
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3.3. S'agissant de la valeur de la contre-prestation assurée par B.________, soit pour l'essentiel la cession de ses actions et de sa créance contre la société, la Chambre pénale de recours a relevé que, selon les propres déclarations de l'intéressé, le prix de vente avait été fixé davantage en fonction du montant de ses investissements (allégués de 50'000'000 fr.) augmenté de celui de la dette hypothécaire (18'329'565 fr.) que sur les chiffres résultant du bilan et d'une valeur réelle de l'entreprise. Selon la cour cantonale, une telle conclusion découlait également du fait que, même en tenant compte des avoirs bancaires de D.________ SA (4'192'865 fr.), ainsi que de la valeur de revente des biens immobiliers à H.________ SA (55'577'000 fr.), la société était alors débitrice de montants élevés (29'336'962 fr. en faveur de son actionnaire, 18'329'565 fr. à titre de dette hypothécaire, 2'958'248 fr. 80 fr. vis-à-vis de l'entreprise O.________ et vraisemblablement encore 4'000'000 fr. envers J.________); l'éventuelle valeur du contrat d'entreprise ne pouvait en revanche pas entrer en considération dès lors qu'il avait été conclu ultérieurement à la vente. Les juges cantonaux ont encore considéré que si ces chiffres restaient approximatifs et ne sauraient ainsi déterminer à eux seuls la valeur marchande de la société, il n'en demeurait pas moins qu'il s'en dégageait un montant net de 5'145'089 fr. 20, soit une somme bien en deçà du prix convenu (68'329'565 fr.) et du prix reçu (42'000'000 fr.). La Chambre pénale de recours a ainsi estimé qu'en recevant 42'000'000 fr. pour remettre des actions d'une société valant a priori moins de 10 millions de francs, la contre-prestation de B.________ ne saurait être, sans autres investigations, qualifiée d'adéquate.
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3.4. Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique et la recourante ne développe aucun élément propre à le remettre en cause. Tel n'est notamment pas le cas de l'argument tendant à soutenir que la créance d'un actionnaire envers la société constituerait un actif de celle-ci (cf. au demeurant les bilans de la société D.________ SA).
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A titre d'argumentation principale, la recourante soutient que le montant du contrat d'entreprise (36'700'000 fr.) devrait être pris en compte pour procéder à l'estimation des immeubles au moment de la reprise de la société. Ce contrat a cependant été conclu ultérieurement (septembre 2006) à la vente de D.________ SA (août 2006). De plus, si peut-être la perspective d'un contrat important peut rendre l'achat d'une entreprise plus intéressante, l'éventuelle plus-value y relative ne saurait cependant correspondre à l'intégralité du montant convenu dans le contrat, en particulier lorsqu'il semble que le prix doive également permettre le paiement d'autres travaux. En tout état de cause, dès lors que la cour cantonale retient finalement une valeur nette de la société se situant entre 5'145'089 fr. 20 et 10'000'000 fr., on ne saurait lui reprocher d'avoir ignoré un éventuel développement de la société; cette constatation découle également de la valeur retenue pour les immeubles, à savoir, non pas celle figurant au bilan de l'année 2005 (51'745'964 fr. 79), mais celle convenue pour leur vente pourtant ultérieure (55'577'000 fr.). C'est aussi à juste titre que la juridiction précédente a pris en compte, lors de ses estimations, la dette de D.________ SA en faveur de J.________ (montant arrondi à 4'000'000 fr.), puisque la société lui devait déjà au 26 septembre 2006 un montant de 3'478'065 fr. 35 (cf. le décompte de l'office des poursuites [pce 10'0082 du dossier cantonal]).
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Sous l'angle de la proportionnalité, la recourante ne soutient pas que le montant placé sous séquestre ne respecterait pas ce principe. Elle prétend en revanche que la durée de la procédure justifierait la levée de cette mesure. Si l'instruction a peut-être été ouverte il y a trois ans, le séquestre contesté n'a été ordonné que le 3 mars 2017, n'étant ainsi pas manifeste que sa durée ne serait plus conforme au principe susmentionné. Cela vaut d'ailleurs d'autant plus que la recourante ne développe aucune argumentation tendant à démontrer que le Ministère public aurait été en mesure de l'ordonner antérieurement.
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Au regard de l'ensemble de ces considérations, la cour cantonale pouvait, sans violer le droit fédéral, confirmer le séquestre portant sur 9'285'897 fr. 65 des avoirs détenus par la recourante.
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4. Il s'ensuit que le recours est rejeté.
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La recourante, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est rejeté.
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2. Les frais judiciaires, fixés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
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Lausanne, le 28 février 2018
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Merkli
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La Greffière : Kropf
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