BGer 2C_22/2018 |
BGer 2C_22/2018 vom 05.07.2018 |
2C_22/2018 |
Arrêt du 5 juillet 2018 |
IIe Cour de droit public |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Seiler, Président,
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Donzallaz et Stadelmann.
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Greffière : Mme Jolidon.
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Participants à la procédure
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Secrétariat d'Etat aux migrations,
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recourant,
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contre
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A.X.________,
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représenté par Me Karim Raho, avocat,
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intimé,
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Département de la sécurité et de l'économie (DSE) de la République et canton de Genève.
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Objet
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Révocation de l'autorisation d'établissement UE/AELE et renvoi de Suisse,
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recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 1ère section, du 21 novembre 2017 (A/1129/2016-PE).
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Faits : |
A. |
A.a. A.X.________, ressortissant espagnol né en 1967, est arrivé en Suisse en 1988 en tant que travailleur saisonnier. Le 14 décembre 1990, il a épousé Y.________; ils ont eu un fils, B.X.________, né en 1991. A un an, celui-ci a contracté une méningite tuberculeuse. Depuis, B.X.________ souffre d'un retard du développement mental.
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A.X.________ a obtenu une autorisation d'établissement en 1994. Y.________ et B.X.________ ont acquis la nationalité suisse en 2009.
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Par ordonnance du 14 juillet 2010, l'autorité compétente a reconnu A.X.________ coupable de lésions corporelles simples, de voies de fait, d'injure et de menaces perpétrées, sous l'emprise de l'alcool, à l'encontre de son épouse à plusieurs reprises entre 2009 et 2010. Il a été condamné à une peine pécuniaire de nonante jours-amende avec sursis pendant trois ans; durant cette période, il devait également suivre une assistance de probation, ainsi qu'un traitement thérapeutique, afin de traiter sa dépendance à l'alcool et sa violence.
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Le 24 avril 2013, A.X.________ a été inculpé de viol en commun avec son fils; l'intéressé avait encouragé son fils handicapé à violer une adolescente de seize ans. Le 7 novembre 2013, il a été arrêté pour avoir, dans un état d'ébriété important, frappé sa femme au visage, menacé et contraint celle-ci à des relations sexuelles, ainsi que violenté les gendarmes présents. L'intéressé a été incarcéré le 9 novembre 2013.
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Pour ces faits, le Tribunal correctionnel de la République et canton de Genève a, par jugement du 7 juillet 2014, condamné A.X.________ pour viol en commun, lésions corporelles simples, injure, ainsi que violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires à une peine privative de liberté de quatre ans, sous déduction de deux-cent cinquante-deux jours de détention avant jugement. Il a suspendu cette peine au profit d'un traitement institutionnel des addictions et a ordonné son maintien en détention de sûreté. Ledit tribunal s'est fondé sur le rapport d'expertise du 12 février 2014 et l'audition du Docteur Z.________ selon lesquels, A.X.________ souffrait d'une dysthymie de sévérité moyenne, à savoir un trouble chronique de l'humeur avec des tendances dépressives fluctuantes et au long cours, de peu d'intensité; celui-ci présentait une intoxication alcoolique aigüe de degré élevé, lors des événements du 7 novembre 2013; il était dépendant à l'alcool; la situation de son fils était difficilement vécue par l'intéressé; il présentait un risque de commettre à nouveau des infractions qui pouvait être diminué par un traitement institutionnel; le risque de récidive était cependant plurifactoriel, la discorde conjugale représentant un de ces facteurs, de même que l'attitude générale de A.X.________; il n'y avait aucune prise de conscience de la part de celui-ci de l'anormalité de son comportement.
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La Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève a, le 19 décembre 2014, reconnu l'intéressé coupable de voies de fait et non plus de lésions corporelles simples et a diminué la peine privative de liberté à trois ans et neuf mois, sous déduction de quatre-cent seize jours de détention avant jugement; elle a confirmé le jugement attaqué pour le surplus.
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Le 7 août 2014, le Tribunal de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: le Tribunal de première instance) a entériné la séparation de A.X.________ et de Y.________; il a notamment interdit à celui-ci de s'approcher de son épouse à moins de 100 m ou de prendre contact avec elle.
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Le Département de la sécurité et de l'économie de la République et canton de Genève (ci-après: le Département de la sécurité) a, par décision du 22 mars 2016, révoqué l'autorisation d'établissement UE/AELE de A.X.________ et a prononcé son renvoi de Suisse, dès qu'il aurait satisfait à justice.
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Le 29 juin 2016, l'intéressé a quitté la prison de Champ-Dollon et intégré l'Unité de transition hospitalière en addictologie des Hôpitaux universitaires de Genève. L'autorité compétente a levé le traitement institutionnel et a ordonné un traitement ambulatoire, en date du 8 septembre 2016. A.X.________ a alors été régulièrement suivi par la Consultation ambulatoire d'addictologie psychiatrique.
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En juillet 2016, le fils de l'intéressé a été admis aux Etablissements publics pour l'intégration; il vit dans un appartement partagé avec d'autres personnes atteintes d'un handicap mental, n'étant pas suffisamment autonome pour vivre seul; de plus, ne sachant pas se déterminer de manière indépendante sur des questions importantes, la compagnie d'un adulte responsable est nécessaire. Sa capacité d'autonomie sur le moyen ou long terme ne pouvait être déterminée.
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A.b. Le Tribunal de première instance a, par jugement du 6 février 2017, rejeté le recours de A.X.________ à l'encontre de la décision du 22 mars 2016 du Département de la sécurité révoquant l'autorisation d'établissement de celui-ci. Se fondant sur le rapport d'expertise psychiatrique du 12 février 2014, produit dans le cadre de la procédure pénale, il a relevé que l'intéressé présentait un risque de commettre à nouveau des infractions compte tenu de sa consommation chronique d'alcool et du fait qu'il n'avait aucune prise de conscience de l'anormalité de son comportement.
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B. Par arrêt du 21 novembre 2017, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a admis le recours de A.X.________, annulé le jugement du 6 février 2017 du Tribunal de première instance et a adressé un avertissement à l'intéressé. Elle a estimé que les infractions commises étaient en étroite relation avec la consommation d'alcool; il était ressorti de l'audition du chef de clinique de l'Unité de transition hospitalière en addictologie des Hôpitaux universitaires de Genève que l'évolution de l'intéressé était positive et que celui-ci avait trouvé tant un logement qu'un emploi, ce qui permettait de poser un pronostic favorable; il n'apparaissait pas que la dépendance de A.X.________ à l'alcool et le risque de rechute en tant que facteurs de récidive constituaient encore une menace actuelle, réelle et d'une certaine gravité; A.X.________ avait une relation stable et régulière avec son fils qu'il allait voir tous les quinze jours à raison de deux heures; ce changement d'attitude, ainsi que l'absence d'alcoolisation chronique et la séparation du couple constituaient autant d'améliorations des facteurs considérés comme à risque et entraînaient une diminution considérable du risque de récidive; il s'agissait d'un cas limite mais les circonstances existantes ne permettaient pas de considérer que l'intéressé représentait une menace actuelle, réelle et suffisamment grave pour l'ordre public autorisant de restreindre le droit de demeurer en Suisse.
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C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, le Secrétariat d'Etat aux migrations demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais, d'annuler l'arrêt du 21 novembre 2017 de la Cour de justice et de confirmer la décision du 22 mars 2016 du Département de la sécurité prononçant la révocation de l'autorisation d'établissement UE/AELE de A.X.________ et son renvoi de Suisse et de renvoyer la cause à l'Office cantonal de la population et des migrations de la République et canton de Genève, afin que cette autorité fixe un nouveau délai de départ à l'intéressé.
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A.X.________ conclut, sous suite de frais et dépens, à la confirmation de l'arrêt attaqué, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'instance précédente pour une nouvelle décision dans le sens des considérants. Le Département de la sécurité a déclaré se référer à sa décision du 22 mars 2016, ainsi qu'à différentes observations déposées au cours de la procédure cantonale. La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt.
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Considérant en droit : |
1. Dirigé en temps utile contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), sans qu'aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF ne soit réalisée, le recours en matière de droit public est ouvert. Par ailleurs, le Secrétariat d'Etat aux migrations a qualité pour recourir (art. 89 al. 2 let. a LTF en lien avec l'art. 14 al. 2 de l'Ordonnance du 17 novembre 1999 sur l'organisation du Département fédéral de justice et police [RS 172.213.1]; ATF 134 II 201 consid. 1.1 p. 203).
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2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF). Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). La notion de manifestement inexacte correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (cf. ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253; 140 III 264 consid. 2.3 p. 266). Si le recourant entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées. A défaut d'une telle motivation, il n'est pas possible de prendre en considération un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée, ni des faits qui n'y figurent pas (ATF 133 IV 286 consid. 6.2 p. 288).
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Le recours se fonde sur des faits qui ne sont pas mentionnés dans l'arrêt attaqué. Cependant, cette écriture ne contient pas de grief relatif à une constatation des faits manifestement inexacte. Partant, le Tribunal fédéral statuera sur la base des faits retenus dans l'arrêt entrepris (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve de ceux complétés d'office (art. 105 al. 2 LTF).
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3. Le litige consiste à déterminer si la Cour de justice a violé l'art. 5 al. 1 annexe I ALCP (RS 0.142.112.681) en jugeant que l'autorisation d'établissement de l'intimé ne devait pas être révoquée.
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3.1. L'autorité précédente a correctement exposé le droit applicable (art. 63 al. 2 en lien avec l'art. 62 al. 1 let. b LEtr [RS 142.20]; art. 5 al. 1 annexe I ALCP) et la jurisprudence y relative (ATF 139 II 121 consid. 5.3 p. 125 s.; 136 II 5 consid. 4.2 p. 20; 130 II 176 consid. 3.4.1 p. 182 et consid. 4.3.1 p. 185), de sorte qu'il y est renvoyé.
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3.2. Il n'est pas contesté que la condition de la peine privative de longue durée de l'art. 63 al. 2 LEtr en lien avec l'art. 62 al. 1 let. b LEtr, qui permet la révocation de l'autorisation d'établissement, est remplie, l'intimé ayant été condamné à une telle peine de trois ans et neuf mois.
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3.3. En l'espèce, l'intimé a été condamné pour viol en commun. Il ressort de l'arrêt attaqué que celui-ci a non seulement encouragé son fils handicapé (dont l'âge mental est celui d'un enfant de cinq ans) à avoir un premier rapport sexuel avec une adolescente de seize ans non consentante, mais qu'il l'a également assisté dans cet acte; cela à l'encontre d'une très jeune fille qui était d'autant plus vulnérable qu'elle vivait une situation familiale difficile et qu'elle connaissait l'intimé de vue (art. 105 al. 2 LTF). L'intéressé a ainsi totalement failli dans son rôle de père et d'adulte protecteur. La Cour de justice a qualifié le comportement de l'intimé d'ignoble et sa faute de lourde; ses mobiles étaient égoïstes et son action avait porté préjudice tant à la victime qu'à son fils qui, à la suite de ces événements, avait été emprisonné puis placé en institution. S'ajoutait à cela que l'intéressé s'obstinait à nier les faits et n'avait pas pris conscience de la gravité de ses actes, rejetant la faute sur la victime. De plus, six mois seulement après le viol en commun, l'intimé a, dans un état d'ébriété important, frappé sa femme au visage et l'a contrainte à des relations sexuelles. Ces événements d'une extrême gravité ont donné lieu à une peine privative de liberté lourde, à savoir trois ans et neuf mois. En outre, l'intéressé s'en était déjà pris plusieurs fois physiquement à son épouse entre 2009 et 2010, ce qui avait abouti à une première condamnation de nonante jours-amendes avec sursis. Il découle de ce qui précède, que l'intimé ayant porté atteinte à l'intégrité physique et sexuelle de deux victimes, dont une adolescente, dans les conditions décrites ci-dessus, il se justifie de se montrer particulièrement rigoureux dans l'évaluation du risque de récidive, dans le cadre de l'art. 5 al. 1 Annexe I ALCP; le degré de certitude quant à l'évolution positive de l'intimé doit ainsi être d'autant plus élevé.
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L'arrêt attaqué mentionne que le risque de récidive est plurifactoriel: la dépendance à l'alcool, la discorde conjugale et l'attitude générale de l'intimé jouent notamment un rôle à cet égard. Si effectivement, comme le mentionne la Cour de justice, la mésentente entre les époux n'influencera plus l'attitude de l'intéressé, puisque ceux-ci sont aujourd'hui séparés, il en va autrement des deux autres facteurs susmentionnés. On relèvera tout d'abord que, contrairement à ce qu'ont retenu les juges précédents, les infractions commises n'étaient pas toutes en étroite relation avec la dépendance à l'alcool (cf. supra "Faits" let. A.a, jugement du 7 juillet 2014 a contrario). En effet, tel n'était pas le cas de l'infraction la plus grave, à savoir le viol en commun, pour lequel une responsabilité pleine et entière a été retenue par la Cour de justice dans son arrêt du 19 décembre 2104 (art. 105 al. 2 LTF). Par conséquent, les éventuels progrès de l'intéressé quant à ses problèmes d'alcool ne sauraient influer de façon déterminante sur l'appréciation du risque de récidive. Précisément en ce qui concerne l'alcool, le rapport médical du 26 décembre 2016 note que "les prises de sang ne montraient pas de prise chronique d'alcool". Il en résulte donc que l'intimé, s'il semble avoir dominé sa consommation excessive, n'est pas pour autant abstinent. Cela étant, l'élément primordial in casu pour l'évaluation du risque de récidive réel et actuel est l'attitude de l'intéressé, élément que la Cour de justice n'a pas pris en considération. Selon le rapport d'expertise du 12 février 2014 et l'audition du médecin, l'intimé ne réalisait absolument pas la gravité des faits commis et l'anormalité de son comportement; de plus, il niait les violences conjugales. Or, aucun élément de l'arrêt attaqué n'atteste une évolution à cet égard. Cette absence de prise de conscience est à elle seule problématique quant au risque de récidive, puisqu'on ne voit pas ce qui empêcherait une personne qui n'appréhende pas la gravité des actes qu'elle a commis de recommencer.
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Il découle de ce qui précède que, contrairement à ce qu'a retenu la Cour de justice, l'intimé représente une menace réelle, actuelle et grave au sens de l'art. 5 par. 1 Annexe I ALCP.
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4. Encore faut-il que la mesure d'éloignement respecte le principe de proportionnalité.
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4.1. L'examen du principe de proportionnalité applicable dans le cadre de l'Accord sur la libre circulation, du droit conventionnel (art. 8 par. 2 CEDH) et du droit interne (5 al. 2 Cst. et art. 96 LEtr) se confond (cf. ATF 139 I 145 consid. 2.2 p. 147; 137 I 284 consid. 2.1 p. 287 s.; 135 II 377 consid. 4.3 p. 38).
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La question de savoir si l'intimé peut tirer un droit de l'art. 8 CEDH au regard du handicap de son fils adulte peut rester ouverte, puisque l'analyse ci-dessous mène à la conclusion que l'intérêt public à l'éloignement de celui-ci doit l'emporter sur son intérêt privé à rester en Suisse. L'existence d'un tel droit est néanmoins douteuse: le fils de l'intéressé est placé en institution; celui-ci ne le voit qu'à raison de deux heures tous les quinze jours; la dépendance du fils envers le père est donc loin d'être évidente, celui-là ayant, en outre, plus de contacts avec sa mère.
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4.2. Lors de l'examen de la proportionnalité, il y a lieu de prendre en considération la gravité de la faute commise, le temps écoulé depuis l'infraction, le comportement de l'auteur pendant cette période, le degré de son intégration, la durée du séjour en Suisse, ainsi que le préjudice que l'intéressé et sa famille auraient à subir du fait de la mesure (ATF 139 I 31 consid. 2.3.1 p. 33; 139 I 16 consid. 2.2.1 p. 19; 135 II 377 consid. 4.3 p. 381). La peine infligée par le juge pénal est le premier critère servant à évaluer la gravité de la faute et à procéder à la pesée des intérêts. Lors d'infractions pénales graves, il existe, sous réserve de liens personnels ou familiaux prépondérants, un intérêt public digne de protection à mettre fin au séjour d'un étranger afin de préserver l'ordre public et à prévenir de nouveaux actes délictueux. La durée de présence en Suisse d'un étranger constitue un autre critère très important. Plus cette durée est longue, plus les conditions pour prononcer l'expulsion administrative doivent être appréciées restrictivement (cf. ATF 135 II 377 consid. 4.4 et 4.5 p. 382 s.). La révocation de l'autorisation d'établissement d'un étranger qui séjourne depuis longtemps en Suisse doit se faire avec une retenue particulière, mais n'est pas exclue en cas d'infractions graves ou répétées même en présence d'un étranger né en Suisse et qui y a passé l'entier de sa vie. On tiendra alors particulièrement compte de l'intensité des liens de l'étranger avec la Suisse et des difficultés de réintégration dans son pays d'origine (ATF 139 I 145 consid. 2.4 p. 149; 139 I 16 consid. 2.2.1 p. 19 ss; 139 I 31 consid. 2.3.1 p. 33 ss).
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4.3. La faute de l'intimé est lourde et les infractions commises très graves (cf. consid. 3.3 supra). Au demeurant, il s'agit d'infractions pour lesquelles le législateur a entendu se montrer intransigeant (cf. art. 121 al. 3 let. a Cst. et 66a al. 1 let. h CP). Dans ces circonstances, seuls des éléments exceptionnels permettraient de faire pencher la balance en la faveur de l'intéressé.
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Il faut retenir que l'intéressé est arrivé en Suisse en 1988, alors âgé d'une vingtaine d'années. Il a donc vécu la majeure partie de sa vie dans notre pays. L'arrêt attaqué ne contient pas d'indication sur la profession de l'intimé. Il mentionne toutefois que celui-ci est arrivé en Suisse en tant que saisonnier et qu'il a aujourd'hui un emploi. Il n'a jamais été à charge de l'aide sociale. L'intimé est intégré professionnellement et socialement. Certes, le long séjour en Suisse de l'intimé rendrait un départ en Espagne difficile et, au regard de son âge, l'intégration professionnelle dans ce pays ne serait pas exempte de difficultés. Toutefois, ce n'est pas un pays qui lui est totalement étranger. Il y a en effet passé toute son enfance et adolescence et il en maîtrise donc la langue et la culture. En ce qui concerne les relations familiales en Suisse, l'intimé, séparé de son épouse, ne peut plus avoir de contact avec elle. Quant à son fils, il est placé en institution. Si l'intéressé lui rend visite régulièrement, ce n'est qu'à raison de deux heures tous les quinze jours. Il est vrai qu'il est peu probable que le fils, compte tenu de son handicap, puisse se rendre en Espagne pour voir son père. Cela ne signifie cependant pas que des liens ne pourraient pas être maintenus par les moyens modernes de communication et que l'intimé ne puisse pas venir rendre visite à son fils en Suisse. Pour l'heure, il n'apparaît pas qu'une interdiction d'entrée ait été prononcée à l'encontre de l'intéressé; et si cela devait être le cas, il pourrait vraisemblablement obtenir des autorisations, afin de venir voir son fils. Un départ de l'intimé représenterait certainement une difficulté à surmonter pour celui-ci, bien que les contacts entre les deux sont limités, mais cet élément, compte tenu des actes répréhensibles en cause, n'est pas suffisant pour contrebalancer l'intérêt public à l'éloignement de l'intimé.
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4.4. L'intimé invoque l'arrêt 2C_94/2016 du 2 novembre 2016, cas dans lequel un étranger avait pu rester en Suisse alors qu'il avait été condamné à une peine privative de liberté de quatre ans et demi pour, notamment, infractions à la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes et pour lésions corporelles simples. Cette affaire n'est cependant pas comparable à la sienne, puisqu'outre la différence dans les faits commis, l'étranger, dans ladite cause, était né en Suisse, marié à une Suissesse et père d'un enfant en bas âge.
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On peut en revanche rapprocher le cas de l'intimé de, notamment, la cause 2C_787/2015 du 29 mars 2016: un ressortissant allemand, d'un âge proche de celui de l'intimé et également au bénéfice d'une autorisation d'établissement, avait été condamné à une peine privative de liberté de vingt-quatre mois pour des actes sexuels sur sa fille; il a dû quitter la Suisse, alors qu'il était né dans ce pays, y avait de la famille et y était intégré socialement et professionnellement (cf. également arrêt 2C_976/2017 du 8 février 2018: peine de deux et neuf mois pour notamment contrainte sexuelle et actes d'ordre sexuel avec des enfants prononcée à l'encontre d'un ressortissant italien).
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4.5. En conclusion, l'intimé ne peut pas se prévaloir de circonstances exceptionnelles, nécessaires au regard des infractions extrêmement graves commises et de la lourde peine infligée, ce qui conduit à faire primer l'intérêt public à l'éloigner de Suisse sur son intérêt privé à y demeurer.
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5. Compte tenu de ce qui précède, le recours est admis et l'arrêt du 21 novembre 2017 de la Cour de justice est annulé. Le jugement du 6 février 2017 du Tribunal de première instance est confirmé. Le dossier est renvoyé au Département de la sécurité, afin qu'il fixe un nouveau délai de départ à l'intimé.
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Succombant, l'intimé doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Aucun dépens ne sera alloué au Secrétariat d'Etat aux migrations, qui obtient gain de cause dans l'exercice de ses attributions officielles (art. 68 al. 1 et 3 LTF). L'affaire sera en outre renvoyée à la Cour de justice afin qu'elle fixe à nouveau les frais et dépens de la procédure cantonale (cf. art. 67 et 68 al. 5 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est admis. L'arrêt du 21 novembre 2017 de la Cour de justice est annulé et le jugement du 6 février 2017 du Tribunal de première instance rétabli. Le Département de la sécurité et de l'économie est chargé de fixer un nouveau délai de départ.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
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3. Il n'est pas alloué de dépens.
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4. La cause est renvoyée à la Cour de justice, afin qu'elle fixe à nouveau les frais et dépens de la procédure cantonale.
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5. Le présent arrêt est communiqué au recourant, au mandataire de l'intimé, au Département de la sécurité et de l'économie ainsi qu'à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 1ère section.
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Lausanne, le 5 juillet 2018
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Au nom de la IIe Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Seiler
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La Greffière : Jolidon
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