BGer 8C_510/2018 |
BGer 8C_510/2018 vom 12.03.2019 |
8C_510/2018 |
Arrêt du 12 mars 2019 |
Ire Cour de droit social |
Composition
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MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard, Président, Frésard et Heine.
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Greffière : Mme Castella.
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Participants à la procédure
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A.________,
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représentée par CAP Compagnie d'Assurance de Protection Juridique SA,
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recourante,
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contre
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Service de l'emploi du canton de Vaud, Instance Juridique Chômage,
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rue Marterey 5, 1014 Lausanne,
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intimé.
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Objet
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Assurance-chômage (remise de l'obligation de restituer; bonne foi),
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recours contre le jugement de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 14 juin 2018 (ACH 19/18 - 103/2018).
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Faits : |
A.
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A.a. Le 17 décembre 2014, A.________, née en 1973, s'est inscrite à l'Office régional de placement de Lausanne (ci-après: ORP) et a requis l'octroi d'indemnités de chômage à compter du 1
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A.b. Par courrier du 1
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Saisie d'un recours contres les deux décisions sur opposition, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: la Cour des assurances sociales) l'a rejeté par jugement du 2 mai 2016. Le recours interjeté contre ce jugement a lui aussi été rejeté par le Tribunal fédéral par arrêt du 23 décembre 2016 (cause 8C_421/2016).
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A.c. Le 15 février 2017, A.________ a déposé une demande de remise de l'obligation de restituer. Par décision du 14 août 2017, confirmée sur opposition le 22 décembre 2017, le Service de l'emploi du canton de Vaud (SPE) a refusé d'accorder la remise, au motif que l'assurée ne pouvait se prévaloir de sa bonne foi.
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B. Par jugement du 14 juin 2018, la Cour des assurances sociales a rejeté le recours formé par l'assurée contre la décision sur opposition du 22 décembre 2017.
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C. A.________ a déposé un recours contre ce jugement dont elle demande l'annulation en concluant à la reconnaissance de sa bonne foi et au renvoi de la cause au SPE pour instruire la question de la rigueur économique, le tout sous suite de frais et dépens.
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Le SPE conclut au rejet du recours.
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Considérant en droit : |
1. Le litige porte sur les conditions de la remise de l'obligation de restituer les prestations de chômage indues, singulièrement sur le point de savoir si la recourante remplit la condition de la bonne foi.
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2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Il n'entre pas en matière sur des critiques appellatoires portant sur l'appréciation des preuves ou l'établissement des faits par l'autorité précédente (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253).
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3. Selon l'art. 25 al. 1 LPGA (RS 830.1), les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile. Ces deux conditions matérielles sont cumulatives et leur réalisation est nécessaire pour que la remise de l'obligation de restituer soit accordée (ATF 126 V 48 consid. 3c p. 53; arrêt 9C_638/2014 du 13 août 2015 consid. 4.1).
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Selon la jurisprudence, l'ignorance, par le bénéficiaire des prestations, du fait qu'il n'avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre sa bonne foi. Il faut bien plutôt que le requérant ne se soit rendu coupable, non seulement d'aucune intention malicieuse, mais aussi d'aucune négligence grave. Il s'ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de restituer - comme par exemple une violation du devoir d'annoncer ou de renseigner - sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. En revanche, le bénéficiaire peut invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne constituent qu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner (ATF 138 V 218 consid. 4 p. 220 s.; 112 V 97 consid. 2c p. 103; 110 V 176 consid. 3c p. 180).
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Il y a négligence grave quand un ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d'une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (ATF 110 V 176 précité consid. 3d p. 181). L'examen de l'attention exigible d'un ayant droit qui invoque sa bonne foi relève du droit et le Tribunal fédéral revoit librement ce point (ATF 122 V 221 consid. 3 p. 223, 102 V 245 consid. b p. 246).
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4. La cour cantonale a constaté que la recourante, tout en sachant que son domicile principal était en France, avait indiqué uniquement son lieu de résidence secondaire suisse sur plusieurs formulaires, en particulier dans la demande d'indemnité. Elle devait donc se douter que la caisse de chômage n'était pas en possession de toutes les informations lui permettant de statuer de manière correcte sur son droit au chômage. La recourante n'avait pourtant pas fait corriger son adresse, telle qu'elle ressortait de la documentation ni précisé qu'elle n'était à Lausanne qu'en résidence secondaire. En outre, elle avait dû assister à la séance collective d'information collective sur l'assurance-chômage au cours de laquelle est rappelée l'obligation de domicile en Suisse. Par ailleurs, le fait que les décomptes de salaire de l'ancien employeur étaient adressés en France n'était pas déterminant au vu des déclarations successives de la recourante, selon lesquelles elle était domiciliée à Lausanne. Enfin, il n'était pas établi que la caisse de chômage avait eu connaissance de l'attestation du contrôle des habitants de la ville de Lausanne - d'où il ressort qu'elle y est inscrite en résidence secondaire - avant le printemps 2015.
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5. La recourante fait valoir que le domicile principal et le domicile secondaire sont des notions juridiques qui ne sont pas compréhensibles pour le commun des mortels, qu'il n'est pas démontré qu'elle connaissait la différence entre ces deux notions et son influence sur le droit aux prestations. Il ne serait pas non plus établi que les participants à la séance d'information ont été renseignés sur ces notions. Se référant à la décision sur opposition de la caisse de chômage du 28 septembre 2015 (niant son droit à l'indemnité), la recourante affirme en outre que l'une des secrétaires de l'ORP donne comme information que les personnes peuvent s'inscrire (à l'ORP) même si elles ne disposent que d'une résidence secondaire en Suisse. Elle fait également valoir qu'elle a toujours transmis tous les documents demandés en temps et en heure. Pour elle, il était naturel d'indiquer Lausanne comme domicile dans la mesure où depuis 10 ans elle y habitait, y travaillait, avait payé ses cotisations en Suisse et entendait y chercher du travail. La transmission en décembre 2014 de l'attestation de domicile du contrôle des habitants démontrerait aussi sa bonne foi, indépendamment de la date à laquelle la caisse de chômage a reçu le document. La recourante se prévaut enfin de pièces mentionnant l'adresse en France (décomptes de salaire; formulaire "obligation d'entretien envers des enfants") et soutient qu'elle n'avait aucun intérêt particulier à percevoir des prestations de chômage en Suisse alors qu'elle aurait pu toucher des indemnités pour le moins identiques en France.
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6. Les arguments avancés par la recourante ne sont pas susceptibles d'établir sa bonne foi. En effet, même si lors de son inscription au chômage elle n'avait pas saisi exactement la notion du domicile, au sens de l'assurance-chômage, il pouvait raisonnablement être exigé de sa part qu'elle mentionne le lieu où elle réside à titre principal plutôt que sa résidence secondaire ou, en cas d'incertitudes, qu'elle se renseigne ou indique les deux adresses. Dans tous les cas, le rappel de l'obligation de domicile en Suisse lors de la séance d'information collective aurait dû susciter auprès de la recourante le doute que son domicile français pouvait constituer un obstacle à la reconnaissance de son droit à l'indemnité. Ensuite, en tant que la recourante se prévaut des déclarations de l'ORP, elle invoque des faits qui n'ont pas été constatés par la juridiction cantonale. Quoi qu'il en soit, la collaboratrice aurait également déclaré - selon l'acte de recours - que l'on ne pouvait pas déduire de l'inscription à l'ORP un droit à l'indemnité de chômage, de sorte que cet argument ne plaide pas en faveur de la thèse de la recourante. Quant aux liens qu'elle entretenait avec la ville de Lausanne et, de manière générale, avec la Suisse, ils sont plutôt de nature à remettre en cause la question de sa résidence habituelle, sur laquelle il n'y a toutefois plus lieu de revenir à ce stade de la procédure. Enfin, l'équivalence des indemnités de chômage suisse et française n'est de loin pas établie. En conclusion, si l'on peut inférer des pièces mentionnées par la recourante (décomptes de salaire; formulaire "obligation d'entretien envers des enfants") qu'elle n'entendait pas cacher son adresse en France, il n'en reste pas moins qu'en donnant uniquement celle de sa résidence secondaire en Suisse dans les formulaires de l'ORP et de la caisse de chômage, elle a commis une négligence grave de nature à exclure sa bonne foi, au sens de la jurisprudence. Par conséquent le jugement attaqué n'est pas critiquable et le recours se révèle mal fondé.
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7. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est rejeté.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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3. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud et au Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO).
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Lucerne, le 12 mars 2019
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Au nom de la Ire Cour de droit social
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Maillard
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La Greffière : Castella
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