BGer 1C_122/2019 |
BGer 1C_122/2019 vom 18.03.2019 |
1C_122/2019 |
Arrêt du 18 mars 2019 |
Ire Cour de droit public |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Chaix, Président,
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Fonjallaz et Kneubühler.
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Greffier : M. Parmelin.
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Participants à la procédure
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A.________,
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recourant,
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contre
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Commission des mesures administratives en matière de circulation routière de l'Etat de Fribourg.
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Objet
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Restitution conditionnelle du permis de conduire après un retrait de sécurité,
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recours contre l'arrêt de la IIIe Cour administrative
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du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg du 28 janvier 2019 (603 2018 160).
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Considérant en fait et en droit : |
1. A.________ a été intercepté le 4 mars 2018, à 18h00, en ville de Bulle, par la gendarmerie fribourgeoise alors qu'il circulait au volant d'un véhicule automobile en état d'ébriété qualifiée.
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Le 8 mars 2018, la Commission des mesures administratives en matière de circulation routière de l'Etat de Fribourg (ci-après: la Commission) a prononcé le retrait préventif du permis de conduire de l'intéressé et a subordonné la reconsidération de cette mesure à la production d'une expertise médicale favorable.
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A.________ s'est présenté le lendemain au Centre cantonal d'addictologie du Réseau fribourgeois de santé mentale pour un suivi psychiatrique.
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Dans son rapport d'expertise du 11 juillet 2018, le Dr B.________, médecin consultant en alcoologie à X.________, a relevé que l'anamnèse personnelle de l'expertisé, les examens de laboratoire effectués les 12 avril et 11 mai 2018 et les déclarations du Dr C.________, médecin adjoint au Centre cantonal d'addictologie, parlaient en faveur d'une dépendance à l'alcool et a conclu à l'inaptitude de A.________ à la conduite.
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Par décision du 16 août 2018, la Commission a ordonné le retrait du permis de conduire de A.________ pour une durée indéterminée mais de trois mois au moins à compter du 4 mars 2018. Elle a subordonné la réadmission de l'intéressé à la circulation routière à la production, au plus tôt à fin septembre 2018, d'un rapport d'analyse attestant d'une abstinence de toute consommation d'alcool d'au moins six mois, contrôlée cliniquement et biologiquement par un examen toxicologique par analyse capillaire, et à la production en parallèle d'une attestation de son psychiatre traitant confirmant son aptitude psychologique à la conduite d'un véhicule à moteur.
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Le rapport d'expertise capillaire établi le 21 septembre 2018 par l'Unité de toxicologie et chimie forensiques du Centre universitaire romand de médecine légale à Lausanne a confirmé l'absence de consommation d'éthanol dans les cinq à six mois précédant le prélèvement effectué le 4 septembre 2018.
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Le 25 septembre 2018, le Dr B.________ a établi un rapport favorable quant à la restitution du droit de conduire sous réserve que A.________ poursuive les contrôles capillaires à une fréquence de tous les six mois durant une période d'une année pour confirmer l'abstinence de toute consommation d'alcool, comme précisé lors de son expertise du 11 juillet 2018.
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Le 25 septembre 2018, le Dr C.________ a également confirmé la capacité de conduite de l'intéressé au vu de l'évolution favorable d'un point de vue psychiatrique et addictologique, avec une abstinence à l'alcool, constatée depuis le début de son suivi au mois de mars 2018.
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Par décision du 11 octobre 2018, la Commission a révoqué le retrait de sécurité prononcé le 16 août 2018 et a réadmis A.________ à la circulation routière moyennant le respect des conditions suivantes:
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" - Poursuite du suivi auprès du Dr B.________, pour une durée de douze mois au moins. Ce dernier confirmera votre aptitude à la conduite des véhicules du 1 er groupe.
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- Abstinence de toute consommation d'alcool durant une période supérieure ou égale à douze mois au moins contrôlée cliniquement et biologiquement en vous soumettant à deux examens toxicologiques par analyses capillaires ( six centimètres de cheveux par examen; recherche d'éthylglucoronide -EtG). Un premier rapport d'analyse attestant de cette abstinence devra ainsi nous parvenir sans autre au plus tard le 20 avril 2019, le second six mois plus tard.
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- Durant une période de six mois au moins, maintien du suivi psychiatrique auprès du Dr C.________ et production d'un rapport attestant de ce suivi et de votre parfaite aptitude d'un point de vue psychologique à la conduite des véhicules du 1 er groupe au plus tard le 20 avril 2019.
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- Les suivis médicaux et l'abstinence exigée devront être poursuivis sans interruption jusqu'à nouvelle décision de l'autorité.
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- Les frais résultant des examens médicaux, analyses, entretiens de conseils et établissements des rapports médicaux sont à votre charge. "
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A.________ était en outre rendu attentif au fait qu'en cas de non-respect des conditions précitées, son permis de conduire lui serait à nouveau retiré.
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Au terme d'un arrêt rendu le 28 janvier 2019 sur recours de A.________, la III e Cour administrative du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg a modifié les conditions posées par la Commission comme suit :
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" - Abstinence de toute consommation d'alcool durant une période supérieure ou égale à douze mois au moins contrôlée cliniquement et biologiquement en vous soumettant à deux examens toxicologiques par analyses capillaires (six centimètres de cheveux par examen; recherche d'éthylglucoronide -EtG). Un premier rapport d'analyse attestant de cette abstinence devra ainsi nous parvenir sans autre au plus tard le 20 avril 2019 (respectivement six mois après la notification de l'arrêt du Tribunal cantonal), le second six mois plus tard.
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- Durant une période de six mois au moins, maintien du suivi psychiatrique auprès du Dr C.________ ou d'un autre médecin psychiatre et production d'un rapport attestant de ce suivi et de votre parfaite aptitude d'un point de vue psychologique à la conduite des véhicules du 1 er groupe au plus tard le 20 avril 2019 (respectivement six mois après la notification de l'arrêt du Tribunal cantonal).
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- Les suivis médicaux et l'abstinence exigée devront être poursuivis sans interruption jusqu'à nouvelle décision de l'autorité.
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- Les frais résultant des examens médicaux, analyses, entretiens de conseils et établissements des rapports médicaux sont à votre charge. "
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Par acte du 27 février 2019, A.________ recourt contre cet arrêt auprès du Tribunal fédéral en contestant la limitation de ses libertés individuelles au-delà de six mois.
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Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. Le Tribunal cantonal a produit son dossier.
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2. L'arrêt attaqué, rendu en dernière instance cantonale dans le cadre d'une procédure administrative de retrait du permis de conduire, fixe les conditions auxquelles A.________ peut être réadmis à la circulation routière à la suite de la révocation du retrait de sécurité prononcé à son encontre en raison d'une dépendance à l'alcool. Cette décision est susceptible d'un recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss de la loi sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110). Le recourant est particulièrement touché par l'arrêt cantonal, qui l'astreint notamment à se soumettre à une abstinence médicalement contrôlée de toute consommation d'alcool durant une période de douze mois, et peut se prévaloir d'un intérêt digne de protection à obtenir sa modification (au sens de l'art. 89 al. 1 LTF).
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Le mémoire de recours doit contenir les conclusions et les motifs à l'appui de celles-ci (art. 42 al. 1 LTF) sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF). Les conclusions doivent indiquer sur quels points la décision est attaquée et quelles sont les modifications demandées (ATF 133 III 489 consid. 3.1). Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit (art. 42 al. 2 LTF). Pour satisfaire à cette exigence, il appartient au recourant de discuter au moins brièvement les considérants de la décision litigieuse et d'expliquer en quoi ceux-ci seraient contraires au droit (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 91). En outre, les éventuels griefs de violation des droits fondamentaux sont soumis à des exigences de motivation accrues (art. 106 al. 2 LTF), le recourant devant alors citer les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés (ATF 142 II 369 consid. 2.1 p. 372). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368).
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Le recourant n'a pris aucune conclusion formelle en lien avec l'arrêt attaqué. Il conteste toutefois " la limitation de ses libertés individuelles au-delà de six mois ". On peut admettre qu'il s'en prend à la condition de l'abstinence contrôlée de toute consommation d'alcool durant une période de douze mois subordonnée au maintien de son droit de conduire et qu'il conclut à la réforme de l'arrêt attaqué sur ce point en ce sens que la durée de la période d'abstinence est limitée à six mois. Pour le surplus, le recourant n'indique ni les normes du droit fédéral ni les principes constitutionnels qui auraient été violés comme il lui incombait de le faire en vertu de l'art. 106 al. 2 LTF. On comprend néanmoins de son mémoire de recours qu'il tient pour excessive et disproportionnée la durée de la période d'abstinence médicalement contrôlée de toute consommation d'alcool à laquelle son maintien du droit de conduire a été subordonné. Quoi qu'il en soit, vu l'issue du recours, la recevabilité de celui-ci au regard des exigences de motivation requises peut demeurer indécise.
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3. Le recourant ne conteste pas le maintien du suivi psychiatrique auprès du Dr C.________ ou d'un autre médecin psychiatre durant une période de six mois au moins et la production d'un rapport attestant de ce suivi et de son aptitude d'un point de vue psychologique à la conduite des véhicules automobiles. Compte tenu de son alcoolémie " à la limite inférieure du déclenchement des démarches ", de l'absence de tout antécédent et d'alcoolisme invétéré ainsi que de l'arrêt immédiat complet de toute consommation d'alcool constaté par le Dr B.________ lors de l'expertise, il soutient qu'une abstinence médicalement contrôlée de toute consommation d'alcool de six mois serait suffisante. Il reproche à la cour cantonale de ne pas avoir exposé les raisons qui l'ont amenée à fixer la période de contrôle à douze mois, l'empêchant ainsi de contester son arrêt à bon escient.
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La Cour administrative a retenu que le trouble lié à la consommation d'alcool dont souffrait le recourant était de nature à générer des doutes sérieux quant à son aptitude à la conduite sûre de véhicules à moteur et qu'un risque de récidive ne pouvait pas d'emblée être écarté, de sorte que l'exigence de la poursuite d'un suivi strict sur une période limitée à douze mois apparaissait comme évidente et pleinement justifiée. Il est en effet impératif que le recourant démontre qu'il est clairement entré dans un processus établissant un changement durable de ses habitudes vis-à-vis de l'alcool. La cour cantonale a ajouté que si la restitution du permis de conduire n'était pas critiquable compte tenu des efforts fournis par le recourant, qui a immédiatement après l'évènement survenu le 4 mars 2018 pris conscience de sa situation et entamé une thérapie, le fait de l'assortir d'une condition le contraignant à effectuer un examen toxicologique par analyse capillaire et à produire un rapport d'analyse attestant du respect de l'abstinence totale de toute consommation d'alcool sur une période de douze mois ne l'était pas non plus. En effet, il convient de s'assurer que l'aptitude à la conduite du recourant se maintiendra durablement. Ainsi la condition imposée par la Commission paraît constituer une mesure raisonnable et apte à garantir la sécurité routière, ce d'autant si on se réfère à la jurisprudence du Tribunal fédéral permettant des périodes de contrôles bien plus longues (cf. arrêts 1C_342/2009 du 23 mars 2010 consid. 2.4 et 6A.77/2004 du 1 er mars 2005 consid. 2.1). Cette solution a également le mérite de réadmettre le recourant à la circulation et de ne pas porter trop lourdement atteinte à sa personnalité. Elle n'est en conséquence nullement disproportionnée.
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La Cour administrative a donc clairement expliqué les raisons pour lesquelles elle considérait qu'une abstinence médicalement contrôlée sur une période de douze mois était proportionnée et a satisfait ainsi à son devoir de motiver ses décisions. Le recourant ne conteste pas avec raison que la restitution du droit de conduire après un retrait de sécurité prononcé en raison d'une dépendance à l'alcool puisse être soumise à des conditions. L'art. 17 al. 3 LCR prévoit en effet qu'après un tel retrait, le permis pourra être restitué à son titulaire, passé l'éventuel délai d'épreuve prévu par la loi ou imparti par l'autorité, à certaines conditions. Suivant la pratique du Tribunal fédéral, la restitution du permis de conduire après un retrait de sécurité prononcé en raison d'une dépendance à l'alcool peut être subordonnée à une abstinence contrôlée médicalement limitée dans le temps afin de s'assurer de la guérison durable de l'intéressé et de diminuer le risque de récidive pour quelque temps encore après la réadmission à la conduite (cf. arrêt 1C_238/2013 du 27 août 2013 consid. 3.4). Le recourant n'indique pas sur la base de quelle disposition il pourrait prétendre à ce que l'abstinence contrôlée soit limitée à six mois. Une telle durée ne ressort pas de la loi. L'autorité administrative dispose sur ce point d'un important pouvoir d'appréciation (ATF 129 II 82 consid. 2.2 p. 84; arrêt 1C_243/2010 du 10 décembre 2010 consid. 2.2). En référence à la doctrine médicale, la jurisprudence a admis qu'une guérison durable d'une dépendance à l'alcool requérait une thérapie et des contrôles durant quatre à cinq ans après la restitution du permis de conduire ainsi qu'une abstinence totale médicalement contrôlée durant trois ans au moins (arrêt 6A.77/2004 du 1 er mars 2005 consid. 2.1 et les références citées, repris à l'arrêt 1C_342/2009 du 23 mars 2010 consid. 2.4) même si des délais plus courts sont usuels (CÉDRIC MIZEL, Droit et pratique illustrée du retrait du permis de conduire, 2015, ch. 77.3.2, p. 568).
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En l'occurrence, le Dr B.________, dont les compétences en la matière ne sauraient être contestées pour les raisons évoquées dans l'arrêt attaqué (consid. 5.2.1), a recommandé l'instauration de contrôles capillaires à une fréquence de six mois sur une période d'une année pour confirmer l'abstinence de toute consommation d'alcool. La Cour administrative ne pouvait s'écarter de cet avis qu'en présence de raisons valables et sérieuses pour ce faire (ATF 140 II 334 consid. 3 p. 338; arrêt 1C_320/2017 du 9 janvier 2018 consid. 2.3). L'absence de toute infraction aux règles de la circulation routière avant l'épisode du 4 mars 2018 n'est pas pertinente dans la mesure où une dépendance à l'alcool a été diagnostiquée à cette occasion tant par le Dr C.________ que par le Dr B.________. Le fait que le recourant n'a pas consommé d'alcool depuis lors, comme le confirme le résultat de l'analyse capillaire effectuée le 4 septembre 2018, ne signifie pas encore qu'il serait durablement guéri de sa dépendance à l'alcool. A tout le moins, compte tenu du danger indiscutable que représente la conduite sous l'influence de l'alcool pour les usagers de la route, il était justifié d'exiger que cette preuve soit rapportée par une abstinence contrôlée sur une certaine durée afin d'éviter une éventuelle rechute. A cet égard, la soumission à deux contrôles capillaires à un intervalle de six mois constitue une mesure appropriée qui n'apparaît ni invasive ni excessive notamment au regard de la pratique du Tribunal fédéral. La référence du recourant au document intitulé " Aptitude à conduire et Alcool, produits stupéfiants et médicaments psychotropes, L'examen de médecine du trafic et son évaluation " établi en avril 2018 par la Section de médecine du trafic de la Société Suisse de Médecine Légale ne lui est d'aucun secours. Au contraire, elle va dans le sens de la jurisprudence rendue à ce jour en la matière puisque cet organisme admet qu'en cas de restitution de l'aptitude médicale à conduire, des conditions peuvent être proposées afin de stabiliser et de diminuer le risque de récidive pendant une certaine période d'observation et recommande une abstinence pouvant aller jusqu'à trois ans dans le cas d'un diagnostic de dépendance respectivement, en cas d'abus d'alcool, une abstinence à l'alcool avec un contrôle de la consommation d'alcool pouvant aller jusqu'à deux ans (cf. chiffre 2.6.4.2; voir aussi, PASCHE/LIAUDET/SELZ/FAVRAT, Aptitude à la conduite : prises en charge spécifiques en 2017, Revue médicale suisse 2017, vol. 13, p. 1888).
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En définitive, l'exigence d'une abstinence contrôlée sur une période d'une année imposée au recourant comme condition au maintien de son droit de conduire les véhicules automobiles du 1 er groupe repose sur une base légale suffisante, répond à un intérêt public majeur lié à la sécurité routière et n'est pas disproportionnée.
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4. Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est recevable, selon la procédure simplifiée prévue par l'art. 109 al. 2 let. a LTF. Les frais du présent arrêt seront mis à la charge du recourant qui succombe (art. 65 et 66 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
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3. Le présent arrêt est communiqué au recourant, à la Commission des mesures administratives en matière de circulation routière et à la IIIe Cour administrative du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.
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Lausanne, le 18 mars 2019
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Chaix
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Le Greffier : Parmelin
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