BGer 5A_39/2019 |
BGer 5A_39/2019 vom 09.05.2019 |
5A_39/2019 |
Arrêt du 9 mai 2019 |
IIe Cour de droit civil |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président,
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Schöbi et Bovey.
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Greffière : Mme Hildbrand.
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Participants à la procédure
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A.________,
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représenté par Me Stephen Gintzburger, avocat,
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recourant,
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contre
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B.________,
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représentée par Me Damien Hottelier, avocat,
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intimée.
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Objet
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mesures provisionnelles, modification d'un jugement de divorce étranger,
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recours contre l'arrêt de la Juge déléguée de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud
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du 4 décembre 2018 (PD17.031760-181118-181125 688).
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Faits : |
A. |
A.a. B.________, née en 1965 et A.________, né en 1960, tous deux de nationalité américaine, se sont mariés le 14 mai 1995 à U.________ (Massachusetts, États-Unis). Quatre enfants sont issus de cette union: C.________, né en 1997, aujourd'hui majeur, D.________, née en 2000, devenue majeure en cours de procédure, E.________, né en 2003, et F.________, née en 2006.
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A.b. Par jugement rendu le 4 mars 2015, devenu définitif et exécutoire le 3 juin 2015, le
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A.c. Par jugement rendu le 6 juin 2016, la Présidente du Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois (ci-après: la présidente du tribunal d'arrondissement) a reconnu la décision américaine du 4 mars 2015 précitée et a ratifié, pour valoir jugement, la convention, signée par les parties les 15 et 17 février 2016, complétant ledit jugement de divorce s'agissant de leurs droits parentaux sur leurs enfants encore mineurs.
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B. |
B.a. Le 19 juillet 2017, B.________ a déposé devant le Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois (ci-après: le tribunal d'arrondissement) une demande en modification du jugement de divorce américain, avec requête de mesures provisionnelles, aux fins de modifier le montant des contributions d'entretien dues par A.________ en faveur des enfants D.________, E.________ et F.________.
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Par requête de mesures provisionnelles et superprovisionnelles du 7 septembre 2017, B.________ a confirmé, à titre principal, les conclusions prises au pied de sa requête du 19 juillet 2017 et a conclu, à titre subsidiaire, à ce que soit reconnue la compétence exclusive du tribunal d'arrondissement pour statuer sur la demande en modification du jugement de divorce.
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B.b. Par ordonnance de mesures superprovisionnelles rendue le 8 septembre 2017, la présidente du tribunal d'arrondissement a reconnu la compétence exclusive du tribunal d'arrondissement pour statuer sur ladite demande.
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B.c. Par décision de mesures provisionnelles rendue le 14 septembre 2017, le
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B.d. Le 13 décembre 2017, A.________ a déposé des déterminations sur la requête de mesures provisionnelles déposée le 19 juillet 2017 devant le tribunal d'arrondissement, au pied desquelles il a pris les conclusions suivantes:
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" Principalement:
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I.- Reconnaître la décision de mesures provisionnelles, (" Order " sous numéro d'ordre xxxxxxxxxxx) rendue par The Trial Court, Probate and Family Court Department, Franklin Division, (" Order ") du 14 septembre 2017.
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II.- Dire que la requête de mesures provisionnelles, du 19 juillet 2017, déposée pour B.________ devant le Président du Tribunal civil d'arrondissement de l'Est vaudois est irrecevable, et refuser d'entrer en matière.
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Subsidiairement:
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III.- Suspendre la procédure provisionnelle introduite à la suite de la requête de mesures provisionnelles du 19 juillet 2017 déposée pour B.________ jusqu'à droit connu dans l'affaire ouverte devant le Trial Court, Probate and Family Court Department, Franklin Division, Massachusetts, Etats-Unis.
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Plus subsidiairement:
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IV.- Rejeter les conclusions de la requête de mesures provisionnelles déposée pour B.________. "
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B.e. A l'audience de conciliation et de mesures provisionnelles du 15 décembre 2017, B.________ a déposé un complément à sa requête de mesures provisionnelles du 19 juillet 2017, amplifiant ses conclusions et les faisant également porter sur la contribution d'entretien due en sa faveur.
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B.f. Le 27 mars 2018, le
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B.g. Par ordonnance de mesures provisionnelles du 10 juillet 2018, la présidente du tribunal d'arrondissement a admis partiellement les conclusions prises par B.________ au pied de sa requête de mesures provisionnelles du 19 juillet 2017, telles que modifiées au pied de son complément du 15 décembre 2017 (I), a dit que le Tribunal de l'arrondissement de l'Est vaudois était exclusivement compétent pour statuer, par voie de mesures provisionnelles, sur la modification des contributions d'entretien dues par A.________ en faveur de B.________ et de leurs enfants D.________, E.________ et F.________ (II), a dit que les frais et dépens de la procédure provisionnelle suivaient le sort de la procédure au fond (III), a rejeté toutes autres ou plus amples conclusions (IV) et a déclaré l'ordonnance immédiatement exécutoire (V).
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En droit, appelé à statuer sur une requête provisionnelle en modification d'un jugement de divorce américain, le premier juge a dans un premier temps considéré qu'il était exclusivement compétent pour statuer sur cette question et que la requête était recevable, quand bien même l'époux débirentier avait déposé subséquemment une requête similaire devant les autorités américaines. Après examen des revenus du débirentier, le premier juge a en revanche considéré que la crédirentière n'avait pas apporté la preuve de l'existence de changements notables et durables dans la situation financière du prénommé justifiant une modification des contributions dues à l'entretien des enfants, qu'en outre la posture de l'épouse crédirentière qui se prévalait d'une diminution des revenus du débirentier pour obtenir une hausse des contributions était pour le moins paradoxale et qu'enfin, la modification invoquée n'était pas nécessairement durable. S'agissant de la contribution due à l'entretien de l'épouse, le premier juge a considéré que, d'une part, le droit américain applicable n'était pas établi et, d'autre part, que les conclusions de l'épouse étaient si contraires à la logique qu'un examen prima facie suffisait à les rejeter.
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B.h. Les deux époux ont formé appel de cette ordonnance.
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A.________ a conclu en substance à la réforme de l'ordonnance entreprise en ce sens que soit reconnue la décision de mesures provisionnelles rendue le 14 septembre 2017 par le tribunal américain, que la requête de mesures provisionnelles déposée le 19 juillet 2017 par B.________ soit déclarée irrecevable et, subsidiairement, que la procédure provisionnelle introduite par la requête précitée soit suspendue jusqu'à droit connu sur la procédure de reconnaissance du jugement de modification du jugement de divorce du 27 mars 2018 rendu par le tribunal américain.
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B.i. Par arrêt du 4 décembre 2018, expédié le 10 suivant, la Juge déléguée de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois (ci-après: la Juge déléguée) a, entre autres points, rejeté l'appel de B.________, rejeté celui de A.________ dans la mesure de sa recevabilité, a réformé d'office l'ordonnance de mesures provisionnelles du 10 juillet 2018 par la suppression du chiffre II de son dispositif et l'a confirmée pour le surplus.
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Examinant l'appel de A.________, la Juge déléguée a tout d'abord déclaré irrecevable la conclusion de ce dernier tendant à la reconnaissance de la décision de mesures provisionnelles rendue le 14 septembre 2017 par le tribunal américain. En effet, sous l'angle de l'art. 59 al. 2 let. a CPC, l'appelant ne disposait pas d'intérêt à faire trancher une requête qui n'est pas objet de la décision querellée et dont le premier juge a relevé qu'elle n'était pas en état d'être jugée, la partie adverse n'ayant pas eu l'occasion de se déterminer (consid. 1.2 p. 19). La Juge déléguée a ensuite admis que la compétence de l'autorité de première instance pour statuer sur la requête provisionnelle était une condition préalable à l'examen du litige et que le premier juge se devait de l'examiner dans les considérants de sa décision. Les parties ne disposaient toutefois pas d'un intérêt à la constatation formelle de la compétence de l'autorité saisie, ni à ce qu'elle figure dans le dispositif de la décision. Il n'y avait dès lors pas lieu pour le premier juge de donner suite à cette conclusion en constatation de sa compétence, d'autant qu'une compétence exclusive au stade des mesures provisionnelles n'était pas manifeste dans le cas d'espèce. Il convenait ainsi de réformer d'office l'ordonnance querellée par la suppression du chiffre II de son dispositif. Ce nonobstant, il s'agissait d'examiner les griefs de l'appelant s'agissant de la compétence du premier juge à se saisir du litige. Or celle-ci était donnée sur la base des art. 9 et 62 LDIP, dans la mesure notamment où le tribunal d'arrondissement semblait à première vue compétent pour statuer sur l'action au fond, la compétence des autorités suisses pour connaître de telles requêtes de mesures provisionnelles étant au demeurant très large. Le premier juge était dès lors compétent pour statuer sur la requête de mesures provisionnelles du 19 juillet 2017 et sur les conclusions modifiées le 15 décembre 2017. En tout état de cause, cela n'avait toutefois pas d'incidence concrète sur l'issue du litige, dans la mesure où la requête en modification des contributions alimentaires de l'intimée avait été rejetée et où l'appel déposé sur ce point devait l'être aussi (consid. 3.3 et 3.4 p. 23-24).
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C. Par acte posté le 10 janvier 2019, A.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 4 décembre 2018. Il conclut principalement à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Subsidiairement, il demande sa réforme dans le sens de ses conclusions prises en appel. Il invoque une violation des art. 29 al. 1 et 2 Cst., 6 § 1 CEDH et 53 al. 1 CPC, ainsi que la violation arbitraire (art. 9 Cst.) des art. 26 et 65 LDIP.
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Des déterminations n'ont pas été requises.
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Considérant en droit : |
1. Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours dont il est saisi (ATF 143 III 140 consid. 1 et la jurisprudence citée).
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1.1. La décision attaquée ne constitue pas une décision séparée portant sur la compétence des tribunaux suisses pour connaître de la requête de mesures provisionnelles de l'intimée. Elle confirme le jugement par lequel la présidente du tribunal d'arrondissement s'est prononcée sur le bien-fondé de ladite requête après avoir examiné si les conditions de recevabilité, dont la compétence à raison du lieu, étaient remplies. Il s'ensuit que l'art. 92 LTF n'est pas applicable, cette disposition concernant exclusivement l'hypothèse où l'autorité communique une décision aux parties avant de rendre la décision au fond (arrêt 6B_161/2019 du 6 mars 2019 consid. 1.1; cf. ég. arrêt 4A_10/2017 du 19 juillet 2017 consid. 1).
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Selon la jurisprudence, les mesures provisionnelles relatives à une procédure en modification (ou en complément) d'un jugement de divorce sont des décisions incidentes qui ne sont sujettes à recours immédiat que si elles peuvent causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (parmi plusieurs: arrêts 5A_309/2018 du 31 juillet 2018 consid. 1.1; 5A_858/2017 du 6 avril 2018 consid. 2.2 et les références; 5A_274/2016 du 26 août 2016 consid. 1.1). Le fait que les conclusions litigieuses portent en l'espèce sur la reconnaissance d'une décision étrangère ne change rien à la nature incidente de la décision entreprise, au contraire de ce qui a trait au pouvoir d'examen du Tribunal fédéral (cf. arrêt 5A_193/2010 du 7 juillet 2010 consid. 1).
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1.2. Le préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF doit être de nature juridique et ne pas pouvoir être entièrement réparé ultérieurement par une décision finale favorable au recourant; un dommage économique ou de pur fait n'est pas considéré comme un préjudice de cette nature (ATF 141 III 80 consid. 1.2 et les arrêts cités). Il n'est pas nécessaire que le préjudice puisse déjà être réparé par une décision favorable prononcée dans la procédure cantonale; il suffit qu'il puisse l'être au cours de la procédure fédérale qui suivra (ATF 134 III 188 consid. 2.1 et les arrêts cités). En cas de recours pour déni de justice formel, il est en principe renoncé à l'exigence du préjudice irréparable (ATF 138 IV 258 consid. 1.1; 134 IV 43 consid. 2.2 et les arrêts cités).
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A moins que cela ne fasse aucun doute, il incombe à la partie recourante d'indiquer de manière détaillée en quoi elle se trouve menacée d'un préjudice irréparable par la décision incidente qu'elle conteste; à défaut, le recours est irrecevable (ATF 141 III 80 consid. 1.2; 138 III 46 consid. 1.2; 137 III 324 consid. 1.1).
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1.3. En l'espèce, le recourant a manifestement méconnu la nature de la décision querellée et ne motive nullement en quoi il serait exposé à un préjudice irréparable au sens susrappelé, alors même que la réalisation de cette condition n'est pas évidente. Si tant est que l'on doive considérer, à la lecture des griefs de fond du recours, qu'un tel dommage devrait être trouvé dans la violation du droit, " posé notamment à l'article 29 alinéa 1 Cst., d'obtenir une décision " ou encore dans l'" inobservation massive du droit d'être entendu, dans sa facette de la prérogative à obtenir une décision motivée " en tant que la Juge déléguée aurait prétendument " ignor[é] totalement ", respectivement " fait entièrement litière " de sa conclusion tendant à reconnaissance de la décision provisionnelle rendue le 14 septembre 2017 par le tribunal américain, force est de constater qu'une telle critique procède d'une lecture superficielle et erronée de l'arrêt attaqué. Se concentrant exclusivement sur les considérants 3.1 à 3.4 de celui-ci, le recourant n'a pas vu que la Juge déléguée avait dûment traité de cette conclusion au consid. 1.2 de son arrêt (cf.
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2. En définitive, le recours doit être déclaré irrecevable faute de remplir les conditions de l'art. 93 al. 1 LTF. A titre de partie qui succombe, le recourant doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité de dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à se déterminer (art. 68 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est irrecevable.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge du recourant.
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3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Juge déléguée de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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Lausanne, le 9 mai 2019
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Au nom de la IIe Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Herrmann
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La Greffière : Hildbrand
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