BGer 6B_755/2019
 
BGer 6B_755/2019 vom 28.08.2019
 
6B_755/2019
 
Arrêt du 28 août 2019
 
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président,
Rüedi et Jametti.
Greffière : Mme Cherpillod.
Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Robert Assaël, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève,
intimé.
Objet
Tentative de lésions corporelles graves, arbitraire, droit d'être entendu,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 13 mai 2019 (AARP/165/2019 P/22055/2017).
 
Faits :
A. Par jugement du 3 mai 2018, le Tribunal correctionnel de la République et canton de Genève a reconnu X.________ coupable de lésions corporelles simples aggravées et d'infractions à l'art. 19a ch. 1 LStup. Il a prononcé une peine privative de liberté de dix-huit mois, sous déduction de 52 jours de détention avant jugement, et une amende de 300 fr., la peine privative de liberté de substitution étant fixée à trois jours.
B. Par arrêt du 13 mai 2019, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours formé par X.________ et admis celui du ministère public. En conséquence, elle a condamné X.________ pour tentative de lésions corporelles graves (art. 22 et 122 CP) et prononcé une peine privative de liberté de vingt mois, dont dix mois avec sursis et délai d'épreuve de trois ans, sous déduction de la détention avant jugement subie. Elle a confirmé pour le surplus le jugement de première instance.
C. X.________ forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision, à son acquittement du chef d'accusation de tentative de lésions corporelles graves et au classement de la procédure pour voies de fait, voire pour lésions corporelles simples. A titre subsidiaire, il sollicite l'annulation de l'arrêt du 13 mai 2019, la prise en compte d'une responsabilité pénale fortement restreinte ainsi que de la circonstances atténuante du repentir sincère et la fixation en conséquence d'une peine compatible avec un sursis complet. A titre plus subsidiaire encore, il requiert l'annulation de l'arrêt précité et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Il sollicite le bénéfice de l'assistance judiciaire.
 
Considérant en droit :
1. Le recourant conteste sa condamnation pour lésions corporelles graves commis aux dépens de A.________.
1.1. L'autorité précédente a déjà été rendue attentive à maintes reprises à l'inadéquation de sa manière de procéder (cf. par exemple arrêt 6B_391/2017 du 11 janvier 2018 consid. 2 et les références citées). La partie " en fait " de l'arrêt attaqué contient une présentation des preuves au dossier mais aucune appréciation de celles-ci par l'autorité précédente. On ignore ainsi, en lisant la partie " en fait ", quels faits l'autorité précédente retient comme établis. Ceux-ci doivent être recherchés dans la partie " en droit ", mêlés à la discussion juridique. A la rigueur, il peut être renoncé en l'espèce à une annulation selon l'art. 112 LTF au vu de ce qui suit.
On déduit de la partie en droit que l'autorité précédente a retenu que le recourant et deux comparses, B.________ et C.________, avaient poursuivi en voiture A.________, alors piéton et rencontré peu avant devant une discothèque, dans les rues de Genève le 29 octobre 2017 entre 4 h et 4 h 30 du matin. A un moment donné, le recourant et B.________ étaient sortis de la voiture et avaient atteint A.________. Ils l'avaient alors frappé et A.________ avait reçu un coup de couteau. Ce couteau, retrouvé sur les lieux, portait les empreintes du recourant et celles de B.________, à qui il appartenait. L'autorité précédente a qualifié cette atteinte de lésion corporelle simple. Elle a toutefois relevé que le coup avait été porté du haut vers le bas, à l'aide d'une lame de 5,5 cm, dans le dos au niveau du bord inféro-médial de l'omoplate gauche, ce qui correspondait à une partie du corps regroupant des organes vitaux à proximité immédiate. Il était de plus puissant puisqu'il avait traversé trois couches de vêtements. A cela s'ajoutait que la victime, éméchée, était susceptible d'avoir des mouvements désordonnés accroissant encore la dangerosité potentielle d'un tel coup de couteau, ce d'autant plus qu'elle était selon ses dires en mouvement au moment où les coups sur le flanc gauche lui avaient été donnés. L'autorité précédente a jugé qu'un coup de lame porté dans de telles circonstances présentait un risque élevé et aisément identifiable d'atteinte grave à la santé, comme une lésion du poumon, à savoir un organe vital. Pour ce motif, le qualificatif de lésions corporelles graves devait être retenu.
L'autorité précédente a ensuite constaté qu'elle ne pouvait déterminer qui du recourant ou de son comparse B.________ avait porté le coup de couteau. Elle a toutefois jugé qu'il importait peu, dès lors que le résultat était de toute évidence la conséquence d'une décision commune. En effet, l'intense agressivité du recourant ressortait des différents témoignages, lui-même ayant admis pouvoir adopter ce genre d'attitude après avoir consommé de l'alcool. Comme cela ressortait du témoignage de C.________, le recourant avait trouvé sa proie et voulait lui causer du mal. Son " KO " initial devant la discothèque ne l'avait pas freiné puisqu'il avait renouvelé sa volonté de s'en prendre à la victime en se laissant emporter par sa soif de vengeance, qu'il n'a finalement pas contestée. Que le recourant ait ou non porté le coup de couteau, il cherchait à l'évidence à porter gravement atteinte à l'intégrité de la victime, avec une intensité qui dépassait les lésions corporelles simples. Il était mû par une telle rage en lui que n'importe quel moyen, y compris un couteau, avait pu être utilisé pour provoquer des lésions corporelles graves. Dans de telles circonstances, l'autorité précédente a jugé que le recourant avait pu surmonter sa prétendue et non démontrée aversion des armes blanches. C'était d'autant plus le cas que le recourant était alcoolisé et sous l'effet de stupéfiants, ce qui pouvait être de nature à l'avoir influencé au point d'accepter que son comparse, qu'il savait désormais aussi excité que lui, utilise cas échéant son couteau après qu'il l'eut rejoint dans son action contre la victime. B.________ était certes décrit comme plus calme initialement. Il n'avait toutefois pas tardé à se montrer aussi agressif que le recourant par la suite. Il avait ainsi pu donner le coup de couteau dans ce contexte. Il avait également pu le remettre au recourant sans qu'il soit possible de déterminer le moment où la transmission avait eu lieu. Mais peu importait puisqu'agir avec une personne hors d'elle, fortement alcoolisée et paraissant obsédée par la victime, revenait à avoir l'intention, ne serait-ce que par dol éventuel, de ce qu'une lésion grave soit commise sur cette personne. Au vu de ce qui précède, l'autorité précédente a estimé que la contribution du recourant et de B.________ avait été essentielle à l'exécution de l'infraction commise, de sorte que les deux hommes pouvaient être considérés comme des coauteurs. Par leur comportement, ils ne pouvaient qu'avoir envisagé et accepté le risque de causer une lésion corporelle grave. Une telle issue n'étant pas survenue, seule la tentative devait être retenue.
1.2. Le recourant invoque l'arbitraire dans l'appréciation des preuves et la constatation des faits et les art. 6 par. 2 CEDH, 31 al. 1 Cst. et 10 al. 3 CPP.
1.2.1. Le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins que celles-ci n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 p. 98; sur la notion d'arbitraire, cf. ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503 et les références citées). Un grief d'arbitraire dans l'appréciation des preuves et la constatation des faits ne peut être admis que si la décision est arbitraire non seulement dans sa motivation, mais également dans son résultat (ATF 142 II 369 consid. 4.3 p. 380). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368).
Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence à la présomption d'innocence (art. 6 par. 2 CEDH, 32 al. 1 Cst. et 10 CPP), le principe " in dubio pro reo " n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503).
Ce que sait, veut ou prend en compte une personne relève du contenu de sa pensée, à savoir de faits " internes ", partant, des constatations de fait (ATF 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375; 138 V 74 consid. 8.4.1 p. 84).
1.2.2. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503).
1.2.3. Le recourant conteste la violence du coup, arguant que la plaie n'avait été que peu profonde. C'est ici oublier que le coup a été si violent qu'il a traversé trois couches de vêtements et a provoqué une plaie d'1 cm sur 0,2 cm. Le grief, appellatoire, est irrecevable. Au demeurant, dès lors que ce n'est pas une infraction consommée mais une tentative d'infraction qui a été retenue à la charge du recourant, la nature des lésions effectivement subies par la victime - moins graves que celles qui auraient pu survenir - n'est pas déterminante ici (cf. infra consid. 1.3.4).
1.2.4. Le recourant estime que dès lors qu'il ne pouvait être établi qui de lui ou de son comparse B.________ avait donné le coup à la victime, l'autorité précédente aurait dû conclure à l'aune de la présomption d'innocence que le recourant ne l'avait pas donné.
Le recourant n'expose pas en quoi ce fait aurait un effet sur le sort de la cause et tel n'est pas le cas au vu de ce qui suit. Son grief est irrecevable.
1.2.5. Le recourant conteste l'appréciation factuelle de l'autorité précédente que le coup de couteau porté à la victime était la conséquence d'une décision commune du recourant et de son comparse B.________ de porter gravement atteinte à l'intégrité de la victime.
A l'appui de ce grief, le recourant se borne à contester la valeur donnée à certains des éléments retenus par l'autorité précédente et exposés ci-dessus, sans démontrer aucunement le caractère arbitraire du raisonnement de l'autorité précédente. Son moyen, appellatoire, est irrecevable.
1.3. Le recourant conteste s'être rendu coupable de tentative de lésions corporelles graves.
1.3.1. Selon l'art. 122 CP, celui qui, intentionnellement, aura blessé une personne de façon à mettre sa vie en danger (al. 1), ou aura mutilé le corps d'une personne, un de ses membres ou un de ses organes importants ou causé à une personne une incapacité de travail, une infirmité ou une maladie mentale permanentes, ou aura défiguré une personne d'une façon grave et permanente (al. 2) ou aura fait subir à une personne toute autre atteinte grave à l'intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale (al. 3) sera puni d'une peine privative de liberté de six mois à dix ans.
1.3.2. A teneur de l'art. 22 al. 1 CP, le juge peut atténuer la peine si l'exécution d'un crime ou d'un délit n'est pas poursuivie jusqu'à son terme ou que le résultat nécessaire à la consommation de l'infraction ne se produit pas ou ne pouvait pas se produire. Il y a tentative lorsque l'auteur a réalisé tous les éléments subjectifs de l'infraction et manifesté sa décision de la commettre, alors que les éléments objectifs font, en tout ou en partie, défaut (ATF 140 IV 150 consid. 3.4 p. 152). L'équivalence des deux formes de dol - direct et éventuel - s'appliquent également à la tentative (ATF 122 IV 246 consid. 3a p. 248; 120 IV 17 consid. 2c; plus récemment arrêt 6B_1177/2018 du 9 janvier 2019 consid. 1.3.3).
1.3.3. Est un coauteur celui qui collabore, intentionnellement et de manière déterminante, avec d'autres personnes à la décision de commettre une infraction, à son organisation ou à son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux. Il faut que, d'après les circonstances du cas concret, la contribution du coauteur apparaisse essentielle à l'exécution de l'infraction. La seule volonté quant à l'acte ne suffit pas. Il n'est toutefois pas nécessaire que le coauteur ait effectivement participé à l'exécution de l'acte ou qu'il ait pu l'influencer. La coactivité suppose une décision commune, qui ne doit cependant pas obligatoirement être expresse, mais peut aussi résulter d'actes concluants, le dol éventuel quant au résultat étant suffisant. Il n'est pas nécessaire que le coauteur participe à la conception du projet; il peut y adhérer ultérieurement. Il n'est pas non plus nécessaire que l'acte soit prémédité; le coauteur peut s'y associer en cours d'exécution. Ce qui est déterminant c'est que le coauteur se soit associé à la décision dont est issue l'infraction ou à la réalisation de cette dernière, dans des conditions ou dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.1 p. 155; 130 IV 58 consid. 9.2.1 p. 66; 125 IV 134 consid. 3a p. 136; plus récemment arrêt 6B_1041/2018 du 22 février 2019 consid. 2.1).
1.3.4. Il résulte des faits retenus par l'autorité précédente, sans que l'arbitraire n'en soit démontré, que le recourant et son comparse B.________ ont poursuivi la victime dans les rues de Genève, ensemble, longuement, avec l'intention de lui causer une grave atteinte. Ils l'ont frappé ensemble. On ignore certes qui du recourant ou de B.________ a utilisé le couteau. Celui-ci appartenait à B.________, mais portait l'ADN de ce dernier et du recourant. Au vu de ces derniers éléments, on ne peut reprocher à l'autorité précédente d'avoir considéré que les deux comparses avaient agi de concert, dans l'intention de causer une atteinte grave à la victime. Ainsi si le recourant n'avait pas lui-même utilisé le couteau afin de tenter de blesser gravement la victime, il avait accepté, à tout le moins par dol éventuel, que son complice frappe de la lame le tronc de la victime à la hauteur d'organes vitaux avec le risque de blesser sérieusement celle-ci. Au vu de la nature des lésions qui auraient pu survenir (cf. supra consid. 1.1 2e paragraphe), la condamnation dans le cas d'espèce du recourant pour tentative de lésions corporelles graves au sens des art. 22 et 122 CPP ne prête pas flanc à la critique, le recourant ne formulant par ailleurs aucun grief dûment motivé s'agissant de la violation de ces dispositions.
2. S'agissant de la quotité de la peine, le recourant fait valoir une violation de son droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.
2.1. Une autorité cantonale viole le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. lorsqu'elle ne respecte pas son obligation de motiver ses décisions afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient. Pour satisfaire à cette exigence, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision. Elle n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents (ATF 142 II 154 consid. 4.2 p. 157).
2.2. En l'espèce, le recourant reproche à l'autorité précédente de ne pas s'être déterminée sur le grief formé contre l'autorité de première instance qu'elle ne lui avait pas accordé une responsabilité fortement restreinte.
L'autorité précédente a indiqué ce moyen dans les faits (arrêt attaqué, p. 3 et 20). Elle ne l'a toutefois pas traité, violant ainsi le droit d'être entendu du recourant. Le recours doit par conséquent être admis sur ce point et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Ce qui précède rend sans objet le grief de violation de l'art. 48d CP et les conclusions prises par le recourant s'agissant de la quotité de la peine prononcée et du sursis.
3. En conséquence, le recours est partiellement admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. Pour le reste, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Au regard de la nature procédurale du vice examiné et dès lors que le Tribunal fédéral n'a pas traité à sa suite la cause sur le fond sur les points encore litigieux, ne préjugeant ainsi pas de leur issue, il peut être procédé au renvoi sans ordonner préalablement un échange d'écritures (cf. ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2 p. 296; et récemment arrêt 6B_248/2019 du 29 mars 2019 consid. 3).
Le recourant supportera des frais réduits en raison de l'issue de la procédure et de sa situation financière (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). Il peut prétendre à des dépens réduits à la charge du canton de Genève (art. 68 al. 1 LTF). Sa demande d'assistance judiciaire est sans objet dans la mesure où il a droit à des dépens. Elle doit être rejetée pour le reste, dès lors que le recours était dénué de chance de succès s'agissant des aspects sur lesquels il a succombé (art. 64 al. 1 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est partiellement admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. Pour le surplus, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2. La demande d'assistance judiciaire est rejetée dans la mesure où elle n'est pas sans objet.
3. Une partie des frais judiciaires, arrêtée à 800 fr., est mise à la charge du recourant.
4. Le canton de Genève versera au recourant une indemnité de 1'000 fr. à titre de dépens réduits pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
5. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.
Lausanne, le 28 août 2019
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Denys
La Greffière : Cherpillod