77. Arrêt du 4 décembre 1973 dans les causes Parti ouvrier et populaire vaudois et Parti socialiste vaudois contre Grand Conseil du canton de Vaud.
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Regeste
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Kantonales Wahlrecht. Verteilung der Grossratssitze auf die Wahlkreise. Art. 4 und 6 BV, Art. 33 KV Waadt.
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Überprüfungsbefugnis des Bundesgerichts (Erw. 3).
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Art. 33 der waadtländischen Verfassung wird durch das in Frage stehende Wahlsystem nicht verletzt (Erw. 4).
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Dieses System, das jedem Wahlkreis einen Grossratssitz vorab zuteilt, dann die weiteren Sitze im Verhältnis zur Wohnbevölkerung verteilt und schliesslich die Restmandate nach dem höchsten Restquotienten zuspricht, verletzt Art. 4 BV nicht (Erw. 5 und 6).
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Sachverhalt
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A.- L'art. 33 Cst. vaudoise, adopté en votation populaire du 27 mars 1960, est ainsi conçu:
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"Les fonctions législatives sont exercées par un Grand Conseil composé de députés élus directement par les assemblées de commune.
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Le canton est divisé en trente arrondissements électoraux dont la circonscription est déterminée par la loi.
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L'élection se fait selon le système de la représentation proportionnelle.
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Il est d'abord attribué un siège à chaque arrondissement. L'attribution des autres sièges a lieu dans la proportion fixée par la loi sur la base du dernier recensement fédéral de la population.
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Les députés sont élus pour quatre ans. Ils sont rééligibles.
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La loi règle l'application de ces principes."
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Au printemps 1973, le Conseil d'Etat du canton de Vaud a soumis au Grand Conseil un projet de loi modifiant la loi du 17 novembre 1948 sur l'exercice des droits politiques. Ce projet tendait en particulier à fixer à 200 le nombre des membres du Grand Conseil, qui jusqu'alors variait en fonction du chiffre de population.
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Pour la répartition des députés entre les trente arrondissements électoraux du canton, le Conseil d'Etat proposait le texte suivant:
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"Art. 46. - Le nombre des députés est arrêté à deux cents.
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Un siège est d'abord attribué à chaque arrondissement électoral. Les autres sièges sont ensuite attribués aux arrondissements électoraux selon le système de la représentation proportionnelle, au quotient le plus élevé, sur la base du chiffre de leur population indiqué par le dernier recensement fédéral. Le Conseil d'Etat arrête cette répartition.
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..."
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Dans l'exposé des motifs, le Conseil d'Etat expliquait comme il suit, en substance, la méthode qu'il proposait pour répartir les sièges entre les arrondissements:
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a) A chaque arrondissement est attribué un premier siège (député de base).
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b) On divise ensuite la population totale du canton par le nombre de sièges restant à répartir (170) pour obtenir le "quotient électoral". Dans une première répartition, chaque arrondissement reçoit autant de sièges que le quotient électoral est compris dans le chiffre de sa population.
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c) Cette opération laisse des sièges non attribués. Pour les répartir, on applique la méthode du "quotient le plus élevé". Pour chaque arrondissement, on divise le chiffre de population par le nombre de députés déjà obtenu, augmenté d'un et l'on attribue le premier des sièges restants à l'arrondissement présentant la plus forte moyenne. On procède ensuite de même pour chacun des sièges restant à répartir.
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Le Conseil d'Etat précisait encore que ce système - appliqué pour la répartition des sièges entre les partis lors des élections au Conseil national, au Grand Conseil et dans les Conseils communaux élus selon le système proportionnel - était préférable au système du plus fort reste, qui attribue les sièges restants aux arrondissements présentant les plus forts restes dans la division du chiffre de population par le quotient électoral. Ce second système avantage les petits arrondissements au détriment des grands, car les uns et les autres ne peuvent obtenir qu'un siège supplémentaire au plus dans la dernière répartition. Or les petits arrondissements sont déjà avantagés par le système du député de base.
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B.- Le Grand Conseil n'a pas suivi le Conseil d'Etat sur ce dernier point. Après délibération, il a adopté en première lecture, le 15 mai 1973, et par 75 voix contre 61, le système du plus fort reste pour la seconde répartition. La question a été à nouveau soulevée en deuxième lecture et tranchée dans le même sens, à l'appel nominal, par 90 voix contre 74, le 28 mai 1973.
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L'art. 46 al. 1 et 2, revisé, de la loi sur l'exercice des droits politiques a ainsi reçu la teneur suivante:
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"Le nombre des députés est arrêté à deux cents.
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Un siège est d'abord attribué à chaque arrondissement électoral. Les autres sièges sont ensuite attribués aux arrondissements électoraux selon le système de la représentation proportionnelle, au plus fort reste, sur la base du chiffre de leur population indiqué par le dernier recensement fédéral. Le Conseil d'Etat arrête cette répartition."
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C.- Par actes séparés, deux partis politiques, le Parti ouvrier et populaire vaudois et le Parti socialiste vaudois, forment un recours de droit public et requièrent l'annulation de l'art. 46 revisé de la loi sur l'exercice des droits politiques.
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Ils soutiennent, en substance, que la loi électorale vaudoise, par le découpage des arrondissements et l'institution du député de base, entraîne déjà des inégalités manifestes dans l'exercice du droit de vote, que le système de la seconde répartition au plus fort reste aggrave encore ces inégalités en avantageant une fois de plus les petits arrondissements, de sorte que l'art. 46 al. 2 LEDP viole l'art. 4 Cst., ainsi que les art. 2 et 33 Cst. vaud. Le recours du Parti socialiste vaudois invoque encore les art. 6 Cst. et 85 lit. a OJ.
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D.- La réponse déposée au nom du canton de Vaud conclut au rejet du recours.
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Considérant en droit:
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Les deux partis recourants ont ainsi qualité pour agir.
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3. a) Le recours se fonde principalement sur l'art. 4 Cst. Ce grief est recevable. L'art. 2 Cst. vaud., également invoqué, garantit aussi l'égalité devant la loi. Les recourants eux-mêmes ne soutiennent pas qu'il ait une plus grande portée que la disposition fédérale. Partant, on peut en faire abstraction.
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b) L'art. 33 Cst. vaud., en son al. 4, traite de la répartition des sièges du Grand Conseil entre les arrondissements. Le Tribunal fédéral examinera librement s'il a été violé.
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c) L'art. 6 Cst. ne contient pas de droit constitutionnel du citoyen, qui puisse être invoqué par la voie du recours de droit public (arrêt du 20 mars 1963 dans la cause Jampen, consid. 2, résumé au RO 89 I 85). On peut tout au plus voir dans son al. 2 lit. b une ligne directrice pour l'interprétation conforme à la constitution du droit électoral cantonal.
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d) La référence à l'art. 85 lit. a OJ est sans objet. De toute façon, le Tribunal fédéral examine librement si la constitution cantonale est respectée. Il examine librement aussi si le principe d'égalité est sauvegardé. Pour le surplus, la cour constitutionnelle doit examiner si la solution du législateur cantonal peut se justifier pour des motifs objectifs. Elle n'a pas à rechercher quel système mérite la préférence, compte tenu de toutes les circonstances. On ne peut déduire directement de la garantie du droit de vote du citoyen l'admissibilité ou l'inadmissibilité de tel système de répartition régionale des sièges d'un parlement. L'art. 85 lit. a OJ n'autorise pas le Tribunal fédéral à étendre dans ce domaine le contrôle du droit électoral cantonal au-delà de ce qui découle déjà de l'art. 4 Cst.
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a) En soi, le découpage des arrondissements ne fait pas l'objet de l'art. 46 LEDP, seul attaqué par les deux recours. Il ne pourrait donc être revu pour lui-même dans la présente procédure.
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L'institution du député de base figurait déjà dans l'ancienne loi. Cela n'empêche pas de l'attaquer (RO 92 I 282/3). Mais elle figure aussi dans la constitution cantonale. Or le Tribunal fédéral ne revoit pas si le droit constitutionnel cantonal est conforme à la constitution fédérale (RO 89 I 393 ss.). Il est vrai que cette jurisprudence est critiquée. Il n'y a pas lieu cependant de la soumettre à un nouvel examen, car le sort du recours n'en dépend pas. Pour statuer sur le mérite du troisième moyen - le choix de la méthode de répartition des sièges restants -, moyen qui est incontestablement recevable, il faut nécessairement tenir compte du système électoral avec toutes ses particularités.
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b) Rien ne permet d'affirmer que le découpage des arrondissements soit arbitraire. Certes, ces arrondissements sont très inégaux entre eux, quant à leur population, ce qui n'est pas favorable à une répartition exactement proportionnelle des sièges. Mais leurs limites reposent sur la division traditionnelle du canton en 60 cercles et 19 districts, qui remonte à l'époque de l'Acte de médiation. Jusqu'à la revision constitutionnelle de 1960, le cercle constituait la circonscription électorale. La revision a regroupé les cercles les moins peuplés, de sorte que dix arrondissements comprennent chacun tout un district. A l'opposé, l'arrondissement de Lausanne est constitué par le cercle de ce nom, qui ne comprend qu'une commune. On n'aurait donc pu réduire la disproportion qu'en regroupant plusieurs districts ou en divisant la commune de Lausanne en plusieurs arrondissements. C'eût été porter une atteinte sensible à des structures politiques historiques. Il n'était en tout cas pas arbitraire d'y renoncer.
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c) Il n'existe pas de principe constitutionnel en vertu duquel chaque siège de député devrait correspondre à un nombre d'habitants aussi constant que possible. En particulier, le principe d'égalité ne l'exige pas absolument. Le constituant et le législateur cantonal peuvent prendre en considération d'autres facteurs. Ils peuvent ainsi fonder la répartition sur le nombre d'habitants de nationalité suisse, ou sur le nombre d'électeurs. Ils peuvent aussi prévoir une représentation un peu plus forte des régions peu peuplées, lesquelles sont le plus souvent économiquement défavorisées et désavantagées par leur éloignement des grands centres. Cela permet de compenser dans une certaine mesure le déséquilibre, dans un esprit de solidarité. En même temps, l'augmentation du nombre des sièges accroît les chances des minorités politiques de faire élire un député dans les petites circonscriptions. L'institution du député de base, que connaissent aussi d'autres cantons (Berne: art. 19 Cst. cant.; Soleure, art. 22 Cst. cant.), n'est pas en soi anticonstitutionnelle.
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d) Le choix de la méthode d'attribution des sièges restants après la première répartition n'a que des effets limités. Ainsi, dans le cas du canton de Vaud, l'adoption de la méthode du plus fort reste n'entraîne, par rapport à celle du quotient le plus élevé, qu'un déplacement de 5 sièges, soit moins d'un tiers seulement des sièges restant à attribuer après la première répartition et un quarantième du total des sièges. Si la méthode du plus fort reste est plus favorable aux petits arrondissements, c'est donc dans une mesure très restreinte. Sans doute peut-elle conduire à des quotients très différents d'un siège à l'autre. Mais à l'inverse, la méthode du quotient le plus élevé peut attribuer un ou plusieurs sièges à un grand arrondissement ne présentant qu'un reste minime, tandis que dans un petit arrondissement, présentant un reste nettement plus élevé, un nombre relativement important d'habitants ne seront pas "représentés". Précisément dans le cas du canton de Vaud, où la différence entre l'arrondissement urbain de Lausanne - de 137 383 habitants - et la plupart des arrondissements ruraux - de 5000 à 10 000 habitants - est très importante, il est objectivement défendable d'éviter un système qui avantage l'arrondissement le plus important, en admettant une légère "surreprésentation" des petits arrondissements. C'est du reste cette méthode qui a été adoptée pour la répartition entre les cantons des sièges du Conseil national (art. 1er ch. 5 de la loi du 8 mars 1963). Le Conseil fédéral, dans son Message, se référait notamment à un avis du conseiller national Klöti qui, proposant en 1930 déjà de fixer le nombre des conseillers nationaux à un chiffre déterminé, rejetait le système du quotient le plus élevé (méthode d'Hondt) comme étant trop favorable aux grands cantons (FF 1962 II 1123).
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a) Le Tribunal fédéral revoit librement l'application du principe d'égalité. Mais, on l'a vu, celui-ci n'exige pas que chaque député "représente" une fraction de la population aussi constante que possible. Il s'ensuit que le pouvoir d'examen se réduit en l'espèce à l'arbitraire. Il s'agit en définitive de décider si le système dans son ensemble peut encore se justifier par des motifs objectifs ou s'il s'écarte à tel point d'une répartition exactement proportionnelle qu'il ne puisse plus être considéré comme conforme au régime démocratique ou aux droits des minorités régionales et politiques. Le législateur cantonal avait à prendre une décision politique et il n'appartient pas au Tribunal fédéral d'imposer l'une plutôt que l'autre de deux solutions juridiquement soutenables.
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b) Selon les propres calculs de l'un des partis recourants, corroborés par ceux qu'a fournis le Conseil d'Etat, la répartition des sièges restants au quotient le plus élevé, compte tenu du député de base, permettrait à quatre arrondissements seulement d'obtenir un député de plus que la répartition proportionnelle, au plus fort reste, sans député de base. L'effet de l'attribution du député de base serait ainsi pratiquement annihilé, et non pas seulement quelque peu corrigé, comme le relevait le Conseil d'Etat dans son Message. Avec le système du plus fort reste, cinq autres arrondissements obtiennent un siège supplémentaire, de sorte que finalement neuf arrondissements peu peuplés se voient avantagés. Cela correspond mieux au but visé par l'institution du député de base, qui, en soi, est admissible. En outre, aucun des arrondissements que le système adopté favorise n'obtient plus de députés qu'il n'en avait dans l'ancienne composition, où chaque arrondissement obtenait - en plus du député de base - un siège pour 2600 habitants, chaque reste de plus de 1300 habitants donnant encore droit à un siège, et cela quand bien même le nombre des députés passe de 197 à 200. On aboutit ainsi simplement à une légère atténuation des conséquences de la concentration de la population dans les grandes agglomérations. Il n'est pas sans intérêt de constater, au demeurant, que si l'on avait conservé le système précédent, en élevant les chiffres à 3000/1500, pour réduire le nombre des députés à environ 200, on aurait obtenu, à un ou deux députés près, exactement la même répartition qu'avec le système aujourd'hui attaqué.
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Certes, le cumul des deux systèmes avantageant les petits arrondissements, aboutit dans le cas signalé par les recourants à de très grandes différences dans les quotients. Avenches obtient un député pour 1679 habitants, tandis que Lausanne a un député pour 2923 habitants. Même l'attribution au quotient le plus élevé, qui eût laissé à Avenches deux députés au lieu de trois pour en attribuer 51 au lieu de 47 à Lausanne, eût encore donné un quotient plus élevé à Lausanne (1 député pour 2694 habitants) qu'à Avenches (1 député pour 2519 habitants). Mais c'est précisément là l'effet de l'attribution du député de base, qui influence naturellement beaucoup plus fortement le quotient des petits arrondissements. On peut du reste relever qu'il suffirait d'une augmentation de population de moins de 10% pour que l'arrondissement d'Avenches obtienne un troisième siège avec la méthode du quotient le plus élevé.
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Dans une certaine mesure, l'avantage consenti aux petits arrondissements aurait aussi pu être le résultat d'une répartition fondée sur la population suisse, ou le nombre d'électeurs, procédés adoptés dans certains cantons (St-Gall, art. 51 Cst. cant., et Valais, art. 84 Cst. cant.; Thurgovie, art. 31 Cst. cant.) et qui sont certainement compatibles avec la constitution fédérale. Dans les arrondissements vaudois urbains, la proportion des étrangers peut en effet atteindre et dépasser 30%, tandis qu'elle ne dépasse pas 10% dans plusieurs petits districts ruraux (Avenches, Oron, Pays-d'Enhaut).
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c) On aurait sans doute pu imaginer d'autres systèmes qui, tout en respectant la volonté du constituant d'avantager dans une certaine mesure les petits arrondissements, n'eussent pas imposé le sacrifice correspondant à l'agglomération lausannoise presque seule. Mais de tels systèmes seraient d'une application difficile et n'élimineraient pas toutes les inégalités. Au demeurant, proportionnellement à l'ensemble de la députation, la perte d'un siège pour n'importe quel arrondissement de moyenne importance, qui en recueille de 7 à 9, est plus lourde que la perte de quatre députés pour l'arrondissement de Lausanne.
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d) Ainsi, en définitive, la méthode de répartition des sièges restants n'a que des effets limités, même si certains cas particuliers peuvent paraître choquants à un examen superficiel. Elle ne modifie pas esssentiellement le système de répartition tel que l'a conçu le constituant cantonal, système qui repose sur l'idée tout à fait défendable d'une représentation un peu plus importante des arrondissements qui, défavorisés du point de vue géographique ou économique, voient leur population rester stationnaire ou même décroître. Elle ne protège que dans une faible mesure les situations acquises, contrairement au système - proposé aussi lors des délibérations au Grand Conseil - consistant à octroyer une fois pour toutes trois députés au moins par arrondissement.
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Dans ces conditions, le grief de violation de l'art. 4 Cst. apparaît mal fondé.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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Rejette les deux recours.
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