BGE 100 Ia 36 |
7. Arrêt du 6 mars 1974 en la cause Reynard contre Commune de Saint-Léonard et Conseil d'Etat du canton du Valais. |
Regeste |
Art. 4 BV. Übertretung eines Baupolizeigesetzes. |
Sachverhalt |
A.- Selon l'art. 5 du règlement des constructions de la commune de St-Léonard (RCC), homologué par le Conseil d'Etat du canton du Valais le 31 décembre 1969, les constructions, reconstructions, agrandissements et surélévations de bâtiments et annexes, ainsi que de murs et clôtures sont subordonnés à une autorisation préalable. La mise en chantier n'est pas autorisée avant la délivrance de l'autorisation de construire (art. 20). Dans la zone résidentielle R2, réglementée par l'art. 76, la distance à la limite doit être égale à la moitié de la hauteur de chaque façade mais au minimum 3 mètres (art. 76 lettre f) et l'indice d'utilisation est fixé à 0,4 au maximum (art. 76 lettre g). L'art. 86, relatif aux infractions, a la teneur suivante:
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"a) Le Conseil communal peut faire arrêter, démolir ou transformer d'office, aux frais et risques du propriétaire, les travaux irréguliers ainsi que ceux entrepris sans autorisation.
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b) De même, il peut faire exécuter d'office, aux frais et risques du propriétaire, tous travaux ordonnés en application du présent règlement, lorsqu'un avertissement est demeuré sans effet.
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c) Les contrevenants au présent règlement sont passibles d'une amende allant jusqu'à 5000 fr., à prononcer par le Conseil communal, sans préjudice de peines qui pourraient être encourues à teneur des dispositions cantonales et fédérales."
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B.- André Reynard a acquis le 21 septembre 1972 un terrain de 1614 m2 sis sur la commune de St-Léonard, auprès de laquelle il avait déposé, quelques jours auparavant, une demande d'autorisation de bâtir sur ce fonds quatre villas et quatre garages. Cette autorisation lui fut accordée le 30 novembre 1972 par la Commission cantonale des constructions, qui réservait les conditions fixées par la commune, puis le 7 décembre 1972, pour les quatre villas, par la commune elle-même. L'autorisation communale était subordonnée à la double condition que l'angle nord-est du premier étage soit à 3,07 m du fonds voisin et que la surface à mettre à disposition pour l'indice soit de 1666 m2. Le permis communal précisait encore que l'autorisation de construire les garages serait délivrée dès que la surface destinée à l'indice aurait été réglée.
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Reynard fit immédiatement commencer les travaux de construction des villas. La commune intervint déjà le 22 décembre 1972 et menaça de faire arrêter les travaux si l'indice de construction n'était pas respecté. Reynard lui donna alors l'assurance qu'il ne commencerait pas la construction des garages avant d'avoir acquis les 55 m2 manquants. Il construisit cependant trois garages dans le courant du mois de mai 1973, sans avoir requis l'autorisation de bâtir et sans avoir à disposition une surface de terrain répondant aux exigences du coefficient de densité.
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Le Conseil communal de St-Léonard prononça le 12 juillet 1973 contre Reynard une amende de 5000 fr., sur la base de l'art. 86 lit. c RCC, pour avoir procédé à la construction de trois garages sans autorisation et pour avoir violé les prescriptions réglementaires relatives à l'indice d'utilisation et à la distance du fonds voisin.
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C.- Reynard recourut contre cette décision au Conseil d'Etat, en lui demandant de réduire à un montant raisonnable le montant de l'amende. Le Conseil d'Etat rejeta le recours le 15 novembre 1973, en soulignant que si l'amende infligée était lourde, l'infraction commise par le recourant était, en matière de construction, la première de cette gravité sur le territoire communal de St-Léonard. Il convenait de se montrer sévère pour maintenir l'ordre qui avait régné jusqu'alors. La décision communale n'était donc pas insoutenable, ni dépourvue de fondement sérieux.
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D.- Agissant par la voie du recours de droit public, Reynard demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision du Conseil d'Etat et de lui renvoyer le dossier pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il admet que, pour avoir enfreint le règlement de construction de la commune de St-Léonard, il est passible d'une amende, mais il en conteste le montant, dont il soutient qu'il est en contradiction flagrante avec les principes de l'égalité devant la loi et de la proportionnalité.
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Le Conseil d'Etat et le Conseil communal de St-Léonard ont conclu au rejet du recours.
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Considérant en droit: |
La pénalité instituée par le RCC de la commune de St-Léonard constitue une sanction administrative infligée à un administré en raison de la violation d'une obligation de droit public. La doctrine et la jurisprudence ont marqué quelques hésitations au sujet de la nature de telles pénalités. Il est certain que celles-ci ne présentent pas tous les caractères du droit pénal proprement dit. En particulier, les dispositions générales du code pénal ne leur sont généralement pas applicables (GERMANN, Kommentar, p. 25 no 2 ad art. 1er-100; SCHWANDER, Das schweiz. Strafgesetzbuch, 2e éd., p. 22 no 35; PFUND, Verwaltungsrecht-Strafrecht, RDS 1971 II 140; GAUTHIER, Droit administratif et droit pénal, ibid., 348; GRISEL, Droit administratif suisse, p. 334/335; RO 93 I 464; 94 I 94; 97 I 835/836; ATF du 13 juin 1973 en la cause UBS c. Conseil d'Etat de Fribourg).
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On peut toutefois se demander s'il faut tenir compte de la gravité de la faute - ou de l'absence de faute - dans la fixation d'une amende disciplinaire. Le Tribunal fédéral a laissé cette question indécise dans deux arrêts (RO 93 I 466; 94 I 95) concernant des infractions à des lois fédérales, tout en soulignant que la faute n'est pas une condition de la punissabilité en matière d'amendes d'ordre. GRISEL, dans l'ouvrage cité, p. 339, relève quant à lui que l'amende doit être en rapport avec la gravité de l'infraction et, le cas échéant, avec le degré de la faute. De toute manière, s'il faut respecter le principe de la proportionnalité et si l'amende administrative doit être mesurée d'après les circonstances du cas, il n'en demeure pas moins que la sévérité s'impose pour détourner le contrevenant et stimuler le respect de la loi dans l'intérêt de la collectivité (RO 80 I 57 consid. 4; 94 I 95; GRISEL, op.cit., p. 339; GAUTHIER, op.cit., p. 348).
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2. En l'espèce, le recourant avait requis l'autorisation de bâtir quatre villas et quatre garages. Tant l'autorisation de la Commission cantonale des constructions que celle du Conseil communal réservaient la mise à disposition par le requérant d'une surface totale de terrain de 1666 m2. Le permis communal n'avait d'ailleurs été accordé, le 7 décembre 1972, que pour la construction des quatre villas; il y était expressément spécifié que l'autorisation de construire les garages ne serait délivrée que lorsque la surface destinée à l'indice serait réglée. La commune est intervenue à nouveau immédiatement après la mise en chantier, pour rendre le recourant attentif au fait qu'elle exigerait l'arrêt des travaux si l'indice de construction n'était pas respecté. Reynard prit l'engagement formel de ne pas commencer la construction des garages avant d'avoir acquis les mètres carrés manquants. Après de premières démarches infructueuses pour l'achat du terrain supplémentaire, il fit tout de même exécuter la construction de trois garages, sans avoir repris contact ni avec l'autorité communale ni avec la Commission cantonale des constructions et sans l'autorisation de construire qu'il savait d'ailleurs pertinemment ne pas pouvoir obtenir. N'entendant pas se soumettre à l'in,jonction de l'autorité communale, il a choisi, le sachant et le voulant, la solution du fait accompli. C'est en vain qu'il prétend, dans le présent recours de droit public, que la construction des trois garages a été commencée à son insu par l'entreprise chargée des travaux, car il donne une autre explication dans son mémoire complémentaire adressé au Conseil d'Etat le 24 août 1973. Il y déclare en effet qu'en supprimant un garage, réduisant ainsi la surface de construction, il avait estimé pouvoir construire les trois autres, pensant que les divers entretiens qu'il avait eus avec la commune de St-Léonard étaient suffisants et qu'il n'avait pas d'autres formalités à remplir pour la construction de ces bâtiments. Un tel comportement est peu compatible avec les règles de la bonne foi.
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Le recourant tente par ailleurs de minimiser les contraventions qu'il a commises et l'atteinte aux intérêts publics en cause. Il va jusqu'à soutenir qu'il est de peu d'importance qu'un bâtiment soit construit avant ou après l'obtention du permis communal, pour autant que les normes de construction aient été respectées. Cette opinion est évidemment insoutenable, en ce qu'elle dénie toute valeur au contrôle des projets de construction par l'autorité administrative et à l'examen préalable de leur compatibilité avec les dispositions réglementaires en vigueur, alors qu'il s'agit de mesures indispensables sans lesquelles on ne tarderait pas à constater les plus graves abus en matière d'urbanisme et de protection de l'environnement.
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Les infractions constatées en l'espèce sont donc objectivement graves. Elles ont été commises sciemment par le recourant, dont la faute est également d'une gravité particulière. C'est dès lors à juste titre que le Conseil communal en a tenu compte pour sanctionner ces contraventions avec rigueur. Cette sanction ne heurte pas in casu les exigences du principe de la proportionnalité, même si c'est l'amende maximum prévue qui a été prononcée. Il y a lieu de remarquer à cet égard qu'une démolition des garages aurait même pu être envisagée en vertu de l'art. 86 lettre a RCC. Le Conseil communal de St-Léonard, en infligeant une amende de 5000 fr. au recourant, n'a donc pas excédé les limites de son pouvoir d'appréciation, ni abusé de ce pouvoir.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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