21. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 17 août 1982 dans la cause X. contre Bureau de l'assistance judiciaire du canton de Vaud (recours de droit public)
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Regeste
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Art. 4 BV. Unentgeltliche Rechtspflege.
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Extrait des considérants:
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b) Pour déterminer l'indigence, il y a lieu de tenir compte des circonstances concrètes existant au moment où la demande est présentée (ATF 99 Ia 442 dernier paragraphe). L'autorité compétente doit éviter de procéder de façon trop schématique, afin de pouvoir prendre objectivement en considération tous les éléments importants de l'espèce (ATF 106 Ia 83). Elle doit notamment tenir compte, le cas échéant, de la nécessité où le requérant se trouve d'agir dans un délai relativement court, qui ne lui permet pas de faire des économies en vue des frais du procès (ATF 106 Ia 83 en bas; ATF 99 Ia 443).
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S'il y a urgence, il est même concevable que l'assistance judiciaire doive être accordée, au moins à titre provisoire, à un absent, sans enquête sur sa situation financière (arrêt non publié Rauch-Tertilt c. Soleure, du 29 janvier 1979).
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En tout état de cause, on ne saurait, pour refuser l'assistance judiciaire, invoquer le fait que le recourant se trouve par sa faute hors d'état d'avancer les frais du procès (ATF 104 Ia 34 consid. 4, ATF 99 Ia 442 et les références).
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c) En l'espèce, l'autorité cantonale a négligé les circonstances concrètes dans lesquelles se trouve le recourant.
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aa) Admettant, ce que le recourant ne conteste pas, que X. dispose dans son pays de moyens qui lui permettraient de faire face aux frais de la cause, elle ne tient aucun compte du fait que ces moyens sont indisponibles en Suisse. Or, c'est en Suisse que le recourant est invité à avancer les frais du procès et à assurer le droit de sa partie adverse. Il n'est pas vraisemblable que l'autorité judiciaire ou la partie adverse soient disposées à se contenter de fonds qui leur seraient remis à l'étranger et qu'il ne pourrait faire sortir. Ignorer la législation étrangère qui interdit ou rend très difficile le transfert de valeurs en Suisse, c'est perdre de vue les circonstances concrètes de l'espèce. Dans un arrêt non publié P. c. Zurich, du 11 septembre 1979, le Tribunal fédéral a expressément constaté que des valeurs dont le requérant est propriétaire à l'étranger ne peuvent servir à couvrir les frais du procès que si l'autorité étrangère autorise le transfert des devises en Suisse. Toute autre solution violerait manifestement l'égalité devant la loi, puisque l'étranger soumis à une réglementation interdisant l'exportation de devises serait exposé à ne pas pouvoir procéder pour une raison qui n'a aucun rapport avec la cause déférée au tribunal et qui échappe entièrement à sa volonté.
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C'est donc à tort que l'autorité cantonale affirme de manière générale que les règles sur l'assistance judiciaire n'ont pas pour but de pallier les effets de la législation étrangère interdisant l'exportation des devises. Elles visent à permettre à la partie qui ne dispose pas de moyens financiers de défendre néanmoins son droit, quelles que soient les raisons qui la privent des ressources nécessaires à cette fin.
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bb) En l'espèce, l'intimé fait surtout valoir que le recourant ne peut disposer des moyens lui permettant la défense de ses droits parce qu'il a celé au fisc de son pays l'existence des biens dont il revendique la propriété. C'est faire grief au recourant de s'être mis par sa faute dans la situation qu'il invoque. Un tel reproche est sans pertinence, comme on l'a déjà vu (ATF 104 Ia 34 consid. 4).
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Quand l'intimé dit que l'assistance judiciaire n'a pas pour but d'aider le recourant à frauder le fisc de son pays, il passe à côté de la question. L'assistance judiciaire doit mettre le recourant à même de faire valoir son droit de propriété à l'encontre de sa partie adverse. La violation des règles du droit de son pays qu'il peut avoir commise ne saurait avoir d'effet sur le fond du procès. A supposer que le recourant obtienne gain de cause dans l'action en revendication qu'il a ouverte, les droits fiscaux de son pays d'origine ne sont lésés en rien; ils continuent de porter sur les biens qui y donnent lieu dès maintenant.
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cc) On ne saurait soutenir que le recourant abuse de son droit d'obtenir l'assistance judiciaire en ne faisant pas les démarches que l'intimé exige de lui auprès des autorités de son pays. Dès l'instant qu'il n'est pas contesté que de telles démarches entraîneraient pour lui des inconvénients notoires, elles ne peuvent être raisonnablement exigées de lui.
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dd) L'intimé méconnaît en outre une autre circonstance concrète de la cause, savoir que le recourant devait agir, à peine de péremption, dans le bref délai imparti par l'Office des poursuites pour ouvrir action en revendication d'un bien inventorié dans la masse en faillite. A supposer même que le recourant eût pu, sans inconvénients majeurs, faire auprès de l'autorité de son pays les démarches nécessaires pour obtenir un transfert de fonds en Suisse, ou pour mettre en oeuvre l'organisme officiel qui devait le représenter dans un procès se déroulant à l'étranger, voire pour obtenir un certificat d'indigence ou un certificat attestant l'exclusion d'une exportation de devises, il est évident que ces démarches n'auraient pu être menées à chef dans le délai d'ouverture d'action. L'assistance judiciaire s'imposerait d'après cette seule considération (ATF 106 Ia 83 en bas; ATF 99 Ia 443).
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d) Il suit de là que, pour refuser l'assistance judiciaire, l'autorité cantonale s'est fondée sur une notion de l'indigence qui est en tout cas incompatible avec les principes découlant directement de l'art. 4 Cst. Le recours est dès lors fondé.
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