11. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 16 avril 1984 dans la cause Y. contre X. (recours de droit public)
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Regeste
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Konkordat über die Schiedsgerichtsbarkeit; Ernennung eines Schiedsrichters, Gültigkeit der Schiedsabrede, Verweisungsklausel.
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2. Analoge Anwendung der Art. 23 Abs. 2 und 12 des Konkordates, falls die von den Parteien beauftragte Stelle sich weigert, den Schiedsrichter zu ernennen (E. 3).
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3. Gültigkeit der Schiedsabrede vorliegend bejaht, in Rücksicht auf den Willen der Parteien, sich selbst in einem solchen Fall an das Schiedsgericht zu wenden (E. 4a).
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4. Verweisung auf die Vergleichs- und Schiedsordnung der IHK; aus dieser Ordnung ergibt sich durch Auslegung die Befugnis des Schiedsgerichts der IHK, nötigenfalls den Schiedsrichter zu ernennen (E. 4b).
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Sachverhalt
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A.- Le 22 avril 1975, X. a conclu avec Y. un accord en vertu duquel elle était chargée de concevoir, d'étudier et de soumettre à son cocontractant, dans un certain délai, les plans relatifs à la construction, la gestion et l'organisation, du point de vue du personnel, de cinq hôpitaux en Iran, pour le prix de 900'000 £.
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L'accord contient notamment la clause compromissoire suivante:
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(traduction)
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"Tous différends découlant du présent "accord épistolaire", qui ne pourraient être réglés à l'amiable, seront tranchés définitivement suivant le Règlement de conciliation et d'arbitrage de la Chambre de Commerce internationale par un collège de trois arbitres. Chacune des parties désignera un arbitre; le troisième arbitre sera nommé par le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé. Le siège du Tribunal arbitral est fixé à Genève, et la législation iranienne s'appliquera à tous les aspects du présent "accord épistolaire"."
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Estimant avoir exécuté ses obligations et n'obtenant pas le paiement du prix convenu, X. a mis en oeuvre la procédure arbitrale, en s'adressant, selon acte du 21 décembre 1978, à la Chambre de commerce internationale (CCI). Le directeur général de l'OMS ayant refusé de nommer le troisième arbitre, la Cour d'arbitrage a considéré que la clause arbitrale contenue dans le contrat du 22 avril 1975 était dépourvue d'effets à cet égard et que la lacune résultant de cette situation était comblée par les dispositions de l'art. 2.4 du règlement de la CCI, relatif à la nomination du président du tribunal arbitral. En conséquence, la Cour d'arbitrage a elle-même procédé à la désignation dudit arbitre.
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B.- Par sentence du 17 février 1982, approuvée le 19 mai 1982 par la Cour d'arbitrage de la CCI et transmise ensuite aux parties, le tribunal arbitral a admis sa compétence pour trancher le litige et condamné Y. à payer 900'000 £ à X.
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La partie défenderesse avait contesté la validité de la nomination des arbitres et, partant, leur compétence.
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Par arrêt du 21 décembre 1983, la Cour de justice du canton de Genève a rejeté un recours en nullité formé contre cette sentence par Y.
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C.- Contre cet arrêt, Y. interjette un recours de droit public. Se fondant sur l'art. 84 al. 1 lettres a et b OJ, elle se plaint d'une violation du Concordat intercantonal sur l'arbitrage et conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué. En bref, elle fait grief à la cour cantonale d'avoir admis la compétence des arbitres, alors qu'à son avis le refus du directeur général de l'OMS de désigner le troisième arbitre entraînait la caducité de la clause compromissoire. A titre subsidiaire, elle invoque une fausse application de l'art. 12 CIA quant au mode de désignation adopté.
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X. propose le rejet du recours.
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Considérant en droit:
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Comme le permet le concordat (art. 1er al. 2 CIA), les parties se sont soumises au règlement de la CCI, ce qui est valable en tant qu'il n'est pas dérogé aux normes impératives du concordat (art. 1er al. 3 CIA).
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b) Selon l'art. 8 CIA, les arbitres statuent eux-mêmes sur leur propre compétence, par une décision incidente ou dans le jugement au fond. C'est ce qu'ils ont fait, en l'occurrence, dans leur sentence finale du 17 février 1982.
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Lorsqu'une partie prétend n'être pas ou plus liée par un contrat d'arbitrage, elle dénie de ce fait la compétence du tribunal arbitral et elle peut recourir contre un prononcé des arbitres admettant leur compétence, dans le cadre de l'art. 36 lettre b CIA (ATF 108 Ia 311; cf. ATF 96 I 334). Lorsque, en revanche, seule est contestée la constitution du tribunal arbitral, le moyen peut être invoqué dans le cadre de l'art. 36 lettre a CIA. C'est donc à juste titre que la cour cantonale a examiné le moyen de la recourante dans le cadre de l'art. 36 CIA.
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Avec raison, elle ne s'est pas tenue pour liée par la décision de l'organe chargé de désigner un arbitre, en l'occurrence la Cour d'arbitrage de la CCI. En effet, même lorsque cet organe est judiciaire, sa décision, rendue en procédure non contentieuse, ne jouit pas de l'autorité de la chose jugée; celle-ci laisse donc aux arbitres, puis aux instances de recours, la faculté d'examiner de manière indépendante la compétence et la régularité de la constitution du tribunal (ATF 108 Ia 311 et renvois; cf. JOLIDON, Commentaire du Concordat suisse sur l'arbitrage, n. 31 ad art. 12; HABSCHEID, RSJ 1982, p. 321 ss, notamment p. 325, à propos des arbitres désignés par la Cour d'arbitrage de la CCI; MANN, Zur Ernennung von Schiedsrichtern, in Liber amicorum A. Schnitzer, p. 325 ss, spéc. pp. 329-331, 334-336; RÜEDE-HADENFELDT, Schweizerisches Schiedsgerichtsrecht, p. 114).
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3. On doit examiner, d'une part, si le concordat contient des dispositions se rapportant à la caducité du contrat d'arbitrage dans l'hypothèse où l'organe de nomination refuse de désigner l'arbitre et, d'autre part, s'il règle, dans un tel cas de refus, à titre subsidiaire, la nomination de l'arbitre.
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a) L'art. 23 al. 2 CIA indique que la défection d'un arbitre entraîne la faculté de le faire remplacer ou la caducité du contrat. En revanche, le concordat ne contient aucune règle expresse équivalente pour l'hypothèse où l'organe choisi par les parties ne désigne pas l'arbitre. La recourante veut en inférer que, selon le concordat, le contrat d'arbitrage serait alors caduc de plein droit.
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Dans l'arrêt susmentionné ATF 108 Ia 312, le Tribunal fédéral s'est référé par analogie à l'art. 23 al. 2 CIA pour admettre que l'autorité judiciaire pouvait, dans cette hypothèse, procéder, à titre supplétif, à la désignation d'un arbitre lorsque les parties entendaient soumettre leur différend à une juridiction arbitrale sans qu'il apparaisse d'une importance essentielle que la désignation du troisième arbitre se fasse par un organe déterminé.
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Cette solution doit être confirmée. Elle s'impose déjà au regard de l'art. 3 lettre a CIA, qui déclare que l'autorité judiciaire a la compétence de "nommer les arbitres (...) qui n'auraient pas été désignés par l'organe de leur choix"; cette disposition montre donc que le concordat consacre en principe la possibilité d'un remplacement non prévu par les parties (sans pour autant préciser dans quelle éventualité). Une telle solution est aussi conforme au principe de l'autonomie de la volonté régissant le contrat d'arbitrage (cf. art. 1er al. 2, 4, 10 et 11 CIA), sous réserve du respect des règles de droit impératif (art. 1er al. 3 CIA); en effet, s'il résulte de l'interprétation du contrat que, malgré la caducité de la clause relative à la désignation de l'arbitre par un organe de choix, la volonté hypothétique des parties est de soumettre néanmoins le différend à l'arbitrage, il n'y a point de raison de ne pas respecter cette volonté (cf. art. 20 al. 2 CO par analogie). Par ailleurs, au regard du texte clair de l'art. 3 lettre a CIA, l'absence de disposition expresse comparable à l'art. 23 al. 2 CIA ne saurait être interprétée a contrario. Il s'impose donc d'appliquer ici par analogie cette disposition pour déterminer si le contrat est caduc (cf. RÜEDE-HADENFELDT, op.cit., p. 89 n. 5b et p. 116 n. 4).
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Il y a lieu à désignation d'un arbitre par l'autorité compétente, selon l'art. 23 al. 2 CIA, "à moins qu'il ne résulte de la convention d'arbitrage qu'elle doit être considérée comme caduque". A cet effet, il convient d'interpréter la convention des parties - en tant que contrat de procédure (ATF 101 II 170) - selon les principes régissant la nullité partielle des contrats. On doit ainsi rechercher, en se plaçant au moment de la conclusion du contrat, ce dont les parties seraient convenues de bonne foi si elles avaient envisagé cette hypothèse; le juge s'inspire de l'économie du contrat et de son but et il tient compte de l'ensemble des circonstances (cf. ATF 107 II 149, 218, 414).
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b) L'art. 12 CIA dispose que si les parties ne peuvent s'entendre sur la désignation de l'arbitre unique, si l'une d'entre elles omet de procéder à la désignation d'arbitres qui lui incombe, ou si les arbitres désignés ne peuvent s'entendre sur le choix du surarbitre, l'autorité judiciaire prévue à l'art. 3 procède à la nomination (...) à moins que la convention n'ait prévu un autre organe de désignation.
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Cet article est lui aussi applicable par analogie, pour des motifs comparables à ceux qui viennent d'être exposés ci-dessus à propos de l'art. 23 al. 2 CIA, à la situation où le tiers ne procède pas à la nomination d'un des arbitres, telle que la lui ont confiée les parties (cf. RÜEDE-HADENFELDT, op.cit., p. 186 n. 2e; POUDRET, L'application du concordat de 1969 à l'arbitrage international en Suisse, in "Les étrangers en Suisse", Lausanne 1982, pp. 247 ss, spécialement p. 256 n. 43, avec référence à l'arrêt paru aux ATF 78 I 360 consid. 4, antérieurement à l'entrée en vigueur du concordat).
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Si la recourante admet, dans l'éventualité d'une caducité partielle de la clause compromissoire, une telle application analogique de l'art. 12 CIA, elle soutient cependant que la réserve exprimée à la fin de cette disposition en faveur d'un "autre organe de désignation" serait inapplicable en l'espèce, dès lors que la convention prévoyait un organe de désignation spécifique, soit le directeur de l'OMS, lequel n'a pas rempli sa fonction. L'argumentation est manifestement spécieuse. En effet, du moment qu'il y a lieu de suppléer à une défection, on ne saurait avoir en vue un mode de désignation qui ne permet précisément pas le remplacement de l'organe défaillant. On doit donc bien plutôt se demander si la convention entre parties permettait éventuellement la désignation de l'arbitre d'une autre manière et si la réserve exprimée à l'art. 12 CIA pouvait ainsi avoir effet.
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Il s'avère à cet égard qu'à côté du mode de désignation de l'arbitre qu'elles avaient choisi, les parties se sont référées à des conditions générales, soit le règlement de conciliation et d'arbitrage de la CCI, permettant la désignation supplétive d'un arbitre par un autre organe. Un tel renvoi implique une convention des parties qui, selon l'art. 12 CIA, prime la désignation par l'autorité judiciaire. Contrairement à ce que voudrait la recourante, la loi n'exige pas, sur ce point, une référence expresse des parties à la règle supplétive relative à la désignation de l'arbitre (cf., par analogie, l'arrêt Tradax du 7 février 1984, ATF 110 II 58 consid. 3c, en application de l'art. II de la Convention de New York, RS 0.277.12; cf. également ATF 102 Ia 500). Il n'en irait pas autrement si l'on appliquait par analogie les règles du droit privé, car une pareille clause ne comporte pour les parties rien d'inhabituel (cf. ATF 108 II 418).
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Contrairement à ce que soutient la recourante, cette solution n'est pas contraire au caractère impératif de l'art. 12 CIA, puisque cette disposition réserve précisément l'accord des parties quant à l'organe de désignation.
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La convention d'arbitrage a été conclue sous la forme d'une clause compromissoire (et non d'un compromis ad hoc) insérée dans un contrat économique important dont il y a tout lieu de penser que des partenaires raisonnables l'eussent conclu même s'ils avaient su que le directeur général de l'OMS ne pourrait pas désigner le troisième arbitre. Dans cette dernière hypothèse, on peut admettre que de tels partenaires eussent aussi inséré dans leur contrat une clause compromissoire. Du reste, dans la clause litigieuse, la volonté de compromettre apparaît au premier plan, tandis que la personne devant fonctionner comme troisième arbitre n'a apparemment pas semblé décisive aux parties; celles-ci n'ont en effet pas elles-mêmes désigné nommément à cette fonction une personne déterminée, mais elles s'en sont remises à la décision d'un tiers, alors qu'elles-mêmes se réservaient de nommer chacune un des deux premiers arbitres. Formellement, la volonté de compromettre et les règles relatives à la nomination des arbitres sont aussi exprimées dans deux phrases séparées, sans que la première soit subordonnée au respect des règles prévues dans la seconde. Dans une telle situation, la cour cantonale a admis à juste titre que, selon la volonté hypothétique des parties, l'impossibilité d'obtenir la désignation du troisième arbitre par le directeur général de l'OMS ne devait pas entraîner la caducité de la convention d'arbitrage (cf. JOLIDON, op.cit., n. 21 ad art. 23; WIGET, dans Sträuli-Messmer, par. 243 n. 4, 7, 11; RÜEDE-HADENFELDT, op.cit., p. 116; en droit allemand: sic REAT, Der Schiedsrichtervertrag, thèse Cologne 1983, p. 91; contra: FRENZ, Auswahl und Bestellung von Schiedsrichter durch Dritte, thèse Bonn 1980, pp. 68 ss et références).
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b) La clause par laquelle les parties se sont référées au règlement de conciliation et d'arbitrage de la CCI doit être interprétée selon les règles de la bonne foi en affaires. Ainsi, ce renvoi implique l'application du règlement de la CCI selon le sens qui lui est donné au sein de cet organisme par les organes compétents, pour autant que ceux-ci n'agissent pas arbitrairement en prêtant à ses dispositions une signification à laquelle les parties ne pouvaient raisonnablement penser.
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Le règlement de la Cour d'arbitrage de la CCI prévoit notamment à l'art. 2 al. 3, à propos de la désignation d'un arbitre unique, que "faute d'entente entre les parties dans un délai de trente jours à partir de la notification de la demande d'arbitrage à l'autre partie, l'arbitre sera nommé par la Cour" et à l'art. 2 al. 4, à propos de la désignation de trois arbitres, pour l'arbitre à choisir par chaque partie: "Si l'une des parties s'abstient, la nomination est faite par la Cour" et pour la désignation du troisième arbitre: "Si, à l'expiration du délai fixé par les parties ou imparti par la Cour, les arbitres désignés par les parties n'ont pu se mettre d'accord, le troisième arbitre est nommé par la Cour." Enfin, l'art. 26 dudit règlement prévoit à titre de "règle générale": "Dans tous les cas non visés expressément ci-dessus, la Cour d'arbitrage et l'arbitre procèdent en s'inspirant de ce Règlement et en faisant tous leurs efforts pour que la sentence soit susceptible de sanction légale." Par ailleurs, il appert qu'interprétant par analogie l'art. 2 du règlement, selon l'art. 26, la Cour d'arbitrage procède également à la désignation de l'arbitre, faute d'accord des parties, lorsque l'organe choisi par celles-ci à cette fin ne peut ou ne veut y procéder (sic DERAINS, Journal de droit international 1975, p. 939).
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Au regard de ces dispositions réglementaires, une telle interprétation ne comporte rien d'insoutenable et d'inattendu.
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Aussi la désignation du surarbitre par la Cour d'arbitrage de la CCI, à défaut du directeur de l'OMS, était-elle conforme aux normes réglementaires de la CCI auxquelles se référait le contrat d'arbitrage (cf. idem ATF 102 Ia 502 ss dans le cadre d'un examen limité à l'arbitraire).
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Le recours se révèle dès lors mal fondé.
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