69. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 8 novembre 1990 dans la cause X. contre Syndicat d'améliorations foncières de Cudrefin-Bellerive-Vallamand et Commission centrale des améliorations foncières du canton de Vaud (recours de droit public)
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Regeste
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Bodenverbesserungsmassnahmen; Entschädigung für Schäden an Kulturen; Verjährung.
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Die Haftung gemäss Art. 47 des Waadtländischen Meliorationsgesetzes ist eine solche des kantonalen öffentlichen Rechts; insoweit ist nur die staatsrechtliche Beschwerde, unter Ausschluss der Berufung, zulässig (E. 1).
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Art. 4 BV; Willkür.
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Festlegung der Verjährungsfrist für Entschädigungsklagen aus dem öffentlichen Recht bei Fehlen ausdrücklicher Bestimmungen: Frist von einem Jahr im konkreten Fall als willkürlich erklärt (E. 2).
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Sachverhalt
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Le Syndicat d'améliorations foncières de Cudrefin-Bellerive-Vallamand a été constitué le 28 février 1963, aux fins de procéder à des remaniements parcellaires, de construire des chemins et de poser des collecteurs d'assainissement. La construction de ces derniers a provoqué, au fur et à mesure de l'avancement des travaux, des apports d'eau supplémentaires dans le ruisseau de Montet, lequel déborda de son lit de plus en plus fréquemment, inondant les terrains avoisinants, en particulier la parcelle de X. Ces inondations ont duré jusqu'en 1987, date à laquelle ledit ruisseau fut élargi.
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Un premier recours de X., tendant à l'octroi d'une indemnité pour les dégâts ainsi causés à ses cultures, a été déclaré irrecevable le 23 décembre 1986 par la Commission centrale des améliorations foncières, qui a renvoyé le recourant à agir devant la Commission de classification du syndicat. X. a donc saisi celle-ci, le 23 janvier 1987, d'une demande d'indemnité s'élevant, pour 10 ans de dommages, à 50'000 francs (5'000 francs par année). Par décision du 25 juin 1987, la commission de classification lui alloua, par souci de conciliation, une indemnité de 10'000 francs.
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X. a derechef recouru à la Commission centrale des améliorations foncières, en concluant à l'allocation d'une indemnité de 71'337 francs, montant estimé par la Chambre vaudoise d'agriculture, subsidiairement de 50'000 francs. Par la suite, il a augmenté ses prétentions à la somme de 75'322 fr. 50. Par décision du 16 février 1989, la commission centrale a partiellement admis ce recours et a fixé l'indemnité à 17'400 francs.
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Saisi d'un recours de droit public de X., fondé sur l'art. 4 Cst., le Tribunal fédéral a annulé ce prononcé.
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Extrait des considérants:
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Les prétentions du recourant se fondent sur l'art. 47 de la loi vaudoise sur les améliorations foncières (LAF), qui a la teneur suivante:
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"Le syndicat est tenu d'indemniser les propriétaires pour les dégâts importants causés aux fonds, récoltes ou cultures par l'exécution des travaux. Le montant de l'indemnité est fixé par la commission de classification."
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Ainsi que le rappelle l'autorité intimée dans son prononcé, le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de dire que la responsabilité instaurée par cette disposition est une responsabilité de droit public cantonal (arrêt non publié Gallay du 8 mars 1966). Il a en effet considéré dans cet arrêt que, délégataire d'une mission étatique relevant de l'intérêt général, le syndicat d'améliorations foncières est investi à l'égard de ses membres de la puissance étatique et exerce la fonction officielle d'un véritable organe de l'Etat; il en est ainsi lorsqu'il entreprend sous sa responsabilité des travaux de génie rural: ses décisions ne sont pas prises en exécution d'un contrat de droit privé ou dans l'exercice d'une industrie au sens de l'art 61 al. 2 CO, mais dans l'accomplissement d'une fonction publique, régie par le droit cantonal. Il s'ensuit, conclut l'arrêt Gallay, que la responsabilité encourue par la corporation de droit public pour le dommage causé par les organes ou agents du syndicat dans l'exercice de leur charge ressortit, en vertu de l'art. 61 al. 2 CO, au droit public cantonal; elle n'est régie par le droit privé fédéral qu'à titre subsidiaire, si le canton n'a pas légiféré; le canton de Vaud, en édictant l'art. 47 LAF, a institué une responsabilité causale et directe du syndicat pour les dégâts importants causés aux fonds, récoltes ou cultures par l'exécution des travaux.
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Le Tribunal fédéral ne voit en l'espèce aucune raison de modifier cette jurisprudence. La possibilité d'un recours en réforme étant ainsi exclue, le présent recours de droit public est recevable au regard de l'art. 84 al. 2 OJ.
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L'autorité intimée s'est référée, d'une part, à la loi vaudoise du 16 mai 1961 sur la responsabilité de l'Etat, des communes et de leurs agents (LR) et, d'autre part, à l'art. 60 CO. En ce qui concerne le premier de ces deux textes, elle a relevé que la LAF constitue une loi spéciale par rapport à la LR et que c'est à cette dernière qu'il convient tout d'abord de se reporter pour combler une lacune existant dans cette loi spéciale. Cette argumentation est contradictoire dans la mesure où, ainsi que cela résulte des travaux préparatoires invoqués par la commission intimée elle-même, la responsabilité du syndicat à raison des dommages causés aux fonds, récoltes ou cultures par l'exécution des travaux de remaniement a été délibérément soustraite au champ d'application de la LR. Il est dès lors inexact d'affirmer que, du point de vue de la responsabilité, la LAF se trouve à l'égard de la LR dans un rapport de loi spéciale à loi générale.
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Quant à l'art. 60 CO, la commission a considéré qu'il instituait une prescription en matière extracontractuelle applicable notamment à la responsabilité du propriétaire (art. 679 CC) et à celle du propriétaire d'ouvrage (art. 58 CO); or, en l'espèce, il s'agirait bien d'une responsabilité extracontractuelle. L'application par analogie de l'art. 60 CO (délai de prescription d'une année dès la connaissance du dommage) ne paraît toutefois pas constituer une solution satisfaisante (ATF 105 Ib 13 consid. c). Lorsqu'il a été appelé à fixer lui-même le délai de prescription des prétentions de droit public en l'absence de disposition expresse applicable, le Tribunal fédéral s'est toujours gardé d'imposer des délais trop courts - tels que celui d'une année - pour le motif qu'à défaut de disposition expresse de la loi le créancier ne peut pas s'attendre à une prescription aussi rapide, et cela même dans les cas où l'analogie avec le code des obligations parlerait en faveur de l'adoption du délai d'une année (ATF 105 Ib 14 et les références). De façon générale, les exigences de la sécurité du droit, de la bonne foi et les principes qui régissent l'Etat de droit devraient empêcher le juge chargé de combler une lacune de la loi de fixer un délai aussi court que celui d'une année et le contraindre à adopter plutôt un délai - unique - de 5 ans, par analogie avec la solution retenue par le législateur fédéral et par la jurisprudence en matière de prescription de prétentions semblables (cf. art. 25 LRN, art. 44 al. 3 LNA; ATF 108 Ib 487 ss). Quant au point de départ de ce délai de prescription, il sied de le fixer, selon la jurisprudence, non pas au moment de la connaissance du dommage par le propriétaire, mais au moment où le dommage peut être constaté objectivement; ce moment déterminant ne saurait en effet dépendre de la diligence ou du manque de diligence dont fait preuve le propriétaire intéressé (ATF 108 Ib 487 consid. 3a).
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Dès lors, en s'écartant sans motifs raisonnables de ces principes et en fixant un délai aussi court que celui d'une année, sans base légale claire et par référence à du droit cantonal rigoureux (art. 7 LR), la commission intimée a violé l'interdiction de l'arbitraire prescrite par l'art. 4 Cst. Au demeurant, la solution qu'elle préconise omet de tenir compte du fait que le délai d'une année prévu par l'art. 60 CO, sur lequel se calque l'art. 7 LR, ne s'applique aux demandes fondées sur l'art. 679 CC que dans la mesure où ces actions tendent à l'indemnisation de dommages passés, tandis que l'action en cessation du trouble est en soi imprescriptible. Or, selon la jurisprudence, le délai de prescription de l'action en dommages-intérêts ne commence pas à courir aussi longtemps que l'événement dommageable dure (ATF 109 II 418). Cela étant, le grief d'arbitraire soulevé sur ce point par le recourant, qui estime que la prescription n'aurait pas été acquise comme l'a retenu l'autorité intimée, n'apparaît pas non plus dénué de fondement.
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