BGE 106 Ib 177
 
28. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 25 janvier 1980 dans la cause D. c. Direction générale des CFF (recours de droit administratif)
 
Regeste
Verfügung; Formerfordernis.
Disziplinarverfahren gegen einen Beamten; Art. 30 Abs. 3 BtG.
Unter welchen Bedingungen kann die Verwaltung von der Regel abweichen, nach welcher der Entscheid über die disziplinarische Ahndung bis nach Beendigung des Strafverfahrens auszusetzen ist? (E. 4).
 
Sachverhalt
C. D. a été nommé, en octobre 1955, commis d'exploitation II à M. Depuis lors, il n'a plus quitté cette gare, où il a accompli une carrière qui lui a valu d'être promu chef de bureau d'exploitation à la recette aux voyageurs, le 1er janvier 1973.
A la suite d'un contrôle interne, D. se fit prendre pour avoir vendu 97'500 lires sans les inscrire dans le bordereau des ventes. Interrogé à ce sujet, il reconnut avoir commis d'autres malversations semblables depuis le mois de septembre ou août 1977 et estimait le montant ainsi détourné à près de 1000 fr.
Dès que ces agissements furent découverts, la Division de l'exploitation I des CFF à Lausanne, par décision du 20 septembre 1978, suspendit D. de ses fonctions et le priva dès cette date de sa rémunération, conformément à l'art. 52 de la loi sur le statut des fonctionnaires (StF). D. ne recourut pas contre cette décision.
Par ailleurs, l'autorisation de poursuivre pénalement le recourant en raison des mêmes faits fut donnée par le chef du Département fédéral de justice et police le 24 janvier 1979. Le dossier fut alors transmis au Tribunal du IIIe arrondissement, qui, par jugement du 29 novembre 1979, reconnut D. coupable d'abus de confiance (art. 140 ch. 2 CP) et de faux dans les titres (art. 317 ch. 1 CP) et le condamna à une peine de 10 mois d'emprisonnement avec sursis.
Après clôture de l'enquête disciplinaire, le Directeur du Ier arrondissement des CFF notifia au recourant une décision, le 19 mars 1979, par laquelle il l'informait qu'il était révoqué dès le 25 mars 1979 au soir, en application des art. 30 al. 1 et 3 et 31 al. 1 ch. 9 et al. 4 StF.
Statuant sur recours de D., la Direction générale des CFF à Berne confirma la mesure de révocation prise à l'encontre de l'intéressé, par décision du 14 août 1979.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, D. a demandé au Tribunal fédéral d'annuler la décision rendue le 14 août 1979 par la Direction générale des CFF et de prononcer à son encontre une sanction légère. Subsidiairement, il demande qu'une indemnité équitable au sens de l'art. 114 al. 3 OJ lui soit allouée.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en bref pour les motifs suivants:
 
Considérant en droit:
a) Selon la doctrine de la jurisprudence, sont nuls les actes administratifs qui ne respectent pas les dispositions relatives à la forme écrite, à la signature de l'acte ou à la mention de son auteur. En revanche, la violation des règles sur la motivation d'un acte ou la désignation des membres d'un collège dont il émane est simplement une cause d'annulabilité (cf.: GRISEL, Droit administratif suisse, p. 205; IMBODEN-RHINOW, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, 5e éd., vol. 1, no 40, p. 243, lettre c; ATF 98 Ia 474). En ce qui concerne les actes administratifs, la mention des personnes participant à une décision collective ne constitue un impératif formel que si la loi l'exige expressément (MAX IMBODEN, Der nichtige Staatsakt, Zurich 1944, p. 100).
b) Dans le cas particulier, il n'est pas contesté que la décision entreprise porte simplement en tête la mention "Direction générale des Chemins de fer fédéraux suisses", ainsi que la signature de M. W., lequel a signé en qualité de président e.r. "pour la Direction générale des Chemins de fer fédéraux suisses". Or, on ne voit pas en quoi, du point de vue formel, ce mode de faire pourrait constituer une cause d'annulabilité. En effet, la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968, applicable en l'espèce, ne contient aucune disposition imposant aux instances administratives de mentionner nommément les membres de l'autorité qui ont contribué à prendre une décision; il en va de même de la loi fédérale sur le statut des fonctionnaires du 30 juin 1927 (StF) et du règlement des fonctionnaires (2) du 10 novembre 1959 (RF 2), si bien qu'il n'existe en l'espèce aucune disposition légale qui dérogerait au principe général selon lequel la désignation comme telle de l'autorité qui a rendu la décision suffit à la validité de celle-ci. Ce mode de faire peut d'ailleurs être considéré comme étant la règle en matière administrative où les autorités agissent en tant qu'organes de l'administration. Au surplus, la décision litigieuse a été rendue par une autorité officiellement constituée, dont la composition appartient comme telle au domaine public et que le recourant devait certainement connaître, ne serait-ce qu'en fonction de sa situation et de son grade dans l'entreprise des CFF. C'est donc à tort que D. se prévaut de cet argument.
Quant au grief qu'il formule à propos de la signature, il est également mal fondé puisque, selon le règlement interne du 1er avril 1953, M. W. était parfaitement en droit de signer en remplacement du directeur général absent.
Il en résulte que, dans la mesure où il se fonde sur de prétendus vices de forme dont serait entachée la décision de la Direction générale des CFF, le recours ne peut être que rejeté.
- la décision de suspension du 20 septembre 1978 ayant été prise sur la base de l'art. 52 StF et 32 al. 2 RF 2, elle constitue en réalité une peine disciplinaire déguisée devant être assimilée à une suspension temporaire d'emploi avec privation de traitement au sens de l'art. 31 al. 1 ch. 4 StF; or l'autorité administrative ne pouvait prononcer deux peines disciplinaires pour les mêmes infractions;
- la procédure disciplinaire aurait dû être stoppée jusqu'à la clôture de l'enquête pénale, conformément à l'art. 30 al. 3 StF; le recourant ayant en effet quitté son service dès le 20 septembre 1978, les intérêts de l'administration n'étaient pas compromis.
b) Aux termes de l'art. 30 al. 3 StF, si, au cours d'une action disciplinaire, une instruction est ouverte contre le fonctionnaire en raison des mêmes faits, le prononcé disciplinaire est différé jusqu'après la clôture de la poursuite pénale, à moins que les intérêts de l'administration ne s'opposent au maintien du fonctionnaire dans ses fonctions.
Cette disposition pose donc comme règle à l'administration d'attendre le jugement pénal avant de rendre sa décision; ce n'est donc qu'exceptionnellement qu'elle peut y déroger, au cas où cette attente serait contraire à ses intérêts. L'exception prévue à l'art. 30 al. 3 StF doit être interprétée à la lumière de l'art. 52 al. 1 StF prévoyant que lorsque des raisons de service paraissent l'exiger, le service compétent peut prononcer, par mesure préventive, la suspension immédiate du fonctionnaire. Cette mesure peut être accompagnée de la réduction ou de la privation du traitement, de l'indemnité de résidence et des allocations, mais non de la suppression de l'assurance. L'art. 32 al. 2 RF 2 ne constitue à cet égard qu'un rappel du moyen dont dispose l'autorité pour éloigner temporairement un fonctionnaire de son poste de travail.
En principe, une telle mesure est suffisante pour assurer la protection des intérêts de l'administration jusqu'à la clôture de l'enquête pénale; elle permet ensuite à l'autorité de décider, sur la base du jugement pénal, s'il y a lieu de réintégrer le fonctionnaire dans l'administration ou de le révoquer définitivement.
En l'espèce, l'administration des CFF était donc habilitée, en application de l'art. 52 al. 1 StF, à suspendre D. de ses fonctions et à le priver de sa rémunération, ainsi qu'elle l'a prononcé dans sa première décision du 28 septembre 1978. Il s'agissait alors d'une mesure préventive qui se justifiait pour des raisons de service et qui ne saurait être confondue avec une peine disciplinaire, telle que la suspension temporaire d'emploi avec réduction ou privation du traitement prévue à l'art. 31 ch. 4 StF (cf. FF 1974 II 187/8). Les considérations émises par le recourant au sujet du cumul des peines sont donc sans pertinence; il ne saurait pas davantage se plaindre de la mesure de suspension prise à son égard, puisqu'il a renoncé à recourir contre la décision du 20 septembre 1978, dans le délai légal de 30 jours. Il y a lieu dès lors d'examiner si l'administration a violé l'art. 30 al. 3 StF en ne laissant pas subsister la mesure préventive jusqu'à la clôture de l'enquête pénale.
c) Sur ce point, l'intimée fait notamment valoir que le poste de chef de la recette aux voyageurs de M. devait être repourvu rapidement afin d'assurer le fonctionnement du service; les intérêts des CFF s'opposaient donc au maintien du recourant dans ses fonctions, puisque, en raison du blocage du personnel fédéral, la suspension temporaire n'aurait pas permis d'engager un nouvel employé tant que la procédure pénale était en cours. Ces arguments sont pertinents. Toutefois, il faudrait éviter que, par ce biais, l'exception de l'art. 30 al. 3 StF devienne une règle générale, parce que l'administration pourrait, dans chaque cas, invoquer le blocage du personnel pour repourvoir plus rapidement un poste vacant. Or, un fonctionnaire suspendu temporairement a en principe le droit que l'administration attende l'issue de la procédure pénale avant de prononcer une peine disciplinaire contre lui.
En l'occurrence, l'administration des CFF a prononcé la révocation du recourant le 19 mars 1979. A cette date, le Département fédéral de justice et police avait déjà donné l'autorisation de poursuivre pénalement le recourant. Celui-ci ne fut cependant entendu par le juge d'instruction que le 22 mars 1979. En revanche, à l'époque où la Direction générale des CFF a rendu la décision litigieuse, le 14 août 1979, l'enquête pénale était terminée. Celle-ci a confirmé l'enquête administrative en établissant clairement que le recourant avait prélevé à son profit des sommes d'argent qui revenaient de droit aux CFF. L'intéressé avait effectué ces prélèvements sur une période relativement longue et avait fait preuve de beaucoup d'astuce en ne laissant subsister aucune trace des opérations délictueuses qui ont finalement été découvertes par hasard. De tels agissements étaient de nature à détruire toute la confiance que l'employeur devait avoir en son collaborateur après 31 ans de services et constituaient des raisons suffisantes pour que les CFF ne maintiennent pas le recourant à son poste, d'autant plus qu'en sa qualité de chef de la recette aux voyageurs, il était responsable de la tenue correcte de la comptabilité, ainsi que de la surveillance et de l'instruction de plusieurs subordonnés. Dans ces circonstances, il ne paraissait pas nécessaire d'attendre encore le jugement rendu le 19 novembre 1979 par le Tribunal du IIIe arrondissement, car il n'aurait rien apporté d'essentiel quant au choix de la peine disciplinaire. En outre, le recourant avait trouvé une place d'auxiliaire dans l'administration cantonale déjà avant que la décision litigieuse ne soit rendue et il avait reçu l'assurance qu'il pouvait rester affilié à la Caisse de pensions des CFF.
Il faut dès lors admettre qu'en l'espèce, l'exception prévue à l'art. 30 al. 3 StF était réalisée et que l'administration pouvait congédier définitivement le recourant sans attendre le jugement pénal.