BGE 115 Ib 415 |
59. Arrêt de la Ire Cour de droit public du 13 juin 1989 dans la cause commune d'Ollon, commune d'Aigle, A. et consorts contre CEDRA et Département fédéral des transports, des communications et de l'énergie (recours de droit administratif) |
Regeste |
Gesetzgebung über die Atomenergie (AtG vom 23. Dezember 1959, BB zum Atomgesetz vom 6. Oktober 1978, V über vorbereitende Handlungen vom 24. Oktober 1979). BG über die Enteignung (EntG). Vorbereitende Handlungen i.S. von Art. 15 EntG und Art. 4 der V über vorbereitende Handlungen im Hinblick auf Versuchsbohrungen und Untersuchungen für die mögliche Errichtung eines Lagers für radioaktive Abfälle auf dem Gebiet der Gemeinde Ollon. |
2. Gemäss BB zum Atomgesetz ist das Bundesgesetz über die Enteignung anwendbar (E. 2a). Die Bewilligung des zuständigen Departements gemäss Art. 15 Abs. 1 EntG besteht lediglich in der Feststellung, dass die gesetzlichen Voraussetzungen der Pflicht des Eigentümers zur Duldung der vorbereitenden Handlungen erfüllt sind (E. 2b). Vorbereitende Handlungen i.S. von Art. 15 EntG und Art. 4 der V über vorbereitende Handlungen (E. 2c). |
3. Die gesetzlichen Voraussetzungen sind im konkreten Fall erfüllt (E. 3). Nicht entscheidend ist, dass die NAGRA noch nicht Inhaber des Enteignungsrechts ist (E. 3a). Verhältnismässigkeit der geplanten Massnahmen und Berücksichtigung des Anspruchs auf rechtliches Gehör, insbesondere hinsichtlich der benachbarten Gemeinde (E. 3b und c). Überprüfung der innerhalb eines Friedhofs und eines botanischen Gartens durchzuführenden vorbereitenden Handlungen (E. 3d). |
Sachverhalt |
Par décision du 30 septembre 1985, le Conseil fédéral a autorisé la Société coopérative nationale pour l'entreposage des déchets radioactifs (CEDRA) à procéder à plusieurs forages sur le territoire de la commune d'Ollon, dans la région du Bois de la Glaivaz, et à réaliser un programme d'études géologiques, comprenant notamment des expériences et des mesures géophysiques et hydrogéologiques, afin de déterminer si ce site se prêterait éventuellement à la construction et à l'exploitation d'un dépôt de déchets faiblement et moyennement radioactifs. Cette décision se fondait notamment sur l'art. 37 de la loi fédérale du 23 décembre 1959 sur l'utilisation pacifique de l'énergie atomique et la protection contre les radiations (loi sur l'énergie atomique [LEA]; RS 732.0), l'art. 10 de l'arrêté fédéral du 6 octobre 1978 concernant la loi sur l'énergie atomique (RS 732.01) et les art. 17-19 de l'ordonnance du 24 octobre 1979 sur les mesures prises en prévision de l'aménagement d'un dépôt de déchets radioactifs (ordonnance sur les mesures préparatoires; RS 732.012). L'autorisation était assortie d'un certain nombre de charges; en particulier, les forages ne pourraient être entrepris qu'après l'octroi d'un permis par la Division principale de la sécurité des installations nucléaires (DSN). Le Conseil fédéral a en revanche renvoyé à plus tard la décision relative à l'autorisation de creuser une galerie de reconnaissance avec aménagements souterrains et de procéder à des recherches s'y rapportant.
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Par requête du 12 janvier 1987, fondée sur l'art. 15 de la loi fédérale du 20 juin 1930 sur l'expropriation (LEx; RS 711), la CEDRA a sollicité du Département fédéral des transports, des communications et de l'énergie (DFTCE) l'autorisation de pénétrer sur un certain nombre de parcelles sises sur le territoire des communes d'Ollon et d'Aigle, afin de lever des plans et d'effectuer des mesures et des piquetages. Par décision du 16 juin 1988, le DFTCE a admis cette requête, rejetant ainsi implicitement et partiellement, au sens des considérants, les oppositions qu'elle avait suscitées. Le dispositif de cette décision est le suivant:
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"1. La CEDRA est autorisée à procéder aux actes préparatoires au sens de l'art. 15 LEx, à savoir le levé de plans, l'exécution de mesurages et éventuellement de piquetages, sur les parcelles prévues par la CEDRA et situées sur le territoire des communes d'Aigle et d'Ollon.
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2. Les actes préparatoires feront l'objet d'un avis écrit aux propriétaires cinq jours au moins avant d'être entrepris. La population des communes d'Aigle et d'Ollon sera également avertie par voie d'affiches et de publication dans la Feuille officielle du canton de Vaud et dans les journaux de la région. Conformément à l'art. 15, al. 2 LEx, les avis mentionneront les droits des propriétaires à une indemnité pleine et entière en cas de dommage. Ils indiqueront également l'autorité cantonale compétente en la matière. Avant le début des travaux, la CEDRA vérifiera que les publications ont été faites.
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3. En outre, la CEDRA respectera les autres charges et restrictions énoncées aux points 18 et 19.
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4. La CEDRA ne pourra accéder aux parcelles que les jours ouvrables de 8h à 12h et de 14h à 17h.
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5.-7. ..."
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Agissant par la voie du recours de droit administratif, les communes d'Ollon et d'Aigle, ainsi que 141 propriétaires, demandent au Tribunal fédéral, principalement, d'annuler la décision du DFTCE du 16 juin 1988 et de rejeter la requête de la CEDRA du 12 janvier 1987. A titre subsidiaire, ils concluent au rejet de cette requête pour toute parcelle située sur le territoire d'Aigle, pour le cimetière d'Ollon (parcelle No 889) et pour le Jardin botanique de Saint-Triphon (parcelles Nos 1498 et 1506). Les recourants se prévalent notamment de l'insuffisance du programme des travaux de la CEDRA; le fait que celle-ci n'ait pas défini ses travaux avec précision empêcherait l'application de l'art. 15 LEx; en outre, le DFTCE aurait violé le principe de la proportionnalité. De plus, la CEDRA devrait voir sa requête rejetée parce que le Conseil fédéral ne lui a pas encore octroyé le droit d'exproprier. Les recourants contestent par ailleurs à la CEDRA le droit de procéder à des travaux sur le territoire de la commune d'Aigle, celle-ci n'ayant pas été mentionnée dans la décision du Conseil fédéral du 30 septembre 1985. Ils critiquent enfin les dispositions prises dans la décision attaquée en ce qui concerne l'accès aux parcelles après de fortes pluies et insistent sur la nécessité d'interdire absolument à la CEDRA l'accès et l'utilisation du cimetière ainsi que du jardin botanique.
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Le DFTCE et la CEDRA concluent au rejet du recours. Le Conseil d'Etat du canton de Vaud, en qualité d'autorité intéressée, s'exprime dans le sens des conclusions subsidiaires des recourants, sans prendre lui-même de conclusions précises.
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Considérant en droit: |
On soutient en doctrine, il est vrai, que la voie du recours de droit administratif serait exclue contre la décision autorisant des mesures préparatoires au sens de l'art. 15 LEx (H. HESS, dans Hess/Weibel, Das Enteignungsrecht des Bundes, vol. I, n. 15 ad art. 15 LEx et vol. II, p. 486 n. 14). Deux raisons sont avancées à l'appui de cette thèse: d'une part, la possibilité qu'ont les propriétaires, s'ils subissent des dommages, de se faire indemniser dans le cadre de la procédure prévue à l'art. 15 al. 2 LEx; d'autre part, leur droit, en cas d'ouverture subséquente d'une procédure d'expropriation, de faire opposition, voie de droit qui exclut en principe celle du recours de droit administratif en vertu de l'art. 102 let. d OJ. Le Tribunal fédéral ne peut partager cette opinion. En effet, ainsi qu'on le verra encore, l'art. 15 LEx institue une restriction de droit public à la propriété, fondée directement sur la loi, et le droit du propriétaire au contrôle juridictionnel des conditions d'une telle limitation ne saurait être exclu sous prétexte que les éventuels dommages seront préparés. Par ailleurs, il est vain de se référer au droit de faire opposition plus tard à une éventuelle expropriation car, au stade actuel, personne n'est en mesure de dire si une telle procédure sera ouverte. De toute façon, l'opposition dirigée contre cette future expropriation ne pourrait avoir d'effet rétroactif et porter sur des actes antérieurs à celle-ci.
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b) Le Tribunal fédéral examine librement l'application du droit fédéral (art. 104 let. a OJ) et la constatation des faits (let. b), sans être soumis à la limitation prévue à l'art. 105 al. 2 OJ, l'autorité intimée étant un département fédéral. En l'espèce, il ne peut toutefois pas revoir les questions d'opportunité, car le droit fédéral déterminant ne prévoit pas cette possibilité (art. 104 let. c ch. 3 OJ).
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c) Les recourants invoquent, de façon générale, le caractère médiocre et confus de la législation fédérale en matière d'élimination des déchets radioactifs. Du fait de la limitation apportée à son pouvoir de contrôle par la Constitution fédérale (art. 113 al. 3 et 114bis al. 3), le Tribunal fédéral n'a pas à se prononcer sur la qualité de la législation fédérale déterminante; il ne peut qu'examiner si, dans le cas particulier, les normes en cause sont effectivement applicables et reçoivent une application correcte.
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a) La loi fédérale sur l'expropriation, en particulier son art. 15, est applicable en l'espèce en vertu de l'arrêté fédéral concernant la LEA (RS 732.01). Le législateur n'a certes pas prévu dans la LEA du 23 décembre 1959 (RS 732.0) la possibilité de recourir à l'expropriation en matière d'installations nucléaires (cf. ATF 103 Ia 337 s. consid. b et les références; HANSJÖRG SEILER, Das Recht der nuklearen Entsorgung in der Schweiz, thèse Berne 1986, p. 253 s.); cette faculté est en revanche mentionnée expressément à l'art. 10 al. 4 de l'arrêté fédéral concernant la LEA, l'exercice du droit d'expropriation ou son transfert à des tiers y étant prévus tant pour la construction de dépôts de déchets radioactifs que pour les mesures préparatoires en vue de l'aménagement de ceux-ci (art. 10 al. 2; SEILER, op.cit., p. 255 et les références).
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b) L'art. 15 al. 1 LEx institue une restriction de droit public à la propriété, fondée directement sur la loi. L'autorisation délivrée par le département compétent, en cas d'opposition, se borne à constater que les conditions auxquelles la loi subordonne l'obligation de tolérer imposée au propriétaire sont remplies. S'il subit des dommages, ce dernier a droit à une indemnité pleine et entière en vertu de la disposition spéciale de l'art. 15 al. 2 LEx (cf. arrêt Besmer du 3 juin 1983 publié dans ZBl 86/1985, p. 157 s.). En présence de textes légaux aussi clairs, il est inutile de se. demander si l'on aurait affaire ici à une sorte d'expropriation formelle, ainsi que le soutiennent les recourants, voire à une expropriation matérielle entraînant le paiement d'une indemnité.
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c) Les actes préparatoires au sens de l'art. 15 LEx sont énumérés de manière non exhaustive, pour ce qui concerne l'aménagement des dépôts de déchets nucléaires, à l'art. 4 de l'ordonnance sur les mesures préparatoires (RS 732.012). Il s'agit, entre autres, des passages qu'exige l'établissement d'un projet (let. a), les levés de plans (let. b), les piquetages et mesurages (let. c). Ces actes préparatoires doivent être nettement distingués des mesures préparatoires selon l'art. 10 al. 2 de l'arrêté concernant la LEA, mesures qui font l'objet de l'art. 3 de l'ordonnance précitée. Cette dernière soustrait d'ailleurs les actes préparatoires à la procédure d'autorisation du Conseil fédéral, obligatoire pour les mesures préparatoires (art. 1er), et les exclut expressément de la définition de celles-ci (art. 3).
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3. a) La CEDRA n'ayant pas requis jusqu'à présent le droit d'exproprier, les recourants en déduisent que l'art. 15 LEx ne serait pas applicable. La restriction légale de l'art. 15 al. 1 LEx est instituée en faveur d'une "entreprise pouvant donner lieu à une expropriation". Il ressort de ce texte parfaitement clair qu'il n'est pas nécessaire que l'entreprise possède déjà le droit d'exproprier, en vertu de la loi ou d'un acte d'attribution particulier. Il suffit, en principe, que la possibilité de recourir à une telle procédure soit envisageable pour l'entreprise en cause. Il n'est donc pas déterminant en l'espèce que la CEDRA ne soit pas actuellement titulaire du droit d'exproprier (cf. les ATF 105 Ib 199 consid. 1c, ATF 96 I 191 consid. 2 concernant le transport et la distribution d'énergie électrique, domaine où le propriétaire de l'installation projetée doit commencer par introduire la procédure d'expropriation et établir le plan de l'ouvrage, le plan d'expropriation et le tableau des droits expropriés avant même d'avoir obtenu le droit d'exproprier; cf. également HESS/WEIBEL, op.cit., vol. I, n. 7 et 8 ad art. 15 LEx).
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Les recourants ne contestent pas, et il n'est pas contestable d'ailleurs, que l'entreprise pour laquelle la CEDRA a demandé l'autorisation de faire usage de la faculté prévue à l'art. 15 al. 1 LEx puisse donner lieu à une expropriation. Une telle entreprise entre en effet dans la notion de travaux pour lesquels le droit d'expropriation peut être exercé ou conféré au sens des art. 22ter al. 2, 23 al. 1 et 2 Cst., 1er al. 1, 2 et 3 LEx, et de la législation fédérale à laquelle ces dispositions renvoient (cf. ATF 104 Ib 31 consid. 3a).
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Aux termes de la décision attaquée, la CEDRA est autorisée à lever des plans, à exécuter des mesurages et éventuellement des piquetages, tout en respectant certaines charges et restrictions, notamment en ce qui concerne les jours et heures d'accès aux parcelles en cause. Il s'agit là d'opérations qui entrent toutes dans la catégorie des actes préparatoires au sens des art. 15 LEx et 4 de l'ordonnance sur les mesures préparatoires.
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b) Prétextant l'insuffisance du programme des travaux de la CEDRA, les recourants se prévalent d'une violation du principe de la proportionnalité. En l'état, ce grief est mal fondé. En effet, ainsi que le relève avec pertinence le département intimé dans sa réponse, le but de l'autorisation du Conseil fédéral du 30 septembre 1985, qui fixait certaines conditions et déterminait le type des travaux à effectuer, était d'établir un programme de travail détaillé et scientifiquement valable. Les actes préparatoires autorisés doivent précisément empêcher la CEDRA de procéder "à l'aveuglette"; en lui permettant de délimiter les parcelles qui seront effectivement touchées par les mesures préparatoires subséquentes, on lui évite de mettre en oeuvre par la suite des travaux inutiles et de devoir exproprier des parcelles qui ne seront pas nécessaires à la réalisation du programme de travail.
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c) S'appuyant sur le fait que l'éventuel dépôt de déchets radioactifs est prévu à Ollon, les recourants estiment qu'aucun acte préparatoire ne pourrait être entrepris sur le territoire de la commune d'Aigle. Cette objection est dépourvue de fondement, car il est évident que, pour établir le projet d'ouvrage en question, des mesures et des vérifications - notamment de caractère géologique et hydrologique - doivent pouvoir être effectuées dans les environs immédiats du site: la qualité de ceux-ci peut en effet jouer un rôle important dans la réalisation du projet; par ailleurs, les alentours peuvent être exposés aux effets de l'ouvrage projeté. De telles mesures et vérifications, outre qu'elles sont nécessaires à l'établissement du projet et dans l'intérêt de l'ouvrage, sont donc autorisées dans l'intérêt même des propriétaires de fonds voisins et de la commune limitrophe d'Aigle.
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Dans sa requête du 12 janvier 1987, tendant à l'octroi de l'autorisation d'effectuer des actes préparatoires au sens de l'art. 15 LEx, la CEDRA précisait que ces actes devaient s'accomplir sur les terrains des communes d'Aigle et d'Ollon. Ces deux communes et les propriétaires susceptibles d'être touchés ont obtenu du DFTCE, le 21 avril 1987, la faculté de déposer des observations et conclusions relatives à la demande de la CEDRA, alors qu'à s'en tenir au texte de l'art. 15 al. 1 LEx, il suffisait, en ce qui concerne les passages nécessaires, de faire une publication dans les communes intéressées, conformément à l'usage local. Le grief de violation du droit d'être entendu soulevé dans ce contexte doit donc être rejeté.
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d) Les recourants voudraient enfin que l'accès du cimetière d'Ollon soit absolument interdit à la CEDRA. Si l'on peut comprendre, dans une certaine mesure, leur réticence en ce qui concerne l'exécution d'actes préparatoires dans un tel lieu, on ne saurait pourtant aller jusqu'à voir là une atteinte à la paix des morts. L'accès au cimetière et les opérations de vérification géologique et hydrologique qui y sont prévues revêtent en effet un caractère tout à fait modeste et doivent permettre de mieux délimiter la zone susceptible de faire l'objet des travaux ultérieurs. Il en va de même en ce qui concerne le Jardin botanique de Saint-Triphon, que les recourants voudraient également voir exclu du champ d'investigations de la CEDRA. On ne voit pas en quoi les diverses espèces de plantes et d'animaux qu'on y dénombre seraient sérieusement mises en péril par les actes préparatoires autorisés. En outre, il n'y a aucune raison de penser que les techniciens chargés de l'exécution de ces actes ne s'en acquitteraient pas avec tout le soin requis et dans le respect des valeurs morales mises en avant par les recourants.
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Pour des motifs analogues, il y a lieu d'écarter le grief des recourants relatif à l'accès aux parcelles après de fortes pluies.
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e) Au demeurant, les recourants n'allèguent pas, et démontrent encore moins, que le DFTCE aurait commis un abus ou un excès de son pouvoir d'appréciation dans la fixation des modalités d'exécution à l'intention des techniciens de la CEDRA, ni qu'il aurait dû prévoir d'autres mesures en vue de diminuer encore davantage les conséquences des opérations envisagées.
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