BGE 116 Ib 465
 
56. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 5 novembre 1990 dans la cause World Wildlife Fund (WWF) Suisse contre Victor Piccand et commune de Grenilles (recours de droit administratif)
 
Regeste
Art. 12 NHG, Art. 55 USG, Art. 103 lit. c OG, Art. 24 RPG, Art. 25 Abs. 2 RPV; Beschwerderecht der gesamtschweizerischen ideellen Vereinigungen gemäss Art. 12 NHG gegen eine Ausnahmebewilligung im Sinne von Art. 24 RPG (Motocrosstrainingpiste in einer Kiesgrube).
 
Sachverhalt
En 1982, Victor Piccand a aménagé une piste de motocross dans une gravière, sise au lieu-dit "Chaney", sur le territoire de la commune de Grenilles. Afin de régulariser la situation, il a déposé le 8 novembre 1988 une demande de changement d'affectation de la gravière en piste d'entraînement provisoire. La demande a été mise à l'enquête publique du 3 au 16 février 1989. L'avis d'enquête ne mentionnait pas la nécessité d'une autorisation exceptionnelle. La fondation World Wildlife Fund Suisse ne s'est pas opposée au projet pendant le délai d'enquête. La Direction des travaux publics du canton de Fribourg a autorisé le changement de destination de la gravière sur la base de l'art. 24 al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT). Cette décision a été publiée dans la Feuille officielle du canton de Fribourg du 2 juin 1989, conformément à l'art 25 al. 2 OAT.
La fondation a formé un recours le 15 juin 1989 contre la décision cantonale auprès du Conseil d'Etat du canton de Fribourg qui l'a déclaré irrecevable par arrêté du 13 mars 1990.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, la fondation demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision cantonale. Le Tribunal fédéral a admis le recours et a renvoyé la cause au Conseil d'Etat.
 
Considérant en droit:
a) La fondation recourante est une organisation d'importance nationale, qui se voue à la protection de la nature et du paysage par pur idéal au sens de l'art. 12 LPN. En vertu de cette disposition, elle a qualité pour recourir contre les décisions relatives à l'accomplissement de tâches de la Confédération au sens de l'art. 2 LPN, notamment contre les autorisations délivrées sur la base de l'art. 24 LAT, lorsque les impératifs de la protection de la nature et du paysage (art. 24sexies Cst.) sont en cause (ATF 116 Ib 121 ss consid. 2b; ATF 115 Ib 338 consid. 1 et 2, ATF 112 Ib 70 ss). Tel est le cas en l'espèce, ou, de plus, l'exploitation de la piste nécessite une installation d'arrosage avec une prise d'eau soumise aux exigences relatives à la protection des biotopes, prévues au chapitre quatre de la loi fédérale sur la pêche du 14 décembre 1973 (ATF 109 Ib 217 consid. 3). La qualité pour recourir devant les instances cantonales doit être reconnue aux associations visées à l'art. 12 LPN, dans les mêmes limites qu'en matière de recours de droit administratif au Tribunal fédéral (art. 103 OJ; ATF ATF 112 Ib 71 consid. 2), ce qui résulte expressément de l'art. 33 al. 3 let. a LAT pour les décisions relevant de l'art. 24 LAT.
b) Les organisations qui entendent exercer le droit de recours prévu par les art. 12 LPN et 55 LPE doivent participer à la procédure de dernière instance cantonale. Elles doivent donc être clairement informées, par exemple au moyen d'une publication adéquate conforme au droit cantonal, du fait qu'un projet exige une autorisation relevant du droit fédéral, soumise à cette voie de droit (ATF 116 Ib 121 consid. 2b et c). Pour les autorisations selon l'art. 24 LAT, l'annonce spécifique exigée par l'art. 25 al. 2 de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire du 2 octobre 1989 (OAT) est un moyen de publicité suffisant. En l'espèce, l'autorisation contestée a été publiée le 2 juin 1989 dans la Feuille officielle du canton de Fribourg. La recourante a attaqué cette décision dans les formes et délai prévus à cet effet. Il convient d'examiner si le Conseil d'Etat pouvait encore soumettre la recevabilité du recours à la condition que la fondation soit intervenue au stade de l'enquête publique, avant la publication prévue par l'art. 25 OAT.
c) En matière de constructions hors des zones à bâtir, le droit cantonal peut réglementer la participation des organisations mentionnées aux art. 12 LPN et 55 LPE à la procédure cantonale, mais il doit veiller à ne pas rendre impossible ou excessivement difficile l'exercice du droit de recours garanti par le droit fédéral. La jurisprudence a ainsi posé le principe que le droit cantonal ne peut exclure de la procédure cantonale les organisations qui ne seraient pas intervenues avant la publication prévue par l'art. 25 al. 2 OAT ATF 116 Ib 433 E.
Le Conseil d'Etat ne pouvait donc subordonner la qualité pour recourir de la fondation à la condition qu'elle se soit opposée à la requête d'autorisation, déjà avant la publication de la décision cantonale, effectuée conformément à l'art. 25 al. 2 OAT. En refusant d'entrer en matière sur le recours, le Conseil d'Etat a donc empêché l'application du droit fédéral qui confère à la fondation le droit de recourir (art. 12 LPN, 103 let. c OJ, 33 al. 3 let. a et 34 al. 1 LAT, 25 al. 2 OAT). Le recours doit dès lors être admis pour violation du droit fédéral (art. 104 let. a OJ).
Au demeurant, on peut relever que l'art. 59 LATeC ne réglemente pas la participation des organisations mentionnées à l'art. 12 LPN à la procédure d'opposition pour les constructions hors des zones à bâtir, contrairement à ce qui est prévu en matière de plans d'affectation (art. 80 al. 2 et 3 LATeC). De plus, en l'espèce, l'avis relatif à la mise à l'enquête publique ne mentionnait pas la nécessité d'une autorisation spéciale au sens de l'art. 24 LAT pour le changement de destination de la gravière en piste de motocross.