64. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 11 décembre 1992 dans la cause D. c. Tribunal administratif du canton de Genève (recours de droit administratif)
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Regeste
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Art. 16 Abs. 2 SVG, Entzug des Führerausweises; Art. 37 SVG und Art. 21 Abs. 1 VRV.
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Sachverhalt
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A.- Le 23 janvier 1992, à 13 h 25, D. a stationné son véhicule à l'avenue Eugène-Lance sur la commune de Lancy. En ouvrant sa portière, afin de quitter sa voiture, il a causé la chute d'un cycliste qui, alors qu'il circulait normalement, a heurté la portière. D. est titulaire d'un permis de conduire délivré le 12 avril 1965 et n'a jusqu'à ce jour été reconnu coupable d'aucune contravention.
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Par arrêté du 27 février 1992, le Département genevois de justice et police, en application des art. 16 al. 2 et 17 LCR, a retiré le permis de conduire de D. pour une durée d'un mois.
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B.- Statuant le 29 avril 1992, la première section du Tribunal administratif de Genève a rejeté le recours formé par D. contre cette décision. Les juges cantonaux ont retenu que toute personne qui quitte son véhicule après l'avoir garé et immobilisé doit être considérée comme un conducteur. C'est donc en cette qualité qu'ils ont reproché à D. d'avoir enfreint l'art. 21 OCR en ouvrant la portière de son véhicule, vraisemblablement après avoir regardé dans son rétroviseur mais sans s'être retourné, de sorte qu'il n'avait pas vu le cycliste qui pouvait se trouver dans l'angle mort, manquant ainsi de prendre les précautions imposées par cette disposition. Enfin, l'autorité cantonale a estimé que le cas n'était pas de peu de gravité au sens de l'art. 16 al. 2 LCR.
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C.- D. a déposé, contre cet arrêt, un recours de droit administratif au Tribunal fédéral. Il conteste avoir commis l'infraction qui lui est reprochée car l'ouverture de la portière d'un véhicule garé, moteur arrêté, n'est pas un acte de conduite. Selon le recourant, il ne se justifie pas d'imposer à la personne qui a conduit le véhicule des sanctions qui ne pourraient pas être infligées aux passagers. De surcroît, il conteste que les conditions d'application de l'art. 16 al. 2 LCR aient été remplies. Il nie que la sécurité du trafic ait été compromise, l'accident étant, selon lui, imputable au comportement du cycliste qui roulait trop près des voitures en stationnement. Il soutient en outre que la faute qui lui est reprochée est de peu de gravité. Enfin, le recourant se prévaut de ses bons antécédents en tant que conducteur et de l'importance que revêt l'usage d'un véhicule automobile pour l'exercice de sa profession.
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Partant, il conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué et de la décision de première instance. Il sollicite par ailleurs l'effet suspensif.
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D.- Invité à présenter des observations, l'Office fédéral de la police a conclu à l'admission du recours.
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Extrait des considérants:
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La question essentielle qui se pose en l'espèce est de savoir si le recourant doit être considéré comme un conducteur au sens de cette disposition. Il ne conteste pas avoir piloté son véhicule jusqu'à l'endroit où il a commis l'infraction qui lui est reprochée, mais estime que, dès lors qu'il avait parqué sa voiture, son comportement n'était plus celui d'un conducteur mais celui de n'importe quel occupant qui quitte un véhicule.
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Le conducteur d'un véhicule à moteur est la personne qui est assise au volant et dirige le véhicule (ATF 60 I 163 consid. 1; SCHAFFHAUSER, Grundriss des schweizerischen Strassenverkehrsrechts I, p. 83 no 199; BUSSY/RUSCONI, Commentaire CR, 2e éd., n. 1.2 ad art. 31 LCR).
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Ultérieurement, cette définition a été étendue à certaines situations qui n'entrent pas en considération en l'espèce (BUSSY/RUSCONI, op.cit., loc. cit.).
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S'agissant de l'application de l'art. 16 LCR, MICHEL PERRIN (Délivrance et retrait du permis de conduire, Fribourg 1982, p. 67) relève que le retrait d'admonestation sanctionne une infraction liée à l'emploi d'un véhicule sur la voie publique. Selon PETER STAUFFER, (Der Entzug des Führerausweises, thèse, Berne 1966, p. 20), un retrait d'admonestation ne peut être prononcé qu'à l'encontre d'un conducteur qui a eu, dans la circulation, un comportement fautif. En revanche, les contraventions que le détenteur d'un permis de conduire a commises autrement qu'au volant d'un véhicule ne peuvent pas faire l'objet d'un retrait d'admonestation. Tout au plus est-il possible d'envisager un retrait de sécurité, au sens de l'art. 16 al. 1 LCR, à la condition que son comportement montre qu'il ne possède pas ou plus les aptitudes nécessaires à la conduite. Ce point de vue est également celui de A. PFISTER (Der Entzug des Führerausweises, publication de l'ACS, Berne 1965, p. 89). Citant une décision rendue en 1962 par le Département fédéral de justice et police, STAUFFER mentionne toutefois qu'une règle de la circulation peut être violée après l'arrêt du véhicule et même alors que le conducteur le quitte, de sorte que le chauffeur qui cause un danger en ouvrant sa portière risque de se voir retirer son permis de conduire (PETER STAUFFER, op.cit., p. 49). Il y a lieu de relever encore que cet auteur estime qu'il faut entendre par "règle de circulation" au sens de l'art. 16 LCR toute prescription relative au comportement des conducteurs de véhicules à moteur destinée directement à sauvegarder la sécurité du trafic (PETER STAUFFER, op.cit., loc.cit.).
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Enfin, BUSSY/RUSCONI (op.cit., n. 2.2.2. ad art. 16 LCR) mentionne, sans aucun commentaire, un arrêt du Tribunal administratif genevois selon lequel la personne qui quitte son véhicule après l'avoir garé et immobilisé est à considérer comme conducteur.
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Il s'agit, en premier lieu, de l'arrêt genevois mentionné ci-dessus (RDAF 1978 p. 71 s.) admettant que le conducteur qui, quittant son véhicule après l'avoir garé et immobilisé, cause un accident en ouvrant sa portière est passible d'une mesure administrative.
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Le Conseil d'Etat lucernois a en revanche rendu une décision selon laquelle la personne qui a garé et arrêté son véhicule ne doit plus être considérée comme conducteur. Par conséquent, si elle ouvre sa portière sans prendre les précautions requises, elle viole une règle concernant toutes les personnes qui montent dans un véhicule ou en descendent. Partant, elle n'est pas passible des mesures prévues à l'art. 16 al. 2 LCR (LGVE 1990 III p. 264 ss, rés. JdT 1991 I 670 s.)
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b) L'art. 37 LCR impose au conducteur certaines règles relatives à la manière de s'arrêter et de parquer son véhicule. L'al. 3 de cette disposition précise que le conducteur ne peut quitter son véhicule sans avoir pris les précautions commandées par les circonstances. Ainsi, le conducteur est, en tant que tel, tenu de veiller à ce que son véhicule, une fois arrêté, soit dans toute la mesure du possible à l'abri d'une mise en mouvement fortuite ou d'un emploi illicite (voir BUSSY/RUSCONI, op.cit., n. 3 ad art. 37 LCR, qui renvoie à l'art. 22 OCR). On constate donc que le législateur a entendu imposer au conducteur des obligations qui vont au-delà de celles afférentes à la circulation proprement dite. Si les art. 37 LCR et 22 OCR imposent au conducteur de prendre certaines mesures, telles que mettre des cales d'arrêt ou verrouiller les portes du véhicule, même après avoir quitté celui-ci, on peut, a fortiori, attendre de lui qu'il fasse preuve de l'attention et prenne les précautions requises par les circonstances au moment où il quitte le véhicule. S'arrêter en ayant égard aux autres usagers de la route et en évitant de créer ainsi un danger pour eux est un devoir que l'art. 37 LCR impose au conducteur qui parque son véhicule. Un parcage correct suppose donc également que le conducteur use des précautions voulues par les circonstances et fasse preuve de toute l'attention nécessaire au moment où il ouvre sa portière et quitte son véhicule. Cette obligation lui incombe en sa qualité de conducteur, au sens de l'art. 16 al. 2 LCR.
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Certes, celui qui a conduit le véhicule risque ainsi une mesure qui ne pourrait pas être infligée à un autre occupant dans l'hypothèse où celui-ci adopterait le même comportement. Cette différence ne constitue néanmoins pas une inégalité de traitement. Il faut tout d'abord relever que c'est le chauffeur qui détermine l'endroit où il va stationner le véhicule. Il fait ce choix en tenant compte notamment des risques que présentera, en fonction de la situation, l'ouverture de la portière et la sortie du véhicule. Plus que les autres occupants, il aura donc ces dangers présents à l'esprit, ce qui devra l'amener à être particulièrement prudent. En outre, il est exigé du conducteur une formation particulière, suivie en vue de l'obtention du permis, au cours de laquelle il a été spécialement mis en garde contre les dangers de la circulation et préparé à adopter un comportement approprié afin d'éviter dans toute la mesure du possible que ceux-ci se réalisent. Enfin, et surtout, la place occupée par le conducteur est conçue de manière que celui-ci dispose de la meilleure vue d'ensemble possible sur le trafic. Notamment, les rétroviseurs lui permettent d'avoir une vision de ce qui se passe à l'arrière du véhicule, vision que les autres occupants ne peuvent avoir qu'en se retournant. Pour toutes ces raisons, la situation de celui qui est au volant d'un véhicule, et qui assume ainsi une responsabilité importante, est telle que l'on est en droit d'attendre de lui une attention supérieure à celle qui doit être exigée des autres occupants, de sorte que l'on peut, sans inégalité de traitement, admettre que sa situation personnelle lui impose de prendre des précautions particulières.
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Par conséquent, celui qui après avoir parqué et immobilisé le véhicule qu'il conduisait ouvre la portière sans prendre les précautions commandées par les circonstances et compromet ainsi la sécurité du trafic est passible des mesures prévues par l'art. 16 al. 2 LCR.
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c) L'autorité cantonale a ordonné, en application de cette disposition, le retrait du permis de conduire du recourant pour une durée d'un mois. Conformément à l'art. 16 al. 2 LCR, le permis de conduire peut être retiré au conducteur qui, par des infractions aux règles de la circulation, a compromis la sécurité de la route ou incommodé le public. Un simple avertissement peut être donné dans les cas de peu de gravité.
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Se pose par conséquent encore la question de savoir si l'on se trouve en présence d'un "cas de peu de gravité" au sens de l'art. 16 al. 2 2e phrase LCR et si, dans l'affirmative, l'autorité cantonale a abusé de son pouvoir d'appréciation en décidant de prononcer un retrait de permis (art. 104 let. a OJ).
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En parlant de cas de peu de gravité, le législateur n'a pas restreint l'examen aux seules circonstances objectives de l'infraction aux règles de la circulation, ni même à l'analyse de la faute lors de la commission de l'infraction; le terme "cas de peu de gravité" appelle au contraire une analyse complète des circonstances.
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Ainsi, pour dire s'il s'agit ou non d'un cas de peu de gravité, il faut prendre en compte l'ensemble des circonstances du cas d'espèce, y compris les antécédents d'automobiliste de l'intéressé (cf. art. 31 al. 2 OAC). En outre, c'est une faculté que l'art. 16 al. 2 LCR confère à l'autorité, de sorte que celle-ci doit examiner la mesure envisagée sous l'angle de sa proportionnalité (ATF 118 Ib 233 consid. 3). L'autorité ne prononcera donc pas une mesure plus lourde qu'il n'est nécessaire pour atteindre le but des mesures d'admonestation, à savoir d'amender le conducteur et d'empêcher les récidives (voir art. 30 al. 2 OAC). Elle dispose dans ce cadre d'un large pouvoir d'appréciation et le Tribunal fédéral ne peut intervenir, en considérant le droit fédéral comme violé, que s'il y a eu un abus ou un excès du pouvoir d'appréciation (art. 104 let. a OJ).
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En l'espèce, la motivation de l'arrêt attaqué ne permet pas de déterminer si l'autorité cantonale a retenu que le recourant n'avait pas du tout contrôlé si la voie était libre avant d'ouvrir sa portière ou s'il avait regardé dans son rétroviseur, sans toutefois se retourner et que le cycliste se trouvait alors dans l'angle mort. Elle a simplement constaté que le recourant avait commis une faute, dont elle n'a d'ailleurs pas examiné la gravité eu égard à l'ensemble des circonstances du cas, notamment aux excellents antécédents du recourant qui, titulaire du permis de conduire depuis près de 30 ans, n'a jamais été reconnu coupable d'aucune contravention. Dans ces conditions, l'autorité de céans n'est pas en mesure de contrôler si les juges cantonaux ont ou non abusé de leur pouvoir d'appréciation en prononçant un retrait de permis plutôt qu'un avertissement. L'arrêt attaqué doit dès lors être annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale afin qu'elle examine à nouveau cette question en prenant en considération tous les éléments pertinents.
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