57. Arrêt du 26 novembre 1954 dans la cause Administration fédérale des contributions contre Commission vaudoise de recours en matière d'impôt et B.
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Regeste
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Art. 2 lit. b MStG.
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Sachverhalt
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A.- B., né en 1923, a été déclaré apte au service en 1941 et a servi, en 1943, dans une école de recrues. Il a ensuite fait diverses périodes de service actif, puis il a suivi deux cours de répétition, l'un en 1947 et l'autre en 1948.
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Pendant ce dernier cours, il s'est annoncé au médecin de troupe pour une contusion au genou gauche, le 3 septembre; mais cet accident ne l'a pas empêché de continuer à faire son service. Le 11 septembre, après avoir été licencié à Fribourg, au lieu de regagner directement son domicile, il voulut se rendre à Châtel-St-Denis sur sa motocyclette privée, pour un motif personnel. En cours de route, il fut victime d'un accident de la circulation: Déporté sur la partie gauche de la chaussée dans un tournant, il entra en collision avec une automobile qui venait en sens inverse. Il subit une distorsion du genou gauche avec épanchement et diverses ecchymoses à la cuisse et à la jambe gauche, qui nécessitèrent une hospitalisation de quinze jours. A sa sortie de l'hôpital, il était guéri.
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Depuis lors, B. a suivi encore deux cours de répétition, en 1949 et en 1950. Pendant cette dernière période, il s'est annoncé deux fois à la visite sanitaire; la première fois, le 24 août, le médecin de troupe diagnostiqua une légère arthrose du genou gauche avec un peu de tendinite, la seconde fois, le 7 septembre, des douleurs chroniques dans le genou gauche avec une légère hydrarthrose. Le médecin demanda alors une radiographie en signalant de plus que, lors de chaque marche, le malade ressentait des douleurs violentes dans les deux genoux. La radiographie fut faite le 8 septembre 1950, avant le licenciement. Elle révéla une "ombre de Stieda" sur le côté médian du genou droit et en outre un "tuberculum très grossier" au genou gauche. Le 24 septembre suivant, B. se fit annoncer à l'Assurance militaire fédérale pour un rhumatisme du quadriceps gauche. Il fut déclaré guéri le 16 octobre.
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Le 18 août 1952, il entra au service pour un cours de répétition, mais il fut dispensé le même jour déjà. Le médecin de troupe nota: "A citer devant CVS avec radiographies pour 250/56 b IAS hanche gauche" (arthronose déformante). En 1953, entré au service, le 4 mai, il fut dispensé comme l'année précédente, avec une remarque identique. Le 5 août suivant, il comparut devant une CVS. Sur le vu d'un rapport de la visite sanitaire d'entrée, qui mentionnait: "arthrose iliaque bilatérale d'origine" et d'un certificat du Dr Graf, à Lausanne, portant le même diagnostic, la CVS prononça l'exemption absolue en vertu des ch. 250/56 b IAS (prémentionné) et 29 a (rhumatisme articulaire chronique).
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Enfin, le 21 avril 1954, B. s'est à nouveau fait annoncer à l'Assurance militaire fédérale. Son médecin traitant, après avoir pris l'avis d'un chirurgien, diagnostiqua une arthrite déformante des deux hanches, surtout marquée à gauche, et posa la question d'un rapport de causalité éventuel entre l'accident survenu en 1948 et l'état actuel du patient. Il exprima enfin l'avis que seule une expertise permettrait de trancher cette question.
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B.- Astreint au paiement de la taxe d'exemption, B. a demandé à en être exonéré de par l'art. 2 litt. b LTM. Le 26 janvier 1954, la Commission vaudoise de recours en matière d'impôt a admis la demande d'exonération, en bref par les motifs suivants:
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B. a été réformé pour une arthrose déformante du genou gauche et un rhumatisme de la cuisse gauche. Etant donné qu'il ne souffre d'aucune douleur dans d'autre régions de l'organisme, cette double affection est certainement la conséquence lointaine de l'accident survenu au service, le 11 septembre 1948.
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C.- Contre cette décision, l'Administration fédérale des contributions a formé, en temps utile, un recours de droit administratif. Dans son recours et sa réplique, elle argumente en bref comme il suit:
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L'arthronose iliaque déformante pour laquelle B. a été réformé est une affection d'origine organique. Elle n'a été ni provoquée ni aggravée par les accidents survenus au service. La contusion au genou gauche, annoncée au médecin de troupe, le 3 septembre 1948, était sans aucune gravité et n'a pas nécessité de soins spéciaux. On doit en revanche admettre qu'il y a probablement tout au moins un lieu de causalité entre l'accident survenu en 1948 et les premiers symptômes d'arthrose constatés en 1950. Mais cet accident est survenu alors que B., au lieu de rentrer directement chez lui après le licenciement de la troupe, avait pris un chemin détourné, ce qui constituait une violation de ses devoirs de service. De plus, il a gravement violé les règles de la circulation, de sorte que, même si l'on se refuse à admettre que l'affection qui a entraîné la réforme est une maladie constitutionnelle, on doit néanmoins refuser l'exonération requise de par l'art. 2 litt. b LTM, car, étant donné les fautes commises par B., on ne saurait admettre l'existence du lien de causalité qu'exige la loi. Ce n'est pas le service qui est cause de l'accident, ce sont les fautes commises.
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D.- La Commission vaudoise de recours en matière d'impôt conclut au rejet du recours. Elle allègue en résumé:
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Il est incontestable que B. a commis une faute. Mais, étant donné qu'en cas d'accident survenu au service il y a très souvent faute de la victime, il faudrait fréquemment aussi apprécier la gravité de la faute pour décider de l'exonération de la taxe si l'on admettait que la faute peut exclure le rapport de causalité. Cela aurait des conséquences graves et n'est pas désirable du point de vue de la jurisprudence.
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E.- B. conclut, lui aussi, au rejet du recours.
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Considérant en droit:
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En principe, le service militaire comprend le jour de l'entrée au service et celui du retour; il en va ainsi du point de vue disciplinaire et pénal (art. 24 III du règlement de service qui était en vigueur en 1948), de même pour le paiement de la solde (art. 11 al. 2 de l'AF du 30 mars 1949 concernant l'administration de l'armée suisse) et pour le port de l'uniforme (art. 126 du règlement de service). Rentrent généralement au nombre des actes de la vie militaire tous les actes accomplis pendant la période ainsi fixée. Sans doute les actes de cette catégorie ne sont-ils pas tous spécifiquement militaires ou absolument commandés par des nécessités militaires. Ainsi, par exemple, les actes licites que le militaire accomplit pendant ses loisirs pour se délasser et se distraire seront, bien qu'ils n'aient rien de spécifique, considérés comme des actes militaires, parce qu'il est normal, utile, voire même nécessaire pour la bonne marche du service, que de tels actes soient accomplis.
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Il n'en va pas de même du trajet que fait un militaire après le licenciement pour rentrer chez lui par une voie détournée. Sans doute, le jour du licenciement compte-t-il au nombre des jours de service. Mais l'art. 155 du règlement de service précise qu'après le licenciement, le militaire doit rentrer chez lui par la voie la plus courte; s'il entend faire un détour, il doit en demander l'autorisation à son commandant d'unité. Quelle que soit du reste la pratique suivie et même s'il est d'usage que les supérieurs hiérarchiques n'exigent pas strictement que leurs subordonnés se munissent d'une autorisation pour les détours qui leur permettent encore de regagner leur domicile le jour même, il n'en reste pas moins que de tels détours sont en eux-mêmes et dès le principe en dehors de la vie militaire; ils ne peuvent être pour elle d'aucune utilité et le militaire, sauf mission de service exceptionnelle, ne les fait que pour des raisons strictement personnelles. On ne peut donc les assimiler aux actes de service comme on le fera, par exemple, pour les actes accomplis pendant les loisirs.
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Il suit de là qu'avec ou sans autorisation de son supérieur, dès lors qu'il se détournait de la voie la plus courte, B. n'accomplissait plus un acte militaire en rentrant chez lui après le licenciement. L'accident dont il a été victime ne peut être considéré comme un accident militaire et, supposé qu'il ait entraîné ou seulement aggravé une maladie ou une infirmité qui entraîne l'inaptitude, on ne pourrait dire, de ce fait, que l'inaptitude soit une conséquence du service.
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On ne saurait donc admettre qu'elle ait pu provoquer, ni même aggraver l'arthronose déformante et le rhumatisme chronique qui ont justifié la réforme de B.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral
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Admet le recours, annule la décision attaquée et constate que B. n'a pas droit à l'exonération de la taxe d'exemption en vertu de l'art. 2 litt. b LTM.
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